Chapitre 2 – Variabilité fonctionnelle intraspécifique: quantification, structure,
3. Quantification et structure des variabilités fonctionnelles intra- et
3.1. Quelle est l’ampleur de la variabilité fonctionnelle intraspécifique ?
population d’une espèce donnée.
L’évolution temporelle simultanée des différents traits fonctionnels (augmentation de Hmax
et LDMC et diminution de LNC) entraîne un « glissement » des espèces dans l’espace des
traits (Fig. 2.4 & 2.5) et une modification des stratégies fonctionnelles moyennes des
populations (éloignement d’elle-même et des autres dans l’espace des traits). La distance
entre les populations de deux espèces dans cet espace des traits reste constante ou augmente
avec l’avancement de la saison ce qui entraîne une conservation de la classification
fonctionnelle des espèces au cours de la saison en accord avec la bibliographie (Garnier et al.
2001, Al Haj Khaled et al. 2005 ; Fig. 2.5).
// Les sections 3 & 4 correspondent aux Articles 7 & 8, pour cette raison je n’y détaillerai
pas les méthodes utilisées.
3. Quantification et structure des variabilités fonctionnelles intra- et interspécifique
J’ai orienté l’étude de la variabilité fonctionnelle intraspécifique en suivant quatre
questions/objectifs principaux :
1. Quelle est l’ampleur de cette variabilité ?
2. Quelle est la structure spatiale de cette variabilité au sein des espèces ?
3. Cette variabilité est elle négligeable devant la variabilité interspécifique ?
4. Qu’implique-t-elle sur la définition des stratégies fonctionnelles ?
3.1. Quelle est l’ampleur de la variabilité fonctionnelle intraspécifique ?
Pour répondre à cette première question nous avons calculé les coefficients de variation pour
la hauteur végétative (Hmax), la teneur en matière sèche des feuilles (LDMC), la teneur en
azote (LNC) et en carbone (LCC) des feuilles, la surface spécifique foliaire (SLA) et
l’exposition de l’inflorescence (ExplInflo) pour les seize espèces échantillonnées en vallée de
la Guisane. Pour chacune de ces espèces entre six et dix huit populations ont été
échantillonnées en maximisant l’hétérogénéité des conditions environnementales prises en
compte (Chapitre 1). Grâce à notre stratégie d’échantillonnage, nous avons réussi à
échantillonner pour chaque espèce une part relativement large de sa distribution altitudinale
(Tableau 1.2). Cette quantification a aussi permis de comparer la variabilité des différentes
formes de vie (graminoïdes, herbacées, ligneux bas et haut), des espèces ayant des exigences
écologiques différentes (amplitude de leur distribution altitudinale dans les Alpes françaises,
altitude moyenne de cette distribution, amplitude altitudinale échantillonnée, degré de
spécialisation Tableau 1.2).
Fig. 2.8. Distributions de la teneur en matière sèche des feuilles entre et au sein des espèces (issue de
l’Article 8) L’estimation par densité de kernel est une méthode non paramétrique pour estimer la densité de
probabilité d’une variable aléatoire. Ici elle donne l’estimation de la distribution de la teneur des feuilles en
matière sèche pour les 13 espèces étudiées.
Fig. 2.9. Décomposition de la variance en contributions inter- et intraspécifique pour chaque trait
(issue de l’Article 8). Pour quatre traits (LNC= teneur des feuilles en azote, Hmax= Hauteur végétative,
LDMC= teneur des feuilles en matière sèche et SLA= Surface spécifique foliaire) la figure donne la
décomposition de la variance en pourcentages dus aux différents niveaux: espèce, entre populations et au sein des
populations (niveaux de gris). La décomposition est donnée pour chaque site d’étude (Gui pour Guisane et Anz
Les six traits mesurés se sont révélés fortement variables, aussi bien entre espèces (LDMC
moyen entre 142 mg.g
-1à 518 mg.g
-1), qu’au sein de chaque espèce. Hmax était
particulièrement variable au sein des espèces (CV de 0,19 à 0,49); SLA était également assez
fortement variable (CV de 0,13 à 0,32), plus que LNC (CV de 0,09 à 0,29) et que LDMC (CV
de 0,07 à 0,24). Ces différences de variabilité entre traits corroborent les résultats de Garnier
et al. (2001), Roche et al. (2004) et Wilson et al. (1999) qui prônent l’utilisation de la LDMC
comme trait le plus robuste pour localiser les espèces sur un axe d’acquisition/conservation
des ressources (Fig. 2.6).
Toutes les espèces ne se sont pas montrées autant variables et tous les traits mesurés pour
une même espèce n’étaient pas toujours autant variables. Par exemple T. alpinum était
l’espèce la plus variable pour Hmax (CV=0,46) et la moins variable pour LNC (CV=0,09). La
question de la variabilité doit donc se poser non pas à l’échelle de l’espèce mais plutôt à
l’échelle du trait. D’ailleurs nous n’avons trouvé aucun patron de variabilité par rapport aux
formes de vie, aux exigences écologiques ou à l’ampleur de l’échantillonnage effectué pour
chaque espèce (analyses non présentées). Cette absence de patron pourrait être due au
caractère idiosyncratique de la variabilité intraspécifique, cependant notre dispositif n’est
pas très puissant pour montrer des différences entre formes de vie par exemple (une seule
légumineuse).
La forte variabilité fonctionnelle intraspécifique que nous avons observée et dont l’ampleur
dépendait à la fois des traits et des espèces suggère que l’utilisation de moyennes de traits
pour décrire une espèce est une approche très restrictive de la réalité. Il est évident que la
variabilité que nous avons mesurée sur le terrain résulte d’un très grand nombre de facteurs
et processus environnementaux, biologiques et écologiques comme : l’âge des individus
(impossible à connaitre pour les espèces herbacées) et des feuilles (normalement standardisé
par le protocole de mesure : c’est la dernière feuille mature qui doit être mesurée) ; les
conditions abiotiques, les conditions biotiques, les perturbations et les différences
d’avancement phénologique entre individus. Comme nous l’avons déjà évoqué dans la
section précédente, les possibles différences d’avancement phénologiques entre individus et
entre populations sont une limite évidente de cette étude. En effet ces différences ne sont pas
facilement mesurables et sont donc inclues implicitement dans nos mesures de terrain, du
fait de la nécessité pour notre étude de couvrir beaucoup de populations en une saison.
Cependant nous avons procédé comme cela est fait usuellement dans les études reposant sur
des traits fonctionnels en suivant les protocoles établis (Garnier et al. 2001 ; Cornelissen et al.
2003 ; Garnier et al. 2001), nous avons donc des erreurs de mesures qui doivent être du même
ordre de grandeur que celles existant dans la littérature et les bases de données.
Fig. 2.10. Structure fonctionnelle multidimensionnelle et compromise de traits à l’échelle
interspécifique (issue de l’Article 8). Cercles de corrélation entre les 5 traits mesurés (LNC= teneur des
feuilles en azote, Hmax= Hauteur végétative, LDMC= teneur des feuilles en matière sèche ; SLA= Surface
spécifique foliaire et LCC= teneur des feuilles en carbone), obtenus à partir d’ACP inter-groupes.
Fig. 2.11. Dispersion des différents
niveaux d’organisation étudiés : espèces,
populations et individus dans l’espace des
traits (issue de l’Article 8).
Les ellipsoïdes d’inertie englobent 65% des
données individuelles de chaque espèce, pour
une question de lisibilité. On retrouve la
projection des centres de gravité de chaque
espèce et celle des individus (étoiles grises)
définie à partie d’ACP inter-groupe. (A)
Projection des centres de gravité (moyennes)
des espèces et des populations dans le plan de
l’espace des traits défini par les axes 1 et 2 de
l’ACP inter-groupe. Les traits moyens de
chaque population étudiée sont représentés par
des points dont la couleur correspond à la
température (Tminh) de la population. Les
points les plus foncés (resp. clairs)
correspondent aux populations les plus froides
(resp. chaudes). (B) Projection des centres de
gravité des espèces et de tous les individus
dans l’espace des traits défini par les deux
premiers axes de l’ACP inter-groupe. Les
demi-cercles gris montrent l’agencement des
différentes formes de vie dans l’espace des
traits
Grasses
3.2. Quelle est la structure spatiale de la variabilité fonctionnelle intraspécifique au sein des
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Variabilité fonctionnelle intraspécifique: quantification in situ et implications dans une vallée alpine
(Page 86-90)