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L’érythropoïétine et ses dérivés

2. L’Erythropoïétine carbamylée (CEpo)

2.1. Principe de synthèse

Le récepteur à l’Epo responsable de la neuroprotection est structurellement différent du récepteur de l’érythropoïèse (Brines, Grasso et al. 2004). Sur la base de cette observation, il est licite de penser que des modifications structurelles de l’Epo peuvent neutraliser son effet sur l’érythropoïèse sans altérer sa faculté de protéger les tissus. La carbamylation des lysines est un processus bien connu pour altérer la conformation et la

fonction d’une protéine. La CEpo est ainsi obtenue par carbamylation des lysines de l’Epo en homocitrulline (Leist, Ghezzi et al. 2004).

2.2. Mécanismes cellulaires impliqués

La CEpo n’a pas d’affinité pour le récepteur classique de l’érythropoïèse mais pour le récepteur à l’Epo (R-Epo) interagissant avec la sous-unité du récepteur commun Beta (βcR) appelée CD131 (Brines, Grasso et al. 2004). Cette affinité de la CEpo a pu être mise en évidence grâce à l’utilisation de souris KO pour le récepteur βcR.

Concernant les mécanismes cellulaires impliqués, il existe un grand degré d’incertitude. Les voies cellulaires impliquées dans la protection des tissus ne semblent pas passer par la phosphorylation des protéines STAT-5 et Jak2 contrairement à l’EpoR classique de l’érythropoïèse (Leist, Ghezzi et al. 2004). La voie PI3K/Akt semble par contre être activée par la CEpo (Xu, Cao et al. 2009) dans un modèle d’ischémie myocardique chez la souris. Cette activation de la voie PI3K/Akt a été également retrouvée dans un modèle d’ischémie-reperfusion rénale (Imamura, Isaka et al. 2006). La voie PI3K/Akt est notamment impliquée dans la modulation des phénomènes inflammatoires dans un modèle de choc endotoxinique chez la souris (Guha et Mackman 2002), ainsi l’activation de cette voie de signalisation intracellulaire pourrait interférer avec les phénomènes inflammatoires secondaires aux lésions tissulaires. Cependant cette voie cellulaire ne rend pas compte de tous les mécanismes mis en jeu par l’interaction de la CEpo avec son récepteur et d’autres voies de signalisation intracellulaire doivent être mises en jeu.

Concernant le passage de la CEpo à travers la BHE, l’injection intra-veineuse de 44µg/Kg de CEpo chez le rat sain s’accompagne d’une élévation de la concentration de CEpo dans le LCR de manière similaire à l’Epo (Leist, Ghezzi et al. 2004).

2.3. Etudes expérimentales

L’existence d’une Epo spécifique de la protection tissulaire constitue un espoir thérapeutique pour une application clinique ultérieure. Ainsi de nombreux modèles expérimentaux ont exploré les propriétés de la CEpo pour limiter les dommages tissulaires.

2.6.1. Ischémie cérébrale

Leist et coll. ont été les premiers à décrire les effets d’un traitement par CEpo dans un modèle d’ischémie cérébrale (occlusion permanente de l’artère cérébrale moyenne chez le rat) (Leist, Ghezzi et al. 2004). L’administration de CEpo 1h ou 4h après l’occlusion du vaisseau à la dose de 50 µg/Kg a permis ainsi de réduire le volume cérébral infarci. Ces résultats ont été confirmés ensuite par la même équipe (Villa, van Beek et al. 2007) dans un modèle d’ischémie cérébrale focale, retrouvant une diminution du volume cérébral infarci ainsi qu’une amélioration des fonctions sensitivomotrices. Une réduction de la neuroinflammation était également retrouvée en mesurant l’activation microgliale et l’infiltration leucocytaire. Wang et coll utilisèrent également des scores d’évaluation neurocomportementaux jusqu’à 28 jours après une ischémie cérébrale par mécanisme embolique (Wang, Zhang et al. 2007) afin de démontrer l’effet de la CEpo sur le devenir neurologique. Enfin Lapchak et al, dans un modèle d’ischémie cérébrale chez le lapin, ont également montré une amélioration des scores neurologiques après administration de CEpo à la dose de 50 µg/Kg 1h, 3h ou 6h après l’ischémie (Lapchak, Kirkeby et al. 2008).

2.3.1. Traumatisme crânien

La première description des propriétés neuroprotectrices de la CEpo en traumatologie revient à Mahmood et coll. dans un modèle d’impact cortical contrôlé (Mahmood, Lu et al. 2007). L’injection de CEpo à la dose de 50 µg/Kg en intra-péritonéal à la 6ème ou 24ème heure après le TC permit d’améliorer la mémorisation des rats traités par CEpo (labyrinthe de Morris) ainsi que

d’augmenter le nombre de cellules prolifératives dans le gyrus denté. Dans un modèle de TC in vitro, Adembri et coll démontrèrent également une diminution de la mort cellulaire post-traumatique (Adembri, Massagrande et al. 2008). Enfin, Xiong et al. avec le même modèle d’impact cortical contrôlé ont démontré une amélioration de scores comportementaux ainsi qu’une diminution des lésions tissulaires en histologie avec une administration de CEpo itérative (3 injection à 6H, 24H et 48H post-TC) versus une seule injection 6 heures après le TC (Figure 31) (Xiong, Mahmood et al. 2011).

Figure 31 : Volume lésionnel mesuré en histologie chez des rats TC-placebo (Vehicle), TC-CEpo dose unique (CEPO x 1) et TC-CEpo trois injections (CEPOx3) d’après Xiong et coll, 2011.

2.3.2. Cardioprotection

La première étude traitant de la cardioprotection par la CEpo utilisa un modèle d’ischémie myocardique in vivo et démontra que la CEpo injectée à la dose de 50 µg/Kg une fois par jour pendant 7 jours pouvait diminuer la perte de cardiomyocytes post-ischémique (Figure 32) et améliorer les performances cardiaques mesurées par échocardiographie (Fiordaliso, Chimenti et al. 2005).

Figure 32 : Taille de l’infarctus du myocarde chez des rats témoins sans ischémie (Sham), avec ischémie traités par CEpo (CEpo) et avec ischémie mais sans traitement (Vehicle) d’après Fiordasilo et coll, 2005.

Cette étude a été ensuite confirmée par deux autres études expérimentales (Moon, Krawczyk et al. 2006; Xu, Cao et al. 2009) utilisant une injection de CEpo à la dose de 30 µg/Kg et 100 µg/Kg respectivement.

2.3.3. Autres modèles expérimentaux

Parmi les autres cibles thérapeutiques potentielles, deux sont particulièrement exploitées. Il s’agit du traumatisme médullaire et de la neuropathie diabétique.

Dans un modèle de compression de moelle épinière chez le rat, Leist et coll. ont montré une amélioration des scores moteurs par l’administration itérative de CEpo à la dose de 10 µg/Kg (0, 24 et 72 heures) (Leist, Ghezzi et al. 2004). Ces résultats ont été confirmés dans un modèle d’hémisection de moelle épinière, retrouvant une diminution des lésions de 36% par rapport au groupe de rats témoins (King, Averill et al. 2007). Dans un modèle génétique de dégénérescence de motoneurones, l’administration chronique de CEpo a également entrainé une diminution des motoneurones détruits (Mennini, De Paola et al. 2006).

Concernant la neuropathie diabétique, deux études expérimentales ont montré un effet analgésique de la CEpo (Leist, Ghezzi et al. 2004) et une prévention de la dystrophie nerveuse (Schmidt, Green et al. 2008).

D’autres modèles ont également été utilisés comme l’encéphalite auto-immune (Leist, Ghezzi et al. 2004), la neuropathie périphérique à la Cisplatine (Bianchi, Brines et al. 2006), les lésions cérébrales radioinduites (Erbayraktar, de Lanerolle et al. 2006) ou l’ischémie-reperfusion rénale (Imamura, Isaka et al. 2007).