• Aucun résultat trouvé

3. MÉTHODOLOGIE

3.3 Contraintes pratiques

3.3.2 L’enseignante

À ce point, il est essentiel de décrire l’enseignante, qui agit aussi comme chercheuse dans cette étude, afin d’exposer en toute transparence son parcours, ses intérêts, sa vision de l’enseignement, en particulier en milieu défavorisé, et ses méthodes de travail.

Tout d’abord, au moment de l’intervention, la jeune enseignante, diplômée en enseignement du français au secondaire en 2006, pratique la profession depuis un peu moins de deux ans. C’est au cours de sa formation universitaire qu’elle développe un intérêt pour la didactique et qu’elle décide, à son terme, d’entreprendre des études supérieures, tout en commençant sa carrière. Elle se dit donc relativement au fait des avancées scientifiques dans le domaine et fort intéressée par ce dernier. Plus que tout, elle aime conjuguer théorie et pratique, de là son ambition de mener une recherche-action. Aussi, son intérêt pour la didactique va de pair avec la fascination qu’exerce tôt sur elle la pratique en milieu défavorisé, sans doute dû en partie à son père, enseignant d’histoire au secondaire, qui œuvre avec plaisir depuis une quinzaine d’années dans ce milieu et lui en parle abondamment. Elle y fait donc des stages et y accumule de l’expérience, en faisant de la suppléance notamment. Elle affirme trouver dans ce milieu un réel défi, celui de combler l’écart entre la culture scolaire et la culture populaire, défi que la didactique peut contribuer à relever, selon elle, en agissant

sur la motivation notamment. Elle dit aussi s’y sentir grandement appréciée et valorisée, une fois le lien de confiance créé entre les élèves et l’enseignante.

En ce qui concerne sa vision de l’enseignement et ses méthodes de travail, l’enseignante a rapidement développé différentes façons de faire sur la base de conseils prodigués par d’autres enseignants oeuvrant en milieu défavorisé, de son expérience professionnelle ainsi qu’à travers ses lectures sur le sujet.

Premièrement, elle croit grandement en l’importance d’installer une bonne gestion de classe dès le début de l’année scolaire, afin de créer un climat de classe propice à l’apprentissage et de minimiser les comportements dérangeants et perturbateurs. Ainsi, elle est parfaitement d’accord avec l’affirmation faite par Chouinard dans un article paru en 1999 : « (…) la gestion de classe est une des variables qui influe le plus sur la réussite scolaire. En effet, une gestion de classe efficace permet d’utiliser de façon optimale le temps consacré à l’apprentissage et assure le bon déroulement des activités pédagogiques. » (p. 497) Cette préoccupation doit se traduire par le développement de comportements et attitudes de l’enseignant absolument fondamentaux. Par exemple, comme le mentionnent Archambault et Chouinard (2003), dans le chapitre intitulé La motivation des élèves à bien se comporter, il est crucial, en gestion de classe, de faire preuve de constance: « La constance est l’ingrédient de base du respect de toute règle et de toute procédure. L’enseignant qui ne fait pas preuve de constance ne peut s’attendre à ce que les élèves respectent les règles et les procédures, même celles qu’ils auront contribué à choisir. » (p. 108) C’est pourquoi l’enseignante, après avoir décidé de règles de classe avec ses élèves, a développé un système d’avertissements qu’elle applique à la lettre : chaque fois qu’un élève parle sans avoir reçu le droit de parole en levant la main, ou qu’il dérange, elle ignore les paroles et donne discrètement un avertissement, sans toutefois ralentir le cours. Après trois avertissements, l’élève est envoyé au local de retrait pour le reste de la période, puis doit se présenter pour une courte rencontre avec l’enseignante.

Trois autres principes formulés par ces auteurs font partie des priorités de l’enseignante : la sensibilité à ce qui se passe dans la classe, le maintien du rythme et le chevauchement des activités et le respect des élèves. En effet, l’enseignante tente constamment de prendre le pouls des élèves afin de détecter les comportements inadéquats comme d’éventuelles baisses d’intérêt ou signes d’incompréhension de la part d’élèves, ce qui se traduit d’ailleurs par la formulation du principe directeur de compréhension des élèves faite au point 3.2.1. Aussi, dans le même ordre d’idées, elle pense important d’agir afin de maintenir un rythme adapté au groupe, de faire « (…) en sorte que les événements se succèdent en douceur, de façon continue et selon un ordre logique, plutôt que de suivre un rythme trop rapide et de terminer les activités abruptement. » (Archambault et Chouinard, 2003: p. 111) Au sein de la classe doit par ailleurs régner invariablement le respect. C’est pourquoi l’enseignante affirme se montrer en tout temps respectueuse de ses élèves. Comme le disent Archambault et Chouinard (2003), « Respecter l’élève, c’est lui montrer qu’on l’accepte, quoi qu’il fasse. C’est lui faire sentir qu’on lui accorde de la valeur en tant que personne, même si on désapprouve son comportement, et qu’on lui demande de la changer. » (p. 115). Cela lui permet de préserver le lien tissé avec chacun, un lien crucial, en particulier dans un milieu défavorisé selon le groupe de travail sur le projet de développement de l’expertise et de l’accompagnement en matière d’intervention en milieu défavorisé, mis sur pied par le MELS dans le cadre du programme « Agir autrement ». En effet, ce groupe de professionnels propose l’établissement de relations harmonieuses comme solution pour pallier différentes problématiques rencontrées régulièrement par les enseignants en milieu défavorisé: « (…) des élèves sont impolis ou font usage de violences verbales envers l’enseignant ou entre eux; des élèves commencent souvent après tout le monde, font répéter les consignes, travaillent peu longtemps; des élèves font peu de choses, ne s’engagent pas, ne sont pas intéressés par ce qui est présenté, le niveau de motivation semble être à zéro. » (Groupe de travail SIAA Montréal, 2009: pp. 2-3.)

Pour clore ce portrait de l’enseignante, mentionnons que cette dernière se dit à l’aise avec l’application des principes formulés comme gage de succès, particulièrement en milieu défavorisé, mais aussi consciente de l’apport d’années d’expérience qu’elle ne détient pas encore pour réviser et améliorer ses méthodes de travail. Comme le dit Chouinard (1999), « (…) la gestion de classe représente la préoccupation majeure des enseignants en début de carrière ainsi que leur principale source de difficultés. » (p. 498). Il lui reste donc beaucoup à apprendre autant en pédagogie qu’en didactique, et c’est une des raisons pour lesquelles elle adore déjà la profession : on n’a jamais fini d’apprendre!