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2. CADRE CONCEPTUEL

2.3 Transfert de connaissances

2.3.1 Définition et contraintes

Les chercheurs qui s’intéressent au transfert en proposent inévitablement une définition. Au cours de nos recherches sur le sujet, nous avons remarqué que ces différentes façons de définir le transfert partagent et véhiculent des idées fortement semblables tout en recelant chacune leur pertinence. Nous présentons ici trois définitions du transfert.

En ce qui concerne les travaux de Tardif, plus précisément ici son ouvrage entièrement consacré au transfert, Le transfert des apprentissages (1999), le processus est défini de la manière suivante : « Le transfert d’un apprentissage fait essentiellement référence au mécanisme cognitif qui consiste à utiliser dans une tâche cible une connaissance construite ou une compétence développée dans une tâche source. » (p. 58). En d’autres mots, le transfert consiste en une recontextualisation, dans une tâche cible, d’acquis (connaissance ou compétence) réalisés dans une tâche source. On comprend donc que l’expression « tâche source » fait référence au lieu ou moment d’acquisition d’une connaissance ou de développement d’une compétence alors qu’une tâche cible en est plutôt le lieu de déploiement, de recontextualisation, comme le dit Tardif. Puis, en faisant référence aux propos de Bracke (1998), auteure dont les propos font partie intégrante de ses sources, il affirme que le transfert mène le plus souvent à la

construction d’une ou de plusieurs nouvelles connaissances, par une modification des structures en mémoire à long terme, mais que ce type d’apprentissage est particulier sur le plan des processus cognitifs qu’il sous-tend. En d’autres termes, la conclusion réussie du processus n’est pas, pour Tardif, la seule façon d’apprendre mais il s’agit certainement d’une façon d’apprendre, une caractéristique notée par la vaste majorité des auteurs que nous avons lus. D’ailleurs, pour éviter la redondance, nous reviendrons sur d’autres propos tenus par Tardif au moment de présenter ceux de Bracke.

Dans le chapitre 8 de l’ouvrage Apprendre et faire apprendre (Bourgeois et Chapelle, 2004), Frenay et Bédard s’intéressent au transfert de façon théorique, dans un premier temps, puis en proposant des pistes d’action aux enseignants. Ils débutent en passant en revue quatre conceptions du phénomène issues de divers courants, avant d’en proposer une définition : « En synthèse, nous définissons le transfert des apprentissages comme la capacité qu’a un apprenant de résoudre de nouvelles situations en mobilisant les connaissances apprises antérieurement dans des situations différentes. » (p. 126) Puis, après une analyse succincte du concept, ils résument leurs propos par cinq assertions, dont les trois premières, citées plus bas, nous apparaissent particulièrement pertinentes (p. 127):

« 1) le transfert implique la mise en relation et l’adaptation, dans un contexte nouveau et inhabituel, d’une connaissance acquise précédemment;

2) le transfert mobilise plus qu’une connaissance mais aussi des habiletés cognitives, métacognitives et des dispositions liées aux contextes d’apprentissage et de mobilisation;

3) le transfert fait appel à l’action (la résolution de problème ou la réalisation d’une tâche) et se différencie ainsi de l’application simple de connaissances ».

Ces principes nous semblent pertinents pour différentes raisons. Premièrement, on retient que le transfert implique que l’individu se retrouve dans un contexte nouveau où il doit se mettre en action, et non une tâche routinière où il n’a qu’à appliquer des connaissances. On fait, du coup, référence à la

résolution de problème, un contexte auquel nous avons relié la situation d’écriture à l’aspect 2.2.2. Aussi, on comprend, à travers la deuxième assertion de Frenay et Bédard, que le transfert n’est pas seulement une question de connaissances, mais aussi d’habiletés et de contextes d’apprentissage et de mobilisation, contextes sur lesquels l’enseignant peut agir.

En ce qui concerne Bracke, c’est au terme d’une analyse théorique constituant sa thèse de doctorat (1998) que l’auteure propose, pour une première fois, définition et modèle du transfert, avant de les peaufiner, dans un chapitre du collectif Le transfert des apprentissages : comprendre pour mieux intervenir (2004), se voulant accessible aux enseignants. Pour la chercheuse, le transfert est un processus approximatif qui vise à réutiliser des connaissances acquises antérieurement dans un contexte nouveau, nécessitant la résolution de problème. Avant d’étayer cette définition, autant en 1998 qu’en 2004, la scientifique met l’accent sur un élément fondamental de sa définition, en postulant deux contraintes ou prémisses qui font, comme ceux de Tardif (1997, 1999) et ceux de Frenay et Bédard (2004), écho au modèle d’écriture présenté plus tôt :

a) Le transfert se produit toujours dans un contexte de résolution de problème;

b) L’environnement est considéré comme une riche source d’informations. Rappelons que la tâche d’écriture est considérée par Hayes et Flower (1980) comme un contexte nécessitant la résolution de problème, tandis que l’environnement est perçu comme une composante majeure du modèle en question. Les liens entre écriture et transfert continuent ainsi à se resserrer.

Pour éclairer davantage le lecteur sur ce phénomène somme toute assez complexe, deux remarques de Bracke (1998, 2004) et de Tardif (1997, 1999), dont la dernière fait écho aux assertions de Frenay et Bédard (2004), s’avèrent importantes:

a) Lorsque conclu avec succès, le transfert entraine la construction d’au moins une nouvelle connaissance.

b) Il doit être distingué de l’application, un processus qui vise à réutiliser des connaissances dans une situation déjà connue, c’est-à-dire une tâche pour laquelle on connait la suite d’étapes à franchir, ce qui ne génère pas de nouvelles connaissances.

Malgré tout l’intérêt que recèlent ces définitions et les précisions qui en donnent le cadre, la dynamique du transfert et aussi la raison pour laquelle on le qualifie d’approximatif demeurent jusqu’ici floues, ce à quoi remédie le modèle du processus de Bracke (1998).