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Une avancée méthodologique : l’approche biographique

1.3 Les enjeux actuels

1.3.3 L’enjeu méthodologique

L’évolution des Observatoires s’accompagne de différents enjeux méthodologiques liés à la fois à la multiplication des données suivies et à l’évolution des outils de collecte électronique.

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Multiplication des suivis

Le suivi démographique porte sur le suivi des entrées (immigrations, naissances) et des sorties (émigrations, décès) qui sont les données minimales à collecter. Ces données sont assorties de dates et de motifs (pour les migrations) ou de causes (pour les décès, via des questionnaires d’autopsies verbales35). Néanmoins, pour répondre aux besoins de recherche des différentes disciplines, d’autres événements font, ou pourraient faire, l’objet de suivis additionnels. Ainsi pour les aspects démographiques, la situation matrimoniale est un indicateur couramment utilisé pour expliquer les comportements économiques ou de santé. Il est important dès lors d’enregistrer tous les changements d’état matrimonial (mariages, divorces, veuvages) des individus, assorties de dates et d’information sur le conjoint (identification). L’éducation est aussi un facteur clé d’explication des comportements et mérite aussi un suivi particulier. Ce sont les trajectoires scolaires qui sont parfois renseignées et pour les plus jeunes la scolarisation peut être suivie par l’enregistrement des niveaux atteint, des dates d’abandons mis à jour à chaque passage. Pour les aspects épidémiologiques, le suivi de la morbidité des individus permet de mesurer le poids des maladies sur les autres domaines de vie (économie du ménage par exemple) et son lien avec les comportements de santé. Pour les aspects économiques un suivi est parfois en place au niveau des ménages, avec un relevé des biens possédés par le ménages, et à des pas de temps beaucoup plus espacés que le suivi démographique. Pour les aspects environnementaux, les relevés de climat, de sol, se font à des niveaux différents (hameaux, villages) et avec des pas de temps variables selon les données et les besoins.

Ainsi les Observatoires doivent intégrer des données de niveaux différents (individus, ménages, unités géographiques plus ou moins large), enregistrées à des pas de temps variables. L’intérêt grandissant portés aux données d’Observatoires et les exigences vers une recherche de plus en plus pluridisciplinaire oriente la production de données vers une plus grande complexité. Pour répondre aux impératifs de la recherche actuelle, l’un des enjeux des Observatoires est de savoir intégrer ces différents suivis, échelles et niveaux dans une même base de données qui permettent leur mise en lien pour une meilleure compréhension des phénomènes et de leurs interrelations.

Le passage à l’outil électronique

Pour les besoins de cette collecte de plus en plus complexe, l’outil électronique devient une nécessité. Il représente non seulement un gain de temps (plus de parier à imprimer, plus de saisie à organiser), mais offre des potentialités nouvelles d’usage de données déjà connu par l’Observatoire et de mise en cohérence des données.

Ce passage à l’outil électronique pour des équipes qui ont travaillés avec les questionnaires papier représente une véritable révolution. Les enquêteurs de terrain doivent acquérir de nouvelles compétences et la supervision doit être repensée. C’est un véritable enjeu auxquels sont confrontés le Observatoires aujourd’hui. Les discussions et échanges autour de cet enjeu se font dans le cadre du réseau Indepth, qui joue un rôle important dans le développement d’applications adaptables à différents supports, qu’il s’agisse du suivi démographique modulable (Open HDS) ou des autopsies verbales. Pour ces dernières, le développement d’applications sort du contexte du réseau et on dispose aujourd’hui de plusieurs alternatives encore à l’état de test. Leur usage est envisagé dans le contexte de l’Etat Civil et les implications économiques sont grandes.

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Open Data : rendre les données accessibles

Les données d’Observatoire sont encore largement sous exploitées, en raison d’équipes restreintes, sous-dimensionnées, généralement centrées sur la production de données et l’implémentation des programmes de recherche. Le temps de recherche y est contraint par les besoins des programmes et les attentes des bailleurs. Le partage des données représente donc un enjeu d’importance, dont la reconnaissance augmente et pour lesquels des moyens se développent.

Ainsi, les données de nombreux Observatoires sont en libre accès sur l’entrepôt de données du réseau INDEPTH (Herbst et al., 2015 ; Sankoh et al., 2013a). Il s’agit de données individuelles anonymisées des entrées et sorties, accompagnées de métadonnées qui décrivent le processus de production de ces données. L’accès libre aux données d’Observatoires est attendu par la communauté scientifique (Chandramohan et al., 2008). Tout comme l’accès libre aux données des Enquêtes Démographiques et de Santé a permis d’accélérer la production de connaissances, il permettra de décupler les capacités d’analyse et favorisera la production de recherches innovantes.

Pour l’heure, l’accès libre à ces données de base permet de faire connaître les données et favorise les collaborations entre les Observatoires et les équipes de recherche qui souhaitent développer des programmes en s’appuyant sur cette méthodologie.

1.4 Conclusion

L’histoire des Observatoires montre comment la méthodologie des Observatoires s’est développée d’abord en Afrique, puis en Asie, dans des contextes où les données sur la population font défaut. Niakhar n’est pas le premier site, mais est aujourd’hui le plus ancien en fonctionnement. La plupart des Observatoires se sont développés autour de projets en santé (essai clinique, épidémiologie, accès aux soins). Ils utilisent tous une même méthodologie à savoir un suivi de cohorte sur une zone géographique délimitée. Leur multiplication dans les années 1990 a conduit à la création du réseau Indepth en 1998, qui a facilité les échanges et les renforcements de compétences, et a accéléré le rythme de création de nouveaux sites.

L’exemple de l’Observatoire de Niakhar montre bien comment on est passé d’un projet monodisciplinaire (démographie) qui visait à pallier les insuffisances de l’état civil à un système d’observation pluridisciplinaire qui ambitionne de produire des indicateurs suivis dans les domaines de la population, la santé et l’environnement afin de permettre les croisements entre les trajectoires de dimensions et d’échelles différentes.

L’approche longitudinale présente un intérêt certain pour les différentes disciplines. C’est à la fois la production d’indicateurs suivis, l’enregistrement précis de la chronologie des événements, la profondeur historique, le cumul des connaissances et la plate-forme d’essais méthodologiques qui rend les Observatoires utiles aux différents champs de recherches.

Les enjeux actuels sont de 3 ordres. Tout d’abord des enjeux éthiques, car ces collectes continues sont confrontées à des questions différentes des enquêtes classiques (lassitude de la population, sur- enquête, validité du consentement, bénéfice) et doivent trouver des arrangements ad hoc pour assurer les règles éthiques (respect de la personne, bienfaisance et justice). En second lieu, des enjeux institutionnels, car il est important que les Observatoires intègrent les agendas au niveau local, national, régional et international (SSN, Etat Civil) et assurent la diffusion des résultats auprès des acteurs. Enfin des enjeux méthodologiques pour s’adapter sans cesse aux nouvelles technologies dont

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les progrès ces dernières décennies ont révolutionné le monde des enquêtes et démultiplient les possibilités.

La légitimité des Observatoires de Population n’est donc plus à démontrer. Même si les défis à surmonter sont nombreux, l’avenir devrait voir évoluer les Observatoires existant vers des mises en réseaux au niveau national, une appropriation (au moins partielle) par l’Etat de ces outils, et une ouverture à la pluridisciplinarité Population, Santé, Environnement.

2 Les apports des Observatoires dans