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C HAPITRE 4 : D ISCUSSION

A- L ES EFFETS SUR LA PROTECTION OFFERTE AUX SALARIÉS

Tel que mentionné en guise d’introduction du présent mémoire de recherche, l’objectif premier du droit du travail est la protection qui doit être offerte aux salariés. Pendant longtemps, les parties à la relation de travail, par le biais de négociations individuelles ou collectives, déterminaient conjointement les règles devant les régir. Toutefois, nous nous retrouvons aujourd’hui avec une nouvelle façon de déterminer les règles régissant les conditions de travail puisque l’État tend à intervenir davantage afin de protéger les salariés. Mentionnons que deux catégories de lois différentes visent à offrir une meilleure protection à la « personne » des salariés. La première catégorie de lois a pour objectif d’offrir des conditions de travail minimales alors que la seconde catégorie est constituée de lois constitutionnelles et quasi-constitutionnelles en lien avec les droits de la personne. C’est cette deuxième catégorie de lois qui est à la base du phénomène de la constitutionnalisation.251

À ce stade, il est utile de rappeler que selon les auteurs Brunelle, Coutu et Trudeau les effets de la constitutionnalisation sur le droit du travail en général sont au nombre de trois : uniformisation, complexification et modernisation. Rappelons brièvement que selon ces auteurs, la constitutionnalisation du droit du travail a un effet d’uniformisation en ce qu’elle fait en sorte que les mêmes normes sont appliquées tant aux salariés syndiqués qu’aux salariés non-syndiqués et qu’elle a un effet de complexification en ce qu’elle fait en sorte que les dispositions constitutionnelles s’immiscent tant dans l’exercice des droits de direction de

l’employeur que dans l’exercice de la représentation syndicale.252 Toutefois, aux fins

de la présente sous-section c’est au troisième effet que nous nous attarderons. Plus précisément, nous nous attarderons à l’effet de modernisation, selon lequel le phénomène de la constitutionnalisation du droit du travail offrirait une nouvelle forme de protection plus moderne et favorable aux intérêts personnels des salariés.253 Ainsi, aux fins de la présente sous-section, nous allons nous attarder à

l’effet de modernisation du phénomène de la constitutionnalisation du droit du travail afin de déterminer si, effectivement, les décisions que nous classons dans une logique II, lorsque nous les comparons aux décisions que nous classons dans une logique I, sont davantage favorables aux intérêts des salariés. Si tel est le cas, nous pourrons conclure qu’il existe un lien intime entre notre logique II et les effets du phénomène de la constitutionnalisation du droit du travail.

Afin de discuter de cet élément, nous avons décidé de classer les décisions analysées dans un tableau, selon le type de réglementation contrôlée par les arbitres de griefs. Aussi, nous sommes d’avis que lorsque le grief formulé par le salarié ou le syndicat est accueilli, il s’agit d’une décision favorable aux intérêts des salariés alors que lorsque le grief, toujours formulé par le salarié ou le syndicat est rejeté, il s’agit d’une décision favorable aux intérêts des employeurs. Toutefois, mentionnons que les conclusions que nous tirons, à l’aide de ce tableau, doivent être interprétées avec nuance en raison du fait que parfois des griefs sont, à la base, favorables à l’une des deux parties, sans que l’arbitre ne joue un rôle significatif.

252 Id. 253 Id.

Tableau XXVII : Tableau synthèse quant aux décisions favorisant les intérêts des salariés

Décisions rendues selon une LOGIQUE I

Décisions rendues selon une LOGIQUE II Favorisant salariés Favorisant employeurs Favorisant Salariés Favorisant Employeurs

Réglementation relative à l’apparence personnelle

7/21 : 33% 14/21 : 67% 5/7 : 71% 2/7 : 29% Réglementation relative à la personne

physique

3/9 : 33% 6/9 : 67% 2/3 : 66% 1/3 : 33% Réglementation relative à la gestion

des absences pour cause de maladie

5/12 : 42% 7/12 : 58% 2/2 : 100% 0 Réglementation relative aux pouvoirs

que l’employeur se donne à l’intérieur du temps et du lieu de travail

2/3 : 66% 1/3 : 33% 1/4: 25% 3/4 : 75%

Réglementation relative aux pouvoirs que l’employeur se donne à l’extérieur du temps et du lieu de travail

4/8 : 50% 4/8 : 50% 0 0

21/53 : 40% 32/53 : 60% 10/16 : 63% 6/16 : 37%

À la lecture de ce tableau, nous constatons, avec une proportion de décisions importante que dans une logique I, la majorité des décisions rendues (60%) favorisent les intérêts des employeurs alors que dans une logique II, la majorité des décisions rendues (63%) favorisent les intérêts des travailleurs. Ainsi, lorsque les arbitres situent la Charte des droits et libertés de la personne au sommet des aspects à évaluer lorsque vient le temps de déterminer la validité de la réglementation d’entreprise édictée unilatéralement par les employeurs, dans 63% ils adoptent des conclusions favorisant les travailleurs. Ce pourcentage, en plus d’être un pourcentage fort élevé, est significatif en ce qu’il démontre une différence entre les décisions rendues dans une logique I et dans une logique II. Si nous nous référons au tableau, nous notons que dans une logique I, les décisions favorisant les intérêts des salariés étaient présentes mais dans un pourcentage moindre en ce qu’elles représentaient uniquement 40% des décisions rendues. Bref, il est intéressant de noter que dans une logique I les décisions favorisant les intérêts des salariés étaient minoritaires alors que dans une logique II elles se trouvent à être majoritaires. Notons également que la différence est notable en ce que le

pourcentage passe de 40%, dans une logique I à 63% dans une logique II et que cela constitue une augmentation de plus de 20%.

Ainsi, nous pouvons conclure que la logique II a définitivement un effet sur la protection offerte aux salariés et que cet effet peut être démontré à l’aide de la jurisprudence arbitrale que nous avons étudiée. Cette conclusion nous confirme un lien intime entre la logique II et le phénomène de la constitutionnalisation du droit du travail en ce que la logique II nous démontre un effet de modernisation par rapport à la logique I et que cet effet est celui décrit par les auteurs Brunelle, Coutu et Trudeau lorsqu’ils se réfèrent au phénomène de la constitutionnalisation du droit du travail. Maintenant que nous avons démontré l’effet sur les salariés, nous aborderons, dans la prochaine sous-section les effets de la logique II sur les pouvoirs accordés aux employeurs.