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A. SUR LE DROIT APPLICABLE

1. L E CONTEXTE JURIDIQUE DU SECTEUR AGRICOLE

236. Les règles de concurrence relatives aux accords, décisions et pratiques visés à l'article 101 du TFUE, ainsi qu'aux abus de position dominante, s'appliquent à la production et au commerce des produits agricoles, dans la mesure où leur application ne met pas en péril la réalisation des objectifs de la PAC et n'entrave pas le fonctionnement des organisations nationales des marchés agricoles.

237. Plusieurs instruments juridiques qui tiennent compte de la spécificité du secteur agricole ont été mis en place aux fins de la régulation de la politique agricole commune. Ces instruments visent, dans l'intérêt des organisations de producteurs et des associations d’organisations de producteurs, d'une part, à améliorer les conditions de production et de commercialisation des produits agricoles et, d'autre part, à assurer une concurrence loyale entre les produits agricoles.

238. Les règles de concurrence prévues tant par le droit de l’Union (a) que par le droit interne (b) s’appliquent au secteur agricole, dont elles reconnaissent cependant certaines spécificités.

a) Le droit de l’Union européenne

239. Aux termes de l’article 42 du TFUE, identique en substance à l’ancien article 36 du traité CE, « les dispositions du chapitre relatif aux règles de concurrence ne sont applicables à la production et à la commercialisation des produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Parlement européen et le Conseil dans le cadre des dispositions et conformément à la procédure prévues à l’article 42, paragraphe 2, compte tenu des objectifs énoncés à l’article 39 ». L’article 39 du TFUE, auquel renvoie l’article 42 précité, énumère les objectifs poursuivis par la politique agricole commune (PAC) : accroître la productivité (a), assurer un niveau de vie équitable à la population agricole (b), stabiliser les marchés (c), garantir la sécurité des approvisionnements (d) et assurer des prix raisonnables aux consommateurs (e).

240. C’est donc au droit dérivé qu’il revient d’assurer la conciliation de ces objectifs avec le respect des règles de concurrence de l’Union dans le secteur agricole.

241. A cet égard, la Cour de justice des Communautés européennes (devenue depuis la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après la « Cour ») a jugé que, « s’il est vrai que l’article 36 CE a confié au Conseil le soin de déterminer la mesure dans laquelle les règles de concurrence communautaires sont applicables à la production et au commerce des produits agricoles, afin de tenir compte de la situation particulière des marchés de ces produits, il n’en demeure pas moins que cette disposition établit le principe de l’applicabilité des règles de concurrence communautaires dans le secteur agricole » (arrêt de la Cour du 9 septembre 2003, Milk Marque Ltd., C-137/00, Rec. p. I-8005, point 58).

242. Le Tribunal de première instance des Communautés européennes (devenu depuis le Tribunal de l’Union européenne, ci-après le « Tribunal ») a précisé que, « [c]ette conclusion ne saurait être infirmée par l'argument (…) selon lequel les marchés agricoles sont des marchés régulés où les règles de concurrence ne s'appliquent pas de plein droit et où, bien souvent, la formation des prix ne répond pas au libre jeu de l'offre et de la demande. Certes, le secteur agricole présente une certaine spécificité et fait l'objet d'une régulation très détaillée et fréquemment assez interventionniste », ajoutant plus loin dans son arrêt que, « le maintien d’une concurrence effective sur les marchés des produits agricoles fait partie des objectifs de la politique agricole commune» (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, Fédération nationale de la coopération bétail et viande (FNCBV), T-217/03 et T-245/03, Rec. p.II-04987, points 86 et 197). Cette position a été réaffirmée par le Tribunal dans un arrêt rendu le 3 février 2011 dans l’affaire dite du "tabac brut espagnol" dans lequel les développements relatifs à l’exemption des pratiques en cause au regard des dispositions du règlement n° 26/62 ne diffèrent nullement de la jurisprudence antérieure (arrêt du Tribunal du 3 février 2011, Compañía española de tabaco en rama, SA (Cetarsa) contre Commission européenne, T-33/05, non encore publié au recueil, points 153 à 160).

243. Le règlement n° 26/62 du Conseil portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (JO 30, p. 993/62) a posé le principe de l’application des règles de concurrence au secteur agricole.

244. Il prévoyait en son article 1er que, « à partir de l’entrée en vigueur du présent règlement, les articles 85 à 90 inclus du traité ainsi que les dispositions prises pour leur application s’appliquent à tous accords, décisions et pratiques visés à l’article 85, paragraphe 1 et à l’article 86 du traité et relatifs à la production ou au commerce des produits énumérés à l’annexe II du traité (...) ». Les produits visés à l’annexe II du traité incluent l’endive.

245. Ce règlement a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 1184/2006 du Conseil du 24 juillet 2006 portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (JO du 4.08.2006, L 214/7).

246. Son article 1er reprend le principe de l'applicabilité au secteur agricole des dispositions des articles 101 et 102 du TFUE sous réserve des dispositions prévues par son article 2. Ce dernier énonce ce qui suit :

« 1. L'article 81, paragraphe 1 [devenu article 101, paragraphe 1, TFUE] du traité ne s’applique pas aux accords, décisions et pratiques visés à l'article 1er du présent règlement qui font partie intégrante d'une organisation nationale de marché ou qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 33 du traité [devenu article 39 TFUE].

Il ne s'applique pas en particulier aux accords, décisions et pratiques d'exploitants agricoles, d'associations d'exploitants agricoles ou d'associations de ces associations ressortissant à un seul État membre, dans la mesure où, sans comporter l'obligation de pratiquer un prix déterminé, ils concernent la production ou la vente de produits agricoles ou l'utilisation d'installations communes de stockage, de traitement ou de transformation de produits agricoles, à moins que la Commission ne constate qu'ainsi la concurrence est exclue ou que les objectifs de l'article 33 du traité sont mis en péril.

2. Après avoir consulté les États membres et entendu les entreprises ou associations d'entreprises intéressées, ainsi que toute autre personne physique ou morale dont l'audition lui paraît nécessaire, la Commission, sous réserve du contrôle de la Cour de justice, a compétence exclusive pour constater, par une décision qui est publiée, pour quels accords, décisions et pratiques les conditions prévues au paragraphe 1 sont remplies ».

247. Le règlement n° 1184/2006 prévoit donc trois cas dans lesquels l’article 101 est inapplicable :

a) les accords qui font partie intégrante d’une organisation nationale des marchés ; b) les accords qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l’article 33

du traité ;

c) les accords entre exploitants agricoles, associations d’exploitants agricoles ou association de ces associations ressortissant à un seul Etat membre, dans la mesure où, sans comporter l'obligation de pratiquer un prix déterminé, ils concernent la production ou la vente de produits agricoles, à moins que la Commission ne constate qu'ainsi la concurrence est exclue ou que les objectifs de l'article 39 du TFUE sont mis en péril.

248. La portée pratique de la première hypothèse, relative aux organisations nationales de marché, est relativement limitée puisque la quasi-totalité des produits agricoles est désormais couverte par le règlement n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 (JO L 299 p.1) portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur, dit règlement

« OCM unique ». L’endive est, notamment, couverte par une organisation commune des marchés.

249. En effet, le secteur des fruits et légumes frais relève d’une organisation commune de marché (OCM) depuis 1972, année où est entré en vigueur le règlement (CE) n° 1035/72.

L’OCM fruits et légumes a fait l’objet d’une refonte majeure par le règlement (CE) n° 2200/96 du Conseil du 28 octobre 1996. Cette OCM fruits et légumes a par la suite été modifiée par le règlement (CE) n° 1433/2003, puis par le règlement n° 1182/2007 du

règlement (CE) n° 1234/2007 dit règlement OCM unique qui regroupe désormais les différentes organisations communes de marché préexistantes.

250. Ce règlement reprend, en son article 175, le principe de l’applicabilité des règles de concurrence aux produits agricoles entrant dans son champ d’application, sous réserve des exceptions prévues par l’article 176, lequel est rédigé dans les mêmes termes que l’article 2 du règlement n° 1184/2006 précité.

251. En application de l’article 176, paragraphe 2, du règlement OCM unique et de l’article 2 du règlement n° 1184/2006, la Commission possède la compétence exclusive pour constater, par voie de décision, quels sont les accords et pratiques « nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l’article 33 du traité [devenu article 39 TFUE] ». Cette compétence exclusive ne remet pas en cause l’obligation pour les juridictions nationales d’appliquer l’article 101 du TFUE à des affaires dans lesquelles l’exemption au titre de l’article 2 du règlement n° 26/62, devenu règlement n° 1184/2006, est soulevée lorsque celle-ci est manifestement inopérante. Le Conseil d'État a ainsi jugé, dans un arrêt du 12 juin 1996, Société Christ et fils, qu’ « il résulte clairement du deuxième paragraphe de l’article 2 du règlement n° 26/62 selon l’interprétation qu’en a donné la Cour de justice des communautés européennes dans sa décision précitée du 12 décembre 1995 [arrêt de la Cour du 12 décembre 1995, Hendrik Evert Dijkstra, C-319/93, C-40/94 et C-224/94, Rec.

p. I-4497], que la compétence exclusive conférée par ces dispositions à la Commission ne trouve pas à s’appliquer lorsque, comme en l’espèce, il est manifeste que les stipulations de l’accord méconnaissent l’article 85 du traité instituant la communauté économique européenne et ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier de la dérogation prévue par le règlement n° 26/62 ».

252. Pour que des accords puissent être considérés comme nécessaires à la réalisation des objectifs de la PAC, la jurisprudence impose un standard particulièrement élevé, en ce qu’elle considère que le régime dérogatoire prévu par l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1184/2006 précité, ne peut trouver à s’appliquer que si tous les objectifs énoncés à l’article 39 du TFUE sont remplis cumulativement (voir, en particulier, l’arrêt du Tribunal du 14 mai 1997, Florimex, T-70/92, Recueil p. II-00693, points 147 et 148).

253. Il ressort donc du cadre juridique rappelé ci-dessus que le principe de l’applicabilité des règles de concurrence au secteur agricole, sous réserve des dérogations d’interprétation stricte rappelées ci-dessus, est demeuré intangible depuis 1962.

254. L’Autorité est donc compétente pour apprécier la licéité des pratiques en cause en l’espèce au regard des règles de concurrence de l’Union, en tenant compte du cadre juridique lié notamment à la réglementation relative à l’OCM fruits et légumes, dont relèvent les produits en cause en l’espèce.

b) En droit interne

255. L’article L. 410-1 du code de commerce énonce que la prohibition des pratiques visées par les articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 du même code « s’applique à toutes les activités de production, de distribution et de services », lesquelles comprennent, en l’absence de toute réglementation contraire, les activités agricoles.

256. Sont donc interdites, y compris dans le cadre des activités agricoles, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions qui ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché donné en faisant obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant

artificiellement leur hausse ou leur baisse, sous réserve des exemptions prévues au titre de l’article L. 420-4 du code de commerce ou des dispositions applicables aux accords interprofessionnels définissant des contrats types intégrant des clauses relatives aux modalités de détermination des prix pour lesquels l’Autorité doit être obligatoirement saisie pour avis en vertu de l’article L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime.