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L ES CRITERES D ’ EVALUATION DE LA CONTRAINTE EXCESSIVE ENONCES PAR LA C OUR SUPREME

PARTIE III – L’ACCOMMODEMENT : UNE NOTION EN CONSTANTE ÉVOLUTION

2. L ES CRITERES D ’ EVALUATION DE LA CONTRAINTE EXCESSIVE ENONCES PAR LA C OUR SUPREME

COUR SUPREME

Statuant dans le cadre de ce pourvoi, la Cour suprême, en 2008, a été appelée à se prononcer sur l’interprétation de la notion de contrainte excessive. La Cour suprême est ainsi venue renverser la décision rendue précédemment par la Cour d’appel et s’est afférée à rétablir certains principes. Réitérant dans un premier temps la pertinence du test à trois volets de la méthode d’analyse unifiée qui avait été formulée dans Meiorin367 en 1999, la Cour suprême a ensuite reproché à la

Cour d’appel l’interprétation qu’elle a faite du critère de l’impossibilité contenu au troisième volet de la méthode d’analyse unifiée. La Cour suprême reproche de plus à la Cour d’Appel d’avoir évalué l’obligation d’accommodement au moment où a été prise la décision de congédier, alors que l’appréciation de la contrainte excessive doit être envisagée dans une perspective globale. Ainsi, l’employeur doit prendre en considération l’ensemble de la période d’absence, avant de décider de mettre fin à l’emploi d’un salarié incapable de travailler en raison d’un handicap. 365 Id., par. 78. 366 Id., par. 91. 367 Meiorin, préc., note 10.

i. Le critère de l’impossibilité

Rappelons d’abord qu’en 1999, la Cour suprême dans l’arrêt Meiorin368, a introduit

la méthode d’analyse unifiée dont le troisième volet impose à l’employeur de « […] démontrer qu’il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que l’employeur subisse une contrainte excessive»369.

L’utilisation du mot « impossible » prévu au troisième volet de la méthode d’analyse unifiée engendrait une certaine confusion. Ainsi, la Cour suprême est venue mettre un terme au débat en précisant que :

[l]e critère n’est pas l’impossibilité pour un employeur de composer avec les caractéristiques d’un employé. L’employeur n’a pas l’obligation de modifier de façon fondamentale les conditions de travail, mais il a cependant l’obligation d’aménager, si cela ne lui cause pas une contrainte excessive, le poste de travail ou les tâches de l’employé pour lui permettre de fournir sa prestation de travail370.

Le critère de l’impossibilité de composer avec les caractéristiques de la salariée, mis de l’avant par la Cour d’appel, imposait un fardeau déraisonnable à l’employeur et, par conséquent, avait pour effet de dénaturer le contrat de travail. La Cour a donc été appelée à redéfinir le critère de détermination de la contrainte excessive :

L’incapacité totale d’un salarié de fournir toute prestation de travail dans un avenir prévisible n’est pas le critère de détermination de la contrainte excessive. Lorsque les caractéristiques d’une maladie sont telles que la bonne marche de l’entreprise est entravée de façon excessive ou lorsque l’employeur a tenté de convenir de mesures d’accommodement avec l’employé aux prises avec une telle maladie, mais que ce dernier demeure

368 Id.

369 Id., par. 54.

néanmoins incapable de fournir sa prestation de travail dans un avenir raisonnablement prévisible, l’employeur aura satisfait à son obligation. […] L’obligation d’accommodement est donc parfaitement conciliable avec les règles générales de droit du travail, tant celle qui impose à l’employeur l’obligation de respecter les droits fondamentaux des employés que celle qui oblige les employés à fournir leur prestation de travail. L’obligation d’accommodement qui incombe à l’employeur cesse là où les obligations fondamentales rattachées à la relation de travail ne peuvent plus être remplies par l’employé dans un avenir prévisible371.

Bref, la Cour suprême a rappelé que le critère de détermination de la contrainte excessive ne consiste pas à établir l’incapacité totale d’un employé de fournir une prestation de travail dans un avenir prévisible, mais bien qu’il s’agit de démontrer que l’employeur a tenté d’accommoder le salarié atteint d’un handicap et que malgré ces efforts, celui-ci demeure incapable de fournir une prestation normale de travail dans un avenir raisonnable prévisible.

ii. Le moment de l’évaluation

Par ailleurs, la Cour suprême a dû se prononcer sur le moment où devait être évaluée l’obligation d’accommodement. La Cour d’appel, dans l’affaire Hydro- Québec372, avait statué que l’obligation d’accommodement devait être évaluée au moment du congédiement. La Cour suprême a jugé cette interprétation erronée. L’appréciation de la contrainte excessive doit être envisagée dans une perspective globale, afin de tenir compte de l’ensemble de la période d’absence :

La décision de congédier un employé parce qu’il ne peut fournir sa prestation dans un avenir raisonnablement prévisible doit nécessairement reposer sur une évaluation de l’ensemble de la situation. Lorsque, comme en l’espèce, une maladie a causé des absences dans le passé, que

371 Hydro-Québec, préc., note 70, par. 16 372 Hydro C.A., préc., note 147.

l’employeur a pris des mesures d’accommodement en faveur de l’employé pendant plusieurs années et que le pronostic des médecins est peu optimiste en ce qui a trait à une amélioration de l’assiduité au travail, ni l’employeur ni l’employé ne peuvent faire abstraction du passé pour évaluer la contrainte excessive373.

Autrement dit, pour apprécier la teneur de l’obligation d’accommodement, il faut prendre en considération l’ensemble des mesures d’accommodement consenties antérieurement par l’employeur. Enfin, cette question avait déjà fait l’objet d’une décision de la Cour suprême en 2007 dans l’arrêt McGill374. Dans l’arrêt Hydro-

Québec375, la Cour n’a fait que réaffirmer son approche à cet égard.

En somme, l’appréciation de l’existence d’une contrainte excessive ne peut être limitée au moment du congédiement et doit donc faire partie d’un continuum376. Les

mesures d’accommodement passées peuvent également permettre de déterminer l’incapacité du salarié de fournir une prestation normale et continue de travail dans un avenir prévisible.