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De l’avènement de la capitale à la compétitivité internationale

De l’avènement de la capitale à la compétitivité internationale

« La société est sens et condition du sens ».

Dumont L., 1987. « Tocqueville et le respect de l’autre », Esprit, n° 6, p. 85.

Entre la deuxième moitié du XIXe siècle et aujourd’hui, l’évolution de Phnom Penh peut être divisée en plusieurs phases. La mise en place du protectorat au Cambodge a notamment pour conséquence le déplacement de la capitale à Phnom Penh entre 1863 et 1866. Jusqu’à l’indépendance du pays en 1953, le développement de la ville s’inscrit dans l’urbanisme français des villes coloniales tel qu’il se déploie et évolue au Maghreb et en Indochine.

L’indépendance du Cambodge s’accompagne d’une politique urbaine interventionniste, qui participe largement à la transformation de la ville. Entre le début des années 1970 et 1979, de graves troubles politiques marquent une rupture nette dans l’évolution de la production des espaces urbains au sein de la capitale. La fin des Khmers rouges permet le retour de la vie urbaine. À partir du début des années 1990, Phnom Penh entame une nouvelle phase de son développement, qui se caractérise par une accélération sans précèdent de la production immobilière.

Au sein de ce chapitre, nous aborderons la construction de la capitale cambodgienne de manière historique. La « renaissance » de Phnom Penh (Deletage, 2006) ne peut se passer d’un examen approfondi des dynamiques socio-économiques qui ont orienté les choix en matière d’urbanisme et d’aménagement. Ces réalités historiques montrent une évolution des discours paradigmatiques sur la capitale cambodgienne, et témoignent ainsi de l’intégration de Phnom Penh aux dynamiques urbanistiques régionales et internationales.

Carte 8 : La croissance de Phnom Penh de 1866 à 1993

Sources : Cette cartographie de la progression historique de l’urbanisation s’appuie sur la compilation de documents cartographiques récoltés à la Municipalité de Phnom Penh, principalement issus de l’administration française pour la période coloniale, de l’administration cambodgienne après l’indépendance.

Cette illustration montre la progression de l’urbanisation depuis le réinvestissement du site par le roi en 1866 jusqu’à l’organisation des premières élections après les Khmers rouges en 1993. La ville se développe principalement vers l’ouest. La trame viaire orthogonale témoigne de la planification de la

Par ailleurs, les inégalités d’accès aux ressources urbaines, et principalement immobilières, se font sentir dès la réouverture du pays en 1979. Les conditions du retour de la population pendant la première moitié des années 1980 influencent encore aujourd’hui les parcours résidentiels des individus et des familles, ainsi que leur rapport à la ville.

Ces réalités vont profondément influencer les conditions du redéploiement accéléré de l’activité immobilière au cours des années 1990. La libéralisation de l’économie cambodgienne, intrinsèquement liée à l’encadrement international de la reconstruction du pays, détermine les modalités du redéploiement de l’activité immobilière familiale et entrepreneuriale.

1) La planification urbaine comme projet politique : (ré)interroger la

tradition

a. Un urbanisme colonial pour l’invention d’une citadinité locale

Phnom Penh est située sur le site communément appelé des « Quatre-Bras44 », qui évoque la confluence du Tonlé Sap et du Mékong en amont, et la divergence du Tonlé Bassac et du Mékong en aval. Les formes de croissance de cette capitale fluviale sont largement tributaires des contraintes du « système hydrologique » de la plaine alluviale du Mékong (Pierdet, 2008a, 2008b), qui explique en grande partie la morphologie urbaine actuelle de la ville. Le rôle des boeung45 et des prek46 est ici central. Ville d’eau, Phnom Penh a forgé son identité culturelle sur le caractère exceptionnel du site des Quatre-Bras, auquel est associé le mythe fondateur et le nom de la ville47. Si le développement contemporain de la ville privilégie un étalement urbain vers l’ouest, la ville, au milieu du XIXe siècle, s’étale le long de la rive droite du Tonlé Sap et du Tonlé Bassac.

Le développement de Phnom Penh pendant la deuxième moitié du XIXe siècle correspond à deux dynamiques majeures. Elle est à la fois une capitale royale et une ville coloniale. Phnom Penh avait déjà été la capitale du Cambodge vers la première moitié du

44 Traduction non littérale du terme d’origine sanskrite chaktomuk qui signifie « qui a quatre faces » ou

« quatre visages ».

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Les boeung représentent la structure centrale des principaux bassins versants de la capitale. Espaces lacustres, ils jouent le rôle de réservoirs naturels, en assurant le captage des eaux de pluies, de ruissellement et de débordement des fleuves. Certaines infrastructures de pompage accroissent leur fonction de déversoir, renforçant ainsi leur capacité de drainage.

46 Les prek sont des voies d’eau naturelles ou artificielles, qui relient les différents boeung entre eux ou aux

zones fluviales, permettant un meilleur drainage des écoulements au sein des différents bassins versants de la capitale.

47 Phnom Penh signifie littéralement « montagne de Penh », Penh étant le nom d’une femme associée au

XVe siècle (Phoeun, 1991). Au moment de la signature des traités de protectorat entre la France et le roi du Cambodge, Norodom Ier, en 1863, puis de l’installation du roi à Phnom Penh en 1866, Phnom Penh redevient, et cela jusqu’à aujourd’hui, la capitale du pays48. Norodom Ier s’installe à Phnom Penh avec sa famille, sa cour, ses mandarins et une partie de la population de l’ancienne capitale, et entreprend de « transformer la ville et son peuplement » (Lamant, 1991 : 67). Les autorités du protectorat s’y installent dès 1863. La plupart des témoignages qui évoquent le peuplement de Phnom Penh dans la deuxième moitié du XIXe siècle décrivent une capitale cosmopolite habitée majoritairement par des Chinois, mais composée aussi de Cambodgiens, de Vietnamiens et de Malais. Vers 1866, P.-L. Lamant (1992) estime le peuplement de la ville à un maximum de 10 000 habitants.

À l’arrivée du roi et des colons français, l’espace urbain est divisé en quartiers ethniques. À côté d’une ville végétale qui caractérise le phum49 khmer, s’étend la ville marchande sino-asiatique construite principalement en dur.

Le protectorat au Cambodge, dont Phnom Penh est le centre administratif et économique, se situe en marge de l’Indochine française. En effet, J.-M. de Lanessan50 (1895a : 170) note que « le Cambodge est nécessairement, au point de vue économique, une sorte d’annexe de la Cochinchine ». Plus largement, la présence des Français s’explique principalement par des raisons militaires et politiques, plus que par un intérêt économique. Ils restent ainsi relativement « étrangers aux affaires du royaume » (de Lanessan, 1895b : 94). L’extrême centralisation de l’administration autochtone et coloniale à Phnom Penh s’accompagne d’un faible investissement financier dans le développement des infrastructures en zone rurale, alors que l’on constate dans les campagnes une large supériorité des effectifs militaires par rapport à l’administration civile. L’action coloniale semble finalement se concentrer dans la capitale51.

48 La capitale au Cambodge est par essence le lieu de résidence du roi. M. Phoeun dira à ce titre que « [...] la

ville par excellence au Cambodge était la ville royale ou la capitale » (Phoeun, 1991 : 41). L’officialisation de la « mise sous protectorat » du Cambodge date de la signature du traité de 1863. Il s’écoule trois années entre la signature du traité et le déplacement du roi Norodom Ier, de sa famille et de sa suite, du palais d’Oudong (qui se situe à environ 40 km au nord de Phnom Penh) à Phnom Penh (Lamant, 1991).

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Le terme phum peut revêtir plusieurs significations. En zone rurale, il signifie « village », c'est-à-dire un regroupement de plusieurs unités de logement. Le terme phum signifie aussi « quartier » dans des zones urbaines plus importantes. L’espace urbain peut être alors vu comme une entité administrative dont les frontières réunissent plusieurs kampong, d’anciens villages où l’augmentation démographique a effacé les discontinuités d’occupation du sol.

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J.-M. de Lanessan est gouverneur général de l’Indochine française de 1891 à 1894. Il laisse un grand nombre de témoignages détaillés quant à l’organisation administrative et politique de l’Indochine à la fin du XIXe siècle.

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Ce fait est notamment souligné par T. E. Ennis, qui décrit le développement des colonies indochinoises en ces termes : « the most important work undertaken here has been the metamorphosis of old Phnom Penh into

Cette importance de « second rang » donné au Cambodge au sein du système économico-politique indochinois n’a pas amené une transformation rapide et globale de l’espace urbain comme certains auteurs le décrivent du côté d’Hanoi et Saïgon (Wright, 1987 ; Pouyllau, 1998 ; Boudarel et Nguyen Van, 1997). Au cours du XIXe siècle, il est encore difficile de lire un réel « projet politique cambodgien » de la part de la France. En 1885, X. Brau de Saint-Pol Lias souligne la faible présence française dans le paysage urbain : « sauf la mairie, au centre de la ville, et quelques rares habitations européennes, les rues ne sont guère bordées que de maisons chinoises à un étage » (Brau de Saint-Pol Lias, 2005 : 46-47).

Le faible intérêt que semblent porter les Français à la capitale cambodgienne est révélateur d’une colonisation en demi-teinte et des problèmes posés par une gestion bicéphale du territoire. Les réalisations des Français pendant la deuxième moitié du XIXe siècle se limitent à la construction de bâtiments de base (école, banque, caserne, prison, télégraphe, église ou mont de piété par exemple), nécessaires au fonctionnement du protectorat. Néanmoins, la fin du XIXe siècle marque un changement dans l’attitude des colons à l’égard de leur protectorat, qui correspond plus largement à une transformation de la politique coloniale en faveur d’une plus grande autonomie pour les administrations coloniales locales (Sarraut, 1923).

Le dynamisme démographique de Phnom Penh52 , les troubles politiques à l’intérieur du royaume53

ainsi que les difficultés de gestion de la ville, engendrées notamment par un manque de moyens financiers54, poussent les autorités françaises à accroître leur pouvoir sur l’administration cambodgienne. En 1884, par un traité signé par le gouverneur de la Cochinchine, C. Thomson, la France prend les rênes de l’administration cambodgienne (de Lanessan, 1895a ; Lamant, 1991) et met fin à un double système administratif peu efficace. Ce changement d’attitude à l’égard de leur protectorat

a modern metropolis » (« le travail le plus important qui eut lieu ici fut la métamorphose de l’ancienne Phnom Penh en une métropole moderne ») (Ennis, 1936 : 2).

52 De 1866 à 1875, la population est multipliée par trois, passant de 10 000 à 30 000 habitants environ

(Goulin, 1966 : 79).

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La multiplication d’actes de pirateries, de rébellions et de soulèvements de la fin des années 1860 au milieu des années 1880 (de Lanessan, 1889) illustre les difficultés rencontrées par les administrations coloniale et cambodgienne.

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se traduit notamment par un investissement important dans l’aménagement de Phnom Penh dès la fin du XIXe siècle55, mais surtout à partir du début du XXe siècle.

Dès le début de la présence française à Phnom Penh, l’habitat végétal pose problème : les incendies sont fréquents (Lamant, 1991), et les bâtiments en dur correspondent plus à l’image d’une capitale coloniale moderne. La présence croissante d’architectes et d’entrepreneurs français favorise la construction d’édifices en briques de type « compartiment chinois ». P. Edwards note qu’à partir du début des années 1910, « it had become clear that investors favored the construction of Chinese-style apartment buildings over European construction56 »(Edwards, 2007 : 58).

Le contrôle du milieu naturel et la multiplication des constructions en dur sont les principaux travaux de la décennie 1890 et représentent les prémices d’une planification de la ville. En ce sens, les travaux de l’architecte D. Fabre et de l’entrepreneur G. Faraut témoignent d’un tournant dans l’aménagement de la capitale cambodgienne. Des canaux, terrassements, digues, remblais et ponts sont construits (Lamant, 1991), et le développement de la trame viaire est pensé pour l’ensemble de la ville, même si l’aménagement des parties chinoises et françaises est privilégié. Au regard du milieu naturel contraignant, la construction d’infrastructures hydrauliques est le préalable indispensable à la progression de l’urbanisation de la capitale (Pierdet, 2008a) et à la mise en œuvre d’un réel projet d’aménagement urbain.

À partir du début du XXe siècle, les colonies françaises en Afrique du Nord et en Indochine font l’objet d’une toute nouvelle attention de la part des aménageurs urbains. Comme le rappelle F. Choay (2006), le terme « urbanisme » apparaît pour la première fois dans l’ouvrage d’I. Cerdà (Teoria general de l’urbasacion), qui paraît en 1867. Cette nouvelle discipline scientifique est introduite en 1910 en France par H. Prost et ses collaborateurs, regroupés autour du Musée social. Au cours des années 1910-1920, la science de l’urbanisme peine à imposer son approche de l’aménagement urbain en France. H. Prost et ses collègues, dont H. Hébrard fait partie, trouvent ainsi dans les colonies de nouveaux espaces d’expérimentation leur permettant de s’émanciper des contraintes bureaucratiques de la métropole.

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J.-M. de Lanessan note qu’« en 1893 et 1894, des plus-values considérables ont encore été obtenues [...]. Le résident supérieur a pu, avec ces ressources, faire, pendant les trois dernières années, des travaux considérables [...]. Le Cambodge est entré dans une voie de progrès rapide [...] » (de Lanessan, 1895a : 167).

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« [...] il est devenu évident que les investisseurs ont préféré la construction d’appartements de style chinois aux constructions européennes. »

Carte 9 : Le plan d'urbanisme de Phnom Penh réalisé par H. Hébrard en 1925 et publié dans la revue L’éveil économique

Source : Bureau des affaires urbaines de la Municipalité de Phnom Penh.

Comme l’indique la légende, les tracés en rouge sont les aménagements de Phnom Penh proposés par H. Hébrard. La division en quartiers ethniques est indiquée sur la carte. La séparation du « quartier européen » (sur la presqu’île de Chruy Changva) et du « quartier cambodgien » par le « quartier chinois » y est flagrante. Deux grandes propositions d’aménagement de l’espace urbain sont ici proposées. D’un côté, l’architecte souhaite aménager un nouveau quartier européen sur l’autre rive du fleuve. D’un autre côté, il voudrait

H. Prost et H. Hébrard s’adressent aux gouverneurs français des colonies afin de mettre en œuvre leurs approches de l’architecture et de l’aménagement urbain. Ils ont notamment besoin d’un « strong, centralized governments to underwrite their plans; they worked out ideas about urban design in close collaboration with politicians like Lyautey of Morocco or Maurice Long of Indochina, administrators who considered themselves amateur urbanists57 »(Wright, 1991 : 8).

L’urbanisme et l’architecture indochinois sont principalement à destination des quartiers français, comme c’est le cas au sein des colonies d’Afrique (Coquery-Vidrovitch, 1988), le syncrétisme architectural ne remettant pas en cause la ségrégation spatiale des origines (carte 9). H. Hébrard réalise entre 1921 et 1930 une série de plans d’aménagement pour la plupart des grandes villes indochinoises, dont Phnom Penh. S’il ne sera jamais réalisé complètement (mis à part certains axes de transport ainsi que le réseau et les infrastructures ferroviaires), ce plan préfigure en partie la future urbanisation de la ville. La préférence d’une extension vers l’ouest, l’atténuation des frontières fluviales freinant le développement vers l’est ainsi que le tracé des grands axes de communication en sont les meilleurs exemples.

Le travail de ces urbanistes français au début du XXe siècle correspond par ailleurs à un nouveau contexte d’intervention politique et culturelle de la métropole envers ses colonies. De grands projets d’infrastructures sont déjà mis en place en Indochine (et particulièrement à Hanoi) par P. Doumer, gouverneur général entre 1897 et 1902. Mais face au relatif échec de la politique d'assimilation, la France réoriente son approche des réalités politiques, sociales et culturelles au sein des colonies : la politique d’assimilation est remplacée par une politique d’association censée mieux respecter la culture locale, et ainsi assurer un meilleur contrôle des territoires. Les réalisations architecturales et les plans d’urbanisme, qui se multiplient au sein des villes coloniales à partir du début du XXe

siècle, reflètent la transformation des stratégies de contrôle des territoires.

Le travail d’H. Hébrard illustre ce changement d’attitude de la France à l’égard des territoires indochinois. G. Wright nomme en ces termes ce changement politique : « la tradition au service de la modernité »58. « The synthesis of these two approaches to urbanism-one protecting tradition, the other promoting development-formed an important

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« [...] gouvernement fort et centralisé pour réaliser leurs projets ; en collaboration avec des politiciens comme Lyautey au Maroc ou Maurice Long en Indochine, qui se considèrent eux-mêmes comme des urbanistes amateurs, ils vont développer un certain nombre d’idées portant sur l’aménagement des villes. »

element of political strategy during this phase of French imperialism59 » (Wright, 1987 : 315).

Comparativement aux colonies nord-africaines, l’urbanisme « associatif » indochinois se développe plus tardivement. H. Hébrard, après avoir travaillé en Afrique du Nord, arrive en Indochine en 1921 à la demande du gouverneur général M. Long. Il bénéficie d’un contexte économique favorable, qui lui procure les moyens nécessaires à la mise en place de grands projets d’urbanisme au sein des villes indochinoises. M. Long favorise très vite le travail d’H. Hébrard, en créant pour la première fois à Hanoi un service municipal dédié entièrement à l’urbanisme.

Tant du point de vue des styles architecturaux que des plans d’aménagement urbain, la recherche du « métissage » culturel dans la construction des espaces urbains s’accorde avec la nouvelle politique d’association voulue par la métropole (Wright et Rabinow, 1982). Si la participation des Français à la construction du palais royal de Phnom Penh au cours des années 1860-1870 impose certaines influences architecturales allochtones60, la volonté politique au début du XXe siècle n’est plus de trouver à tout prix un moyen d’assimiler les autochtones à la culture française et occidentale, mais plutôt de mettre en valeur la modernité métropolitaine – et donc de justifier l’entreprise colonisatrice – par la mise en valeur d’une certaine « tradition locale ».

La redécouverte d’Angkor par les colons français au cours du XIXe siècle participe de cette dynamique. Les représentations de l’architecture angkorienne aux expositions universelles de Paris entre 1889 et 1931 montrent la place de plus en plus importante qu’occupe Angkor dans la construction d’une « culture locale khmère » par les Français, à tel point que « [...] cette appropriation d’Angkor par l’étranger va complètement modifier les relations des Khmers avec leur propre passé. C’est un phénomène universel » (Groslier, 1985 : 25).

59 « La synthèse de ces deux approches de l’urbanisme – l’une protégeant la tradition, l’autre promouvant la

modernisation – représente un élément important de la stratégie politique au cours de cette période de l’impérialisme français. »

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« Ainsi le palais que nous avons sous les yeux à Phnom Penh n'a plus rien de cambodgien en dehors de quelques éléments de décor et de quelques implantations. Tout est le produit de l'influence occidentale, dans les matériaux, les techniques, les volontés, l'esthétique, et même pour une large part le style. Pour prendre une formule un peu extrême, ce palais est à la tradition ce que les châteaux de Disneyland sont au Moyen- âge » (Népote, 1973 : 103).

Carte 10 : La carte topographique de Phnom Penh en 1950

Source : Bureau des affaires urbaines de la Municipalité de Phnom Penh.

Cette carte illustre la progression de l’urbanisation vers l’ouest. Les principales routes représentent les digues construites au fur et à mesure de l’étalement urbain. Les nombreux espaces de boeung sont peu à peu remblayés, et les terrains marécageux sont viabilisés. La ville-centre s’est par ailleurs largement densifiée, et un aéroport a été construit dans la périphérie ouest de la ville.

Pour P. Edwards (2007), la construction politique de l’État cambodgien à partir de la signature du protectorat passe ainsi par la reformulation d’une identité cambodgienne, et préfigure largement les choix politiques en matière d’architecture et d’urbanisme de la période post-indépendance. Si ce constat peut paraître quelque peu généraliste, il semble vraisemblable que la période de l’indépendance ne représente pas une rupture nette et totale avec les dynamiques socio-politiques précédentes.

À partir des années 1940, l’aménagement des villes coloniales d’Indochine ralentit considérablement. La population de Phnom Penh, quant à elle, ne cesse d’augmenter : C. Goulin (1966) note qu’elle aurait presque quadruplé entre 1875 et 1942, passant de

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