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A l‟aube des Indépendances, libre circulation et appel de main-doeuvre

4. LE SÉNÉGAL EST-IL UN PAYS D‟IMMIGRATION OU D‟ÉMIGRATION?

4.3 A l‟aube des Indépendances, libre circulation et appel de main-doeuvre

A l‟aube des Indépendances et au cours des années 60, les pays de culture de rente africains et la France pratiquent une politique d‟ouverture à l‟immigration, consécutive au boom économique. Des dispositions incitatives à la libre circulation des personnes et au recrutement d‟une main d‟oeuvre étrangère sont adoptées. Dans ce contexte économique et politique favorable, l‟émigration sénégalaise s‟accroît vers les pays africains comme vers la France.

L’instauration de la libre circulation

Après l‟Indépendance, la signature d‟accords sur la circulation de main d‟œuvre entre la France et ses anciennes colonies favorise l‟émigration. Les migrants sénégalais bénéficient aussi de la libre circulation entre les pays africains.

L’appel de main-d’œuvre peu qualifiée, consécutif du boom économique des Trentes Glorieuses

En France, l‟Office National de l‟Immigration (ONI), placé sous la tutelle du Ministère du Travail et de la Population, dispose de bureaux de recrutement dans huit pays étrangers dont le Sénégal; il est chargé de contrôler les compétences professionnelles et l‟état sanitaire des candidats à l‟immigration. Et comme le souligne, un rapport de la Commission de la main-d‟œuvre,

“le recours à l‟immigration doit être considéré non pas comme un palliatif qui permettrait de résoudre quelques crises passagères, mais comme un apport continu indispensable à l‟accomplissement des besoins du IIIe Plan (1958-1961).“38

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Au recensement de 1962, on compte seulement 17.787 immigrants venus d‟Afrique noire, en majorité Maliens ou Sénégalais; mais, ils sont plus de 80.000 au recensement de 1975. 4.3.1 Au sud, le boom des cultures de rente: cacao, café et bois

Durant les années 50 et 60, le boom du cacao et du café fait de plusieurs pays africains, comme le Ghana et la Côte d‟Ivoire, des pôles attractifs pour les migrants de la région. Le recensement ghanéen de 1960 donne 827.000 étrangers dont 98 pour cent d‟Africains, originaires pour la plupart des pays voisins et notamment du Sénégal. Les plantations de café et de cacao de Côte d‟Ivoire drainent également une main-d‟œuvre peu qualifiée. Mais, l‟essor économique ivoirien attire aussi de nouveaux migrants sénégalais, pour la plupart aventuriers ou artisans. Particulièrement présents dans le secteur du bâtiments, ils “se lancent dans des chantiers de construction, remportant de gros marchés (…)“ (Bredeloup, 1995).

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______________________________________________________________________________________ 35 Un peu plus tard, les Sénégalais, comme les Togolais, les Béninois et les Camerounais sont recrutés par des sociétés du bâtiment ou des travaux publics pour construire le Gabon. En 1972, à Libreville, le ‟camp des Sénégalais‟ réunissait 5.000 à 6.000 immigrés39

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Dans le même temps, l‟émigration sénégalaise s‟étend aussi au Zaïre, et plus modestement au Cameroun, au Centrafrique, au Congo, … .

4.3.2 En France, l’industrie automobile

Les principales sociétés françaises de l‟automobile (Chausson, Renault, Talbot) recrutent massivement dans la vallée du fleuve Sénégal, dans la région de Tambacounda et en Casamance. On parle alors du bureau ‟Renault-Dakar‟.

Plusieurs éléments témoignent de la présence des migrants sénégalais dans l‟industrie automobile en France. Si l‟on considère, les dossiers de 383 Sénégalais qui ont bénéficié de l‟aide au retour entre 1984 et 1988, 41 pour cent d‟entre eux travaillaient dans les usines Chausson, Citroën, General Motors, Peugeot, Renault ou Talbot (Robin, 1996). La plupart sont originaires des départements de Bakel, Matam et Tambacounda et ont émigré entre 1962 et 1974. Ainsi, D.Camara, soninké et né en 1951 à Golmy (département de Bakel), est parti à 21 ans en France. Il a occupé un poste d‟ouvrier spécialisé pendant 17 ans dans l‟industrie automobile. En 1986, H.Diallo est revenu au Sénégal dans son village de Golléré (département de Matam) après 12 ans passés en France comme ouvrier spécialisé dans une usine Citroën40.

Dans un article consacré aux travailleurs musulmans à Renault-Billancourt, Bourgarel et Diallo (1991) soulignent l‟implication des travailleurs sénégalais dans la vie syndicale et dans l‟organisation de la pratique religieuse au sein de l‟entreprise. Ils rapportent notamment les propos d‟un Sénégalais de 47 ans, 22 ans d‟ancienneté et délégué CFDT:

“Nous aussi, on ne l‟impose pas, parce que c‟est pas une obligation qu‟elle (la direction) nous donne la salle de prière. Donc, ce n‟est pas une revendication, c‟est une demande simple.“.

En outre, selon Khuja

“la création de l‟Association Islamique de Billancourt est le fait de travailleurs de l‟usine (…); c‟est un syndicaliste pratiquant originaire du Sénégal qui aurait été l‟interlocuteur principal des autorités locales (…).“.

Entre 1960 et 1974, les Sénégalais immigrés en France travaillent principalement dans l‟industrie. A cette époque, il s‟agit surtout d‟hommes seuls, essentiellement soninké, toucouleurs ou mandjak, et ayant laissé leur famille dans leur village d‟origine. Lors d‟une étude sur cinq villages du département de Bakel, connu pour être la zone d‟émigration vers la France la plus importante, Gonzales note que

“l‟émigration est avant tout masculine: les trois-quart des émigrés sont des hommes et l‟intensité migratoire est trois fois plus forte dans la population masculine que dans la population féminine. “ (Gonzales, 1994).

Jusqu‟à la fin des années 60, en France, “les besoins de main-d‟œuvre sont tels que (…) les travailleurs étrangers entrent en France sous couvert d‟un passeport de touriste, ou même

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Chiffre communiqué par le responsable du camp de l‟époque.

______________________________________________________________________________________ 36 clandestinement; ils trouvent sans peine à s‟embaucher, et obtiennent ensuite aisément la carte de séjour et la carte de travail qui régularisent leur situation.“41

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