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Chapitre III. Des collectifs participatifs et cohésifs

III. 3L’attention à l’intégration des peu diplômés

Le premier constat que l’on peut faire sur le niveau de qualification au sein des SCOP est qu’il est globalement élevé, voire très élevé : les SCOP de notre échantillon recrutent des salariés beaucoup plus diplômés que la moyenne. Ainsi 62% de ceux qui ont répondu au questionnaire ont Bac+3 ou plus, et seulement 12% n’ont pas le Bac. Cela vient sans doute de la surreprésentation d’une SCOP à forte qualification dans les réponses au questionnaire. Mais on observe aussi un phénomène de surqualification : un certain nombre de salariés apparaissent fortement surdiplômés par rapport à la moyenne du secteur. Ainsi, dans trois SCOP de restauration et de commerce alimentaire, certains des employés barmans ou vendeurs sont titulaires d’un master. Comme le résume un dirigeant : « c’est le projet qui nous intéresse, le boulot en soi, c’est un boulot de manant ». Les diplômes ne sont d’ailleurs que rarement orientés précisément dans le domaine de compétence du poste occupé.

Cependant, malgré leur petit nombre, on peut tout de même tirer quelques conclusions sur le statut des peu diplômés dans les SCOP. D’abord concernant les salaires, comme on l’a vu dans le chapitre 2, l’échelle est très resserrée. Cela est du à des salaires plus bas pour les plus diplômés et les postes à responsabilité, mais également à des salaires de base légèrement plus élevés que dans les entreprises classiques. Il y a toutefois une grande diversité entre les SCOP (les écarts vont de 1 à 6, sans que cela soit forcément expliqué par la taille ou le secteur de l’entreprise) et des débats à l’intérieur d’une même SCOP : ainsi chez SCOP N°30, on n’arrive pas à se mettre d’accord sur l’importance que doit prendre le diplôme dans la détermination de la rémunération. Doit-on s’adapter aux prix du marché, au risque de ne pas attirer les bons candidats ou doit-on aller vers une échelle plus resserrée afin de respecter un objectif

d’égalité et d’attirer les cadres motivés intrinsèquement ? Le diplôme semble donc moins influencer la rémunération dans les SCOP que dans les entreprises classiques.

Il détermine également moins le poste pourvu. On a dit que certains salariés étaient surqualifiés pour leur poste, on trouve un certain nombre d’autodidactes formés dans l’entreprise : c’est le cas chez SCOP N°10 (où le dirigeant précise que les autodidactes qui ont appris sur le tas ne sont pas forcément aux postes les moins qualifiés), chez SCOP N°40 (surtout les plus âgés), chez SCOP N°16, SCOP N°27, SCOP N°3,… L’embauche de salariés sans diplôme est à mettre en relation avec le fort investissement des SCOP dans la formation des salariés. Les contrats d’apprentissage sont assez nombreux, les dirigeants déclarent embaucher fréquemment des jeunes pour les former et certains salariés ont obtenu leur diplôme en alternance dans la SCOP (par exemple chez SCOP N°10, SCOP N°16, SCOP N°20) et il y a de vrais parcours de promotion interne (SCOP N°29)

Un certain nombre de dirigeants disent explicitement ne pas rechercher de qualifications élevées à l’embauche, avec l’idée que les compétences peuvent s’apprendre : à SCOP N°22 « c’est surtout le savoir-être qui compte », à SCOP N°16 : les parcours originaux attirent les recruteurs et la responsable administrative par exemple, a un passé de coiffeuse. Enfin, il faut aborder brièvement les parcours des dirigeants eux-mêmes car une proportion non négligeable d’entre eux se décrivent eux-mêmes comme autodidacte : SCOP N°26, SCOP N°18, SCOP N°13, SCOP N°22.

En ce qui concerne les conditions de travail, il ne semble pas que les moins diplômés aient des conditions de travail différentes des autres dans les SCOP. Or ces conditions de travail sont en moyenne plus favorables dans les SCOP. Il est vrai que dans certaines SCOP le taux de sociétariat est plus élevé parmi les cadres mais le fonctionnement démocratique de la SCOP donne tout de même plus la parole aux moins qualifiés que dans les entreprises classiques. La hiérarchie étant beaucoup plus plate dans la quasi- totalité des SCOP, on peut considérer que l’autonomie et la reconnaissance du travail à sa juste valeur seront également plus élevées. Il faut cependant noter que ces conclusions sont tirées principalement des déclarations des dirigeants car le nombre de salariés peu diplômés qui ont répondu au questionnaire n’est pas suffisamment élevé pour en tirer des résultats significatifs.

Enfin, notons que la participation n’est pas toujours ouverte à tous et les salariés les moins qualifiés paraissent les moins enclins à se situer à égalité dans ce processus avec les plus qualifiés, comme le résume cette gérante (SCOP N°38) : il faut être « outillé pour venir discuter de quelque chose. Ceux qui n’ont pas envie ne sont pas obligés. Il faut faire confiance à d’autres ». In fine, ils se fient beaucoup à leur hiérarchie, « et c’est pas forcément un mal à ce niveau-là » comme le dit un dirigeant (SCOP N°8). Ou alors, ce sont surtout les responsables de service qui sont associés réellement aux prises de décision (SCOP N°38).

Pour conclure, les non-diplômés, qui ont une situation très défavorable sur le marché du travail (chômage, précarité de l’emploi et du travail, bas salaires), se situent dans une meilleure position dans les SCOP de notre échantillon. En effet, celles-ci privilégient une échelle de salaire resserrée, des conditions de travail favorables et une grande stabilité de l’emploi, et les salariés non ou peu diplômés devraient en profiter davantage encore que les autres. Par contre, à l’instar des femmes, l’ « empowerment » n’est pas total puisqu’ils semblent moins associés à certaines décisions (non pas que les statuts ne leur permettent pas, mais parce qu’il est difficile pour eux de se sentir à égalité avec des plus qualifiés), et parce que dans certaines SCOP, des zones de pouvoir sont constituées à l’avantage des plus qualifiés.

Chapitre IV. Des organisations