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L’arrivée de nouvelles notions aux visées similaires

Dans le document L'humanité et le droit international (Page 49-52)

Chapitre 1 UN PARADIGME REMIS EN QUESTION : LA GENÈSE DE L’HUMANITÉ-

4. La prise de conscience du destin collectif de l’humanité

4.2. L’arrivée de nouvelles notions aux visées similaires

Comme le statut de patrimoine commun avant eux, les notions d’intérêt ou de préoccupation commune à l’humanité sont « porteurs d’espérance et facteur[s] de progrès »389. Mais l’engouement entourant leur emploi, tout en risquant lui aussi de les appeler à devenir des concepts fourre-tout, a de surcroit généré d’autres solutions de gestion commune succédant en ligne directe au concept de patrimoine commun de l’humanité. Le concept de développement durable, autre outil de gestion efficace et équitable des ressources et espaces d’intérêt commun390 a ainsi fait son apparition dans le Rapport Brundtland391 en 1987 avant d’être repris dans les Conventions de Rio392 et mène aujourd’hui une vie indépendante au point

de présenter l’avantage de jouir d’un consensus international au niveau politique393. D’ailleurs, la dernière conférence environnementale placée sous l’égide de l’ONU portait exclusivement

387 Mahmoudi, « New Technologies », supra note 236 à la p. 87. 388 Lodge, supra note 103 à la p. 740.

389 Carrillo-Salcedo, supra note 360 à la p. 123. 390 Leanza, supra note 135 à la p. 611.

391 Report on the World Commission on Environment and Development « Our Common Future », (1987), en

ligne: Organisation des Nations Unies ˂http://conspect.nl/pdf/Our_Common_Future- Brundtland_Report_1987.pdf˃ [Rapport Brundtland]. Ce rapport est l’œuvre de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement mise en place par l’ONU en 1983, suivant la prise en compte des interactions entre ressources et environnement provoquée par la crise pétrolière des années soixante-dix et les catastrophes écologiques des années quatre-vingt. La Commission commandera de nombreuses études portant sur le développement économique et l’environnement avant de produire son rapport, intitulé « Notre avenir à tous ».

392 Principes 1, 4, 5, 7, 8, 9, 12, 20, 21, 22, 24 et 27 de la Convention de Rio, supra note 362. 393 Mercure, « Modèle de gestion », supra note 134 à la p. 73.

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sur le développement durable394. Il se définit, laconiquement, comme « une gestion de l’environnement qui assure à la fois un développement humain durable et la survie de l’humanité »395. La Déclaration de Rio sur le développement396 a également énoncé le principe de précaution, selon lequel « en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement »397. Ces deux approches s’articulent autour de l’idée d’irréversibilité398.

Suite aux années quatre-vingt, force est donc de constater que les « incidences potentiellement castratrices » du patrimoine commun de l’humanité sur les souverainetés, ont eu pour conséquence sa disparition des textes, voir le bannissement de sa référence399, au profit de concepts alternatifs tels que les préoccupations ou les intérêts communs de l’humanité ou encore ceux de développement durable et de précaution. Avec eux, la coopération entre les États au nom de l’humanité se maintient par contre dans un cadre volontariste flou, caractérisé par la souveraineté et la liberté d’accès. Doit-on y voir un repli stratégique vers des concepts plus politiques ou un recul en matière de protection400? Bien qu’il y ait eu un glissement sémantique401 et que le dépassement de la souveraineté étatique402 ne se soit pas accompli, la présence de « stratégies d’apaisement de tensions »403 trahit un point de rupture, une impasse que l’on cherche à dépasser de manière très désorganisée. Ces notions alternatives permettent à tout le moins de répondre par l’affirmative à la question « l’humanité peut-elle s’extraire du PCH? »404 La question devient donc de savoir comment,

394 Rio + 20, L’avenir que nous voulons, Rés 66288 (LXVI), Doc. Off. AG NU, 66e session (2012), en ligne :

Organisation des Nations Unies ˂http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N11/476/11/ PDF/N11 47611.pdf?OpenElement˃.

395 Rapport Brundtland, supra note 391.

396 La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, tenue à Rio du 3 au 14 juin 1992,

a mené à la rédaction de plusieurs documents. Parmi ceux-ci, la Convention des Nations Unies sur la diversité

biologique, à laquelle nous faisons référence dans le présent travail à titre de Convention de Rio et la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, dont il est ici question.

397 Principe 15 de la Déclaration de Rio, supra note 368. 398 Abikhzer, supra note 4 à la p. 457.

399 Rémond-Gouilloud, supra note 314 à la p. 60. 400 Abikhzer, supra note 4 à la p. 510.

401 Ibid. à la p. 509.

402 Voir Pinto, supra note 208. 403 Abikhzer, supra note 4 à la p. 517. 404 Ibid.

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en dehors des cadres proposés par le concept de patrimoine commun de l’humanité et de ses dérivés, la notion d’humanité est envisagée.

Qu’il est difficile pour l’homme de bien peser ce qu’on doit sacrifier relativement à ce qu’il y a à gagner; qu’il est difficile de vouloir le but et de ne pas dédaigner les moyens! Beaucoup confondent même les moyens et le but; ils s’attachent aux premiers, en perdant de vue le second. On veut toujours guérir le mal là où il apparaît; et l’on ne se préoccupe pas du point où il prend son origine, et d’où il agit. C’est pourquoi il est si difficile de délibérer, surtout avec la foule, qui est parfaitement raisonnable dans la vie de tous les jours mais qui voit rarement plus loin que le lendemain. S’il s’ajoute encore à cela que l’un doit gagner peut-être et l’autre perdre à une entreprise commune, il n’y a absolument rien à faire par accommodement. Tout ce qui a trait au bien commun doit être soutenu par un droit de souveraineté illimité.

– Johann Wolfgang von Goethe405

There is no such thing as the State And no one exist alone

– W. H. Auden406

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