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L’apport de la génétique en Anthropologie

III. Les marqueurs génétiques utilisés

III.1. L’apport de la génétique en Anthropologie

Pour comprendre l’évolution de l’homme et sa diversité actuelle, l’Anthropologie dispose de deux outils génétiques : l’exploration du polymorphisme génétique humain qui fut complétée, à partir des années 30, par les modélisations fournies par la génétique des populations (Modèle de Hardy Weinberg). L’exploration du polymorphisme permet de saisir la diversité génétique entre et à l’intérieur des différents groupes humains et, compte tenu que l’Anthropologue d’aujourd’hui se préoccupe moins de classer que d’expliquer la diversité, la génétique des populations lui donne les outils de réflexion pour comprendre les mécanismes évolutifs. Ces mécanismes sont gouvernés par des paramètres qui ne sont pas tous d’ordre génétique puisque, outre la mutation la sélection ou la dérive génétique, ils intègrent les écarts à la panmixie, les migrations et la taille de la population (Loi de Hardy- Weinberg). A l’échelon de l’individu, la source de la diversité génétiquement transmissible est la mutation dans les cellules germinales : le polymorphisme naît de la mutation et est

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entretenu, par la méiose. A l’échelle de la population, l’évolution de la diversité génétique et de son génome collectif dépend de l’échelle d’observation.

La comparaison intra- ou inter-populationnelle donne, en effet, les clés pour cette analyse : la diversité intra-populationnelle va diminuer sous l’action de la sélection naturelle ou de la dérive génétique mais pourra s’accroître en cas de migration dont l’impact sera d’autant plus important que la population sera de faible effectif. A contrario, la diversité inter- populationnelle diminuera par l’existence d’un phénomène de migration entre les populations considérées alors que dérive génétique et sélection l’accentueront.

Au sein d’une population, la variabilité entre les individus peut provenir de leur diversité génétique et de la diversité des milieux dans lesquels s’expriment leurs gènes. Cela nécessite de prendre en compte la notion d’interaction « gène-environnement » afin de distinguer son impact de celui qui est directement lié à l’histoire des migrations humaines. Cette interaction intègre la notion de sélection naturelle qui représente un tri des gènes les plus adaptés aux conditions du moment, parmi les gènes disponibles et accessibles à ce phénomène. Ceci est dirigé par une fécondité différentielle du plus apte qui augmente le nombre de descendants porteurs des formes alléliques adéquates.

C’est un processus dynamique dans un écosystème donné qui favorise les individus qui apparaissent les plus en adéquation avec l’interface « gène-environnement ». La sélection ne crée pas la variabilité. La variation génétique est aléatoire par rapport à son utilité éventuelle laquelle peut être multiple et changeante. Il n’y a pas de mutation dirigée. La sélection opère un tri parmi la variabilité existante et disponible sous contrainte du milieu.

L’approche génétique d’une population ne doit pas être interprétée isolément mais elle doit être confrontée aux autres disciplines dont l’Anthropologie représente le carrefour. L’une de ces approches est représentée par la linguistique.

Bien qu’il y ait une absence de lien direct entre les gènes d’une personne et sa langue, il existe une forte corrélation entre les familles de langues définies par les linguistes et les populations humaines définies par les généticiens (Figure 1 p.36). En effet, les familles de langues (Figure 2 p.37) et les populations résultent conjointement d’évènements historiques

expliquant le fait que les évolutions génétiques et linguistiques peuvent concorder (Ruhlen M, 1991 ; Cavalli-Sforza L, 1994a).

La raison principale en est que les deux évolutions suivent en principe la même histoire c’est à dire une série de scissions. Deux populations qui viennent de se séparer entament en même temps un processus de différenciation de leurs gènes et de leurs langues. Sans qu’il soit nécessaire que ces deux processus aient un rythme d’évolution parfaitement constant, il est raisonnable de s’attendre, dans les deux cas, à une différenciation quasi proportionnelle au temps écoulé. Ils doivent donc concorder, sauf dans le cas d’évènements extérieurs, tels un apport génétique (remplacement de gènes) ou un changement de langue (remplacement de langue) imposé par des envahisseurs (Renfrew C, 1987). Ceux-ci peuvent estomper le tableau génétique et linguistique sans toutefois le masquer complètement.

Ainsi, en partant du principe que les mots évoluent à un rythme bien spécifique comme le font les gènes, les linguistes proposent une chronologie de l’apparition des grandes familles linguistiques. Toutefois d’autres linguistes, sont critiques sur un travail ne prenant en compte que l’évolution des mots qui, tous les jours, entrent et sortent d’une langue. Il conviendrait plutôt de s’attacher aux structures phonologiques et ou syntaxiques de chaque langue qui apportent des informations plus fiables dans le cadre des études phylogéniques. C’est ce qu’a fait J.H.Greenberg(Greenberg JH, 1963) pour faire entrevoir l’existence d’une très ancienne langue ancestrale commune qui s’est ramifiée au cours des millénaires sur le continent eurasiatique. Ainsi, les grandes subdivisions de nature linguistique sont les paramètres les plus fortement corrélés aux variations génétiques des populations, par rapport aux composantes spatiales (Excoffier L, 1987). Les études conjointes gènes et langues complétées par les données archéologiques conduisent à une meilleure compréhension des origines et de la répartition des êtres humains sur la planète.

Quels sont donc « les gènes » qui sont à la disposition des anthropologues pour appréhender le profil génétique d’une population ? Comment accéder à leur diversité dont le cumul définit la notion de polymorphisme génétique humain et l’expression

36 Figure 1 : Comparaison des arbres génétiques et des familles de langues. Les différentes couleurs définissent les 5 continents et les couleurs à l’intérieur des continents représentent les phylums linguistiques. (D’après Cavalli-Sforza L, 1994a)

Figure 2 : Distribution géographique des familles de langues selon Ruhlen M. La répartition initiale des langues est représentée en haut de la figure et la représentation actuelle en bas. (D’après Cavalli-Sforza L, 1994a)

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