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L'APPLICATION DE LA LÉGISLATION SUR L'ASSURANCE-VIEILLESSE

C) LES SANCTIONS PRÉVUES PAR LA LTR

IX. LA LÉGISLATION SUR LES ASSURANCES SOCIALES

2. L'APPLICATION DE LA LÉGISLATION SUR L'ASSURANCE-VIEILLESSE

sur l'assurance-vieillesse et survivants aux groupements

à

caractère religieux, spirituel ou ésotérique

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La Loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivantsu1 s'applique en principe aux personnes physiques qui ont leur domicile civil en Suisse ou qui exercent une activité lucrative dans ce paysu2Elle établit donc un système d'affiliation obligatoire de toute la population, sous réserve de quelques exceptions113

Le principe de base de la loi est que toute personne entrant dans son champ d'application a l'obligation de verser des cotisations tant qu'elle exerce une activité lucrative, indépendamment de son àge114. De même, les personnes sans activité lucrative doivent cotiser de l'âge de 20 ans à celui de 62 ans pour les femmes ou de 65 ans pour les hommesu5

Dans la mesure où elles constituent des assurés au sens de l'article 1 LAVS, les personnes qui travaillent au sein d'un groupement à caractère religieux, spiri-tuel ou ésotérique sont soumises à cette loi, même si elles reçoivent uniquement des prestations en nature en contrepartie de leur travail. En effet, selon l'article 5, alinéa 2, LAVS, le salaire déterminant pour le calcul des cotisations comprend «toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé». Il englobe notamment «les prestations en nature». Les éléments qui composent le salaire déterminant sont précisés aux articles 7 à 16 RAVS et font l'objet d'une importante jurisprudence du Tribunal fédéral 116

En conséquence, tout groupement au sein duquel des personnes exercent une activité lucrative dépendante au sens de l'article 5 LAVS constitue un employeur auquel la loi impose des obligations importantes117:

111 RS 831.10, ci-après «LAVS».

112 Le champ d'application de la LAVS est déterminé par l'article 1 LAVS ainsi que par les articles 1 à 4 du Règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants (RS 831.101, ci-après

«RAVS»).

113 J.-L. DUC, Les assurances sociales en Suisse, Lausanne 1995, p. 141.

114 Article 3, alinéa 1, l" phrase, LAVS. L'article 3, alinéa 2, réserve néanmoins certaines excep-tions, notamment pour les enfants jusqu'à 17 ans ou 20 ans révolus selon les circonstances, les femmes mariées travaillant sans rémunération dans l'entreprise de leur mari ou les veuves sans activité lucrative.

115 Article 3, alinéa 1, l" phrase, LAVS.

116 Voir, notamment, le commentaire de la jurisprudence relative à l'article 5 LAVS de U. KIESER, Bundesgesetz über die Alters- und Hinterlassenenversicherung, Zurich 1996, pp. 22-51.

117 Notamment les articles 51 et 64 LAVS.

162 François Bellanger, Partie spéciale, chapitre li

Etre affilié à une caisse de compensation;

Retenir une cotisation sur tout salaire défini à l'article 5, alinéa 2, LAVS;

Régler périodiquement aux caisses de compensation les cotisations rete-nues sur les salaires et les cotisations dues par l'employeur;

Vérifier, sur la base des pièces d'identité des employés, les indications portées par ceux-ci sur la demande de certificat d'assurance;

Etablir les données nécessaires à la tenue des comptes individuels des salariés et du calcul des cotisations;

Pour assurer le respect de ces obligations, les caisses de compensation dispo-sent de moyens relativement importants.

En premier lieu, elles peuvent échanger des informations avec l'administra-tion fiscale. L'article 50, alinéa Ibis, LAVS prévoit expressément que «l'obli-gation de garder le secret est supprimée à l'endroit des autorités qui sont chargées de l'exécution des lois fiscales et qui demandent des renseignements nécessaires à l'ap-plication de ces lois», pour les périodes fiscales postérieures à l'entrée en vigueur de la Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct ainsi que pour la période la précédant. L'obligation de garder le secret est également levée à l'égard des autorités chargées des autres assurances sociales, conformément aux articles 50, alinéa 2, LAVS et 209bis RAVS.

De plus, l'article 93 LAVS impose à toutes les autorités administratives de la Confédération, des cantons et des communes ainsi qu'aux autorités chargées de l'application des autres assurances sociales de fournir aux organes compétents de l'assurance-vieillesse et survivants qui le demandent tous les renseignements et documents nécessaires, notamment pour fixer et perce-voir les cotisations ou pour exercer un droit de recours contre des tiers responsables. A Genève, cette disposition est précisée par l'article 23 LaLAVS. Ce devoir de fournir des informations couvre également les auto-rités fiscales. L'article 27, alinéa 1, RAVS impose d'ailleurs aux caisses de compensation de demander les informations fiscales nécessaires pour le calcul des cotisations des indépendants. A défaut d'une telle demande, l'ar-ticle 27, alinéa 3, RAVS prévoit que l'autorité fiscale doit agir spontanément.

Partant, dans la mesure où ils en font la requête, les organes d'application de la LAVS peuvent obtenir des informations détaillées tant des autorités fiscales que d'autres autorités118Ce droit d'accès aux informations peut remplir une fonction importante lors d'un contrôle au sein d'un mouvement sectaire à

118 Voir la Partie spéciale, Chapitre rv; le point II. D.

La législation sur les assurances sociales 163

caractère dangereux. Il permet d'établir un lien entre différentes sources de données relatives aux personnes travaillant pour le mouvement et de vérifier le respect des obligations légales de l'employeur et, le cas échéant, des employés.

En deuxième lieu, les caisses de compensation doivent veiller à l'affiliation de toutes les personnes tenues de payer les cotisations119A Genève, la Caisse cantonale genevoise de compensation groupe tous les employeurs domiciliés dans le canton et leurs salariés qui ne sont pas affiliés dans une autre caisse120. Cette autorité est donc chargée de ce contrôle.

En troisième lieu, les caisses doivent obtenir des employeurs les décomptes relatifs aux cotisations. A défaut d'envoi des décomptes dans les délais, elles adressent une sommation, puis, si cette dernière reste infructueuse, établis-sent une taxation d' office121Pour effectuer cette taxation, une caisse peut se rendre sur place pour recueillir les informations nécessaires122. Ce moyen peut constituer un élément de contrainte important pour inciter un employeur à remplir ses obligations.

En quatrième lieu, les employeurs doivent donner aux personnes chargées du contrôle de l'exécution de la LAVS tous les renseignements nécessaires à cette tâche et leur donner accès aux livres et pièces pertinents123Indépendamment du non-respect de l'obligation de rendre les décomptes, les caisses disposent donc de la possibilité d'enquêter pour déterminer si un employeur est affilié ou si les cotisations dues sur un salaire sont correctement calculées en fonction de l'intégralité de celui-ci.

Enfin, en cas de non-respect des obligations légales, l'employeur, voire ses employés, encourt une responsabilité pénale et financière.

Du point de vue pénal, les articles 87 à 89 LAVS déterminent des infractions de droit pénal administratif.

L'article 87 LAVS sanctionne notamment, sous réserve de la commission d'une infraction plus grave prévue par le Code pénal suisse, de l'emprisonne-ment pour six mois au plus et/ou d'une amende de Fr. 20 000 au plus le fait de:

119 Article 63, alinéa 2, LAVS.

120 Article 4 de la Loi genevoise d'application de la LAVS, RS/Ge J.9.1; ci-après «LaLAVS».

121 Articles 35 à 38 RAVS.

122 Article 38, alinéa 2, RAVS.

123 Article 209, alinéa 2, RAVS.

164 François Bellanger, Partie spéciale, chapitre II

fournir des informations fausses ou incomplètes pour éluder, en tout ou partie, l'obligation de verser des cotisations;

ne pas verser à l'AVS les cotisations déduites du salaire des employés.

L'article 88 LAVS punit, sous réserve de l'application de l'article 87 LAVS, d'une amende de Fr. 5 000 au plus le fait de:

donner des renseignements inexacts;

ne pas donner de renseignements;

s'opposer à un contrôle ou de le rendre impossible;

ne pas rendre les formules prescrites;

de remplir les formules prescrites de manière inexacte.

Aussi bien en cas d'application de l'article 87 LAVS que de l'article 88 LAVS, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir au nom de la personne morale ou de la société de personnes en cause, conformément à l'article 89 LAVS.

Les gérants des caisses de compensation ont l'obligation de dénoncer les actes punissables selon les articles 87 et 88 LAVS dont ils ont connaissance à l'autorité cantonale compétente124, soit, à Genève, le Procureur général. La poursuite de ces infractions et leur jugement incombent ensuite aux cantons en vertu de l'article 90, alinéa 1, LAVS.

Pour les cas les moins graves, l'article 91 LAVS prévoit finalement un système d'amendes d'ordre qui sont infligées par les caisses.

D'un point de vue financier, l'article 52 LAVS prévoit que «l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas les prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de compensation, est tenu à réparation». Cette disposi-tion est applicable dans la mesure où trois condidisposi-tions cumulatives sont réunies:

1. La caisse cantonale de compensation a subi un dommage;

2. Un employeur n'a pas, intentionnellement ou par négligence grave, observé les prescriptions légales relatives à l' AVS;

3. Il existe un lien de causalité entre le dommage subi par la caisse et la violation des obligations par l'employeur.

124 Article 208 RAVS et 7, litt. D, LaLAVS.

La législation sur les assurances sociales 165

L'appréciation de l'intention ou de la négligence doit être effectuée au regard des règles générales du Code pénal et, en particulier, de son article 18125

Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé que toutes les circonstances devaient être prises en compte dans l'analyse de la possible responsabilité de l'employeur:

«Die Schadenersatzpfiicht ist im konkreten Fall nur dann begründet, wenn nicht Arbeitgebers als gerechtfertigt erscheinen lassen oder sein Verschulden im Sinne von Absicht oder grober Fahrlassigkeit ausschliessen. In diesem Sinne ist es denkbar, dass zwar ein Arbeitgeber in vorsatzlicher Missachtung der AHV- UJrschriften der Ausgleichskasse einen Schaden zufügt, aber trotzdem nicht schadenersatzpfiichtig wird, wenn besondere Umstande die Nichtbefolgung der einschlagigen UJrschriftern als erlaubt oder nicht schuldhaft erscheinen lassen.»126

3. Recommandations

La LAVS 'constitue un outil intéressant pour le contrôle des mouvements sectaires à caractère dangereux. En effet, elle permet à l'autorité administra-tive d'acquérir une connaissance du fonctionnement du mouvement en rela-tion avec les personnes qu'il emploie. De plus, ces informations peuvent ensuite être fournies à l'administration fiscale si celle-ci en fait la demande.

De la sorte, il peut exister une synergie entre les autorités fiscales et les auto-rités chargées de l'application de la LAVS permettant un contrôle plus effi-cace et donc une meilleure application du droit.

Dans cette optique, il serait souhaitable que la Caisse cantonale genevoise de compensation effectue des contrôles systématiques au sein des groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique, de manière à déterminer si ces mouvements occupent des personnes assujetties à la LAVS et, dans l'affir-mative, remplissent leurs obligations légales. Si tel n'était pas le cas, la Caisse devrait prendre les mesures prescrites par la LAVS et le RAVS pour rétablir une situation conforme au droit.

La Caisse devrait également requérir auprès de l'administration fiscale gene-voise la liste de l'ensemble des groupements qui ont requis une exonération fiscale, notamment pour des buts cultuels, afin de vérifier que ces groupe-ments n'ont pas une activité soumise à la LAVS.

125 Ueli KIESER, BGE zumAlters- und Hinterlassenenversicherungsgesetz, Zurich 1996, p. 200.

126 ATF 108/1982V 183/186-187,B.

166 François Bellanger, Partie spéciale, chapitre Il