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Les mesures de droit administratif contre les atteintes résultant de dérives sectaires

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Les mesures de droit administratif contre les atteintes résultant de dérives sectaires

BELLANGER, François

BELLANGER, François. Les mesures de droit administratif contre les atteintes résultant de dérives sectaires. In: Audit sur les dérives sectaires : Rapport du groupe d'experts genevois au Département de Justice et Police et des Transports du Canton de Genève . Genève : S. Hurter, 1997. p. 119-175

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:42087

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(2)

François Bellanger, Partie spéciale, chapitre II 121

Sommaire

I. INTRODUCTION 123

II. LA RÉGLEMENTATION GENEVOISE SUR LES

CORPORATIONS RELIGIEUSES . . . 124

1. LES CONSTATS EFFECTUÉS LORS DEL' AUDIT . . . . 124

2. LA LOI SUR LES CORPORATIONS RELIGIEUSES . . . . 125

3. LA RECONNAISSANCE DES ÉGLISES OFFICIELLES . . . . 126

4. RECOMMANDATIONS . . . 128

III. LA PUBLICITÉ DES ASSOCIATIONS . . . 129

!. LES CONSTATS EFFECTUÉS LORS DE CAUDIT . . . . 129

2. CINSTITUTION D'UNE PUBLICITÉ RELATIVE À LA CONSTITUTION DES ASSOCIATIONS . . . . 131

A) LA COMPATIBILITÉ D'UNE OBLIGATION D'ANNONCE AVEC LA LIBERTÉ D'ASSOCIATION . . . . 131

B) LA PROCÉDURE À LA DISPOSITION DU CANTON POUR PROPOSER UNE MODIFICATION DU DROIT FÉDÉRAL . . . . 133

3. LES AUTRES MESURES DE DROIT CANTONAL POUR LUTTER CONTRE LES ASSOCIATIONS UTILISÉES PAR DES MOUVEMENTS SECTAIRES À CARACTÈRE DANGEREUX . . . . 134

4. RECOMMANDATIONS . . . . 135

IV. LE PROSÉLYTISME ET L'USAGE DU DOMAINE PUBLIC . . . . 136

!. LES CONSTATS EFFECTUÉS LORS DE L'AUDIT . . . . 136

2. LA LOI SUR LE DOMAINE PUBLIC . . . . 136

V. LES AUTORISATIONS DE COMMERCE . . . . 138

VI. LE CONTRÔLE DES ORGANISMES SUBVENTIONNÉS . . . . 140

VII. LE CONTRÔLE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ . . . . 142

!. LES CONSTATS EFFECTUÉS LORS DE L'AUDIT . . . . 142

2. LES PROBLÈMES JURIDIQUES LIÉS À L'EXERCICE DES ACTIVITÉS MÉDICALES . . . . 143

(3)

122 François Bellanger, Partie spéciale, chapitre II

A) LE CHAMP D'APPLICATION DE LA LÉGISLATION RELATIVE

AUX PROFESSIONS DE LA SANTÉ . . . 143

B) L'EXERCICEILLÉGALDELAMÉDECINE . . . 147

C) LE COMMERCE DES SUBSTANCES THÉRAPEUTIQUES . . . 150

D) LA RÉGLEMENTATION DE LA PUBLICITÉ MÉDICALE . . . 152

E) LES MOYENS D'INVESTIGATION DES AUTORITÉS SANITAIRES . . . 153

3. RECOMMANDATIONS . . . 154

VIII. LA LÉGISLATION SURLETRAVAIL . . . 155

1. LES CONSTATS EFFECTUÉS LORS DE L'AUDIT . . . 155

2. LES MOYENS PRÉVUS PAR LE RÉGIME LÉGAL EN VIGUEUR . . . 156

A) LA LOI FÉDÉRALE SUR LE TRAVAIL DANS L'INDUSTRIE, L'ARTISANAT ET LE COMMERCE S'APPLIQUE AUX GROUPEMENTS À CARACTÈRE RELIGIEUX, SPIRITUEL OU ÉSOTÉRIQUE . . . 156

B) LES MOYENS DE CONTRÔLE PRÉVUS PAR LA LTR . . . 158

C) LES SANCTIONS PRÉVUES PAR LA LTR . . . 159

3. RECOMMANDATIONS . . . 159

IX. LA LÉGISLATION SUR LES ASSURANCES SOCIALES . . . 160

1. LES CONSTATS EFFECTUÉS LORS DE L'AUDIT . . . 160

2. L'APPLICATION DE LA LÉGISLATION SUR L'ASSURANCE-VIEILLESSE ET SURVIVANTS AUX GROUPEMENTS À CARACTÈRE RELIGIEUX, SPIRITUEL OU ÉSOTÉRIQUE... 161

3. RECOMMANDATIONS . . . 165

IX. LA FORMATION PROFESSIONNELLE . . . 166

X. LA FONCTION PUBLIQUE . . . 167

1. LES CONSTATS EFFECTUÉS LORS DE L'AUDIT . . . 167

2. LES RÉGLES LÉGALES PERMETTANT DE LUTTER CONTRE LES DÉRIVES SECTAIRES AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE . . . . 168

A) L'ENGAGEMENT DES EMPLOYÉS ET LA NOMINATION DES FONCTIONNAIRES . . . 169

B) LE CONTRÔLE DE L'EXÉCUTION DES DEVOIRS DE SERVICE . . . 170

C) LE CONTRÔLE DES ACTIVITÉS ANNEXES . . . 171

D) LECHANGEMENTD'AFFECTATION . . . 171

3. RECOMMANDATIONS . . . 172

XI. CONCLUSION . . . 174

(4)

François Bellanger, Partie spéciale, chapitre II

123

I. Introduction

Le droit administratif est la branche du droit qui régit, sous réserve des ques- tions fiscales, l'exécution des activités dont le constituant et le législateur ont décidé qu'elles devraient être assurées par l'Etat, soit, en général, par le pouvoir exécutif. A ce titre, le droit administratif remplit une fonction impor- tante dans le cadre de la prévention des dérives sectaires et, en particulier, du contrôle des mouvements sectaires à caractère dangereux. En effet, certains domaines sensibles par rapport au phénomène sectaire, comme l'exercice des professions médicales ou les assurances sociales, font l'objet d'une régle- mentation détaillée de droit administratif.

L'objet de notre analyse est double. Il s'agit de mettre en évidence les dispo- sitions de droit administratif qui pourraient être utilisées pour lutter contre les dérives sectaires, d'une part, et de proposer des modifications lorsque les instruments légaux sont inexistants ou inadaptés, d'autre part. Afin d'at- teindre cet objectif, nous allons présenter successivement les différents domaines du droit administratif qui peuvent être concernés par le phéno- mène sectaire. Compte tenu de l'étendue des secteurs du droit qui sont couverts par cette analyse, nous nous limiterons à un exposé général de chacune des réglementations en cause.

Nous allons successivement traiter des questions suivantes:

La réglementation genevoise sur les corporations religieuses (point II.);

La publicité des associations (point III.);

Le prosélytisme et l'usage du domaine public (point IV.);

Les autorisations de commerce (point V.);

Le contrôle des organismes subventionnés (point VI.);

L'exercice des professions de la santé (point VII.);

La réglementation sur la durée de travail et le repos (point VIII.);

Les assurances sociales (point IX.);

La formation professionnelle (point X.);

La fonction publique (point XI.).

Nous n'analyserons pas les questions liées à l'instruction publique ou à l'en- seignement privé pour les enfants ou les adolescents dans la mesure où ces

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124 François Bellanger, Partie spéciale, chapitre II

deux domaines relèvent essentiellement de la protection des mineurs et font l'objet du chapitre II de la partie spéciale du rapport relatif à l'audit sur les dérives sectaires.

Pour chaque domaine, nous commencerons par exposer les manifestations de dérives sectaires qui ont été identifiées lors de l'audit ainsi que les problèmes juridiques qu'elles soulèvent. Nous présenterons ensuite briève- ment le régime légal en vigueur, pour conclure en décrivant les mesures que nous préconisons. Lorsqu'il est fait état de groupements ou d'actes illicites commis par ceux-ci, il s'agit uniquement de remarques générales qui ne visent aucun groupement en particulier, notamment pas les groupements dont les représentants ont été entendus lors des auditions.

II. La réglementation genevoise sur les corporations religieuses

1.

Les constats effectués lors de l'audit

La plupart des groupements à caractère religieux se présentent comme des religions. Certains d'entre eux ont été reconnus comme telles dans différents pays, soit dans le cadre de procédures spécifiques pour les Eglises, soit en relation avec des demandes d'exonération fiscale.

Nous avons pu constater qu'il n'existe à l'heure actuelle à Genève aucun contrôle quant à l'utilisation du terme «Eglise». N'importe quel groupement peut intégrer le terme <Œglise» à sa dénomination et bénéficier ainsi d'une sorte de légitimation, en apparaissant comme semblable aux Eglises formel- lement reconnues comme telles. Le résultat est un risque certain de confu- sion dans l'esprit du public dans la mesure où le mot «Eglise)> est lié forcément à une activité religieuse.

Compte tenu de ces éléments, il est intéressant d'examiner dans quelle mesure la législation genevoise s'applique en la matière et prévoit, le cas échéant, une procédure de reconnaissance des Eglises. Nous distinguerons la réglementation sur les corporations religieuses, d'une part, et la recon- naissance des Eglises officielles, d'autre part.

(6)

La réglementation genevoise sur les corporations religieuses

12 5 2. La loi sur les corporations religieuses

A teneur de l'article 17 6, alinéa 1, de la Constitution genevoise\ «aucune corporation, soit congrégation ne peut s'établir dans le canton, sans l'autorisation du Grand Conseil qui statue après avoir entendu le Conseil d'Etat». L'alinéa 2 de cette disposition précise que cette «autorisation est toujours révocable».

En application de cette norme constitutionnelle, le Grand Conseil genevois a adopté le 3 février 1872 la Loi sur les corporations religieuses, qui est toujours en vigueur2A l'époque, les débats étaient très animés3 car le sujet était extrêmement sensible. Ainsi, le rapport de majorité insistait sur l'im- portance de cette réglementation en raison de «l'intention qu'on peut prêter à l'Eglise, de développer largement l'institution monastique et les corporations ensei- gnantes, afin de façonner les esprits à la servitude, de reconstituer les biens de main- morte, et de préparer la ruine de ces libertés modernes que la dernière encyclique a condamnées expressément ... l'institution monastique est la négation de tous nos principes sur la liberté individuelle, sur l'Etat civil, sur le droit des parents, sur l'ex- clusion des juridictions extraordinaires et des prisons autres que celles de l'Etat. »4 Cette loi s'applique aux corporations religieuses ou congrégations, soit «toute réunion de personnes appartenant à un ordre religieux quelconque ou à une corpo- ration religieuse constituée à Genève ou à l'étranger, et vivant en commun, de même que toute réunion de personnes vivant en commun dans un but religieux et sous une règle uniforme»5Trois éléments caractérisent donc les corporations reli- gieuses: la vie en commun, une règle uniforme et un but religieux6.

La législation genevoise se situait dans un contexte culturel très spécifique, lié à la question de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Comme le montrent les travaux préparatoires de cette loi, elle visait à s'opposer aux ordres catho- liques, considérés alors comme liberticides. Par la suite, cette loi a perdu son rôle et ne semble plus être appliquée aujourd'hui.

Toutefois, cette réglementation reste toujours en vigueur, avec pour consé- quence qu'une congrégation ne peut pas s'établir dans le canton de Genève sans une autorisation du Grand Conseil. Si elle s'installe sans autorisation

1 RS/GeA.2.1; ci-après« Cst. gen.».

2 RS/Ge C.4.1; ci-après« LCRe».

3 Mémorial du Grand Conseil, 1872, pp. 271 ss, not. 287 ss, 461 ss, 519 ss.

4 Mémorial du Grand Conseil, 1872, p. 275.

5 Article 1 LCRe.

6 Mémorial du Grand Conseil, 1872, p. 282.

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126

François Bellanger, Partie spéciale, chapitre II

dans le canton ou si elle viole les conditions qui auraient pu être fixées dans l'autorisation, le Conseil d'Etat doit dissoudre la congrégation et fermer l'établissement 7En outre, des amendes peuvent être imposées soit aux responsables du groupement dissous8, soit aux personnes qui ont loué des locaux à une congrégation non autorisée 9

A notre avis, cette loi pourrait donc s'appliquer à des groupements à carac- tère religieux dans la mesure où ils prévoiraient la vie des adeptes en commun conformément aux règles du groupement. Certes, la loi est ancienne; toute- fois, elle peut être interprétée et appliquée en fonction des circonstances actuelles. Cela est fréquent en matière juridique. Les termes utilisés dans la loi permettent une interprétation actualisée couvrant non seulement les reli- gions traditionnelles, mais aussi les nouveaux groupements religieux.

Cette question n'est pas entièrement théorique, dans la mesure où certains groupements à caractère religieux, fondés notamment sur une philosophie orientale, imposent la vie en commun des adeptes dans un ashram et soumet- tent ces derniers à l'autorité du responsable du groupement. Un tel groupe- ment, qui forme a priori une congrégation au sens de l'article 1 LCRe, devrait donc obtenir une autorisation du Grand Conseil. Dans la mesure où il a une pratique purement religieuse, qui respecte les droits individuels des adeptes et de leurs enfants, ce groupement ne devrait pas avoir de difficulté à obtenir une telle autorisation. En outre, si le groupement a une structure transpa- rente, ses responsables ne devraient pas craindre un débat au Grand Conseil.

Bien au contraire, ils acquerraient ainsi une légitimité qui leur éviterait des critiques dues souvent à une méconnaissance du mouvement.

3. La reconnaissance des Eglises officielles

Le Titre XII de la Constitution genevoise fixe le principe de la liberté de culte et prévoit les modalités d'organisation des Eglises à Genève. En particulier, selon l'article 165, alinéa 1, Cst. gen., «les cultes s'exercent et les Eglises s'organi- sent en vertu de la liberté de réunion et du droit d'association». L'alinéa 2 de cette disposition précise que «les Eglises peuvent, en se conformant aux prescriptions du code fédéral des obligations, acquérir la personnalité civile avec toutes les consé- quences juridiques qui en découlent. Elles peuvent se constituer en fondation.»

7 Article 2 LCRe.

8 Article 3 LCRe.

9 Article 4 LCRe.

(8)

La réglementation genevoise sur les corporations religieuses

12 7

Sur la base du Titre XII Cst. gen., le Conseil d'Etat a adopté le 16 mai 1944 un Règlement10 selon lequel trois Eglises sont reconnues d'utilité publique, à l'exclusion de toutes les autres, soit: l'Eglise nationale protestante, l'Eglise catholique romaine et l'Eglise catholique chrétienne.

En fonction de ces textes légaux, à Genève, une Eglise doit obligatoirement être organisée sous la forme d'une association ou d'une fondation11En revanche, d'autres formes juridiques ne sont pas admises dès lors que cela ne serait pas compatible avec le but cultuel, et donc non lucratif, d'une Eglise.

De plus, il n'existe pas en droit genevois de limitation quant à l'usage du terme «Eglise», pour autant que la forme juridique adéquate soit utilisée. En revanche, une Eglise distincte des trois Eglises reconnues d'utilité publique par le Conseil d'Etat ne peut pas se présenter comme une Eglise officielle.

Cette approche du droit genevois apparaît conforme à la liberté religieuse telle que garantie par les articles 49 et 50 de la Constitution fédérale12Le droit d'exercer librement une religion implique, à notre avis, le droit de se dénommer <iBglise». A défaut, si le terme «Eglise» était réservé et dépendait d'une autorisation étatique, il existerait un contrôle préventif sur les croyances, pour déterminer si elles sont ou non aptes à former une Eglise, qui serait probablement disproportionné.

Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que toute utilisation du terme <Œglise»

soit admissible, l'ordre public doit être respecté. En particulier, la liberté reli- gieuse ne protège que les activités religieuses, soit les comportements qui sont l'expression directe de cette conviction. En conséquence, une utilisation du terme «Eglise» uniquement à des fins commerciales ne serait pas protégée13 et devrait pouvoir être limitée pour des motifs de loyauté dans les transactions commerciales. Il n'existe toutefois pas de réglementation sur ce point.

Le droit genevois est également en accord avec la Recommandation N° 1178 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe qui prévoit à sa lettre iii) qu'une «législation devrait être adoptée si elle n'existe pas déjà, accordant la personnalité juridique aux sectes et aux nouveaux mouvements religieux dûment enregistrés, ainsi qu'à tous les groupements issus de la secte mère»14

10 Règlement déclarant que trois Eglises sont reconnues d'utilité publique, RS/Ge C.4.3.

11 Dans ce sens, A. FAVRE, Droit constitutionnel suisse, Fribourg 1970, p. 277.

12 Voir la Partie générale, le point III. A. et B.

13 Voir la Partie générale, le point III. A, notamment la note 9.

14 Voir la Partie générale, le point III. C.

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128

François Bellanger, Partie spéciale, chapitre II

En l'occurrence, tout mouvement religieux organisé sous forme d'association ou de fondation acquiert la personnalité morale et peut se dénommer «Eglise».

En conséquence, dans la mesure où les groupements religieux respectent l'ordre public et optent pour la forme juridique de l'association ou de la fondation, soit des institutions à but non lucratif, le droit genevois ne prévoit aucune limitation de l'utilisation du terme «Eglise» dans la désignation du groupement.

4. Recommandations

Pour prévenir les dérives sectaires résultant soit de la violation des droits individuels au sein de communautés religieuses, soit de l'usage abusif du terme «Eglise», deux types de mesures devraient être envisagées.

D'une part, l'existence éventuelle de congrégations devrait être vérifiée. Si des congrégations existent sans bénéficier de l'autorisation prévue par l'ar- ticle 176, alinéa 1, Cst. gen., le Conseil d'Etat devrait, conformément au principe de proportionnalité, leur impartir un délai raisonnable pour obtenir une telle autorisation. A défaut de l'obtention d'une autorisation, il appar- tiendrait au Conseil d'Etat de prendre les mesures prévues par la LCRe et, en particulier, de dissoudre les congrégations.

D'autre part, conformément à l'article 125 Cst. gen., il serait envisageable que le Conseil d'Etat adopte un règlement de police relatif à l'utilisation du terme «Eglise» afin d'éviter que celui-ci ne soit employé à des fins commer- ciales et trompeuses pour le public. Dans cette hypothèse, tout en respectant la liberté religieuse, il serait possible de limiter l'usage de la dénomination

<(Eglise» aux seules organisations bénéficiant de cette liberté.

(10)

La publicité des associations 129

III. La publicité des associations

1. Les constats effectués lors de l'audit

La très grande majorité des groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique sont organisés dans la forme juridique d'une association. Le choix de cette structure s'explique notamment par sa souplesse et sa facilité de constitution comme de dissolution. En effet, le droit suisse, comme la plupart des autres systèmes juridiques, connaît le principe de la libre forma- tion des associations: une association naît dès qu'un groupement de personnes exprime sa volonté de la former dans des statuts écrits.

La forme juridique de l'association permet aux mouvements à caractère sectaire dangereux d'évoluer très rapidement. Ils peuvent se former sur simple adoption de statuts dans le plus parfait anonymat. Les autorités ne disposent en effet d'aucun moyen pour savoir si une nouvelle association a été créée. De même, l'association peut changer de nom sans aucun contrôle ou se dissoudre pour renaître sous une autre dénomination. Cette situation résulte de l'absence en droit suisse d'une obligation semblable à celle qui existe en droit français de «rendre publique» l'association, soit de déclarer, en joignant deux exemplaires des statuts, à la préfecture ou à la sous-préfecture compétente, «le titre et l'objet de l'association, le siège de ses établissements et les noms, professions, domiciles et nationalités de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction»15Les formalités sont ensuite complétées par la publication dans le Journal officiel d'un extrait contenant la date de la déclaration, le titre et l'objet de l'association, ainsi que l'indica- tion de son siège social. Les associations qui remplissent ces formalités acquièrent la capacité juridique et peuvent notamment être propriétaires de biens et recevoir des subventions publiques16. Le contrôle de l'Etat se limite à l'inspection du travail et à l'application éventuelle de vérifications fiscales17

Les deux officiers des Renseignements généraux français que nous avons entendus nous ont indiqué que l'obligation d'annonce remplit une fonction

15 Article 5 de la Loi du 1" juillet 1901 relative au contrat d'association.

16 Article 6 de la Loi du 1" juillet 1901 relative au contrat d'association.

17 Bulles, Bulletin diffusé par l'ADFI, N" 36, 4' trimestre 1992.

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130 François Bellanger, Partie spéciale, chapitre II

essentielle pour leur travail. Elle constitue le seul moyen dont ils disposent pour identifier un nouveau mouvement dès sa constitution. Or, cette identi- fication est essentielle car, dès qu'un mouvement est connu, il peut éven- tuellement être surveillé s'il apparaît qu'il risque de s'engager dans la voie des dérives sectaires. Dans ce sens, il est intéressant de relever que, selon

!'Association française de défense de la famille et de l'individu (ADFI), environ 80 % des groupements sectaires choisissent la forme de l'association déclarée de manière à pouvoir disposer de la personnalité morale18. Ces asso- ciations «déclarées» se distinguent en France des associations «non déclarées»

qui n'ont pas la capacité juridique19 et ne font l'objet d'aucun contrôle administratif spécifique.

L'audit a permis de constater que les autorités genevoises ne disposaient d'aucune source de renseignement fiable sur l'existence d'associations et, notamment, d'associations revêtant un caractère sectaire. Les autorités découvrent généralement l'existence d'associations lorsque celles-ci utilisent des moyens commerciaux et demandent leur inscription au Registre du Commerce ou lorsqu'elles requièrent un traitement fiscal ou administratif spécifique. En dehors de ces cas, la découverte d'associations résulte géné- ralement d'un cas fortuit ou, plus rarement, de plaintes.

Une conséquence de cette situation est que de nombreuses associations existent sans que les autorités en aient connaissance. Cela signifie bien entendu l'ab- sence de tout contrôle fiscal de même que, le cas échéant, l'impossibilité de vérifier que les règles relatives au droit du travail ou aux assurances sociales sont respectées. Or, la Recommandation N° 1178 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe insiste sur la nécessité d'assurer la couverture sociale des personnes employées par des groupements à caractère sectaire. Selon le chiffre vi) de cette recommandation, ces personnes «devraient être déclarées auprès des organismes sociaux leur garantissant une couverture sociale et une telle couverture sociale devrait aussi être prévue pour ceux qui décident de quitter les sectes».

Dans cette optique, il serait probablement utile d'instaurer en Suisse une obligation d'annonce de la création des associations, à l'instar de ce qui existe en France. Il est intéressant de relever à ce titre que la plupart des représentants des autorités que nous avons entendus ainsi que la totalité des membres d'associations de défense des familles ont insisté sur la nécessité de prévoir une telle obligation.

18 Ibid.

19 Article 2 de la Loi du I" juillet 1901 relative au contrat d'association.

(12)

La publicité des associations

131

Ce type de mesure devrait bien entendu obligatoirement être étendu à l'en- semble de la Confédération. A défaut, une telle mesure serait inefficace, car il suffirait de créer une association dans un canton qui ne connaît pas une règle similaire pour échapper à toute publicité. Ainsi, à supposer que Genève puisse adopter une obligation de ce type, il serait aisé de créer une association dans le canton de Vaud pour contourner les règles relatives à la publicité. Nous allons donc limiter notre examen à l'admissibilité d'une telle mesure en droit fédéral au regard de la liberté d'association et déterminer la voie que pourrait suivre le canton de Genève pour proposer une telle modification du droit fédéral.

2. L'institution d'une publicité relative

à

la constitution des associations

a) La compatibilité d'une obligation d'annonce avec la liberté d'association

Le principe de la liberté d'association est ancré à l'article 56 de la Constitution fédérale20Cette disposition prévoit que «Les citoyens ont le droit de former des associations, pourvu qu'il n y ait dans le but de ces associations ou dans les moyens qu'elles emploient rien d'illicite ou de dangereux pour l'Etat. Les lois cantonales statuent les mesures nécessaires à la répression des abus.»

A l'instar des autres libertés individuelles, la liberté d'association a pour objet principal de protéger les citoyens contre une intervention de l'Etat. En particulier, les cantons ne peuvent restreindre cette liberté que par une mesure reposant sur une base légale, visant un intérêt public pertinent, respectant les principes de proportionnalité comme d'égalité de traitement et ne portant pas atteinte à son contenu fondamental.

La question d'un contrôle préventif des associations a donné lieu à des posi- tions divergentes de la doctrine et à un obiter dictum du Tribunal fédéral.

Dans un arrêt relativement ancien, qui portait principalement sur la défini- tion de l'étendue de la liberté de réunion, le Tribunal fédéral a jugé qu'il serait incompatible avec la liberté d'association garantie par l'article 56 Cst. féd. de faire dépendre la création d'une association del' octroi d'une autorisation21A

20 RS 101 ; ci-après « Cst. féd. «,

21 ATF 96/1970 I 219/229, Niithiger.

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132 François Bellanger, Partie spéciale, chapitre II

la suite de cet arrêt, une partie de la doctrine a estimé qu'un système de déclaration préalable des associations devrait également être tenu pour inconstitutionnel22L'un des arguments à l'appui de ce jugement est l'inef- ficacité d'une telle méthode de contrôle pour empêcher une association de poursuivre des buts ou d'utiliser des moyens illicites ou dangereux23A l'inverse, d'autres auteurs estiment qu'un système de déclaration diffère d'un système d'autorisation et ont admis son principe au regard de la liberté d'association24

La différence fondamentale entre un système d'autorisation préalable et un régime de déclaration obligatoire réside dans l'étendue du contrôle qui est effectué.

Faire dépendre la création d'une association de l'octroi d'une autorisation ouvre la porte à des excès éventuels de la part des autorités chargées de l'application des règles légales. L'obligation de requérir une autorisation entraînerait en réalité un contrôle préventif des associations. A ce titre, elle constituerait une contrainte importante pour les membres fondateurs et entraverait de manière excessive l'exercice de la liberté d'association. Dans l'arrêt où il a traité de cette question, le Tribunal fédéral a ainsi comparé un éventuel contrôle préventif des associations à une censure préalable de la presse25.

Pour qu'une obligation de déclaration des associations ne soit pas semblable à un contrôle préventif, il suffirait d'imposer un devoir d'infor- mation auprès d'une autorité de la création d'une association avec le dépôt des statuts et des noms des personnes habilitées à engager l'association26 ainsi que la publication de l'association dans un organe officiel. Ce dépôt n'impliquerait aucun contrôle sur l'association elle-même ou sur son activité.

22 G. MALINVERN!, Commentaire de la Constitution fédérale, Zurich/Bâle/Berne 1986, N° 39 ad a~ticle 56 Cst. féd.; J.-P. MÜILER, Die Grundrechte der schweizerischen Bundesverfassung, 2' éd., p. 173.

23 G. MALINVERN!, Commentaire de la Constitution fédérale, Zurich/Bâle/Berne 1986, N° 39 ad

article 56 Cst. féd.

24 J.-F. AUBERT, Traité de droit constitutionnel, Neuchâtel 1967/1982, N° 2157. Dans ce sens, voir également Y. HANGARTNER, Grundzüge des schweizerichen Staatsrechts, vol. II, Zurich 1982, p. 123, ainsi que FLEINER/GIACOMETTI, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Zurich 1949, p. 387, note 66, qui n'excluent que le régime d'autorisation préalable, sans se prononcer sur la question d'une obligation d'annonce.

25 ATF 96/1970 I 219/229, Nothiger.

26 Dans ce sens, voir la distinction effectuée par G. MALINVERN! entre le système de contrôle préalable et l'interdiction préventive générale ou l'autorisation préalable, dans La liberté de réunion, Genève, pp. 88-93.

(14)

La publicité des associations

133

Il consisterait donc uniquement en une déclaration destinée à porter à la connaissance du public la création de l'association. Cette dernière pourrait ainsi acquérir la personnalité juridique après le dépôt des documents et dès la publication.

Dans ce sens, à notre avis, l'instauration d'une simple obligation d'annoncer la création d'une association à une autorité compétente et de procéder à une publication de cette création dans un journal officiel ne mettrait pas en cause le fondement même de la liberté d'association, même si l'acquisition de la personnalité juridique dépendrait de la réalisation de cette obligation. La situation ne serait somme toute pas très différente des obligations imposées aux autres sociétés de personnes par l'article 59, alinéa 1, CC, qui prévoit une inscription au Registre du Commerce comme élément constitutif de l'acquisition de la personnalité morale. Dans le cas des associations, seule la publication de l'existence de l'association aurait un effet constitutif, sans qu'il y ait un contrôle sur l'association elle-même.

Une telle obligation ne constituerait donc probablement pas une contrainte excessive. Elle pourrait également être tempérée par la possibilité de créer, à l'instar du droit français, des associations non publiées qui jouissent de droits restreints, par exemple celui d'ester en justice. Ces associations consti- tueraient une catégorie distincte par rapport aux associations à but lucratif qui ne peuvent acquérir la personnalité morale et sont assimilées, selon l'ar- ticle 62 CC, aux sociétés simples.

En conséquence, dans la mesure où une obligation d'annoncer la création des associations pourrait être instaurée de manière compatible avec la liberté d'association prévue à l'article 56 Cst. féd., il serait souhaitable de l'intro- duire dans le régime légal des associations sur le plan fédéral.

b) La procédure à la disposition du canton

pour proposer une modification du droit fédéral

Comme nous l'avons indiqué, pour être efficace, une obligation d'annonce devrait être insérée dans la législation fédérale sur les associations par une modification du Code civil.

A teneur de l'article 93, alinéa 2, Cst. féd., chaque canton dispose du droit d'initiative législative sur le plan fédéral. La procédure relative aux initia- tives cantonales figure aux articles 21 septies à 21 novies de la Loi fédérale sur la

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134 François Bellanger, Partie spéciale, chapitre II

procédure de l'Assemblée fédérale, ainsi que la forme, la publication et l'en- trée en vigueur des actes législatifs27 .

A teneur de l'article 21 septies LRC, chaque canton peut soumettre à l'Assemblée fédérale une proposition d'élaboration d'un projet ou un projet entièrement rédigé. Il conviendrait que Genève fasse usage de cette faculté.

3. Les autres mesures de droit cantonal pour lutter contre les associations utilisées par des mouvements sectaires

à

caractère dangereux

Selon l'article 78 CC, une association est dissoute par un juge, à la demande d'une autorité compétente, lorsque son but est «illicite ou contraire aux mœurs ».

Les notions d'illicéité et de caractère contraire aux mœurs correspondent à celles qui sont utilisées en matière contractuelle aux articles 19 et 20 du Code des obligations28 . L'illicéité est une contravention à une règle de droit impératif, fédéral, cantonal ou communal. Quant à l'atteinte aux mœurs, il s'agit d'un acte contraire à «l'appréciation fondée sur les conceptions morales reçues au sein de lapopulation ... »29

Le but de l'association ne se détermine pas exclusivement d'après le libellé du but statutaire, mais également d'après les objectifs effectivement pour- suivis30. L'art. 57 CC est applicable à la suppression d'une société anonyme à but illicite aussi bien lorsque ce but a été illicite dès le début que s'il l'est seulement devenu par la suite31 . Le Tribunal fédéral a confirmé que la disso- lution judiciaire d'une personne morale en raison de son but illicite ou contraire aux mœurs relève du droit de la personnalité, et ne se prescrit pas tant que dure la lésion32.

A Genève, l'autorité compétente pour introduire une action en dissolution est le Procureur général, conformément à l'article 6, alinéa 1, de la Loi

27 Loi sur les rapports entre les conseils, RS 171.11; ci-après «LRC».

28 RS 220; ci-après «CO».

29 ATF 94/1968 II 5/16, C.

30 ATF 115/1989 II 401, Sud Provizel SA

31 ATF 112/1986 II 1/3-5, ttlbhnbauAG Giswil in Liquidation

32 ATF 118/1992 II 116, M.P. et G.G. M. Bigot de Morogues.

(16)

La publicité des associations

135

d'application du code civil33A teneur de la jurisprudence du Tribunal fédéral, il lui appartient d'agir dès qu'il a connaissance de l'existence d'un but illicite ou contraire aux mœurs34Toutefois, les cas d'application de cette norme sont très rares, principalement faute de la connaissance des faits pertinents. Aucune action de ce type n'a été introduite depuis 1990.

4. Recommandations

Le moyen le plus efficace pour assurer la connaissance par les différentes autorités cantonales genevoises de la constitution ou de la modification de groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique dans le canton serait d'instaurer un mécanisme de publicité des associations. Ce moyen, distinct d'un contrôle préalable, ne permettrait pas d'empêcher la création de mouvements dont le but est illicite. Quel que soit le régime légal applicable, ce type de groupement se présente toujours sous un jour favorable et n'an- nonce jamais dans ses statuts que ses membres peuvent commettre des actes illicites. En revanche, une telle obligation empêcherait des groupements d'évoluer dans un anonymat total et permettrait aux autorités de remplir effi- cacement leurs tâches, que ce soit dans le domaine fiscal ou social.

De plus, cette modification du droit assurerait dans l'intérêt général une publicité des structures officielles choisies par les groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique. Ces derniers ne pourraient que bénéficier d'une politique de transparence dans la mesure où elle leur éviterait de subir des critiques dues souvent à la méconnaissance de leurs structures. Cette approche irait donc dans le sens d'une meilleure information du public, qui est recommandée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe35

S'agissant de la dissolution éventuelle d'associations dont le but se révèle illi- cite ou contraire aux mœurs, le Procureur général devrait être systématique- ment informé par les autorités qui ont connaissance de faits pertinents, afin qu'il puisse prendre les mesures requises par la loi.

33 RS/Ge E.1.1; ci-après « LACC ».

34 ATF 112/1986 II 1/7-8, V:VhnbauAG Giswil in Liquidation.

35 Voir la Partie générale, le pointV.2.

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13 6

François Bellanger, Partie spéciale, chapitre Il

IV. Le prosélytisme

et l'usage du domaine public

1. Les constats effectués lors de l'audit

A plusieurs reprises, les membres du groupe d'experts ont été saisis de remarques relatives à l'usage du domaine public par des membres de grou- pements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique pour du prosélytisme.

Certains groupements ont été présentés comme utilisant systématiquement les contacts personnels dans la rue en vue de recruter de nouveaux adeptes.

Face à cette situation, il convient d'examiner ce type de procédés au regard de la législation en vigueur.

2. La loi sur le domaine public

Le domaine public est notamment constitué par les voies publiques canto- nales et communales affectées à l'usage commun36Selon l'article 12 LDP, chacun «peut, dans les limites des lois et des règlements, utiliser le domaine public conformément à sa destination et dans le respect des droits d'autrui». Une utilisa- tion qui excéderait cet usage commun est en principe subordonnée à l'ob- tention d'une autorisation du Département de Justice et Police et des Transports conformément à l'article 13 LDP.

L'utilisation du domaine public par des groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique à des fins de prosélytisme constitue un usage accru de celui-ci. Il faut distinguer selon que cet usage est fait par une ou plusieurs personnes isolées ou par un groupe de personnes.

Dans le premier cas, en vertu de l'article l lA du Règlement concernant la tranquillité publique et l'exercice des libertés publiques37, «la distribution ou la vente d'écrits ou autres supports d'expression de la liberté d'opinion, [. . .] » et donc, à notre avis, la propagation d'idées religieuses ne sont pas soumises à

36 RS/Ge L.l.0,5; ci-après «LDP».

37 RS/Ge F.3.2.; ci-après «RTP».

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Le prosélytisme et l'usage du domaine public

137

autorisation. En effet, sous réserve des limites spécifiques que nous avons exposées en relation avec l'ordre public38, la diffusion d'une opinion reli- gieuse ne devrait pas être distinguée d'une autre opinion couverte par la liberté d'expression qui présente un caractère plus général.

Dans le second cas, l'article l lB RTP impose l'obtention d'une autorisation, qui sera en principe accordée.

En toute hypothèse, l'activité religieuse ou l'expression d'une opinion ne seront protégées que si elles sont conformes à l'ordre public39. De même, si l'activité religieuse revêt un aspect cultuel sur la voie publique, il faut tenir compte des limites à la liberté religieuse que nous avons exposées dans la partie générale du présent rapport.

Dans la mesure où l'activité spirituelle n'est qu'une couverture pour une activité économique, les conditions d'une autorisation en vue d'une utilisa- tion du domaine public seraient similaires, dès lors que les personnes en cause pourraient se prévaloir de la liberté économique, garantie par l'article 31 Cst. féd. En revanche, la Loi sur l'exercice des professions ou industries permanentes, ambulantes et temporaires40 pourrait éventuellement s'appli- quer et imposer l'obtention d'une patente. Dans ce cas, il appartiendra à l'autorité compétente de vérifier que le requérant de l'autorisation présente les garanties de moralité et d'honorabilité requises par la loi 41

En conséquence, le droit genevois ne limite pas l'utilisation du domaine public pour la propagation d'idées religieuses ou la liberté d'opinion. Il en va de même pour les activités commerciales, sous réserve du droit de stationner et des réglementations spéciales qui pourraient s'appliquer à l'activité en cause.

Une modification de ces règles n'est pas envisageable dans la mesure où elle impliquerait une restriction de l'exercice des libertés individuelles incompa- tible avec la jurisprudence du Tribunal fédéral 42En revanche, une interven- tion ponctuelle de l'autorité est nécessaire notamment en cas d'atteintes à l'ordre ou à la tranquillité publics.

38 Voir la Partie générale, le point III.B.

39 Article 11 C RTP.

40 RS/Ge I.3.1.

41 Voir, infra, le point V.

42 Voir, par exemple, l'ATF 96/1970 I 586,Aleinick.

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13 8

François Bellanger, Partie spéciale, chapitre II

V. Les autorisations de commerce

La liberté du commerce et de l'industrie est garantie par l'article 31, alinéa 1, Cst. féd. Elle garantit aux ressortissants suisses, ainsi qu'aux étrangers au bénéfice d'un permis d'établissement (permis C), le droit de choisir libre- ment une activité économique et de l'exercer.

Les cantons peuvent toutefois apporter, en vertu de l'article 31, alinéa 2, Cst. féd., dans le cadre de leurs compétences, des restrictions de police à cette liberté. Comme toute limitation à une liberté fondamentale, ces restric- tions cantonales doivent reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public prépondérant, respecter le principe de proportionnalité et se conformer au principe d'égalité de traitement, en particulier entre des concurrents directs43

S'agissant de l'intérêt public poursuivi, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, il est interdit aux cantons de limiter cette liberté pour des motifs de politique économique44Les cantons peuvent uniquement restreindre la liberté du commerce et de l'industrie pour des motifs de police ou de politique sociale. Les motifs de police, seuls pertinents en matière d'au- torisations de commerce, sont la sécurité publique, la tranquillité publique, la moralité publique, la santé publique et la loyauté des transactions commer- ciales, appelée aussi bonne foi en affaires.

Sur cette base, le canton de Genève a adopté plusieurs réglementations rela- tives à l'exercice de certaines activités économiques, soit principalement les textes suivants:

La loi sur les services de taxi (RS/Ge H. l. 7);

Le règlement concernant le service des fiacres (RS/Ge H.1.8);

La loi sur l'exercice des professions ou industries permanentes, ambu- lantes et temporaires (RS/Ge I.3.1; ci-après «LEPI»);

43 ATF 119/1993 la 59, 67-68, Vérband Schweizerischer Kreditbanken und Finanzierungsinstitute;

ATF 12111995 la 129/135, Margot Knecht et les références citées.

44 Voir, par exemple, l'ATF 120/1994 la 68/69-70, L. T.

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Les autorisations de commerce

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Le règlement d'exécution du concordat intercantonal sur le commerce des armes et des munitions (RS/Ge I.3.10);

La loi sur la profession d'agent de sécurité privé (RS/Ge I.3.11);

La loi sur les agents intermédiaires (RS/Ge I.3.12);

La loi sur les ventes volontaires aux enchères publiques (RS/Ge I.3.16);

La loi sur le commerce d'objets usagés ou de seconde main (RS/Ge I.3.19);

La loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement (RS/Ge I.3.20);

La loi sur la vente à l'emporter des boissons alcooliques (RS/Ge I.3.22,5);

La loi sur les prêteurs professionnels, les prêts d'argent et l'octroi de crédits (RS/Ge I.3.30);

La loi sur les spectacles et divertissements (RS/Ge I.4.1);

Le règlement d'exécution de la loi fédérale sur les loteries et les paris professionnels (RS/Ge I.4.5).

Ces lois ou règlements prévoient tous, sous une forme ou une autre, comme une des conditions d'octroi de l'autorisation d'exercer l'activité en cause, l'obligation pour le requérant d'offrir par ses antécédents et son comporte- ment toutes garanties d'honorabilité et de moralité. L'étendue des garanties exigées dépend de la nature de l'activité réglementée. La LEPI va même au- delà en prévoyant à son article 14, alinéa 1, litt. e, que «sont, dans tous les cas, interdites les professions de somnambule, tireur de cartes, diseur de bonne aventure et autres analogues ... ». Toutefois, outre le fait que cette disposition semble aujourd'hui désuète, une interdiction aussi stricte, si elle était effectivement appliquée, risquerait fortement d'être jugée contraire au principe de proportionnalité.

S'agissant de l'exercice de la profession d'agent de sécurité privé, le Tribunal administratif a estimé qu'une relation de soumission par rapport à une

«personnalité dangereuse du fait des théories et activités qu'il développe en sa qualité de gourou» et que l'adhésion à un mouvement jugé comme dangereux sont des éléments qui justifient un retrait d'autorisation dès lors que la personne en cause ne remplit plus les conditions requises45

L'appartenance à un mouvement sectaire à caractère dangereux peut donc justifier un refus ou une révocation d'autorisation. Il appartient au Département de Justice et Police et des Transports d'intervenir dès qu'il dispose d'informations suffisantes pour examiner si un mouvement doit être

45 Arrêt du Tribunal administratif (ci-après« ATA «)du 24 septembre 1996, en la cause X.

SA., non publié, p. 16.

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140 François Bellanger, Partie spéciale, chapitre II

considéré comme dangereux et, dans l'affirmative, si l'appartenance à celui- ci est compatible avec l'exercice de la profession en cause. Dans ce cas, le Département n'entrave pas l'exercice d'une éventuelle liberté religieuse, il se prononce uniquement sur l'incompatibilité entre une croyance et une profession déterminée 46.

VI. Le contrôle des organismes subventionnés

Le canton alloue de nombreuses subventions soit dans le cadre de tâches étatiques, soit pour soutenir des organisations dont l'activité est considérée comme d'intérêt public. Dans le premier cas, le risque de versements de fonds à des mouvements sectaires à caractère dangereux est très limité. En revanche, dans le second, ce danger est beaucoup plus élevé et justifie un contrôle au niveau des organismes subventionnés.

Selon l'article 35, alinéa 1, de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat47,Jes subventions «sont des aides financières, des indemnités, des alloca- tions accordées à des tiers». Eiles sont accordées conformément à une base légale48 et pour autant que certaines conditions soient remplies. En particu- lier, il faut que les objectifs visés par l'organisme subventionné correspon- dent à des buts d'utilité publique49Cette dernière notion laisse une marge de manœuvre importante au Grand Conseil qui décide de l'octroi ou non de la subvention, sous réserve de l'interdiction imposée à l'Etat par l'article 164, alinéa 2, Cst. gen. de subventionner des cultes, quels qu'ils soient.

Par ailleurs, l'article 38 LGAE exige un contrôle par l'autorité du respect des conditions légales par l'organisme subventionné et de la réalisation effective de la tâche d'utilité publique. Cette surveillance est complétée par l'obliga- tion pour les organismes subventionnés de mettre en place un système de contrôle interne conformément à l'article 1 de la Loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques50

46 Voir sur ce point la Partie générale, le point III. A., et en particulier la note 19.

47 RS/Ge D.1.9; ci-après «LGAE».

48 Article 36, alinéa 1, LGAE.

49 Article 36, alinéa 2, litt. b, LGAE.

50 RS/Ge D.1.4; ci-après «LSGA».

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Le contrôle des organismes subventionnés 141

L'inspection cantonale des finances est ch:Jrgée du contrôle du respect des règles de gestion administrative et financière auprès des organismes privés bénéficiant d'une aide de l'Etat51Selon les informations que nous avons obtenues, compte tenu du nombre d'organismes concernés, ce contrôle se limite généralement à la vérification des comptes établis par le réviseur de l'organisme en cause.

Au regard de ce qui précède, il apparaît que la prévention des dérives sectaires impose des contrôles supplémentaires.

En premier lieu, !'octroi éventuel d'une subvention devrait être précédé d'un examen détaillé tant de l'organisme en cause que des personnes qui en sont responsables. Dans cette optique, l'autorité qui accorde la subvention devrait pouvoir requérir des renseignements au sein de l'administration cantonale auprès d'un service qui centraliserait l'ensemble des informations disponibles sur les différents groupements. A défaut, l'autorité devrait pouvoir entrer en contact avec une organisation externe à l'administration et disposant d'une information neutre et objective52

Une attention particulière devrait être portée à la transparence financière des organismes en cause et aux éventuels groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique qui pourraient les soutenir ou les avoir créés, pour deux raisons.

D'une part, dans la mesure où un organisme aurait une activité cultuelle, l'article 164, alinéa 2, Cst. gen. interdit tout versement de subvention. De même, à notre avis, si un organisme mène son activité selon des règles dictées par des croyances religieuses, un subventionnement peut également être interdit dans la mesure où il existe un lien étroit avec un culte. A défaut, il serait extrêmement facile de contourner les dispositions légales en créant des organismes séparés juridiquement du groupement à caractère religieux, spiri- tuel ou ésotérique, mais fonctionnant en réalité comme un tel groupement.

D'autre part, ce type de contrôle peut mettre au jour des liens entre l'orga- nisme qui requiert la subvention et un mouvement sectaire à caractère dangereux. Dans ce cas, selon les circonstances du cas d'espèce, ce lien peut exclure la qualification des tâches poursuivies par l'organisme de «tâches d'utilité publique)) donnant droit à une subvention.

51 Articles 4 et 5, litt. d), LSGA.

52 Voir la Partie générale, le point V.2.

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142 François Bellanger, Partie spéciale, chapitre II

En deuxième lieu, lorsque les subventions ont été octroyées, les contrôles que nous avons exposés au paragraphe précédent devraient également être effectués de manière régulière. Un organisme à l'origine sans rapport appa- rent avec un groupement à caractère religieux, spirituel ou ésotérique ou un mouvement sectaire à caractère dangereux peut se révéler par la suite être le vecteur d'un culte ou d'une croyance déterminés. Dans ce cas, la subvention devrait être immédiatement supprimée. Le cas échéant, l'Etat pourrait demander le remboursement de tout ou partie de la subvention déjà versée conformément à l'article 42 LGAE.

VII. Le contrôle des professions de la santé

1. Les constats effectués lors de l'audit

Le domaine des professions médicales constitue un terrain privilégié pour le développement des activités sectaires. Plusieurs manifestations de ces acti- vités ont été identifiées.

En premier lieu, des médecins ou d'autres membres du corps médical peuvent être liés à des groupements à caractère religieux, spirituel ou ésoté- rique et profiter du prestige lié à leur titre pour faire du prosélytisme en faveur de ces derniers. Selon les déclarations de certaines personnes entendues par le groupe d'experts, des médecins distribueraient dans leur cabinet médical à leurs patients des brochures de présentation de groupements à caractère reli- gieux, spirituel ou ésotérique. De même, certains médecins pratiqueraient des méthodes de traitement prônées par des groupements, souvent très éloignées de la médecine traditionnelle. Dans ces deux cas, il existe pour le public un risque de confusion certain lié au titre officiel dont peut se prévaloir le médecin pour mener des activités qui n'ont souvent que peu de rapports avec les compétences attestées par celui-ci. A ces différentes manifestations est parfois liée une violation des règles limitant la réclame médicale.

En deuxième lieu, certains groupements préconisent des méthodes de trai- tement particulières en relation avec leurs croyances. Ces méthodes peuvent présenter un danger pour la santé des patients dans la mesure où, d'une part, elles peuvent retarder l'établissement d'un diagnostic par un médecin et le suivi d'un traitement médical et, d'autre part, elles peuvent créer des troubles physiques ou psychiques chez l'adepte. Selon les informations que

(24)

Le contrôle des professions de la santé

143

nous avons reçues, de tels traitements seraient souvent préconisés directe- ment par les responsables des groupements et parfois appliqués par des médecins appartenant à ces groupements. Ce problème est également lié à la distribution de substances thérapeutiques au sein de mouvements à carac- tère sectaire dangereux sans contrôle d'un médecin ou d'un pharmacien.

En troisième lieu, des personnes dépourvues d'une véritable formation médicale peuvent librement ouvrir un cabinet de consultation en utilisant des dénominations diverses liées soit aux médecines naturelles, soit à des techniques de soins orientales. Ces activités, qui revêtent parfois un carac- tère dangereux pour la santé publique, sont rarement saisies par la législation en vigueur en raison de ses lacunes tant au niveau de son champ d'applica- tion que de la définition de la notion d'exercice illégal de la médecine. Dans la mesure où ces personnes sont liées à des mouvements sectaires à caractère dangereux, le risque lié à leur activité est généralement accru.

2. Les problèmes juridiques liés à l'exercice des activités médicales

Les risques de dérive sectaire identifiés lors de l'audit soulèvent cinq ques- tions au regard de la législation genevoise relative à l'exercice des professions médicales et nous allons successivement examiner: le champ d'application de la législation (a), la notion d'exercice illégal de la médecine (b), la régle- mentation de la réclame médicale (c), le commerce des substances théra- peutiques (d) et les moyens d'investigation des autorités sanitaires (e).

a) Le champ d'application de la législation relative aux professions de la santé

A teneur de l'article 33, alinéa 1, Cst. féd., les cantons peuvent exiger des preuves de capacité des personnes qui veulent exercer une profession libé- rale, soit les activités de services, à caractère scientifique, pratiquées comme indépendant53Toutefois, selon l'article 33, alinéa 2, Cst. féd., le droit fédéral doit permettre aux personnes ayant une profession libérale d'exercer leur activité sur l'ensemble du territoire de la Confédération. Sur cette base, la

53 E. GRISEL, Liberté du commerce et de l'industrie, vol. II, Partie spéciale, Berne 1995, N°' 625-629.

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144 François Bellanger, Partie spéciale, chapitre II

Loi fédérale concernant l'exercice des professions de médecin, de pharma- cien et de vétérinaire54 réglemente les conditions d'accès à certaines profes- sions médicales sur le territoire de la Confédération, soit les médecins, les dentistes, les pharmaciens et les vétérinaires55. L'élément déterminant au regard de cette loi est la détention d'un diplôme admis sur le plan fédéral.

L'article 1 LFPM établit ainsi une distinction entre quatre situations, selon que les personnes concernées ont:

un diplôme fédéral prévu par la LFPM et !'Ordonnance générale concer- nant les examens fédéraux des professions médicales56 (litt. a);

un diplôme étranger reconnu par un pays accordant la réciprocité à la Suisse en vertu d'un traité (litt. c, première phrase);

un diplôme étranger reconnu par un pays n'accordant pas la réciprocité à la Suisse, mais admis comme suffisant par l'autorité cantonale de surveillance compte tenu des circonstances particulières du cas d'espèce (litt. c, seconde phrase);

une chaire d'enseignement portant sur les matières en cause dans une université suisse ou une école spéciale (litt. d).

En revanche, la LFPM ne définit pas le contenu des professions de médecin, de dentiste ou de pharmacien. Il faut se référer aux différentes ordonnances d'application qui précisent les qualifications requises pour l'obtention des diplômes57

Le droit fédéral ne contient pas d'autre réglementation sur les professions médicales. Il se limite donc à régler de façon uniforme les examens et les conditions d'octroi des diplômes. Au surplus, les cantons sont compétents pour légiférer sur l'admission aux études et le cours des études58. L'étendue du contrôle de l'activité des professions médicales dépend donc pour l'essentiel du contenu du droit cantonal, dans les limites fixées par la Constitution fédérale.

En effet, si les activités de médecin, de dentiste et de pharmacien relèvent clairement de l'exercice des professions libérales au sens de l'article 33 Cst. féd.,

54 RS 811.11; ci-après «LFPM».

55 Nous n'examinerons pas les problèmes liés à la profession de vétérinaire dans la mesure où elle n'entre pas dans le champ de notre étude.

56 RS 811.112.1.

57 Voir, notamment, !'Ordonnance concernant les examens de médecin (RS 811.112.2; ci- après « OEM»), !'Ordonnance concernant les examens de médecin-dentiste (RS 811.112.3) et

!'Ordonnance concernant les examens de pharmacien (RS 811.112.5).

58 ATF 114/1988 la 164/166, X.

(26)

Le contrôle des professions de la santé

145

les autres activités médicales sont soit aussi des professions libérales59, soit des activités de nature économique bénéficiant de la liberté du commerce et de l'industrie garantie par l'article 31 Cst. féd. Dans les deux cas, les cantons peuvent adopter une réglementation restrictive qui remplit les conditions usuelles pour une restriction à une liberté individuelle, soit reposer sur une base légale, être justifiée par un intérêt public prépondérant60, respecter le principe de proportionnalité et se conformer au principe d'égalité de traite- ment, en particulier entre des concurrents directs61. En matière d'activité médicale, les exigences de santé et de moralité publiques sont les motifs de police essentiels. Elles justifient les restrictions nécessaires pour garantir la sécurité des personnes. Ainsi, le Tribunal fédéral a admis «que les cantons peuvent faire dépendre l'octroi de l'autorisation de pratiquer non seulement de la preuve des capacités professionnelles du requérant (art. 3 3 Cst.), mais encore d'autres qualités personnelles. Ils peuvent notamment exiger que le requérant jouisse d'une bonne réputation, qu'il ait l'exercice des droits civiques, qu'il soit un homme honorable et digne de confiance. »62

Dans les limites fixées ci-dessus, le canton de Genève dispose donc d'une assez large marge de manœuvre pour réglementer les professions de la santé.

Il n'en a toutefois pas fait entièrement usage dans la Loi genevoise sur l'exer- cice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical63.

Le but de cette loi est de contribuer à la sauvegarde et à l'amélioration de la santé publique, notamment en réglementant «l'exercice à titre privé des profes- sions de la santé»64 et en le soumettant à la surveillance du Conseil d'Etat65

59 Sur les difficultés d'application de l'article 33 Cst. féd. en matière de définition des profes- sions médicales à caractère libéral, voir E. GRISEL, Liberté du commerce et de l'industrie, précité, N" 633.

60 S'agissant de l'intérêt public poursuivi, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, il est interdit aux cantons de limiter cette liberté pour des motifs de politique économique. Dans l'ATF 99/1973 la 513, le Tribunal fédéral a ainsi jugé une disposition de la loi fribourgeoise sur la police de santé, qui disposait que seul un pharmacien patenté pouvait être propriétaire d'une pharmacie publique, contraire à l'art. 31 Cst. féd., car elle poursuivait exclusivement un but de politique économique. Les cantons peuvent uniquement restreindre la liberté du commerce et de l'industrie pour des motifs de police ou de politique sociale (ATF 119/1993 la 349/353-354, Chambre genevoise immobilière).

61 ATF 119/1993 la 59, 67-68, Tfrband Schweizerischer Kreditbanken und Finanzierungsinstitute;

ATF 121/1995 la 129/135, Margot Knecht et les références citées.

62 ATF 94/1968 I 224/226-227, X.

63 RS/Ge K.3.1; ci-après «LEPM».

64 Article 1, litt. a, LEPM.

65 Article 2 LEPM.

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146 François Bellanger, Partie spéciale, chapitre II

Toutefois, la loi ne définit pas de manière générale la notion de «profession de la santé)>. Elle se limite à donner à l'article 3 LEPM une liste exhaustive des professions réglementées, soit:

«a) conformément à la législation fédérale, les professions médicales de médecin, de pharmacien, de médecin-dentiste et de vétérinaire;

b) les autres professions du domaine médical, à savoir celles de chiropraticien, d'assistant-pharmacien et d'assistant en médecine dentaire;

c) les professions soignantes et médico-techniques, à savoir celles d'infirmier(ère), de sage-femme, de physiothérapeute, de pédicure, de préparateur en pharmacie et d'opticien)>.

En conséquence, toutes les autres professions qui peuvent avoir un carac- tère médical, par exemple celle de naturopathe, n'entrent pas dans le champ d'application de cette loi et ne sont donc soumises à aucune surveillance. La seule limite à l'activité de ces professions résulte des sanc- tions définies par l'article 134 LEPM relatif à l'exercice illégal de certaines activités qui sont réservées aux professions médicales couvertes par la loi.

Or, comme nous le verrons ci-après au point b), le contenu de l'article 134 LEPM pose des difficultés d'application qui limitent sa portée de manière assez importante.

La structure légale choisie par le législateur genevois a pour effet de limiter fortement la portée de la LEPM. Pour élargir le cercle éventuel des profes- sions autorisées, et donc contrôlées, il est nécessaire de modifier la loi, ce qui implique une procédure relativement longue devant le Grand Conseil. En outre, comme chaque profession est définie en relation avec les diplômes requis pour son exercice, il n'existe pas de véritable définition générale du caractère médical des professions visées; seuls le titre requis ainsi que la nationalité ou le type de permis du requérant sont déterminants.

Dans l'optique d'une prévention accrue des dérives sectaires liées à la santé, la structure du champ d'application de la LEPM n'est donc pas satisfai- sante. Elle permet l'exercice d'activités médicales par des membres de mouvements à caractère sectaire sans aucun contrôle sanitaire, dès lors que cette activité n'est pas effectuée par une personne relevant d'une des profes- sions surveillées. En effet, les autorités sanitaires ne peuvent effectuer des vérifications qu'auprès des membres de professions visées par la loi. Dans les autres cas, la seule possibilité est une dénonciation au Procureur général pour violation de l'article 134 LEPM, pour autant que les faits soient suffi- samment établis.

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