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L’application des aspects techniques de la production de fumure dans les exploitations

B. La production de fumure organique chez les producteurs au Mali-Sud

3. L’application des aspects techniques de la production de fumure dans les exploitations

a).Les cas du parcage des animaux et des étables fumières

La vulgarisation du parcage amélioré au Mali a principalement concerné les unités de production équipées pour leur cheptel bovin et l’équipement en traction animale complet (type A et B de la typologie de la CMDT). Les unités de production ne possédant que peu de bovins ont cependant développé la méthode avec les bœufs de labour ou les petits ruminants.

i). Emplacement du parc

Les producteurs reconnaissent que le parc ne doit pas être construit à proximité des points d’eau pour des questions d’hygiène. Pour les producteurs cette règle précède les formations sur le parcage des animaux, puisque pour éviter d’être envahi par les mouches ou risquer des accidents avec les jeunes enfants, les animaux étaient placés en retrait des exploitations.

Les parcs sont placés en zone non cultivable (généralement gravillonnaire si cela est possible) et sur un terrain non inondable (plus par soucis sanitaire pour les animaux que pour la qualité du fumier).

Certains évitent de construire le parc dans une zone de brousse reculée du village par crainte du vol des animaux. Par contre, ceux qui ont un berger adulte, peuvent placer leur parc à proximité des champs de brousse. Le berger aménage un campement et surveille les animaux.

Le transport de la litière est ainsi limité et les animaux peuvent valoriser facilement les résidus de culture par la vaine pâture des champs de l’exploitation.

Photo 1. Bœuf de labour au piquet en brousse

Photo 2. Parc en grillage en zone de culture

ii). Types de parc et forme

Les producteurs de Zanférébougou (zone de transition de la CMDT) préfèrent construire des parcs en bois rond ou carré (ressources disponibles) ou en banco carré (model vulgarisé). A Dentiola, les parcs sont généralement en grillage (rond). Les producteurs avaient des parcs en épineux ou en bois mais l’entretien devenait difficile (ressources peu disponibles). De plus, les parcs n’étaient pas assez résistant et les animaux qui arrivaient à s’en échapper provoquer des dégâts sur les cultures. Un producteur (le producteur relais de la première formation

« parcage » de la CMDT) a acheter au comptant sur le marché du grillage pour construire son parc et est devenu l’exemple pour les autres propriétaires d’animaux du village.

Les parcs des producteurs présentent rarement d’aménagement contre les eaux en excès (muret ou rigole). Les liquides restent dans le parc ou s’écoulent doucement, emportés par les eaux de pluies. Ils considèrent que l’emplacement choisit pour les parcs est non inondable, donc qu’il n’y a pas de risque de pertes d’éléments par écoulement de l’eau. Ces types d’aménagements ne sont pas pertinents à leurs yeux sans autres arguments.

La forme ronde du parc est recherché par les producteurs de Dentiola pour un piétinement uniforme des pailles par les animaux (moins de temps de présence des animaux dans les coins) (voir l’explication d’un producteur illustrée dans la Figure 1).

Photo 3. Parc à poudrette pour bœuf de labour

Photo 4. Parc à poudrette pour bœuf d’élevage

iii). La préparation de la litière et les apports

Les producteurs considèrent que le découpage de la litière avant son dépôts dans le parc est inutile et consommateur de temps et de main d’œuvre. Ils laissent les résidus en tas sous la pluie avant de les placer, une fois mous, au parc. D’autres producteurs placent les résidus sec (Avril), ils se désagrègent alors rapidement sous les animaux.

Une partie des producteurs attendent que de la boue se forme sous les animaux pour apporter de la litière au parc. La litière est alors un moyen de maintenir un environnement sain pour les animaux. Pour d’autres, l’apport se fait dès le mois d’Avril quand le parc est vidé (comme le recommande les fiches techniques). La litière est ici un moyen de produire de la fumure en plus grand quantité.

iv). L’application du PNT

La plus part des producteurs ne connaissent pas le phosphate naturel de Tilemsi. Ceux qui ont entendu parlé du produit ou participé aux rares essais ne l’ont pas utilisé dans le parc mais directement sur les tas de fumure au champ.

v). Le transfert du fumier en fosse

Les producteurs considèrent le passage en fosse comme un moyen de poursuivre le processus de transformation de la fumure et non un moyen de stockage du fumier avant son utilisation.

La nécessité de ce surplus de travail n’est donc pas justifiée à leurs yeux. Les parcs sont donc vidés en une fois (avril mai). Chez d’autres producteurs, la fumure une fois transformée est raclée et déposée en tas à côté du parc (sans protection contre les pertes) (Photo 5).

Photo 5. Parc amélioré en bois, fumier d’hivernage déposé en tas

vi). Durée et période de parcage

Les fiches techniques recommandent un parcage toute l’année des animaux. Les producteurs ayant des grands troupeaux réalisent des transhumances (saison sèche et/ ou hivernage). Les troupeaux réduits (moins de 10 têtes) sont en général maintenus sur le village, mais restent en divagation permanente (même la nuit) en plein cœur de la saison sèche (avril). La décomposition de la litière entraine trop de chaleur dans le parc pour que les animaux puissent s’y reposer convenablement donc les propriétaires les maintiennent à côté des parcs.

b).Les cas du compostage en fosse

i). Emplacement des fosses

Les producteurs placent leur fosse à compost à une certaine distance des puits pour en préserver la qualité comme le recommande les formations. Cependant, les fosses des villages sont en générale proche des cases d’habitations et des cuisines pour des raisons de place limitée dans les concessions.

Les producteurs de Zanférébougou ne délocalisent pas les fosses à compost aux champs y trouant plus d’inconvénient que d’avantage. Ils pensent que le compost produit au champ est de mauvaise qualité. Sa fabrication demande beaucoup de la main d’œuvre (arrosage, ramassage des résidus…). De plus, ils ont trouvé une organisation du travail pour faciliter le

transport des résidus de culture. Les pailles ramassées dans la journée sont ramenées le soir avec la charrette, partie le matin avec les enfants et l’eau de consommation. Le retour à la concession ne représente donc pas aux yeux des travailleurs agricoles un surplus de travail.

A Dentiola, les deux types de compost coexistent au sein des exploitations. Le compost des champs, reconnu de faible qualité, est un moyen de produire plus de fumure organique, alors que le compost du village est un produit de qualité.

L’arrosage du compost en tas ou en fosse est le problème majeur de sa production pour les paysans des deux villages. Ils choisissent donc de placer la fosse sur un cours d’eau temporaire afin de profiter des eaux de pluies et de ruissellement. Le risque d’une telle installation est l’envahissement par le sable de l’installation. Les producteurs de Zanférébougou ont même abandonné la production de compost au champ suite à de mauvaises expériences, « la fumure n’a pas d’intérêt, elle ressemble à de la terre ».

Pour alléger les travaux d’arrosage, les paysans de Dentiola installent les fosses compostières dans les marres temporaires afin d’accélérer, selon eux, la décomposition des résidus sans arrosage.

Photo 6. Fosse à compost placée au milieu d’une marre temporaire à Dentiola

Les producteurs ne connaissent pas les risques d’un excès d’eau sur le compost. Le manque d’air (oxygène) entraine une fermentation anaérobie. Les microorganismes qui se développent produisent des composés intermédiaires comme du méthane ou du sulfure d’hydrogène (responsables des mauvaises odeurs). Ces éléments sont accumulés dans le compost sans être métabolisés et peuvent présenter une certaine toxicité pour les plantes. De plus, la fermentation anaérobie se déroule à basse température, les graines d’adventices et les pathogènes éventuels ne sont donc pas détruit par le processus de fabrication.

ii). La préparation de la fosse et les piquets d’aération

Apres le creusement de la fosse, les producteurs des deux villages montent des rebords (vrai muret à Zanférébougou et rebord de terre à Dentiola). Le fond des fosses n’est pas aménagé avec de la terre argileuse, du crépis ou du ciment. Les paysans se justifient en abordant des questions de moyens financiers pour le ciment et pour les solutions alternatives n’y voit que peu d’intérêt. Ils observent tous cependant que le fond de la fosse se creuse chaque année lors de la vidange de l’installation sans intervenir.

Photo 7. Fosse à compost entourée d’un rebord de brique de terre, à Zanférébougou

Quelques producteurs choisissent de creuser leur fosse sur les versants pierreux des terroirs pour faire coïncider le fond des fosses avec une couche de terre dure ou de la roche. Les piquets d’aération recommandés par lors des formations ne sont pas mis en place dans les villages. Les producteurs préfèrent retourner la partie superficielle des fosses avec la daba après l’arrosage. Le travail n’est pas cependant pas systématique et ne concerne que la partie supérieure du compost. Les risques de tassement et de fermentation anaérobie sont peu connus des producteurs (voir VII.B.3. b).iv))

iii). Le remplissage

Le remplissage des fosses ou formation des tas s’effectue en fin de saison sèche (avril mai) après la vidange des fosses et avant l’arrivée des pluies. Les seuls apports sur la fosse après l’hivernage (octobre novembre) sont les herbes fauchées environnant les concessions ou les pailles des hangars effondrées.

Les fosses compostières installées au village sont en générale mixte : les ordures ménagères sont apportées sur le compost par les femmes. Le trie des éléments non dégradables n’est pas effectuées directement à la concession. Les piles usagers, films plastiques, vieux ustensiles de cuisines ou vêtements se retrouvent donc mélangés au compost. Les paysans, qui reconnaissent mal les éléments dégradables des autres, pensent que le trie peut se faire par la main d’œuvre au champ lors de l’épandage du fumier. Des vieux de la concession sont en général assignés à cette tâche pendant que les jeunes épandent avec des pelles les tas de fumiers sur la surface à fumer.

iv). L’arrosage et la couverture

L’arrosage de la fosse à la concession est souvent effectué par les femmes avec les eaux usées et les eaux de rinçage. Si les fosses au champ sont arrosées, elles le sont par les enfants de la concession à l’aide de barriques transportées par charrettes asines. Cependant, les producteurs considèrent souvent que les pluies d’hivernage suffisent à l’humidification des tas de fumier.

Les fosses sont généralement couvertes à la fin de l’hivernage avec une couche de terre (fosse des champs) ou des herbes ou feuilles mortes (fosse proche des concessions). Ces couvertures sont déposées directement sur le tas. Le cas particulier des fosses servant à la stabulation des animaux de trait (accélération du processus de transformation) ne sont n’y couvertes ni arrosées.

Photo 8. Tas de compost recouvert d’une couche de terre, Zanférébougou

Photo 9. Fosse compostière avec stabulation nocturne des bœufs de labour, Dentiola

c).Le cas du phosphate naturel de Tilemsi

Le phosphate naturel de Tilemsi est peu connu des producteurs. Pourtant, dans les deux villages, des interventions de l’encadrement pour la vulgarisation de l’utilisation des phosphates naturels ont eu lieu. Le phosphate naturel a été distribué à crédit aux exploitations.

Les producteurs pensent que l’arrêt de la distribution du produit fait suite aux difficultés de remboursement du crédit qui ont eu lieu après ce premier essai. Les producteurs pensaient procéder au remboursement sur trois campagnes agricoles alors que le crédit a été défalqué de leur revenu sur le coton en une unique fois. Les producteurs gardent une très mauvaise image de l’essai. Ils trouvent donc que le produit était très cher, avec un effet trop tardif pour en voir les résultats à court terme. Le sentiment général est que le phosphate naturel donne « une seconde vie au sol », mais il est trop cher pour être utilisé dans leurs exploitations.

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