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L’APPAREIL EDUCATIF DANS LES MODES D’ACCES A

Ce chapitre est consacré aux enquêtes empiriques rendant compte de la place occupée par les réseaux sociaux dans le fonctionnement du marché du travail. Parmi les différents types de capital social intervenant dans les processus de recrutement, celui relevant de l’école sera plus spécifiquement étudié dans la suite, ainsi que son rôle auprès des élèves. Quelques enquêtes permettent de repérer et d’apprécier ces phénomènes relationnels, en particulier l’enquête Emploi de l’INSEE. La première analyse révèle la place des moyens relationnels dans les pratiques de recrutement des employeurs du BTP, à partir d’une enquête effectuée en Auvergne en 1992. Un travail réalisé par des chercheurs du Centre d’Etudes de l’Emploi analysant l’ensemble des recrutements opérés en 1994 en France à partir de l’enquête Emploi sera ensuite passé en revue. Puis, dans un troisième temps, nous tenterons de cerner, à partir de trois éditions de l’enquête emploi (1990, 1994, 1998), l’intensité des différentes formes de recrutement sur une année, le poids de l’école parmi elles et les caractéristiques des personnes obtenant leur emploi de cette façon. L’approche longitudinale permettant d’identifier des phénomènes moins aisément appréhendables, une enquête Céreq de 1993 sera mobilisée pour montrer la substitution qui s’opère au cours du temps entre les relations liées à l’école, mobilisées pour accéder à un premier emploi, et celles nouées ensuite dans le cadre de l’emploi obtenu, mobilisées à leur tour pour accéder à l’emploi suivant. Ce sera le quatrième et dernier point.

3.1 Les modes de recrutement des employeurs du BTP

Une première enquête permet d’observer les formes relationnelles d’embauche de salariés du point de vue des employeurs, à propos d’une inquiétude régulièrement remise au goût du jour, les difficultés de recrutement que ces employeurs peuvent rencontrer (Lecoutre 1995a).

L’enquête postale auprès des entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics a été réalisée en 1992 à la demande de la Fédération Régionale Auvergne du BTP, dans le cadre d'un Observatoire régional mis en oeuvre par les responsables régionaux du secteur du BTP57

. Le recrutement a fait partie des thèmes abordés par l'enquête. Sur 4000 entreprises

57

Lecoutre M., 1993, Emplois, compétences et formation dans le BTP en Auvergne, CER-Céreq/Groupe ESC Clermont, février, 141p.

interrogées, 300 questionnaires ont été retournés et 250 ont pu être exploités. L'échantillon obtenu (tableau 5) correspond à peu près à la structure du secteur par taille, répartition géographique et par activité. On peut estimer disposer d'un reflet relativement fidèle du comportement de l'ensemble du secteur productif du BTP en Auvergne sur cette question du recrutement. Cette approche empirique fournit des indications sur les aires et les canaux de recrutement, les difficultés rencontrées, ainsi que sur l'inscription locale de l'activité même de ces entreprises.

Tableau 5. Caractéristiques des entreprises du BTP en Auvergne et de l'échantillon obtenu lors de l'enquête. Source enquête BTP Auvergne 1992

L'échantillon retenu comprend 250 entreprises. Sa répartition selon les critères géographique et d'activité correspond à celle de la population mère ; en ce qui concerne la taille, les entreprises de 50 salariés et plus et les entreprises de 10 à 49 salariés sont sur représentées. On retrouve là l'effet d'une plus grande sensibilité des entreprises de grande taille aux problèmes d'emploi et de formation, et qui ont donc répondu en plus grand nombre (proportionnellement) et plus rapidement. On doit donc considérer que les résultats de cette enquête manifestent un intérêt plus vif pour ces problèmes qu'il ne l'est en réalité.

Répartition de l'échantillon selon la taille rappel population mère de 1 à 9 salariés 172 69% 89% de 10 à 49 salariés 67 27% 10% 50 salariés et plus 11 4% 1%

ensemble 250 100% 100%

Répartition de l'échantillon selon l'activité rappel population mère Gros oeuvre 84 34% 38%

Bois 42 17% 16%

Couverture plomberie 27 11% 14%

Métal 20 8% 5%

Installation thermique isolation 6 2% 2% Peinture 34 14% 11% Aménagement 4 2% 2% Electricité 21 8% 8% Travaux publics 10 4% 3% Autres 2 1% 1% Ensemble 250 100% 100%

Nous commençons par rendre compte des pratiques de recrutement de ces employeurs, à la fois très localisées et s’appuyant sur leurs réseaux relationnels, et de leurs comportements lorsqu’ils se trouvent confrontés à des difficultés de recrutement (§1, §2 et §3). Puis les dimensions temporelles propres à ces réseaux et leur polyvalence dans l’activité des employeurs seront évoquées (§4 et §5).

3.1.1. Le recrutement par les employeurs du BTP : des pratiques localisées

Un premier jeu de questions portait sur l’ancrage très localisé des formes de recrutement mises en oeuvre par ces employeurs. Centrées sur l'espace qu'ils se fixent spontanément dans leur recherche de personnel, ces questions permettaient de cerner l'horizon géographique de la pratique de recrutement des employeurs du BTP. Précisons d'abord que la majeure partie des recrutements est composée d'ouvriers qualifiés et hautement qualifiés, et d'ouvriers spécialisés. Près de la moitié des recrutements d'ouvriers spécialisés concerne des jeunes de moins de 25 ans. Cette catégorie assure la plus grande part du rajeunissement de la profession, avec les ouvriers qualifiés pour lesquels la proportion de moins de 25 ans est cependant nettement plus faible.

Tableau 6. Question : “ Lorsque vous recrutez du personnel ouvrier, vous cherchez plutôt au niveau : ” Source enquête BTP Auvergne 1992.

Réponses Nombre % Global % Hors non réponse

Local (moins de 30 km) 217 86,80% 91,18%

Département 19 7,60% 7,98%

Région 2 0,80% 0,84%

Non réponse 12 4,80%

Total 250 100,00% 100,00%

La recherche de personnel ouvrier se fait très majoritairement au niveau local, dans un rayon de moins de 30 km, c'est à dire peu ou prou au sein du bassin d'emploi dans lequel s'inscrit l'activité de l'entreprise. Pourquoi ne recrute-t-on pas plus loin ? Est-ce parce que l'on trouve "tout" sur place - et les exemples ne manquent pas pour infirmer cette idée - ou y a-t-il autre chose derrière cela ?

Certes, il s'agit ici essentiellement de recrutement de personnel ouvrier, et il est largement convenu que la mobilité géographique s'élève avec le niveau de formation. L’ancrage local ne concernerait donc pas les catégories ingénieurs ou cadres. Sans entrer dans le débat, signalons que ceci est loin d’être aussi évident comme le montrent les travaux de M. Grossetti sur les agglomérations de Toulouse et de Grenoble (Gilly, Grossetti 1993) : il constate d’une part la forte intégration locale et la faible mobilité post diplôme des jeunes ingénieurs en début de carrière, et d’autre part que celle-ci est même devenue un atout et un enjeu pour les responsables locaux en charge du développement de l'innovation technologique et de la constitution de technopoles dans l’agglomération.

3.1.2. Quelle modification des pratiques d’embauche face aux difficultés de recrutement ?

Un second jeu de questions était centré sur les comportements de ces employeurs face à des difficultés de recrutement. La première question permettait de cerner l'importance des difficultés ressenties. Ce thème était à l’origine de l’étude et occupait alors une bonne place dans les discours ambiants : malgré cela, les entreprises ne se sont pas toutes senties concernées. 50% seulement des entreprises ayant répondu ont déclaré en éprouver pour recruter des ouvriers spécialisés. Ce taux s'élevait à plus de 66 % pour les conducteurs de travaux, et à plus de 80 % pour les ouvriers qualifiés et les chefs d'équipe. L'absence de candidats et, dans une moindre mesure, leur absence d'expérience lorsqu'il s'en trouvait, ont été les raisons les plus souvent citées.

La seconde question était centrée sur les comportements déclarés par les employeurs face à ces difficultés de recrutement. Plus de 60 % d’entre eux ont ici répondu, révélant là moins d'indifférence dès que l'on propose des interprétations plus précises de l'idée de "difficultés de recrutement". Si cette question a permis de mettre en valeur le poids psychologique de l’horizon spatial, elle a surtout permis d'entrevoir le type d'arbitrage que peut faire un employeur entre des solutions qui renvoient chacune à des champs très différents.

Tableau 7. Lorsque vous êtes confronté à des difficultés de recrutement de personnel qualifié, comment préférez-vous procéder pour résoudre votre problème ? Source enquête BTP Auvergne 1992.

Fréquence des réponses (plusieurs réponses possibles) Nb %

Vous engagez plutôt des moins qualifiés et vous demandez aux plus qualifiés de les prendre en mains

95 38,0%

Vous faites plutôt appel à une entreprise sous-traitante 39 15,6%

Vous prenez plutôt des intérimaires et vous retenez les meilleurs 32 12,8%

Vous abandonnez votre recherche 22 8,8%

Vous avez plutôt recours au prêt de personnel d'une autre entreprise 20 8,0%

Vous pourvoyez plutôt le poste par du personnel interne 18 7,2%

Vous engagez plutôt des moins qualifiés et vous leur faites suivre des stages 13 5,2%

Vous offrez plutôt des salaires plus importants 10 4,0%

Vous élargissez plutôt le champ géographique de vos recherches 10 4,0%

Autre 5 2,0%

Non réponse 97 38,8%

Ainsi, pour tenter de résoudre ces difficultés, trois types de comportement principaux sont mobilisés : réviser l'exigence de qualification, de loin la solution la plus couramment adoptée, sous-traiter (régulation par l'activité externe), ou faire appel à l'intérim (régulation par l'emploi externe). Quelques employeurs se découragent, et la variable salaire n'apparaît pas comme un levier décisif sur ce point. On peut remarquer que ces réponses interrogent à leur manière la notion de "qualification" : que la modification de l'exigence en matière de qualification soit le moyen le plus utilisé pour faire face à des difficultés de recrutement, plutôt que, par exemple, élargir l'horizon géographique de recherche, révèle un certain flou sur leur manière de percevoir et déclarer la nature de la qualification qu'ils recherchent en réalité.

Retenons ici que l'employeur confronté à des difficultés de recrutement envisage très rarement d’augmenter les propositions salariales qu’il est susceptible de faire, et encore plus rarement d'élargir géographiquement ses recherches. Même lorsqu'il se sait limité dans sa recherche par l'horizon géographique "naturel" pour ce type de démarche, l'employeur préfère ne pas modifier sa pratique et jouer sur d'autres régulations (Maruani, Reynaud 1993), et singulièrement sur le choix du niveau de qualification, ou même l’abandon de sa recherche. C'est dire l'importance psychologique que revêt pour ce type d'employeur l’appréciation subjective des limites de l'espace géographique de ses pratiques de recrutement.

3.1.3. Les réseaux de l'entrepreneur comme canaux de recrutement

Pour les employeurs du BTP plus que pour tout autres, le recours aux réseaux informels est une caractéristique dominante.

Tableau 8. Pour recruter votre personnel de production, quel moyen utilisez-vous en priorité ? Source enquête BTP Auvergne 1992.

(plusieurs réponses possibles)

Réponses Nombre Fréquence sur 250

Relations personnelles 131 52,40% ANPE 103 41,20% Candidatures spontanées 100 40,00% Appareil de formation 56 22,40% Petites annonces 52 20,80% Autres 14 5,60% Non réponses 25 10,00%

Pour recruter du personnel, le moyen le plus utilisé reste l'appel aux relations personnelles, parmi lesquelles se trouvent pêle-mêle la famille, les amis, les autres chefs d'entreprises du BTP, ... : plus de la moitié des employeurs interrogés l'a cité. L'ANPE apparaît bien implantée dans les pratiques des employeurs du BTP. Les candidatures spontanées semblent très développées. On peut supposer, d'une part, qu'en période de désaffection des candidats à l'emploi dans le secteur du BTP58, toute candidature spontanée (par lettre ou contact direct) émise en sa direction manifeste un intérêt pour ce secteur de la part du postulant qui ne doit pas laisser insensible l'employeur potentiel. Mais surtout, il s’agit de ce qu’en disent des employeurs : la notion de candidature spontanée peut recouvrir pour une part un phénomène d'appel au réseau relationnel de la part d’individus à la recherche d'un emploi, mais tel que perçu par l'employeur qui le reçoit. L'employeur nommerait ainsi des démarches dans lesquelles c'est le candidat à l'embauche qui le contacte en premier, suite à une information obtenue par celui-ci à travers un canal relationnel59.

Enfin l’appareil de formation est cité comme un canal de recrutement par plus de 22% des employeurs : 1/5ème des employeurs du BTP s’appuient sur l’école (au sens large, apprentissage et alternance inclus) pour embaucher des jeunes. Se repèrent ici deux phénomènes qui se renforcent mutuellement : tout d’abord l’importance de l’apprentissage dans ce secteur professionnel et des relations nouées de longue date entre les employeurs et ce système de formation (Vasconcellos 1993), et la tendance marquée du secteur du BTP à accueillir une part conséquente de jeunes au début de leur parcours professionnel, même s’ils n’y restent pas tous.

Le réseau relationnel personnel prédomine, ce qui ne surprend guère (Lièvre 1984 ; Merle, Fournier 1987 ; Marry 1983 ; ...). Ce n'est certainement pas l'apanage des entreprises du BTP, même si des différences sectorielles existent, et par ailleurs cela concerne autant les ouvriers que les ingénieurs (Degenne, Fournier, Marry, Mounier, 1991). On peut compléter en précisant que ce n'est pas seulement en terme de fréquence d'utilisation, mais aussi en terme hiérarchique, c'est à dire de priorité accordée à tel ou tel réseau : ainsi, pour reprendre V. Henguelle (1992), "Ce n'est que lorsque les potentialités offertes par ces réseaux sont insuffisantes qu'est envisagé le recours à l'ANPE, en particulier lorsque le recruteur connaît une absence momentanée de candidatures : "quand on ne trouve pas dans notre entourage, on téléphone à l'Agence" [citant un interviewé]".

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Nous avions à l’époque mobilisé dans cette étude deux autres travaux permettant de mettre l’accent à la fois sur des dimensions temporelles propres à ces réseaux et sur le fait que ceux- ci s’inscrivaient dans une logique globale de pilotage de l’entreprise par les employeurs, c’est à dire constituaient des ressources dans des registres variés de son activité, et pas seulement dans le domaine du recrutement des salariés. Les principaux points sont résumés ici.

3.1.4. Activation du réseau personnel et difficultés de recrutement dans le cas du BTP

Antoine Tomasi a mené en 199160 une enquête auprès des employeurs du BTP du pays aixois, à propos de la même question, les difficultés de recrutement. Il constate que ces employeurs, qui recrutent principalement par leurs réseaux de relations personnelles, rencontrent des

58 Ce qui était le cas à l'époque. 59

Ce qui augmenterait donc d'autant le poids de l'appel au réseau relationnel...

difficultés de recrutement alors même qu'une main d’œuvre correspondant à leurs attentes "objectives" existe sur le bassin aixois d'après les informations données par l'agence locale de l'ANPE. Il note ainsi que ces réseaux personnels "ont un mérite primordial du point de vue des entrepreneurs rencontrés durant l'enquête de terrain. Ils constituent un garant relativement fiable du rapport de confiance qu'ils doivent tisser avec leur futur salarié, dans la mesure où ils engagent (ne serait-ce que partiellement) la responsabilité de l'intermédiaire à qui l'employeur s'est adressé". En d'autres termes, l'information fournie par l'intermédiaire (un autre employeur du BTP dans la plupart des cas) a un sens pour l'employeur, non par son contenu objectif, mais parce qu'elle lui arrive à travers un canal signifiant quelque chose pour lui. Tomasi émet ensuite une hypothèse sur les difficultés de recrutement que rencontrent ces employeurs, qui pourraient provenir d'un "malaise" vis à vis des réseaux habituellement sollicités.

On peut tenter de poursuivre plus loin cette idée. Tout se passe en fait comme si les difficultés de ces employeurs du BTP aixois provenaient de l'abandon - pendant une période assez longue - d'une pratique antérieure de sollicitation régulière de leur réseau d'accès à la main d’œuvre. Ils auraient en quelque sorte "perdu" l'habitude de se contacter mutuellement les uns les autres quand ils étaient en phase de recherche de personnel, pendant en particulier le creux de conjoncture de la période 1986-1988. Or on peut estimer pertinente l'hypothèse qu'un réseau relationnel doit être entretenu et ne fonctionne correctement que s’il est régulièrement activé. C'est le fait même de le solliciter qui le fait exister : tout d’abord, il s’agit de le solliciter régulièrement car l'activation d'un réseau a une durée de vie limitée dans le temps. Et ensuite, il s’agit que celui-ci permette une concrétisation, fournisse des résultats positifs (que le candidat obtenu par ce canal se révèle à l'usage satisfaire l'employeur qui recrute) sous peine d'être disqualifié ou de tomber en désuétude. Seules ces conditions permettent l'instauration de pratiques sociales interindividuelles ayant un minimum de stabilité, et de ce fait économes d'énergie et de temps (coûts d'organisation dans la recherche de personnel), et garantissant la confiance nécessaire dans ce type d'échanges relationnels, même si ces pratiques peuvent être par ailleurs relativement volatiles.

D'où l'apparition d'une difficulté pour ces employeurs : si l'ensemble ou la majeure partie de ces employeurs, en cessant de recruter, cessent de rencontrer réellement, voire de tester à l'occasion d'un chantier61, des personnes susceptibles de travailler avec eux, le "filon" a toutes les chances de se tarir au bout d'un certain temps. Et lorsqu'un employeur en contacte un autre, celui qui est contacté n'a plus personne sous la main, présent à l'esprit, pour répondre positivement, et ainsi de suite. Les "capteurs" sont toujours en place, mais il n'y a plus d'information à capter. Le vivier de "salariés potentiels"62 s'est retrouvé hors des circuits, en tout cas hors d'accès rapide quand la conjoncture vient à se retourner, générant ainsi des "tensions" exprimées par les employeurs. Ainsi, tout s'est passé comme si, ayant arrêté de recruter pendant un certain temps, les employeurs du BTP se retrouvaient à activer des réseaux qui ne répondent plus, et qui nécessiteront du temps pour se reconstituer (ce qui n'est

61 C'est la question de l'appréciation de leur "valeur" (leur "qualification" ?). Comme le suggère V. Henguelle

(1994), lorsqu'une personne effectue un CDD chez un employeur, le lien avec celui-ci n'est pas rompu pour autant après la fin de ce CDD, et les employeurs entretiennent ainsi un contact avec des salariés potentiels. Et si ceux-ci ont pu travailler auparavant lors de petites périodes d’un à deux mois par ex., les employeurs qui les ont recrutés les ont "testés" en quelque sorte et peuvent donc fournir un avis autorisé et donner du sens à leur réponse, en tout cas pour un autre employeur du BTP, déjà connu d'eux, inséré dans les mêmes réseaux, croisé sur des chantiers, etc.

62 Qu'on peut interpréter sous forme d'une chaîne relationnelle, au sens ou même si un demandeur d'emploi

habituellement sollicité, car apprécié, ne répond plus présent, il peut indiquer une autre personne, etc. Les relations ne se limitent pas aux seuls autres employeurs ; bien sûr, dans ce cas, on peut estimer que le nombre de médiateurs est forcément limité, car très vite l'aspect "signifiant" du message se dilue, l'information fournie perd de son "sens", et la recherche n'aboutit pas en fin de compte.

d'ailleurs pas garanti), plus en tout cas que ne l'impose une réaction rapide à un retournement de conjoncture de l'activité du BTP au niveau local.

L'important, le phénomène premier ici ne serait pas les acteurs en eux mêmes avec leurs caractéristiques objectives, mais les relations qu'ils nouent entre eux, comme le suggèrent les travaux de Gambier (1978) : "Le salarié ressent les contraintes du système productif à travers les structures avec lesquelles il entre en relation : sa connaissance concrète est de ce point de vue spatialement limitée. De la même façon, l'entreprise entre en relation avec un nombre d'agents réduit que ce soit en ce qui concerne la concurrence salariale ou à travers les procédures de recrutement. Les relations concrètes entre agents ou imposées à eux, du point de vue du travail, ont une intensité qui décroît avec la distance".

3.1.5. Les réseaux relationnels comme ressource déterminante pour les entrepreneurs

Nous avons participé en 1986 à une étude auprès d’une centaine de créateurs d'entreprise en Auvergne. L’objectif était d’étudier le processus de création des entreprises en s’appuyant sur le parcours antérieur de l’entrepreneur, les opportunités qui s’offraient à lui, et les ressources qu’il était capable de mobiliser au moment de la création (Lièvre 1986). Parmi ces ressources, le réseau relationnel de l’entrepreneur s’est avéré déterminant. Une entreprise, c'est d'abord un entrepreneur avec une histoire, et ceci n'est pas neutre du point de vue de l'intensité et de la

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