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Chapitre 3 : Cadre méthodologique

3.3 L’analyse des manuels

Comme pour les programmes, nous utiliserons pour notre analyse une grille qualitative et quantitative. Pour recueillir ces données, nous avons mis au point un «formulaire» inspiré à la fois de la grille OSCaR (pour les renseignements qualitatifs), et, d’autre part, d’un certain nombre de grilles d’analyse mises au point par Brugeilles et Cromer (pour les données quantitatives). Ce formulaire se trouve en Annexe IV. Nous y retrouvons les mêmes variables nominales que dans la grille vouée à l’analyse des programmes (période, publication, édition et origine académique des auteurs). Aussi, comme le suggèrent les sociologues Carole Brugeilles et Sylvie Cromer, l’unité de mesure par excellence en ce qui a trait à l’analyse des manuels scolaires est le «cours» ou la «leçon»19. La leçon peut comporter un ou plusieurs paragraphes, mais ne traite que d’une question précise telle qu’un évènement, un personnage, un groupe ou un document. Par le fait même, elle offre un discours assez long pour s’avérer cohérent (contrairement au mot, à la ligne ou à la phrase), mais assez court pour éviter une unité d’analyse abordant trop de thématiques (contrairement au chapitre ou au texte).

Dans le cas de l’analyse des manuels, nous avons choisi de nous concentrer essentiellement sur deux types d’unité. D’une part, comme l’avance la communicologue Laurence Bardin, dans le cas des récits ou des narrations, l’évènement est une unité de premier choix, car il permet de découper les actions et de relever les causes à effet. D’autre part, étant donné les caractéristiques et les attributs qui lui sont conférés, le personnage est aussi une unité de premier choix20. Une fois l’unité de mesure choisie, encore faut-il sélectionner les évènements ou personnages les plus significatifs et risquant de se trouver dans la majorité des documents, afin d’élaborer une grille à la fois complète, mais flexible21. C’est ce que nous avons fait via un échantillonnage de trois

19 C. BRUGEILLES et S. CROMER, Analyser les représentations du masculin et du féminin dans les manuels scolaires, Paris, C.E.P.E.D., 2005, p. 13-28.

20 L. BARDIN, L’analyse de contenu, 11e édition, Paris, P.U.F., 2007, p. 137-138. 21 J.-M. VAN DER MAREN, op. cit., 441-443.

manuels – l’un pour chaque période (Histoire nationale du Québec pour la première période,

Notre histoire pour la deuxième et Présences pour la troisième) –, lesquels ont été traités par le

logiciel de lexicométrie Tropes. Ainsi, c’est par l’usage de ce logiciel et par le croisement des résultats en étant issus que nous avons sélectionné les vingt évènements suivants :

1) Les premiers contacts ; 2) La fondation de Québec ; 3) La fondation de Ville-Marie ; 4) La paix de Montréal ;

5) La déportation des Acadiens ; 6) La Proclamation royale ; 7) L’Acte de Québec ; 8) L’arrivée des loyalistes ;

9) L’Acte constitutionnel de 1791 ; 10) Les 92 résolutions ;

11) L’Acte d’Union ;

12) L’Acte de l’Amérique du Nord britannique ; 13) Les grandes migrations ;

14) La Crise de conscription ; 15) La Grande Dépression ;

16) Le droit de vote des Québécoises ; 17) La grève d’Asbestos ;

18) La nationalisation de l’électricité ; 19) La Crise d’Octobre ;

20) L’élection du Parti québécois ;

Il en va de même des grands personnages : 21) Jacques Cartier ;

22) Samuel de Champlain ; 23) Dollard des Ormeaux ; 24) Marie de l’Incarnation ; 25) Jean Talon ;

26) Pontiac ;

27) Louis-Joseph Papineau ; 28) John George Lambton ; 29) Louis-Hippolyte Lafontaine ; 30) Ignace Bourget ; 31) Louis Riel ; 32) Wilfrid Laurier ; 33) Henri Bourassa ; 34) Thérèse Casgrain ;

35) William Lyon Mackenzie King ; 36) Maurice Duplessis ;

37) André Laurendeau ; 38) Michel Chartrand ; 39) Pierre Elliott Trudeau ; 40) René Lévesque ;

Pour chacun de ces évènements et de ces personnages, nous posons les questions suivantes : 1) est-il abordé ? (dichotomique 0 ou 1) ;

2) est-il présenté de manière libérale ou conservatrice ? (ordinal de 1 à 5) ;

3) est-il présenté de manière multiculturaliste ou nationaliste ? (ordinal de 1 à 5) ; 4) y a-t-il des historiens de la génération garnélienne ? (dichotomique 0 ou 1) ; 5) y a-t-il des historiens de la génération groulxiste ? (dicho. 0 ou 1) ;

6) y a-t-il des historiens de l’École de Montréal ? (dicho. 0 ou 1) ; 7) y a-t-il des historiens de l’École de Laval ? ; (dicho. 0 ou 1)

8) y a-t-il des historiens de la génération révisionniste ? (dicho. 0 ou 1) ; 9) y a-t-il des historiens de la génération postrévisionniste ? (dicho. 0 ou 1).

Ces informations, plus précises, servent à repérer la présence de nos courants idéologiques et des générations historiographiques. Deux points ici méritent d’être précisés. D’abord, dans le cas des générations historiographiques, nous ne repérons pas l’interprétation historiographique fournie par le manuel (ce qui aurait exigé une connaissance approfondie de l’ensemble des interprétations

historiographiques), mais bien la présence ou l’absence des historiens rattachés à ces générations. Ensuite, dans le cas des courants idéologiques, nous ne repérons pas l’idéologie à laquelle l’évènement ou le personnage est rattaché, mais bien la lunette idéologique par laquelle il est présenté. Ainsi, cela peut mener à des résultats à première vue surprenants, mais tout à fait logiques.

À titre d’exemple, prenons le cas de Maurice Duplessis. Imaginons qu’un manuel soulignerait que l’époque duplessiste fut remarquable, puisque ce dernier a réussi à établir un lien de confiance avec l’Église. Automatiquement, nous qualifierions sa perspective comme étant conservatrice. A contrario, imaginons qu’un autre manuel défendrait tout comme le premier que l’époque duplessiste fut marquée par un partenariat sans précédent entre le pouvoir politique et le pouvoir ecclésiastique, mais que ce partenariat permit à Duplessis de soumettre financièrement l’Église (financement des hôpitaux, des services sociaux, des écoles, etc.), ce qui eut pour effets que cette dernière s’oppose peu à la perte des «compétences» au moment de la Révolution tranquille. Automatiquement, nous aurions tendance à qualifier une telle perspective de très libérale. Autre exemple, si un premier manuel soulignait avec enthousiasme l’autonomisme de Duplessis face à l’ingérence en matière sociale et culturelle du pouvoir fédéral, nous aurions tendance à qualifier cette lunette de nationaliste, alors que, à l’opposé, si un second manuel déplorait que des gens ont souffert du manque de financement en matière sociale et culturelle provoqué par cette attitude, nous qualifierions alors cette perspective de libérale.

En ce qui a trait aux courants pédagogiques, nous questionnons le manuel à savoir s’il est marqué par le béhaviorisme, le constructivisme ou le socioconstructivisme (chaque courant est abordé par une question spécifique dont la réponse est ordinale 0 à 2, le chiffre 0 signifie l’absence du courant, le chiffre 1 correspond à la présence «palpable» du courant et le chiffre 2 correspond à l’indication verbale, claire et nette, de l’orientation pédagogique). De plus, nous avons ici aussi ajouté quelques questions portant sur la couverture des grandes époques (la variable est en pourcentage) : l’époque précoloniale (l’avant 1608), la Nouvelle-France (1608- 1760), le Régime anglais (1760-1867), le Canada français (1867-1960) et la Révolution tranquille à 2012 (1960 à 2012). Enfin, notre banque de données comporte également un certain nombre de variables nominales telles que la période à laquelle appartient la publication (1967-1982, 1982- 2006 ou 2006-2012) ou la publication (le titre du document).

Conclusion

En somme, nous avons établi dans ce chapitre que nous adoptons une perspective bidisciplinaire (science politique et discipline historique). Puis, nous avons justifié au point de vue théorique l’emploi de l’analyse de discours et de contenu, et plus spécifiquement, celui du codage appliqué à l’analyse de discours, à la lexicométrie et à l’analyse statistique. Par la suite, nous avons présenté nos grilles qualitative et quantitative permettant de repérer et de catégoriser nos courants idéologiques et nos générations historiographiques. Enfin, nous avons également présenté nos méthodes d’analyses de type confirmatoire (espace alloué aux époques ainsi que lexicométrie).

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