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Avant de présenter notre propre méthode d’analyse des discours nous allons entre autre nous référer à certaines méthodes citées et explicitées par Alain BLANCHET

et Anne Gotman3, tels que l’analyse par entretiens, l’analyse thématique dite classique, l’analyse propositionnelle du discours comme démarche qui mobilisent une théorie psychologique ou l’analyse des relations par opposition qui elle mobilise une théorie sociologique structuraliste.

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RAYMOND Henri, Paroles d’habitants, 2001, L’harmattan, p12.

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BLANCHEY Alain, Anne GOTMAN, L’enquête et ses méthodes : L’entretien, NATHAN UNIVERSITE, (1992).

Nous développerons de manière assez détaillée cette dernière pour ce qu’elle intéresse notre méthode d’analyse ; de même que nous nous référons aux principaux concepts de la sémiotique structuraliste de A.J.Greimas.

2.1 - L’analyse par entretien

Pour ce qui est de l’analyse par entretien les auteurs expliquent que cette dernière repose sur l’hypothèse que chaque singularité est porteuse du processus, soit psychologique soit sociologique, que l’on veut analyser. L’analyse par entretien se justifie donc lorsqu’on étudie des processus, des modes d’organisation individuels en tant qu’ils sont révélateurs, d’une pathologie spécifique (étude de cas clinique), d’un mode de réalisation d’une tâche professionnelle (ergonomie cognitive) ou d’une théorie du mode de production de l’existence (récit de vie). En conclusion l’analyse par entretien permet de déceler le mode d’engendrement singulier des processus, qu’il soit clinique, cognitif ou biographique.

L’unité de découpage des discours à ce niveau est le fragment de discours pertinent portant une signification.

Il s’agit dans ce cas d’un entretien ciblé où les questions recherchent des réponses plus au mois précises et attendues par celui qui oriente le discours. Un médecin pose des questions en rapport avec la pathologie qu’il suspecte. Les réponses lui permettent d’identifier le mal par rapport à un ensemble de thèmes relatifs aux différentes maladies répertoriées par l’homme exception faite pour les maladies pas assez connues ou totalement méconnues et qui justement font que le travail du médecin passe de l’entretiens orienté à un questionnaire tâtonnant (qui ignore son aboutissement).

En ce qui concerne le cas de notre étude, les entretiens sont plutôt moins ciblés puisque nous avons recours à des questions ouvertes qui donnent libre cours à la discussion pour nos interviews et que par ailleurs toutes les informations restent inconnues à priori. De plus, il ne s’agit pas pour nous de traiter le sujet dans sa singularité, mais d’aborder le sujet par rapport à l’ensemble des discours émanant de tous les interviewers pour rechercher non seulement ce qui fait la singularité d’une question donnée mais aussi ce qui fait son unanimité.

2.2 - L’analyse thématique

L’analyse thématique, à l’inverse de la précédente, défait la singularité du discours et découpe transversalement ce qui, d’un entretien à l’autre, se réfère au même thème. Elle ignore, de ce fait, la cohérence singulière de l’entretien, et cherche une cohérence thématique inter-entretiens.

Toutefois, la différence avec l’analyse par entretien peut n’être qu’une différence de degré. A bien des égards, les «dimensions» utilisées dans l’analyse par entretien peuvent-être considérées comme des thèmes, l’analyse consistant à passer en revue les « thèmes » abordés par chaque sujet séparément pour en faire la synthèse. Il est donc question selon les auteurs d’une analyse thématique «verticale», par opposition à l’analyse thématique « horizontale » qui révèle les différentes formes sous lesquelles le même thème apparaît d’un sujet à l’autre.

Pour établir des résultats, l’analyse par thème, procède à l’identification des thèmes, l’unité de découpage étant le thème qui représente un fragment du discours, puis la construction d’une grille d’analyse à partir des hypothèses descriptives de la recherche.

L’unité thématique n’est donc pas définie à priori. C’est un noyau de sens repérable en fonction de la problématique, des hypothèses de la recherche et du corpus arrêté.

La grille d’analyse est alors hiérarchisée en thèmes principaux et thèmes secondaires, de sorte à obtenir un maximum d’information. Une fois les thèmes et items identifiés, une fois la grille construite, il s’agit alors de découper les énoncés correspondants et de les classer dans des rubriques ad hoc. Ces énoncés sont des unités de signification complexes et de longueur variable (bouts de phrases, phrases, paragraphe…).

Cette approche nous paraît intéressante dans la mesure ou elle permet de dégager tous les thèmes émergeant du sujet de la problématique de départ ce qui permet de procéder à un découpage en conséquence ; cependant, elle nous paraît réductrice, car nous pensons que le fait d’insérer deux personnes à titre d’exemple dans une même colonne sous un même thème n’est pas suffisant pour expliquer son rapport avec le thème en question. Nous prendrons pour exemple un thème relevé dans notre recherche, "habiter dans la ville", nous avons une nuance par rapport à cela comme habiter à "proximité de la ville" ou "habiter au centre" ou "à la périphérie de la ville".

De ce fait, nous pensons qu’en dehors d’une saisie générale des thèmes, nous pourrions procéder à une analyse plus minutieuse qui consister à considérer chaque

thème comme un champ sémantique sur lequel nous situerons chaque personne interviewée.

Ce qui revient à ajouter à ce découpage une sorte de graduation par rapport à un axe virtuel représentatif du thème en question.

Dans un registre différent nous allons présenter des méthodes d’analyse qui opèrent par un découpage thématique suivant un mode de découpage et de codage s’étayant sur la structure syntaxique et sémantique du discours.

2.3 - L’analyse propositionnelle du discours

A la différence de l’analyse thématique, l’analyse propositionnelle repose sur un découpage et un codage systématique du discours. Elle définit l’unité sémantique d’analyse et ne propose aucune catégorisation à priori. Parmi les principes de l’analyse propositionnelle est que tout texte est considéré comme constitué d’un ensemble de propositions, chacune d’elles représentant l’unité sémantique d’analyse, de plus toute proposition réalise sa fonction de sens en associant un argument et un prédicat.

L’analyse propositionnelle vise à décrire cette construction propositionnelle par deux procédés :

• La réduction des propositions d’un texte à des unités plus abstraites, les modèles argumentatifs

• La délinéarisation du texte, qui rend compte de la construction des objets du monde et de leurs propriétés, indépendamment de l’enchaînement des propositions

En résumé, l’analyse propositionnelle postule, en accord avec les données actuelles de la sémantique et de la psychologie cognitive, que tout discours construit un mode référentiel imposant une structure aux différents objets du monde, c’est à dire en reliant ces objets entre eux. L’analyse propositionnelle vise à reconstituer l’image de ce monde en privilégiant les relations que le discours établi entre les objets ; les objets sont représentés par des référents et les objets principaux du discours sont appelés référents noyaux (RN). Les relations sont représentées par des verbes ; les types de relations entre les objets sont définis par les classes prédicatives (par exemple, verbe factifs, statifs ou déclaratifs : F, S ou D)

La procédure d’analyse consistera donc à découper d’abord le texte en propositions, définir les référents noyaux (RN) du texte ; puis écrire pour chaque proposition le modèle argumentatif correspondant, soit éventuellement le type de conjoncteur, suivi du RN actant, ou X si l’actant de la proposition ne correspond pas à un RN référencé, suivi du modalisateur éventuel, suivi du type de verbe (F, S ou D), suivi du RN acté, ou Y si l’acté de la proposition ne correspond pas à un RN référencé, et éventuellement suivi d’un circonstant. Après cela, il est question d’établir un fichier, une base de données, composée de sept colonnes correspondant au numéro de la proposition, joncteur, actant, modalisateur prédicat, acté, circonstant. Ensuite il faut procéder à un tri croisé des colonnes, permettant de calculer les fréquences d’occurrence conjointe et les taux de liaison des différents éléments pris en compte, puis analyser les relations positives mises en évidence pour construire un graphe de ces liaisons susceptibles de donner une image du monde référentiel mis en discours par les interviewers.

La technique de délinéarisation du texte à ce niveau nous semble assez intéressante mais pas de la même façon, car nous préférons opérer une déconstruction du texte et ce en fonction des segments pertinents que nous repérons dans le texte et non selon la forme grammaticale d’une proposition. La délinéarisation pour nous s’opère selon les entités qui rendent possible la signification manifestée par le texte, ce que justement la sémiotique se donne comme objet d’étude.

2.4 - L’analyse des relations par oppositions

En dépit des avancées des techniques de dépouillement des entretiens, l’analyse de contenu n’est pas parvenue pour Henri Raymond à surmonter un certain nombre de difficultés. Les méthodes classiques d’analyse de contenu – Berelson, Holsti, Osgood, Saporta, Piault...- se heurtent toujours à la question de savoir comment analyser objectivement ce que l’on n’appréhende que d’une façon subjective. Ainsi, dans le cas des entretiens non directifs, l’analyse de contenu se réduit bien souvent à une analyse pat thèmes, à un simple classement des données afin de les rendre plus accessible.

A la différence de Berelson4 qui définit l’analyse de contenu comme «une technique manifeste de recherche pour la description objective, systématique et

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quantitative du contenu manifeste de la communication ». Henri Raymond propose une définition plus large : L’analyse du contenu consiste en « l’élaboration des modèles quantitatifs et qualitatifs permettant l’interprétation des contenus manifestés par la communication ». S’inspirant de l’approche structuraliste et notamment des couples d’opposition mis en évidence par Claude Lévis-strauss5 dans ses travaux sur le totémisme qui proposent une investigation méthodique de la relation totémique considérée sous l’angle d’un système de dénomination et qui renvoient eux-mêmes à des mondes symboliques opposés.

2.4.1 - présentation de la méthode d’analyse du contenu des discours selon la thèse d’Henri Raymond

Cette méthode d’analyse des relations par opposition repose sur une double hypothèse :

1- L’existence d’une relation entre les éléments d’un système pratique et les éléments d’un système symbolique

2- La structuration de cette relation en opposition comme constitutive de la fonction symbolique.

Elle reconnaît ainsi à la parole un caractère fondamental qui est d’être une actualisation constante de symbole.

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Cette méthode a été appliquée pour la première fois au corpus d’une recherche sur le logement en maisons individuelles, dont la synthèse des résultats a été présentée par Henri Raymond, et all6 dans l’ouvrage l’habitat pavillonnaire. A travers ce dernier Henri Raymond et Alii partent de l’hypothèse qu’il existait en France, chez les habitants des pavillons, un système de relations entre éléments de l’habitat et représentations, système tel que le pavillon apparaissait comme le signifiant d’un mode de vie, d’une représentation de la vie sociale et morale. Ayant défini ce système comme idéologie, c’est à dire comme un ensemble organisé de représentations, il se propose de mettre en évidence les relations entre le logement, c’est à dire une organisation spatiale, et l’idéologie, relation constatés dans les interviews.

Tout le travail des auteurs a consisté à établir une liaison entre d’une part, un système dénotatif, matériel, constitué d’éléments spatiaux et matériels du logement et d’autre part, un système symbolique dont la compréhension et la définition restent à définir de façon à obtenir deux séries de termes AB (représentant le système spatial) - «cuisine» et «salle à manger» - et cd..(représentant le système symbolique) – « privé » et « public » par exemple.

Afin de déterminer comment peut s’effectuer l’investigation qui porte sur le rapport entre un système dénotatif et les symboles qui sont associés à ce système et qui doivent constituer un autre système ; Henri Raymond emprunte à l’ethnologie sa démarche pour procéder à un découpage, à un classement, puis à une réduction de ses discours.

Pour le découpage Henri Raymond se demande quel devrait être le point de départ de cette opération, partir des éléments matériels et spatiaux de l’habitat pour aller vers le symbolique ou l’inverse, car ces derniers peuvent également être les mieux constitués pour servir de point d’appui pour l’investigation. En définitif, il retient que ce découpage les mettra en possession d’énoncés dont le point commun sera qu’ils contiendront au moins un élément de la série choisie comme point de départ du découpage.

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Raymond Henri développe sa propre méthode d’analyse des entretiens non directifs. Celle-ci fut présentée d’une façon approfondie dans sa thèse de 3eme Cycle (1968), le texte intégral de la thèse a été publié sous le titre : Parole d’habitants, une Méthode d’analyse (2001).

Le classement, quant à lui, s’effectue selon l’auteur « suivant le vocable qui nous a servi de base pour le découpage » ; Ce qui revient à classer ensemble tous les mots qui conduisent vers un même thème ou « rubrique » tout en conservant les relations entre termes de la série matérielle, en supposant que ces relations sont associées dans certains cas à des associations entre symboles. Il prend l’exemple de la série matérielle (cuisine et salle à manger) auxquels sont associés des termes dit symboliques (fêtes- anniversaires et autrement).7

L’étape suivante de l’analyse du contenu, qui consiste en la réduction, a pour but de mettre en évidence les relations dont l’ensemble peut conduire à la constitution d’un système de représentations liées aux éléments matériels qui ont servi de base au découpage

Une fois cette réduction accomplie, l’auteur obtient un schéma dans lequel les éléments matériels et symboliques sont couplés, constituant ainsi des oppositions.

Nous pensons que le découpage peut s’avérer comme une opération facilement accessible lorsque nous prenons comme point de départ les composantes physiques du logement, qui à notre sens, restent quantifiables, dénombrables et limitées en comparaison avec un espace urbain à caractère public et dont les composantes physiques restent illimitées et surtout, comme nous le démontreront, varient d’un acteur à l’autre. De plus il s’agit pour nous d’évoquer des lieux et non d’espace urbain générique

2.5 – L’analyse structuraliste : Les principaux concepts de la