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L’Amérique du sud est-elle l’aire d’origine de Tetranychus evansi ?

III. 3.3.3.2 Inférence de structuration génétique des populations à l‟aide du logiciel

IV.2 L’Amérique du sud est-elle l’aire d’origine de Tetranychus evansi ?

Tetranychus evansi ?

Quand j‟ai débuté ce travail, T. evansi n‟avait fait l‟objet d‟aucune étude visant à comprendre ou même décrire l‟histoire de son expansion vers de nouvelles zones géographiques. Nous disposions uniquement de données historiques sur les signalements de l‟espèce, souvent associés à des dégâts sur les cultures. Sur la seule base de signalements l‟espèce a toujours été considérée comme étant native de l‟Amérique du Sud (Encadré I). Nos résultats obtenus à l‟aide des outils d‟analyse moléculaire soutiennent cette hypothèse. En effet, l‟aire native d‟une espèce possède les populations les plus anciennes et les plus diverses (Navia et al., 2005; Roderick, 2004; Roderick, Navajas, 2003; Scheffer, Grissell, 2003). Or, d‟après nos résultats, c‟est dans les populations d‟Amérique du Sud que l‟on trouve la diversité génétique la plus élevée.

Un autre argument en faveur d‟une origine sud américaine de ce ravageur est la présence d‟ennemis naturels efficaces dans cette partie du Monde. C‟est dans les zones

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Encadré I

Historique de signalements de Tetranychus evansi

A partir d‟une étude bibliographique basée sur des documents peu diffusés, Gutierrez et Etienne (1986) ont suggéré que cette espèce pourrait être originaire d'Amérique du Sud, où elle a été découverte pour la première fois, en 1952, dans le nord est brésilien (Silva, 1954). Jusqu‟au début des années 1960, cette espèce a été trouvée à l‟île Maurice, au Texas, en Floride et en Californie (voir II. 1.1). Gutierrez et Etienne (1986) ont également émis l‟hypothèse qu‟à partir de l‟Amérique du Sud, cet acarien serait arrivé à l‟île Maurice et de cette dernière il aurait été introduit à la Réunion fin 1976 ou début 1977 et aurait colonisé l‟ensemble des Mascareignes. Tetranychus

evansi a ensuite été signalé par la suite en Afrique continentale au Zimbabwe en 1979

(Blair, 1983), puis en Afrique du Sud vers 1985 (Meyer, 1996). En 1988, il a été signalé en Afrique du Nord au Maroc (El-Jaouani, 1988) et plus tard en Tunisie (Bolland et al., 1998). Il a été également reporté à l‟est du continent africain, en Somalie en 2003 (Seif et al., 2003), mais aussi à l‟ouest au Sénégal en 2004 (Duverney et al., 2005). Depuis une dizaine d‟années cette espèce a aussi été détectée dans plusieurs états du Pacifique (Hawaï, Taiwan et la côte orientale de la Chine méridionale). Les premières observations en Europe datent de 1992 au Portugal (Ferreira, Carmona, 1995) et de la fin de 1995 en Espagne (Ferragut, Escudero, 1999). Elle a par la suite été signalée dans le pourtour méditerranéen espagnol ainsi qu‟aux Îles Canaries et à l‟Île de Madère (Migeon et al., 2009). Le premier signalement en France date de 2004 sur la morelle noire, près de la frontière espagnole, dans les Pyrénées-Orientales (Migeon, 2005). A la fin 2005, T. evansi a été trouvé au nord de l‟Italie sur la tomate et la morelle noire (Castagnoli et al., 2006) et à l‟automne 2006, des prospections effectuées dans la Côte d‟Azur ont permis de le découvrir à Menton et à Nice (Migeon, 2007). Il a été signalé dans le secteur méditerranéen oriental en 2005, en Israël sur Solanum spp (Ben-David et al., 2007) et en Crète sur la morelle noire (Tsagkarakou et al., 2007). En Amérique du Sud, de nouveaux signalements ont été rapportés au nord-ouest de l‟Argentine (Furtado et al., 2006). Le signalement le plus récent de cet acarien dans le bassin méditerranéen provient du nord-ouest de l‟Algérie, dans la région de Mostaganem, où des infestations spectaculaires sur la pomme de terre et la tomate par T. evansi ont été constatées au courant de l‟été 2008 (Guenaoui, 2010).

83 natives où les prédateurs ont été depuis longtemps en contact avec leurs proies qu‟une coévolution proie/ prédateur a pu avoir lieu. Depuis plus de 60 années, T. evansi a été signalé au Brésil. Dès cette époque des dégâts importants ont été rapportés de Bahia (Silva, 1954) sur les tomates, mais aussi en Argentine (Rossi Simons, 1961). Ensuite, c‟est à la fin des années 70 et début 80 que d‟importants dégâts ont été signalés dans le pays. Ces pullulations ont eu lieu sur des cultures de tomates à Petrolina au nord-est du Brésil. Il s‟agissait alors d‟un changement des pratiques agricoles dans cette région avec l‟introduction d‟une nouvelle culture puisque la tomate n‟y avait jamais été cultivée auparavant. L‟absence de prédateurs efficaces de T. evansi dans cette région avait été suggérée comme étant la cause de son expansion. Par la suite, la production de tomate y a été abandonnée en raison des problèmes causés par T. evansi (De Moraes et al., 1986). Les explosions démographiques sont courantes chez plusieurs espèces de Tetranychus. Néanmoins, dans le cas de T. evansi, il est important de signaler que depuis il n‟a jamais été considéré comme un important ravageur de la tomate au Brésil (Furtado et al., 2007). La présence d‟ennemis naturels (prédateurs et pathogènes) de

T. evansi sur les solanacées (Fiaboe et al., 2007b; Furtado et al., 2007; Rosa et al., 2005)

pourrait expliquer le maintien des populations sous le seuil de nuisibilité économique. Parmi ces prédateurs, l‟acarien Phytoseiulus longipes qui a été trouvé en association avec T. evansi sur la tomate et d‟autres solanacées (Furtado et al., 2007), s‟est avéré être efficace et prometteur pour contrôler T. evansi (Ferrero, 2009). De même, le champignon pathogène

Neozygites floridana, découvert au Brésil, a été signalé comme étant un agent de contrôle du

ravageur et la cause du déclin des populations de T. evansi au Brésil (Humber et al., 1981). Un autre argument en faveur d‟une origine sud américaine de T. evansi est le spectre de plantes hôtes qu‟il exploite. Bien que signalé sur 94 plantes hôtes appartenant à 30 familles différentes (Migeon, Dorkeld, 2006), cet acarien montre une forte préférence pour la famille des solanacées aussi bien cultivées que sauvages. Or, on sait que la famille des solanacées est très diversifiée en Amérique du Sud. Tetranychus evansi est une des espèces les plus fréquemment rencontrées sur les solanacées sauvages natives et abondantes au Brésil (Rosa et

al., 2005). Cet ensemble d‟arguments basés sur la biologie et l‟écologie de T. evansi complète

les informations tirées de notre analyse génétique et soutient l‟hypothèse d‟une origine sud américaine de l‟espèce.

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