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CHAPITRE 2 : LE TERRITOIRE DES INSTITUTIONNELS DU

E. L’aménagement

- les études commanditées par le Ministère du Tourisme, telle que celle réalisée par le cabinet INNOVACT en 1990 ;

- la création d’une section tourisme urbain au sein de l’AFIT (Agence Française d’Ingénierie Touristique) qui subventionne et supervise de nombreuses études dans le cadre du tourisme urbain.

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formes culturel, affaire, balnéaire… (CAZES et al., 1986 ; CLARY, 1993 ; LOZATO-GIOTART, 1993 ; CHESNEL, 2001)

1. Des sources équivoques

L’appréciation du tourisme urbain et les statistiques qui en découlent sont l’apanage de

l’État, des entreprises de transport et de tourisme et des instituts privés. Ces derniers les

rendent publiques au gré de leurs sollicitations et peuvent en conserver la confidentialité.

L’outil statistique étant variable et non homogène, il est par la suite difficile de les exploiter

de manière uniforme puisque les repères ne sont pas les mêmes. Certains s’appuieront sur la

durée de séjour ou la nuitée, d’autres sur les fréquences de départ ou de séjour voire le budget

consenti au déplacement (l’aspect économique). Le résultat en est que ces statistiques

satisfont l’organisme qui les a commanditées et répondent à coup sûr à ses besoins.

Par ailleurs, la spatialité n’est pas la même, les enquêtes sont réalisées à différents

échelons : européen, national, local… La définition du touriste nous l’avons souligné, n’est

pas satisfaisante, et cela d’autant plus que les critères de motivation sont l’objet de critiques.

L’harmonisation n’étant pas possible, nous ne pouvons comparer que ce qui est comparable.

Au niveau européen, on peut citer :

-

L’enquête European Travel Monitor (ETM) réalisée depuis 1988 par l’European

Travel Intelligence Center sur les déplacements touristiques des Européens.

Au niveau national, on peut citer entre autres (enquêtes globales avec traitements

spécifiques sur la ville) :

-

L’enquête sur le suivi de la demande touristique réalisée mensuellement depuis mai

1990 par la SOFRES qui paraît dans la Lettre de l’Observatoire diffusée par l’ONT ;

-

L’enquête sur les comportements en matière de tourisme urbain réalisée par

l’INRETS

6

en 1994 et éditée par cet Institut : « c’est actuellement la seule enquête qui

fournisse une description des flux vers la ville, et dans la ville et des motivations, des

perceptions et des attentes des touristes » (CAZES, POTIER, 1996, p. 13).

-

L’enquête vacances de l’INSEE.

6

Avec la participation financière de la DRAST (Direction de la recherche et de l’action scientifique et technique du ministère de l’Equipement et des Transports), de la DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire et à

Au niveau local, les enquêtes ne s’appliquent pas à l’ensemble de la demande. Elles sont

partielles parce qu’elles sont réalisées sur la seule fréquentation des sites ou de certains

hébergements. Seule est prise en compte la clientèle présente sur les lieux. Les résultats de ces

dernières ne peuvent pas être centralisés au niveau national.

Les résultats des enquêtes sont sur-estimés ou sous-estimés, tout dépend de ce que l’on

recherche et en attend. La stratification européenne, nationale ou locale induit une analyse

différenciée.

2. Une réalité

Dans l’expression le tourisme urbain, on trouve deux mots qui forment un syntagme. « Urbain » renvoie à la dimension physique de l’espace dans lequel se déploie(ra) le tourisme. L’« anthropôme » (la population) vit majoritairement en ville, c’est la raison pour laquelle le tourisme est une pratique urbaine et les mobilités sont liées à l’urbanité.

Le tourisme urbain serait « l’ensemble des ressources touristiques d’une ville proposées aux visiteurs extérieurs » (VIGHETTI, 1994 ; VLES, 1996). Il est aussi qualifié d’ « écosystème patrimonial » (GREFFE, 1990). Il apparaîtrait également comme une « destination ou nœud de flux » (VIOLIER, 1998). Forte de cette potentialité, la ville est facile d’accès. Située au centre d’un réseau de voies maritime, aérien, terrestre, elle est le lieu de transbordement par excellence, voire de connexité (BASTIE, DEZERT, 1991). Outre les fonctionnalités de la ville, une dimension non négligeable est à prendre en compte, à savoir, la ville, lieu de l’expérience personnelle : « on aime les villes jusque dans leurs souillures » (URBAIN, 1991). En d’autres termes, « la ville n’est pas simplement un mécanisme matériel et une construction artificielle : elle est impliquée dans les processus vitaux des gens qui la composent ; c’est le produit de la nature et particulièrement de la nature humaine » (GRAFMEYER, JOSEPH, 1990).

L’espace retenu par la CNPTU comme cadre d’analyse spatiale du tourisme a progressivement évolué de 10 000 habitants7 à 20 000 habitants et plus8. Cette délimitation pose problème car elle ne tiendrait pas compte des cités de moins de 10 000 habitants pourtant jugées très touristiques. L’enquête INRETS quant à elle s’effectue sur des agglomérations de 20 000 habitants et plus.

l’action régionale) et de l’AFIT (Agence française pour l’ingénierie touristique), en collaboration avec l’Equipe de recherche Tourisme-Développement de l’Université de Paris I.

7

Assises Nationales, 1988

8

Selon la SOFRES (1997) la ville est le deuxième espace de séjours aussi bien dans les

intentions de départ que dans les faits. Le tourisme urbain représentait 30.3% des nuitées

9

.

Respectivement, il occupait les deuxième et troisième places en termes de séjours et de

nuitées. En 1998, elle est devenue la troisième destination des Français en termes de nuitées

correspondant à des voyages personnels (courts et longs séjours) devant la montagne, d’après

la direction du Tourisme (DUBOIS, 2000). En 2000, la ville représente 32% des séjours

réalisés par des Français en France et elle arrive en deuxième position derrière la campagne,

mais devant la mer et la montagne. En termes de nuitées, elle représente 23% contre 22% en

1997, soit le troisième espace devant la mer et la campagne. En hiver, force est de constater

que la ville arrive en première position tant en séjours qu’en nuitées, avec respectivement

39% et 32.5%. Et en été, la ville passe en troisième position derrière la mer et la montagne. La

ville est un espace qui n’induit pas de saisonnalité (DEVE, 2003). Toutefois des pointes de

fréquentation sont atteintes en mai, juillet et août. C’est donc une destination dont la durée

moyenne de séjour est la plus courte 4.7 nuitées (BARON-YELLES, 1999). Au niveau

Européen, selon l’ETM (1999) le tourisme urbain représentait 18% du marché. La tendance

globale européenne serait à la hausse quant à l’engouement et l’appréciation dudit tourisme.

Les habitants d’Europe Centrale, d’Europe de l’Est et du Sud privilégieraient les séjours en

ville. En revanche, les Européens de l’Ouest et du Nord seraient davantage attirés par d’autres

espaces. Parmi les non-Européens, les Japonais et les Américains seraient de loin les plus

représentés, 62.7% des séjours sont des courts séjours de une à trois nuits. En ville, la durée

moyenne de séjours est de 5.1 nuits et de 6.5 nuits pour l’ensemble des espaces (ALBRAND,

1999). Sur un échantillon de 72% de touristes européens, la palme revient aux Allemands

(19%), puis viennent les Britanniques et les originaires du Benelux (12% chacun), puis les

Italiens (11%), et les Américains (6%) (BARON-YELLES, op. cit., 1999).

Mais ces résultats flatteurs sont dûs en partie à l’amalgame entre les flux déjà évoqué.

Sachant en effet que près de 80% de la population européenne vit dans des villes. Il est tout à

fait normal, le contraire serait étonnant, que les visites familiales ou amicales se déroulent

dans l’espace urbain. La majorité des Français qui séjournent dans une ville se rendent chez

des parents (29%) ou chez des amis (22%). Cependant la ville est aussi objet de découverte

car le patrimoine historique et contemporain se trouve concentré dans cet espace « il n’y a pas

bien sûr les musées que dans les villes, mais ceux qui s’y trouvent pèsent au total d’un poids

très lourd » (CHESNEL, 2001). Ce regain d’intérêt pour la ville est dû à l’intérêt du

patrimoine culturel « le modèle émergent peut se formuler ainsi : plus souvent, plus diversifié,

plus culturel » (CAZES, POTIER, op. cit., 1996). En 1997, les résultats de l’enquête sur les

pratiques culturelles des Français confirmaient « le profond renouvellement de leurs rapports

à l’art et à la culture. La plupart des évolutions constatées depuis 1989, date de la précédente

enquête, prolongent celles des années 1970 et 1980 » (DONNAT, 2003). Avec 39% des

séjours pratiqués en ville, la visite de monuments, sites et musées se classe au premier rang

avec une sur-représentation de 9 points par rapport à l’ensemble des espaces (DEVE, op. cit.,

2003). Enfin, l’accessibilité est rendue possible par la déréglementation des transports aérien

et ferroviaire (« chartérisation » prix promotionnel, discount) par l’accroissement des

équipements de plus en plus performants (TGV) qui permettent de réduire les distances, et de

découvrir les villes dans nos frontières ou au-delà de ces dernières. C’est donc un espace

diversifié, familier, lisible et non-saisonnier.

Conclusion

Ainsi la définition du tourisme n’est pas chose aisée. Chacun semble en proposer une qui

au bout du compte n’est pas meilleure. Chacun inconsciemment semble détenir la définition

miracle. Mais quand il s’agit de rendre lisible sa pensée, il apparaît un sentiment de mal-être,

car on passe à l’évidence qu’on ne sait rien du tourisme ou simplement que l’on élude les

aspects essentiels du problème.

La pléthore des définitions rend bien compte de la difficulté à cerner cette notion ou de sa

tendance à ne se laisser circonscrire que fort péniblement. Ce faisant elle indique son

exceptionnel caractère transdisciplinaire. Cette complexité pousse les chercheurs à travailler

davantage. Aussi tout au long de notre développement, allons-nous tenter d’apporter un

modeste éclaircissement sur ce qu’est le tourisme dans l’espoir d’en faire avancer si peu que

ce soit l’approche.

Peut-on étudier le tourisme sans le territoire avec lequel il est indubitablement lié ? Cette

question nous pousse à nous pencher sur la notion de territoire et ce qu’elle implique dans

l’approche du tourisme.

CHAPITRE 2

LA NOTION DE TERRITOIRE

“La vertu essentielle du concept de territoire réside sans doute dans la globalité et dans la complexité de son contenu sémantique. Elle se retrouve dans le fait que son émergence en un lieu ou ensemble de lieux donnés mobilise tous les registres de la vie humaine et sociale”

DI MÉO, Guy, Géographie sociale et territoires, 1998

Introduction

La notion de territoire semble revêtir une réelle importance en géographie, à en juger par le volume de pages et le nombre de définitions développées dans les dictionnaires de géographie. Dans le Lexique de géographie humaine et économique (1984) on lit deux définitions, ensuite dans Les mots de la géographie. Dictionnaire critique (1993) on passe à six et, enfin dans le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés (2003) huit définitions sont articulées. Ces données laissent s’imposer une idée, celle de la polysémie manifeste de la notion.

Cette notion fait l’objet de recherches dans d’autres sciences notamment en anthropologie, en sociologie, en psychologie, en sciences politiques pour ne citer que celles-là. Ce foisonnement de définitions mène le lecteur vers un terrain « sensible », dans lequel il est susceptible de se perdre. La complexification des phénomènes tant psychologiques, sociaux que spatiaux interférant dans son contenu sémantique en est la raison essentielle. Pour une meilleure compréhension de cette réalité conceptuelle, le lecteur doit garder à l’esprit que c’est un terme « bifacial » (RAFFESTIN, 1980) puisqu’il fait référence à la dimension objective qui sous-tend la matérialité, se définissant comme produit, support et objet de la matérialité des pratiques et la dimension subjective qui renvoie aux représentations symboliques de l’individu.

Notre objectif est celui d’éclairer autant que faire se peut cette notion, aussi allons-nous rendre compte de sa diversité.

V.

LES PREMIERES ACCEPTIONS

Dans les années 60 et 70, l’usage du terme territoire faisait référence à l’aménagement du territoire et, par extension, au pouvoir politique et à son espace d’action. Cette acception est l’œuvre des politiques ; cette position est mise en exergue par des travaux récents (SACK, 1986 ; BADIÉ, 1995). Le territoire est historiquement utilisé au sens politique du terme, ce n’est que bien plus tard que ce terme est repris par les éthologues : « si le terme lui-même de “territoire” au sens juridico-administratif est largement utilisé dans nombre de travaux (dans ce sens, il est d’ailleurs historiquement bien antérieur aux recherches des éthologues), il

n’inspire guère, durant une longue période, les géographes (en tant que concept) » (GUMUCHIAN, 1991). Ensuite, le terme s’est galvaudé, et il a été repris par les éthologues ; cette autre acception nous apporte quelques éclaircissements par rapport à l’appropriation de l’espace par des groupes (la territorialité). L’éthologie marque de son empreinte l’espace des politiques traduisant ainsi un mode de découpage et un contrôle exclusif de l’espace.

La première acception est celle qui est retenue en sciences sociales. Toutefois, l’utilisation de cette notion n’est pas complètement circonscrite et il n’est pas rare dans les manuels de géographie de passer de l’approche du politique à celle de l’éthologie (LE BERRE, 1995 ; TIZON, 1996).

Contrôle étatique de l’espace et éthologie sont les deux acceptions fréquemment usitées dans la décennie 1960.

C.

Le territoire de l’État

Le territoire, qui dérive du latin terra, signifie un « morceau de terre approprié ». Sur un plan strictement politique, le territoire se traduit par un découpage de l’espace géographique. Sur un plan concret, l’espace ainsi formé est une portion de terre habitée ou non sur laquelle s’exerce une autorité, une juridiction (PINSON, THOMANN, 2001). C’est en quelque sorte la « marque essentielle de l’État » (BADIÉ, 1995) sur ledit espace. C’est un espace balisé, contrôlé ; c’est celui-là qui intéresse les sciences politiques au travers des relations internationales. S’agissant d’un pays, l’État assure sa suprématie sur un territoire borné aux frontières délimitées, reconnu à l’intérieur par l’“anthropôme” (la population), et à l’extérieur par les autres États. Il est sujet aux divers aménagements notamment dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire. On pourra dire que l’espace est ici dominé, contrôlé, organisé par une autorité ici politique (BRUNET et al., 1992).

Le territoire découpé, borné, est cet espace marqué par la frontière. Ce territoire est simultanément espace de survie, de domination, lieu de pouvoir. En cas de conflit, il est possible d’effectuer des compromis sur l’espace de production mais jamais sur le territoire qui est de l’ordre du symbolique : « le territoire, c’est cette parcelle d’espace qui enracine dans une même identité et réunit ceux qui partagent le même sentiment » (BONNEMAISON, 2000). C’est de l’ordre de l’affectif, un lien, un espace culturel d’identification ou d’appartenance. Vu sous cet angle, l’appropriation ne vient qu’après.

Le territoire est « l’étendue de terre qui dépend d’un Empire, d’une province, d’une ville, d’une juridiction »10. Cette définition politique et juridique s’appuie sur la conception la plus primitive du territoire à savoir celle des éthologues. Le territoire au sens politique du terme est un mode de découpage et de contrôle de l’espace, espace dans lequel la spécificité ou la singularité est garantie, ainsi que la permanence et la reproduction des groupes humains qui y vivent. De ce fait, le territoire est en perpétuelle construction.

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D.

L’éthologie

C’est la science du comportement des animaux dans leur milieu naturel. L’éthologie décrit en substance « l’archétype du territoire des sociétés humaines » (DI MÉO, 1998). Si l’on veut tenter de comprendre le sens profond de ce dernier, on gagnerait à tenir compte de la manière dont les éthologues appréhendent la territorialité animale.

3. Le territoire de l’éthologie

Le territoire d’après les éthologues (IMMELMANN, 1990) est une aire géographique dans les limites de laquelle la présence d’un individu exclut simultanément les congénères soit de même sexe à l’exception des jeunes, soit les deux sexes pour en conserver l’exclusivité, on parle alors de territoire individuel. Pour ce qui est de « la territorialité interspécifique, les comportements visant à l’exclusion s’adressent également aux individus d’autres espèces » (DI MÉO, 1998). C’est une conception biologique et animale, le territoire apparaissant comme un contrôle exclusif de l’espace et ce, de manière pacifique. C’est un espace approprié par un groupe ou un individu animal prêt à le défendre. La question de l’intrusion territoriale est ici un truisme. Le territoire est « un espace vital terrestre, aquatique ou aérien, qu’un animal ou qu’un groupe d’animaux défend comme étant sa propriété exclusive » (ARDREY, 1966). Cette défense, ce combat permet de décrire l’attitude comportementale qu’ont les différentes espèces animales vis-à-vis de leur territoire. Aussi, en se démarquant des autres, les animaux de caractère ascendant (l’espèce dominante), s’approprient-ils un morceau de l’espace et se battent-ils pour faire respecter leur droit sur ledit morceau ; de ce fait, ils imposent leurs marques et créent ainsi une certaine distance tant sociale que spatiale. D’après les psychologues de l’environnement, la territorialité se rapporte à l’appropriation exclusive des espaces et objets par des personnes et des groupes (ALTMAN, 1975). C’est une zone d’emprise à laquelle, on pourrait s’identifier, « les psychologues y voient même une « extension du moi » (FISCHER, 1997).

4. Du territoire de l’éthologie au territoire de l’homme

La géographie ne rejette pas l’éthologie et se sert de la proxémique pour mieux appréhender la notion de territoire. L’homme étant un animal social, il est possible d’établir des liens entre les territoires humain et animal. Chez les animaux, la vie est organisée hiérarchiquement, ce qui laisse supposer que territoire et pouvoir vont de pair. De ce fait, « en extrapolant, c’est-à-dire en reconnaissant que le territoire éthologique préfigure dans ses grandes lignes le territoire social ou l’espace social, on retrouve les trois grandes bases qui le caractérisent : domination, hiérarchie (pouvoir) et frontière » (GRAFMEYER, 1994). C’est vrai qu’en observant les animaux qui ont un pouvoir dominant sur les autres, l’on suppose que c’est de l’éthologie que s’inspirent les hommes dans leur rapport avec le territoire. C’est ainsi que, sur un plan institutionnel, la transposition de ce terme nous semble pertinente, d’autant plus qu’à l’exemple des animaux, les institutions marquent, bornent, découpent, maillent, symbolisent, conquièrent le territoire. Elles territorialisent les lois en les appliquant sur l’ensemble du territoire strictement défini comme l’aire géographique de la collectivité publique qui édicte ces lois. Etymologiquement, le territoire signifierait dans le droit romain, le jus terrendi, c’est-à-dire le « droit de terrifier » (LEGENDRE, 1976). Cette expression juridique revient quelque peu à dire le droit de faire que la terre quelque part devienne sienne, si tant est que le suffixe infinitif ait cet aspect inchoatif et partant évolutif qu’on lui connaît, l’étymon latin contenant alors en lui-même cette notion d’appropriation. Toutefois, il y a quelques risques à transposer le territoire de l’éthologie au territoire social, il se peut même que cela soit « difficile à transposer en sciences sociales, la conception éthologique du territoire apporte toutefois quelques informations utiles à la compréhension de l’essence des valeurs territoriales » (DI MÉO, 1996). Bien évidemment, nous

faisons allusion aux formes les plus violentes de contrôle et de délimitation de l’espace notamment les guerres, les conquêtes… L’espèce humaine ressemble et se distingue à la fois des espèces animales. La distinction tient du fait que la culture qui singularise ces sociétés humaines les autorise à transcender certaines contingences biologiques. Contrairement aux animaux qui sont déterminés par le milieu naturel, l’Homme « a réussi à créer une relation à l’environnement qui n’est que très accessoirement structurée par sa propre constitution biologique » (BERGER, LUCKMANN, 1986, cité par DI MÉO, 1998). La culture singularise l’humain au sein du monde animal.

VI.

LES AUTRES SENS DU TERME TERRITOIRE

Comme dans toute science, les approches des chercheurs sont variables. Aussi est-il possible d’identifier trois moments de l’histoire de la géographie : « celui du milieu », empreint d’un naturalisme lamarckien, celui de l’ « espace », rompant avec l’exceptionnalisme par un spatialisme cartésien à dominante géométrique, enfin celui de « territoire », marqué par la prise en compte des effets géographiques de l’identité des individus et des sociétés » (GRATALOUP, 2003, p. 908). Cette classification renvoie à l’extrême polysémie (TIZON, 1996 ; DI MÉO, 1998), et donc à l’évolution de la géographie. Ceci nous amène à étudier les autres sens du mot territoire, en nous démarquant des seules conceptions éthologique et politique, sans pour autant les écarter de notre propos.

G.

Le territoire et la référence « locale »

1. Le langage commun

Dans le langage courant, le lieu renvoie très souvent à l’habitation, à la demeure, aux lieux-dits, à la localité, à l’espace, à la région, au pays… On parle même de « lieu de travail », « lieu de vie », « lieu de naissance »,

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