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CHAPITRE I E TUDE B IBLIOGRAPHIQUE

5.2 L’altération de la motricité intestinale

L’impact de l’altération de la motricité intestinale sur l’apparition de douleurs abdominales est le sujet traité dans cette partie. Plus précisément, nous précisons le rôle physiologique des contractions migratoires géantes (GMCs) qui peuvent, dans des conditions biologiques particulières devenir des stimuli nociceptifs suscitant une douleur. Puis, les données utiles permettant de valider le choix de l’étude de ces paramètres dans un contexte radio-induit sont abordées.

5.2.1 Notions générales sur les contractions migratoires géantes

La fonction de contractibilité et de motilité intestinale est décrite dans la partie 2.4.3. Les contractions migratoires géantes (GMCs) sont des contractions d’amplitude importante et de longues durées qui apparaissent spontanément chez les sujets sains environ 4,4 fois par jour (Narducci et al., 1987). Elles permettent la propulsion de volumes importants de contenu luminal (Sethi and Sarna, 1995). Les afférences mécano-sensorielles intestinales sont stimulées par ces GMCs. En effet, lors d’une GMC, une compression luminale de la paroi intestinale et une distension du segment intestinal distal recevant le contenu luminal sont observées (Sarna, 2007).

Sarna et al., dans leurs études expérimentales, menées chez le chien, ont démontré que les GMCs stimulent : (i) les afférences sensorielles et, (ii) la mise en place d’un contrôle inhibiteur descendant, dépendant du NO qui permet la relaxation musculaire au niveau distal de telle sorte que, chez un sujet sain, le seuil de stimulation nociceptif des mécanorécepteurs ne soit pas dépassé. Ainsi, les GMCs, dans des conditions physiologiques, ne provoquent donc pas de sensation douloureuse (Sarna, 2007).

5.2.2 Implication dans les mécanismes périphériques de

l’hypersensibilité viscérale

5.2.2.1 L’altération de la motricité intestinale comme étiologie de la douleur viscérale

Chez les patients atteints d’IBS et d’IBD, l’hypersensibilité viscérale est un facteur qui contribue aux crampes abdominales intermittentes dont souffrent ces patients. Toutefois, ce phénomène à lui seul n’explique pas le caractère intermittent des crampes abdominales

102 ressenties par ces patients. Une corrélation entre la présence et l’augmentation de la fréquence des GMCs intestinales et des douleurs abdominales ressenties par ces patients a été mise en évidence dans différentes études cliniques (Annese et al., 1997; Chey et al., 2001; Clemens et al., 2003; Kellow and Phillips, 1987).

Dans des conditions pour lesquelles les neurones afférents entériques ou du SNC sont sensibilisés et/ou lorsque l’inhibition descendante intestinale est altérée Sarna et al., suggèrent d’ailleurs que les GMCs pourraient devenir des stimuli nociceptifs (Sarna, 2007). Le caractère intermittent des crampes abdominales chez les patients atteints d’IBS et d’IBD pourrait ainsi s’expliquer.

5.2.3 Observations dans le contexte de l’irradiation intestinale

Les patients qui ont subi des radiothérapies de la zone abdomino-pelvienne peuvent souffrir d’épisodes de diarrhées et/ou de constipations à court terme (phase aigüe) mais aussi à long terme (phase tardive). Ces complications sont attribuées à une altération de l’épithélium, de la fonction de sécrétion et de la motilité au niveau intestinal.

Des études expérimentales signalent une modification de la contractibilité et de la motilité intestinale successivement à une exposition du tractus abdominal aux rayonnements ionisants dans des modèles animaux distincts (Esposito et al., 1996; Otterson et al., 1988, 1992; Picard et al., 2001b). Otterson et al., ont notamment démontré, suite à des irradiations fractionnées au niveau abdominal chez le chien, une augmentation de la fréquence d’apparition des GMCs au niveau intestinal et une altération de la capacité contractile du côlon. L’incidence d’apparition de GMCs rétrogrades était également augmentée après irradiation (Otterson et al., 1988, 1992). Les auteurs suggèrent clairement que les symptômes (diarrhée, crampes abdominales, vomissements) observés après une exposition intestinale aux rayonnements ionisants étaient liés notamment à ces GMCs.

Bien que ces études aient été réalisées pour des temps relativement courts après irradiation, elles renseignent malgré tout sur l’altération motrice du côlon, qui peut donc être impliquée dans les processus douloureux.

Ainsi, la « pelvic radiation disease » est une pathologie multi-organes, affectant notamment les fonctions intestinales et instiguant des processus inflammatoires et des modifications

103 neuroplastiques. L’étiologie des douleurs viscérales radio-induites est certainement le résultat de l’ensemble de ces modifications biologiques. L’utilisation de la thérapie cellulaire utilisant les CSM paraît totalement adaptée dans ce contexte. En effet, les CSM permettent une action polyvalente, multi-spatiale et adaptable au contexte physiopathologique, comme cela est explicité dans la partie 6 de ce manuscrit de thèse.

6 V

ERS L

UTILISATION DES

CSM

POUR MODULER L

HYPERSENSIBILITÉ

VISCÉRALE CHRONIQUE RADIO

-

INDUITE

?

Alors qu’un grand nombre de stratégies thérapeutiques vise seulement au contrôle des symptômes et nécessite une utilisation chronique, l’objectif de la thérapie cellulaire ou médecine régénérative est d’induire chez les patients un processus de guérison.

Les CSM font partie des cellules souches adultes déjà largement utilisées en thérapie cellulaire, et ceci pour différentes raisons. Tout d’abord, à l’inverse des cellules souches embryonnaires, aucune controverse éthique n’est suscitée autour de leur utilisation. Ensuite, leur application en clinique est favorisée par leurs propriétés biologiques. Elles sont en effet faciles à isoler ainsi qu’à à amplifier in vitro, et, possèdent également des propriétés immuno-modulatrices. Enfin, le bénéfice thérapeutique de leur utilisation dans les processus de régénération et de modulation de l’inflammation a déjà été largement démontré dans diverses pathologies chez l’homme et dans des modèles animaux.

Dans cette partie les arguments qui permettent d’envisager l’utilisation des CSM afin de moduler les douleurs viscérales radio-induites sont soulignés.

Pour ce faire, le contexte ainsi que les enjeux de la thérapie cellulaire sont tout d’abord définis, puis les propriétés générales des cellules souches sont analysées. L’utilisation en thérapie cellulaire de différents types de cellules est par la suite discutée. Les avantages de l’utilisation des CSM par rapport à d’autres types cellulaires sont ainsi mis en évidence. Pour conclure, les arguments en faveur de l’utilisation des CSM pour moduler la douleur viscérale radio-induite chronique sont précisés. La capacité des CSM à moduler les dommages tissulaires, l’inflammation et les changements neuroplastiques radio-induits intestinaux est ainsi d’abord développée. Puis, leur utilisation en tant qu’agents antinociceptifs dans le contexte de la modulation des douleurs d’origine somatique est finalement précisée.

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6.1 La thérapie cellulaire ou médecine régénérative