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Chapitre 1. Données sur le Sénégal et les impacts des pesticides en Afrique

2. L’agriculture urbaine (AU)

2.1. Définition et caractéristiques

Mougeot définit l’agriculture urbaine comme: «une industrie localisée à l’intérieur (intra-urbaine) ou à la périphérie (périurbaine) d’une ville, d’un centre urbain, d’une cité ou d’une métropole, qui se développe, traite et distribue une diversité de nourritures et des

produits non alimentaires, réutilisant en grande partie les ressources humaines et matérielles, les produits et services qui se trouvent dans et autour de ces zones urbaines et assure

l’approvisionnement en produits et services pour les populations de ces zones urbaines» [24]. Selon Moustier & Fall, la définition de l’agriculture urbaine est établie par rapport aux

flux de ressources et de produits entre l’agriculture et la ville. Ces flux créant des

concurrences et des complémentarités entre usages agricoles et non agricoles, apparaissent comme les plus pertinentes et qui font ressortir la spécificité de l’agriculture urbaine [25].

Elle est caractérisée par la proximité des marchés d’écoulement des produits, une forte compétition foncière, un espace limité, l’utilisation de ressources locales (déchets organiques

solides, eaux usées…), un faible degré d’organisation, des produits périssables, un haut degré

de spécialisation. En fournissant des denrées périssables comme les légumes, les produits laitiers et avicoles, elle est complémentaire à l’agriculture rurale et augmente l’efficacité des

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2.2. Potentiels et contraintes

2.2.1. Potentiels

L’intérêt pour l’agriculture urbaine au cours de ces dix dernières années se justifie par

son impact économique et social dans les villes. En effet, elle contribue de manière évidente au ravitaillement des villes en nourritures en assurant la sécurité alimentaire. Elle est

également une réponse adaptée au manque de pouvoir d’achat des citadins. Dans les centres

urbains, le manque de revenus se traduit plus directement en manque de nourritures que dans

les zones rurales. Les coûts d’approvisionnement et de distribution des aliments du milieu rural au milieu urbain ou d’importation de ces denrées pour les villes augmentent régulièrement. Comme conséquence, l’insécurité alimentaire continue à croitre dans les villes

[6].

En plus de contribuer à l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des producteurs, l’AU fournit des quantités importantes de produits alimentaires aux autres catégories de population. On estime à β00 millions, le nombre de citadins s’adonnant à cette

activité et fournissant 15 à 20% des besoins alimentaires mondiaux [5]. L’AU est une source

importante de revenus pour un grand nombre de ménages urbains. Elle stimule le développement de micro-entreprises pour la production d’intrants agricoles, le traitement, l’emballage et la commercialisation des produits. Elle peut constituer une stratégie majeure dans la lutte contre la pauvreté et l’intégration sociale des groupes vulnérables en leur

fournissant des moyens de subsistance décents et en prévenant les problèmes sociaux. A Dakar, plus de 70 % du ravitaillement en légumes frais est réalisé par l’AU [7]. Les mêmes

tendances ont été notées dans d’autres pays comme le Ghana, le Mali, la Guinée Bissau...

10 Tableau 1-1. Contribution de l’agriculture urbaine en vivre dans les villes [26].

Les données d’une enquête conduite vers la fin des années 90 dans 24 villes à travers le monde, ont indiqué que l’AU représente une source potentielle d’emplois et de revenus pour

les populations. Avec la demande en main d’œuvre qui augmente de 2 à 3 % par année des

milliers d’emplois peuvent être créés dans la plupart des villes [27].

2.2.2. Contraintes

Le développement de l’agriculture urbaine se heurte à deux problèmes majeurs : la

pression foncière et le manque d’eau. En effet en milieu urbain et périurbain, la terre est

devenue un enjeu économique important à cause des besoins grandissants en terme de construction d’infrastructures (routes, hôpitaux...) et de logements. La vente d’une parcelle

pour la construction de logements est plus rentable à court terme que l’exploitation du terrain

à des fins agricoles. Dès lors, le coût du terrain est dissocié de la rentabilité de l’activité

agricole [25]. La diminution des surfaces agricoles au profit du bâti est favorisée par des politiques foncières ambigües de la part des autorités. À cause du caractère souvent informel

de l’agriculture urbaine, ce secteur n’est pas pris en compte lors de l’aménagement du

territoire [28]. Sur le plan écologique, la réduction des jachères à cause de la diminution des surfaces disponibles mine la qualité des sols (appauvrissement, salinisation).

Le manque d’eau constitue également un facteur limitant très important. Malgré l’absence de pénurie globale d’eau, un nombre croissant de régions reste chroniquement sous

stress hydrique. Une étude de la FAO sur la répartition des ressources en eau a montré que près de 70 % des eaux exploitées dans le monde sont utilisées à des fins agricoles et ce taux

Ville Proportion de la demande fournie

Dakar 70 % des légumes

Bamako 100% des légumes, 50 % produits avicoles Accra 90 % des légumes Bissau 90 % des légumes feuilles

Kampala 70 % de viande de volaille et œufs

Singapour 80 % des légumes, 25% de viande de volailles

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devient plus élevé dans les pays en voie de développement. Dans beaucoup de pays africains, la demande en eau excède les ressources disponibles [29]. En Arabie Saoudite, pays aride, la demande en eau pour l’agriculture a augmenté passant de 1,75 à ββ,93 billions de m3

par année entre 1975 et 1992 [30]. Une étude portant sur 93 pays en voie de développement a

montré que 18 d’entre eux font recours à l’irrigation sur plus de 40 % des terres cultivées et

18 autres en sont entre 20 et 40 % [31]. L’utilisation intensive de l’eau à des fins agricoles

fragilise inévitablement la ressource. Par ailleurs, la surexploitation des eaux de la nappe phréatique peut provoquer la détérioration de leur qualité (intrusion du biseau salé en zone côtière).

La variabilité climatique et les changements du climat peuvent encore renforcer la

pénurie d’eau. Les études basées sur des modèles montrent que le débit annuel moyen pourrait

reculer de 10 à 30 % dans certaines régions sèches des latitudes moyennes et faibles, d’ici le

milieu du 21ème siècle. En raison de précipitations réduites, de périodes de pluie modifiées et

d’une évapotranspiration plus forte, de nombreuses régions arides vont devenir encore plus

sèches. La surface globale concernée par un stress hydrique croissant va atteindre 60 à 75%

de la surface globale d’ici β050 et celle où le stress hydrique recule de β0 à γ0%. Dans ce

contexte, les régions sèches des pays en voie de développement sont particulièrement vulnérables [32, 33].