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L’Agriculture Biologique

Les effets des pratiques, l’utilisation des produits phytosanitaires de synthèse, sur la biodiversité peuvent également être mesurés en comparant la biodiversité en agriculture biologique (AB) et en agriculture conven-tionnelle (AC). Sur les systèmes de grandes cultures, les effectifs d’espèce ou la richesse spécifique des adven-tices (Henckel et al., 2015), des carabes (Caro et al., 2016), ou encore des criquets (Badenhausser et al., 2012) sont supérieurs en AB. Il en est de même d’ailleurs pour l’abeille domestique (taille du couvain : Wintermantel et al., 2019). Aujourd’hui, le rôle de la biodiversité dans la régulation biologique des ravageurs de culture est difficile-ment appréciable du fait de l’utilisation importante de produits phytosanitaires de synthèse, mais il est amené à évoluer et augmenter significativement si la réduction d’usage de pesticides s’accompagne d’une augmentation de la diversité biologique. Une étude récente (Muneret et al., 2018) a évalué les performances des pratiques de l’AB en termes de niveaux de régulation naturelle potentielle des bioagresseurs (par exemple prédation, parasitisme) et de niveaux d’infestation effectif par des animaux, des pathogènes et des adventices. Par le biais d’un jeu de données constitué de 162 études collectées à l’échelle mondiale et de deux méta-analyses, cette étude montre que les services de régulation naturelle (des animaux, des pathogènes et des adventices) sont plus importants en systèmes de cultures annuelles conduits en AB qu’en AC. Par ailleurs, ces données montrent également que l’AB est plus performante pour contrôler les pathogènes, de même performance pour contrôler les ravageurs et moins performante pour contrôler les adventices, comparée à l’AC. Ces résultats montrent que les pratiques de l’AB permettent de stimuler les processus écologiques comme la régulation biologique et suggèrent qu’il est possible de substituer l’utilisation de produits phytosanitaires par les pratiques de l’AB sans augmenter les pressions des ravageurs animaux et des pathogènes.

CE QU’IL FAUT RETENIR

Les pratiques agricoles, très diverses, ont des effets également très divers sur les différents

com-partiments de biodiversité. A ce stade, il est difficile de dresser un bilan synthétique à l’échelle de

la Région, même si de nombreuses études disponibles indiquent toutes, à des degrés divers, un

effet négatif de l’intensification des pratiques agricoles sur la biodiversité. Bien qu’il ne soit pas

toujours facile de décorréler les effets de certaines pratiques sur la biodiversité, les études

régio-nales menées sur les performances de l’agriculture biologique et ses effets sur la biodiversité

illustrent bien que des systèmes ayant recours aux modes de fertilisation organiques, n’utilisant

pas de produits phytosanitaires de synthèse et diversifiant leurs rotations ont, en moyenne, des

effets positifs sur les différents compartiments de la biodiversité voire des fonctions qu’ils

sup-portent.

[Présomption] : [Etudes empiriques] (>10 études)

5.2. DISPARITION DES ÉLÉMENTS SEMI-NATURELS,

HOMOGÉNÉISATION DES PAYSAGES

Une deuxième cause majeure de perte de biodiversité concerne la transformation des paysages (Tscharntke et al., 2005; Benton et al., 2003), et plus particulièrement la disparition et la fragmentation des éléments semi- naturels (haies, petites vignes, murets, mares tempo-raires), ainsi que la disparition progressive des prairies naturelles et permanentes. Les paysages agricoles ont beaucoup évolué au cours des années : en France entre 1992 et 2002, 2 millions d’hectares de prairies ont été mises en culture et 1.7 millions d’hectares de prairies ont été implantées sur d’anciennes terres arables (Lee & Slak, 2007). Par ailleurs, l’homogénéisation temporelle

forte des rotations culturales, participe à l’homogénéisa-tion des paysages agricoles de grandes cultures ce qui limite la diversité des habitats pour un grand nombre d’espèces. Pourtant, s’il est clairement avéré que l’uniformisation des paysages tend à faire décroitre la biodiversité, réintroduire de la complexité dans ces mêmes paysages n’est pas forcément gage d’augmen-tation de la biodiversité, d’autant plus que la nature des éléments qui composent cette complexité est tout aussi importante que la manière selon laquelle ils sont agencés dans le paysage (Farhig et al., 2011).

L’uniformisation des paysages affecte la dynamique des colonies d’abeilles, en diminuant notamment la quantité de pollen récolté et ramené (Odoux et al., 2014; Requier et al., 2015). Les paysages et leurs compo-sants, notamment les haies, jouent un rôle important pour l’orientation et la navigation de certains orga-nismes, comme les chauves-souris, ce que montre le suivi d’une colonie de Grand Rhinolophe en Charente- Maritime (Pinaud et al., 2018) ou des abeilles (Henry et al., 2014). Les paysages complexes abritent également une plus grande diversité chez les oiseaux (Teillard et al., 2014; Bretagnolle et al., 2018b) où il a été montré que l’abondance des oiseaux spécialistes (terres arables ou prairies) est corrélée positivement à l’hétérogé-néité de la configuration des paysages (Henckel et al., 2019), ainsi que chez les plantes adventices (Henckel

et al., 2015; Bourgeois et al., en révision). Sur une espèce en particulier, l’alouette des champs, il a été montré empiriquement que l’agencement des cultures, et no-tamment la juxtaposition de céréales et de prairies (luzerne par exemple) augmente l’abondance de cette espèce (Miguet et al., 2013). La présence de prairies dans les paysages est également un facteur clé de la présence et de l’abondance de nombreuses espèces d’oiseaux (Bretagnolle et al., 2018b).

Les éléments du paysage (zones refuge, zones d’hiver-nation, zones d’estivation, zones d’alimentation, zones de reproduction…), leur agencement dans l’espace et dans le temps, doivent être en adéquation avec la phénologie des espèces ciblées (Miguet et al., 2013; Hass et al., 2018). En particulier, la question du seuil

de surface de paysage diversifié (haies, bosquets, etc.) et de la présence de zone de quiétude ou de re-fuge pour la faune doit être posée (en relation aussi avec les ressources pour la faune hébergée comme les oiseaux (nourriture, graines ou insectes). Un vaste projet Européen, impliquant la ZA PVS, a cherché entre 2013 et 2016 à évaluer les effets respectifs de l’hété-rogénéité compositionnelle (variabilité des cultures) et configurationelle (linéaire séparant des parcelles) sur de nombreux compartiments de la biodiversité. Une analyse globale (Sirami et al., 2019) suggère que globalement, ces deux composantes jouent, mais que la composante de composition a plus d’effet. Cepen-dant, ce n’est pas vrai pour tous les taxons, puisque des effets contraires sont observés sur les abeilles (Hass et al., 2018).

Par ailleurs, dans une expérimentation à l’échelle des paysages menée en région Centre, les effectifs de perdrix grise n’ont pas augmenté malgré la mise en place d’une gestion de l’habitat sous l’impulsion des politiques publiques pour augmenter l’effet lisière (Bro et al., 2004). D’une manière générale pourtant, les îlots en jachères dans le cadre des mesures agro-environne-mentales et climatiques ont été un apport positif pour la biodiversité (Augiron, 2012). En effet, le même type d’expérimentation mené sur l’outarde canepetière en Nouvelle-Aquitaine a permis d’augmenter la population de 6 à 30 mâles entre 2003 et 2009 avec une augmen-tation importante de la fécondité femelle associée à la nidification dans des champs gérés en MAEC (Breta-gnolle et al., 2011; Breta(Breta-gnolle et al., 2018a). De même, les relations entre hétérogénéité du paysage et accrois-sement de biodiversité ne sont pas systématiques : par exemple, sur trois sites très différents (en termes de nombre de haies, taille du parcellaire etc.), aucune dif-férence n’a été trouvée pour trois espèces de pucerons et cinq espèces de leurs parasitoïdes suggérant un mé-canisme évolutif de synchronisation rapide intra-région (Andrade et al., 2015).

Enfin, des changements de mode d’usage des terres découle une perturbation majeure, le travail du sol préalable à la mise en place des cultures et arrêté pen-dant la durée de l’exploitation de la prairie. Ces deux situations contrastées ont été étudiées sur l’ORE de Lu-signan et une réponse très asymétrique a été observée pour des communautés microbiennes impliquées dans le cycle de l’azote. Labourer la prairie pour mettre en place une culture a généré des effets intenses et immé-diats sur ces mêmes communautés (Attard et al., 2016).

CE QU’IL FAUT RETENIR

Les études portant sur l’effet du paysage sur la biodiversité sont moins abondantes que celles

portant sur les pratiques. Néanmoins, les études menées à l’échelle régionale montrent que la

diminution des haies ou des prairies ont des effets négatifs sur plusieurs compartiments de

bio-diversité, insectes ou oiseaux. L’hétérogénéité de l’habitat, qui peut se manifester à travers la

di-versité des cultures, la taille moyenne des parcelles, ou la présence des éléments semi-naturels, a

des effets positifs sur la biodiversité en général, mais la magnitude de ces effets varie fortement

selon les taxons considérés. A ce stade, aucune conclusion ferme n’émerge.

[Tendances] : [Etudes empiriques] (<10 études)

5.3. INTERACTIONS AVEC DES ESPÈCES EXOTIQUES

ET ENVAHISSANTES

Les espèces envahissantes sont une des causes majeures du déclin de la biodiversité dans le monde (Vitousek et al 1997; Chapin et al., 2000). Que l’intro-duction soit intentionnelle comme pour la coccinelle asiatique (Harmonia axyridis), qui a prouvé son efficaci-té dans le cadre agricole de lutte biologique du puceron, ou accidentelle comme pour le frelon à pattes jaunes (Vespa velutina), plus connu sous le nom de frelon asiatique, ces espèces se révèlent être de redoutables compétiteurs des auxiliaires endémiques des cultures (Roy et al., 2012) et des abeilles domestiques. Le frelon asiatique n’est pas à lui seul responsable du déclin des abeilles mais est une source de stress additionnel à des conditions déjà particulièrement stressantes (Goul-son et al., 2015). Au-delà de la perte de diversité, elles impliquent un coût généralement important en termes de dégâts causés et de gestion (Simberloff et al., 2013). Par ailleurs, une attention particulière doit être appor-tée aux interactions symbiotiques dans les capacités

invasives des espèces. Ce n’est en effet que très récem-ment que l’on a pris la mesure des effets des symbiotes sur leurs hôtes, selon un continuum allant du parasi-tisme au mutualisme : ils participent à des fonctions trophiques, manipulent la reproduction, ou protègent contre des ennemis naturels (Douglas, 2014). Dans ce contexte, les relations entre invasions biologiques et microbiome commencent à être explorées (Amsellem et al., 2017), ce qui est particulièrement important chez les plantes et chez les insectes, dont la grande majorité si ce n’est la totalité des espèces héberge de riches com-munautés symbiotiques. L’expression de l’ensemble des génomes des symbiotes et de l’hôte (hologénome) se traduit par une modification des fonctions des espèces. Un cadre de travail visant à déterminer l’importance des interactions symbiotiques au cours des différentes étapes d’une invasion biologique a été proposé récem-ment (Lu et al., 2016).

Parmi les invasions récentes impliquant les grandes plaines agricoles, le cas du frelon à pattes jaunes est probablement l’une des invasions biologiques ani-males les plus connues du grand public en Nouvelle- Aquitaine. Cette espèce s’est montrée rapidement problématique pour deux raisons majeures. Première-ment, les ouvrières chassent les abeilles domestiques à l’entrée de leur ruche pour nourrir leurs larves (Mon-ceau et al., 2014a,b). Ainsi, les Apidae (abeilles domes-tiques mais également d’autres pollinisateurs comme les bourdons) représentent entre un et deux tiers de son régime alimentaire en fonction de l’environne-ment (Villemant et al., 2011). La probabilité de survie hivernale des colonies d’abeilles

do-mestiques est réduite par l’action de prédation du frelon asiatique (Requier et al., 2019). Deuxièmement, la colo-nisation au niveau régional depuis la zone d’introduction près d’Agen (Arca et al., 2015) s’est faite de façon ex-ponentielle avec un nombre de nids explosant en très peu d’années (voir par exemple les données collectées sur la commune d’Andernos (40) (Monceau & Thiéry, 2017). Les niveaux de population en Nouvelle-Aqui-taine sont très importants même si les données précises manquent et l’impact sur les populations d’abeille domestique n’a été que peu quantifié (voir cependant Arca et al.,

2015; Monceau et al., 2018, 2014). Les effets sur la production de miel sont donc méconnus. Un des enjeux principaux est de quantifier maintenant l’im-pact de V. velutina sur le service de pollinisation des cultures et de la flore sauvage des plaines agricoles car l’espèce a un impact négatif en prédatant des abeilles et des pollinisateurs sauvages, mais ses ouvrières pollinisent aussi des fleurs en les visitant pour se nourrir partiellement de nectar. Une autre espèce envahissante en Nouvelle-Aquitaine présente le même profil mais n’a fait l’objet d’aucune étude. Il s’agit de H. axyridis, une espèce de coccinelle très vorace qui a été introduite volontairement pour le contrôle biologique des

cerons, mais qui est devenue invasive. Il est possible que cette espèce contribue, sans doute faiblement, à la pollinisation en se nourrissant de nectar. L’utilisation de puces RFID a permis non seulement de déterminer que des ouvrières de Frelon asiatique pouvaient couvrir jusqu’ à 5 kilomètres de distance (Poidatz et al., 2018) mais elle a aussi permis de localiser des nids (Kenne-dy et al., 2018). Actuellement, les mesures de gestion reposent principalement sur l’utilisation de pièges avec des appâts alimentaires non spécifiques qui attirent le frelon asiatique et d’autres insectes (Mon-ceau et al., 2014). Cependant une récente étude sug-gère l’utilisation de techniques non-létales et respec-tueuses de la biodiversité, en particulier la muselière de ruche qui permet de réduire l’impact du frelon sur les colonies d’abeilles domestiques (Requier et al. 2019b). Le piégeage de printemps notamment est souvent mis en avant afin de capturer les reines fondatrices avant qu’elles aient pu fonder leur nid. Toutefois, ce piégeage non contrôlé dont l’appât est traditionnellement à base de sirop et d’alcool attire un grand nombre d’espèces non cibles dont des pollinisa-teurs (Dauphin & Thomas, 2009; Monceau et al., 2012). La détection des espèces envahissantes peut recourir aux nouvelles approches de génomique environnemen-tale, soit pour mieux comprendre l’écologie fonction-nelle d’espèces indicatrices de qualité des agrosys-tèmes (Bouchon et al., 2016; Bredon et al., 2018, 2019; Dittmer & Bouchon, 2018), soit pour détecter de manière précoce des espèces envahissantes en milieu aqua-tique (par exemple, les écrevisses exotiques; Mauvisseau et al., 2018). En effet, plusieurs espèces envahissantes dans les milieux aquatiques peuvent, également,

indi-rectement, affecter le fonctionnement du socio-écosys-tème de plaine céréalière. La présence d’espèces exo-tiques d’écrevisse est particulièrement problématique en Nouvelle-Aquitaine où l’écrevisse à patte blanche est une espèce endémique protégée présente dans les rivières traversant les plaines agricoles du Poitou, où sa présence est indicatrice d’une bonne qualité de l’eau. Entre 1978 et 2003, un suivi des populations en Poitou-Charentes a mis en évidence une disparition de 68% de l’aire de l’écrevisse à patte blanche conjointe-ment à l’expansion de l’aire de deux espèces exotiques (Bramard et al., 2006). Par ailleurs, la présence de l’écre-visse de Floride impacte la structure des cours d’eau en creusant des galeries, ce qui provoque l’effondrement des berges et entraine une mauvaise étanchéité des digues artificielles ainsi qu’une baisse notable de la richesse spécifique des organismes aquatiques (faunistique et floristique, Souty-Grosset et al., 2016). Toujours dans les milieux aquatiques des plaines agricoles, le ragondin (Myocastor coypus) originaire d’Amérique du Sud, peut avoir un impact en milieux aquatiques sur la stabilité des sols et l’étanchéité des bassins de lagunages (Veyheyden & Abbas, 1996) mais peut également avoir un impact sur les activités humaines via des dégâts en grandes cultures (ex. maïs), en maraîchage et en sylviculture. Les dégâts que l’espèce occasionne sur les cultures et les arbres des forêts ripariennes sont cependant jugés négligeables (Abbas, 1988). Enfin le ragondin est aussi un réservoir et vecteur de divers pathogènes sur son actuelle aire de répartition (Micol et al., 1996): douve du foie (Fasciola hepatica) (Ménard et al., 2000), et leptospires de divers sérogroupes (Michel et al., 2001).

CE QU’IL FAUT RETENIR

Le territoire de la région Nouvelle-Aquitaine abrite un certain nombre d’espèces envahissantes

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