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MODELE UNIQUE

Le cadre général

[1] L’article L.381-30 du Code de la sécurité sociale prévoit l’affiliation obligatoire des personnes détenues au régime général à compter de la date de mise sous écrou « quelle que soit la situation au regard de l’assurance maladie dont elles relevaient à titre personnel ou en qualité d’ayant droit avant leur incarcération. ».

[2] Le guide méthodologique 2012 s’est efforcé de baliser le circuit de cette affiliation qui exige l’intervention de plusieurs acteurs et ce, en principe, dans des délais très contraints :

 L’envoi dans les 5 jours ouvrés d’une « fiche de renseignements » (dite « fiche-navette »175) par le greffe de l’établissement pénitentiaire d’accueil à la CPAM territorialement compétente, comportant des éléments d’état-civil, tels que contenus dans la fiche pénale avec des informations au regard du droit au séjour, de la situation familiale, de la couverture sociale avant l’incarcération et éventuellement du droit à la CMU-C ;

 Au vu de ces éléments, et au vu de ceux obtenus de la CPAM cédante, la caisse du ressort de l’établissement pénitentiaire établit les droits de la personne détenue et en informe le greffe de l’établissement pénitentiaire qui transmet l’information à l’USMP (volet « soins somatiques » et volet « soins psychiatriques ») ;

 La CPAM cédante communique l’historique médical de l’assuré au service du contrôle médical de la caisse prenante ;

 Au terme de ces différentes étapes, les droits au régime général sont reportés sur la Carte Vitale à l’occasion de sa mise à jour (à défaut, une attestation papier est établie). Les cartes Vitale sont gardées au greffe et remises à la personne détenue à chacune de ses sorties.

[3] Ainsi décrite, la gestion de la procédure d’affiliation demande des moyens en temps et en personnel, tant dans les établissements pénitentiaires que dans les CPAM, et suppose une organisation précise des échanges d’informations entre l’administration pénitentiaire et les CPAM.

La prise en compte des cas particuliers les plus fréquents

[4] Le guide méthodologique, dans sa version de 2012, décrit les processus de gestion des situations particulières qui peuvent se présenter en détention et qui ne sont pas des cas rares :

 La personne ne donne pas son identité : l’affiliation a lieu sous le nom retenu dans la procédure pénale. Si la personne est en situation irrégulière, un numéro d’immatriculation provisoire lui est attribué. Dans les deux cas, aucune carte Vitale ne peut être donnée et seule une attestation papier est éditée ;

 Quand l’incarcération est de très courte durée et que des soins ont été donnés, la CPAM du ressort de l’établissement qui n’a pas encore pu affilier la personne détenue doit se

175 Fiche de renseignements dite « fiche-navette » à la signature du chef de l’EP (ou son représentant). Elle vise à signaler à la CPAM un changement de situation : transfert d’EP, aménagement de peine (activité professionnelle, adresse personnelle), levée d’écrou (date et adresse à la libération).

rapprocher de la caisse d’affiliation de la personne pour régler rétroactivement les frais de santé.

[5] Pour améliorer la situation des personnes détenues en aménagement de peine qui, non incarcérées, bénéficient de soins de ville, le Plan 2010-2014 prévoit la mise en place d’un même circuit de prise en charge du tiers-payant pour le secteur de ville que pour le secteur hospitalier, à compter du 1er janvier 2016 (action 14.1 « clarifier les modalités d’accès aux soins de ville -couverture de base et complémentaire- des personnes en aménagement de peine »). A cet effet, les articles L.381-30 et suivants du CSS ont été modifiés par les LFSS pour 2013, puis 2015 : « les personnes en aménagement de peine sont affiliées au régime général », L.381-30-1 : « dispense d’avance de frais », L.380-30-5 : « financement État sur le ticket modérateur ». L’enjeu est désormais de pouvoir traduire dans les faits ces textes avec la CNAM, notamment les conséquences en termes de systèmes d’information (code « régime détenus ») et de définir une convention financière avec la DAP.

Des procédures pour prendre en compte les changements de situation de la personne détenue

[6] Selon la réglementation en vigueur, tout changement de situation qui a une incidence sur l’affiliation doit être signalé à la CPAM par l’administration pénitentiaire dans un délai de 5 jours ouvrés. L’administration pénitentiaire doit donc mettre à jour la fiche de renseignements en cas :

 de placement en centre national d’évaluation (CNE) ;

 de transfert d’établissement pénitentiaire, s’il est définitif ou supérieur à 40 jours, en indiquant le lieu de destination ;

 d’aménagement de peine, en précisant si la personne exerce ou non une activité professionnelle ou si elle suit une formation professionnelle qui ouvre droit à un régime obligatoire d’assurance maladie ;

 de suspension de peine ou de libération conditionnelle, en indiquant l’adresse de la personne ;

 en cas d’hospitalisation dans un autre département pour une durée supérieure à 40 jours, la caisse d’affiliation de l’établissement d’origine et celle de la caisse du lieu de l’hospitalisation doivent être informées.

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E SUIVI DE L

ENSEMBLE DE CES FORMALITES DEMANDE UN TEMPS ADMINISTRATIF IMPORTANT

[7] La mise en œuvre de l’affiliation à la CPAM du lieu de détention pour chaque détenu génère donc au moment de la mise sous écrou, et au fil des changements de situation pendant l’incarcération, des formalités administratives qui demandent une organisation précise des relations entre l’établissement pénitentiaire et la CPAM, et secondairement avec l’USMP.

Des moyens limités face à ces tâches administratives répétitives

[8] Ces tâches de recueil, de saisie et de suivi des données individuelles mobilisent du personnel administratif dans les greffes des établissements pénitentiaires et dans les CPAM, d’autant plus qu’elles sont encore inégalement et faiblement dématérialisées et qu’elles ne peuvent être réalisées dossier par dossier qu’avec du personnel formé et disponible. A titre d’exemple, à la CPAM Rouen-Elbeuf-Dieppe, le traitement des dossiers des personnes détenues représente 1 ETP.

[9] Seule la question de la demande des protocoles ALD ressort du domaine de compétence des USMP mais elle demande, ici encore, une bonne coordination avec le médecin-conseil de la CPAM cédante.

[10] Selon les problématiques des personnes détenues, les services de la CPAM compétents peuvent être le département clientèle, celui de la gestion des bénéficiaires (GDB), ou le département remboursement des soins. La signature d’une convention tripartite est prévue pour mettre en œuvre et faciliter les relations entre l’établissement pénitentiaire, l’établissement de santé et la CPAM mais les conventions ne sont pas, à l’heure actuelle, toutes actualisées ou bien sont inégalement appliquées.

[11] De plus, outre la fiche-navette, une fiche « droits sociaux » est éventuellement transmise par l’établissement pénitentiaire pour assurer la continuité des couvertures complémentaires (ACS/CMU-C…). Toutefois, la réorientation des missions des SPIP vers la prévention de la récidive limite la disponibilité effective des CPIP effectuer pleinement ce suivi de l’affiliation et des droits sociaux des personnes détenues.

[12] Dans le cadre du renforcement des effectifs des SPIP (+ 400 ETP en 2014 ; + 300 ETP en 2015) dans le but d’améliorer l’individualisation des peines et l’efficacité de la sanction pénale, il est également prévu le recrutement de 65 ASS d’ici à 2017. Conformément à leur fiche de poste, ces derniers devront « contribuer à la prise en compte de la dimension sociale et familiale dans l’action d’insertion des personnes placées sous main de justice et plus particulièrement des personnes détenues ». En pratique, ils seront dédiés à des fonctions d’organisation et de renforcement des partenariats locaux davantage qu’à des fonctions de face à face avec les personnes détenues. La question de savoir qui doit remplir les dossiers de demandes des personnes détenues perdurera donc.

Des problèmes d’affiliation récurrents

[13] Les ARS n’étant pas signataires des conventions tripartites CPAM/ établissement pénitentiaire /CH, leurs référents « santé des personnes détenues » peuvent être plutôt en retrait mais le questionnaire adressé par la mission montre qu’ils retiennent les questions d’affiliation parmi les principales difficultés à résoudre (retrait des SPIP, situations très disparates, conventions non signées…).

[14] Les référents santé des DISP font part des mêmes difficultés, notamment depuis le recentrage des activités des SPIP. Sont évoquées les lourdeurs des échanges d’information avec les CPAM, celles en particulier avec les caisses cédantes sur les changements de domiciliation initiale et de détention, les pertes de confiance entre les acteurs qui compliquent les contacts quotidiens.

Selon eux, Genesis devrait pouvoir faciliter les échanges d’information sur la situation des personnes détenues et donc les immatriculations, mais dans un délai de deux à trois ans.

Bonne pratique à Rennes :

L’utilisation avec l’accord du greffe de l’établissement pénitentiaire de la base Atlas permet une immatriculation dans la journée en mettant fin aux déclarations manuelles.

[15] Les problèmes qui se posent en ce qui concerne l’affiliation des personnes détenues dans le cadre réglementaire actuel sont bien identifiés tant par l’administration pénitentiaire que les CPAM176 :

 l’attestation d’affiliation n’est pas envoyée au greffe de l’établissement pénitentiaire, ce qui bloque les remboursements du CH ;

176 La mission a interrogé les référents DISP par voie de questionnaire et pris connaissance de comptes rendus de réunion de comités de pilotage CPAM-EP en Normandie (années 2012-2014).

« la liste des personnes sans NIR s’allonge », « Le NIR demande 6 semaines de délai si la traduction de l’extrait de l’acte de naissance demande un traducteur assermenté » ;

 « certaines CPAM réceptionnent des maisons d’arrêt les fiches navettes dématérialisées via l’application ATLAS ou CEGID, mais la convention stipule bien qu’il faut une fiche papier. » ;

 « impossible de remplir les fiches navette pour les détenus PSE. Il manque souvent l’adresse et la date de la pose du bracelet. Or ces données sont obligatoires. » ;

« les fiches-navettes ne sont pas remplies complètement, il manque des adresses en cas de levée d’écrou (d’où ruptures de droits accès aux soins, à la CMU-C, remboursement des soins de la famille) ou la date d’incarcération ».

[16] Outre la lourdeur des formalités, les origines des dysfonctionnements, telles qu’analysées par les acteurs, tiennent souvent aux changements, voire à l’absence, de titulaires sur les postes :

« Mme X est absente, elle n’est pas remplacée. Par conséquent, les attestations (années n-1 et n) ne sont pas envoyées en ce moment. » ; au temps qu’il faut pour redynamiser les partenariats après chaque changement : les échanges de noms, sigles, adresses mail et diverses autres coordonnées des référents des différents services exigent des mises à jour d’une grande régularité compte tenu de l’importance des contacts directs pour résoudre au mieux les difficultés ; aux informations administratives manquantes qu’il faut trouver ou retrouver pour débloquer le dossier.

L

A COUVERTURE SOCIALE DES PERSONNES DETENUES

La couverture sociale personnelle des détenus est limitée

[17] La couverture sociale des personnes détenues se limite aux prestations en nature de l’assurance maladie et maternité, c'est-à-dire au remboursement des soins et à la prise en charge des frais liés à l’accouchement.

[18] Les personnes détenues n’ont pas en propre de couverture complémentaire de droit commun177. Sauf dans les cas où les textes prévoient une prise en charge à 100 % de la prestation par l’assurance maladie (ALD ou maternité), le ticket modérateur (TM) et le forfait journalier hospitalier (FJH) sont dus par l’administration pénitentiaire.

[19] En outre, si la personne détenue bénéficie de la CMU-C, dans les limites fixées par arrêté, les dépassements pour optiques, prothèses dentaires, auditives et dispositifs médicaux à usage individuel (fauteuil roulant) sont pris en charge (article L.861-3 du CSS). Mais la CMU-C178 ne prend pas en charge le TM et le FJH qui sont payés par l’administration pénitentiaire.

[20] Si la personne bénéficiait avant son incarcération de la CMU-C, la caisse primaire d’affiliation du lieu de détention en est informée et il est rappelé au bénéficiaire qu’il devra reformuler une demande deux mois avant l’expiration de ses droits, qui sont annuels. Cette démarche doit être faite par la personne détenue, qui peut demander l’aide du SPIP.

[21] Une personne qui n’est pas bénéficiaire de la CMU-C au moment de son incarcération doit en faire la demande en remplissant le formulaire mis à sa disposition par l’administration pénitentiaire.

177 Loi du 17 juillet 1999 entrée en vigueur le 1er janvier 2000.

178 Circulaire n°27 DHOS/DGS/DSS/DGAS/DAP du 10 janvier 2005 relative à l’actualisation du Guide Méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes détenues et à leur protection sociale.

L’existence d’un protocole de soins ALD a des conséquences financières pour l’administration pénitentiaire

[22] La reconnaissance d’une affection de longue durée (ALD) se traduit par une prise en charge des soins à 100 % par l’assurance-maladie en ce qui concerne les soins et médicaments liés à cette pathologie : dans ce cas, aucun TM ne s’applique sur la facturation des soins et par voie de conséquence aucune facture de TM n’est adressée à l’administration pénitentiaire.

[23] Sur le plan pratique, si l’ALD a été reconnue avant l’entrée en détention, la caisse cédante doit transférer le dossier à la nouvelle caisse d’affiliation qui intègre l’information sur la carte Vitale et sur l’attestation papier qui sont gardées au greffe. Le transfert du dossier médical n’est pas automatique et doit être demandé par le patient au médecin-conseil de la CPAM « afin d’assurer la continuité des soins».

[24] En détention, le droit commun s’applique : le médecin de l’USMP doit adresser le formulaire rempli au médecin-conseil de la caisse primaire, qui prend la décision. Le médecin de l’USMP en informe le patient.

[25] S’agissant d’une décision médicale, l’administration pénitentiaire ne reçoit pas l’information et n’a pas de moyen, ni de légitimité, pour s’assurer que les patients font bien valoir leur droits et que les demandes d’ALD sont bien transmises à la CPAM puis enregistrées sur la Carte Vitale ou, à défaut, sur l’attestation papier.

[26] Compte tenu des conséquences financières de la prise en charge à 100 % par l’assurance-maladie en cas de reconnaissance d’une ALD, l’administration pénitentiaire a le souci de savoir si les personnes détenues bénéficient dans les mêmes conditions qu’à l’extérieur de leurs droits mais elle se heurte au secret médical. Ce dossier est l’un de ceux qui créent des incompréhensions entre l’USMP et l’établissement pénitentiaire qui, pour sa part, s’efforce de contrôler, voire de contenir les dépenses de santé.

A NNEXE 5 : L A PREPARATION A LA SORTIE DES