• Aucun résultat trouvé

7.2 Le contexte d’apprentissage dans les institutions de soins : la place des situations et

7.2.2 L’activité du soin à travers la relation humaine et l’émergence de compétences

Dans notre travail, les principaux acteurs du soin sont les étudiants confrontés à partir d’une activité de soin particulière à développer des compétences professionnelles. Si chaque individu est « dotées d’une économie psychique et de caractéristiques qui, pour être

« privées » (elles sont inscrites en un organisme, selon des modalités d’organisation toujours

40 OM : abréviation pour dire qu’il s’agit d’un ordre médical

146 singulières) (Bronckart, 2004, p.25) » d’une part sont d’un autre côté nécessairement confrontées à d’autres manières d’agir ou de penser considérées comme appartenant au domaine du collectif. La référence pour les étudiants aux infirmières diplômées et à leur expertise dans ce soin est nécessaire pour les aider à construire leurs propres savoirs. Ainsi dans la catégorie des acteurs, l’utilisation du terme "infirmière" renvoie pour les étudiants à l’expert qui leur montre comment effectuer le soin : « l’infirmier m’a dit qu’il me guiderait, qu’il me donnerait quelques petits trucs pour que la pose se fasse dans les meilleures conditions » (B06/4/24-26).

Dans cette activité soignante, un autre acteur joue un rôle également important. Le patient, destinataire du soin intervient dans le déroulement du soin. Comme le signale les interviewés, la manière dont il appréhende le soin influence la gestion par l’étudiant ou le soignant dans l’enchaînement des différentes séquences. Dans cette perspective, la question de l’interaction entre le patient et l’étudiant ou le soignant est déterminante car c’est dans la confrontation des mondes respectifs de chaque personnes impliquées que peut avoir lieu cette rencontre.

Ainsi par exemple pour une étudiante, il existe deux catégories de patients : « il y a des patients qui sont toujours d’accord […] et d’autres patients qui avaient un peu plus de craintes » (HES/1/107-112). Dans les entretiens, les soignants plus expérimentés sont les personnes qui perçoivent le plus le besoin d’informations du patient et n’hésitent pas à lui expliquer le but et la marche à suivre pour appliquer ce soin : « le fait de l’informer ça nous paraît logique, on n’arrive pas vers une personne et on la pique sans lui demander son avis, on lui explique ce qu’on va faire » (HES/2/227-228) ou « il y a toujours les explications que tu donnes au patient, le pourquoi du comment, être à l’écoute » (prof. experte/12/134-135). Par rapport aux craintes du patient, tous s’accordent sur le fait d’en tenir compte et de les prendre en considération surtout par les étudiants qui disent « si la personne est angoissée ou si elle ressent des inquiétudes, souvent elle croit que l’aiguille va rester dedans, il faut lui expliquer » (B06/5/135-136) ou « il y a une écoute du patient et une sorte de compréhension de ce que le patient vit » (B06/5/137-138). Enfin « nous, on fait ça tellement souvent que d’aller poser un Venflon®, ça devient anodin. On oublie de se mettre à la place de la personne et de se dire qu’il y a plein de peur lié à ça » (prof. novice/10/118-120). Ainsi face à cette peur, « […] des fois il faut négocier, les gens n’ont pas envie, présenter ça de la meilleure manière possible » (prof. experte/13/131-132). Le meilleur moyen d’assurer des conditions optimales pour réussir le soin reste la participation de la personne au soin : « les patients sont très coopérants quand même » (B07/8/24) ou « souvent on demandait au patient s’il avait déjà eu une pose de Venflon® et où est-ce qu’il l’avait eu » (B07/7/70-71). Nous constatons que deux personnes

147 au minimum sont impliquées dans ce soin, à savoir l’étudiant ou le soignant jouant un rôle que l’on peut qualifié d’actif avec un statut d’opérateur ou d’agent et le patient avec un rôle plus passif puisqu’il « subit » le soin. Dans la cadre de cette activité de soin, le patient devient le support de cette dernière, la finalité étant la mise en place du cathéter. C’est une manière pour les protagonistes d’être co-acteurs dans l’activité du soin avec en plus pour les étudiants la possibilité de développer des apprentissages à travers cette coopération avec le patient.

Ces quelques exemples d’interactions entre les différents acteurs du soin démontrent combien le facteur humain est central dans ce type d’activité. Comme le mentionnent Pastré, Mayen &

Vergnaud (2006) la question du langage est une part importante dans les activités de travail et que ce dernier joue également un grand rôle au niveau de l’enseignement puisque « la plupart des situations didactiques mettent en scène des échanges langagiers entre les différentes catégories de protagonistes » (p.173).

Comme nous l’avons mentionné, la relation et la gestion de l’information représentent des compétences attendues de la part des patients vis-à-vis de l’étudiant et encore plus envers la diplômée. Ces compétences s’inscrivent dans une perspective générale. « Ces "compétences générales" sont conçues comme un contenant qui serait indépendant des contenus de l’action » (Pastré, Mayen & Vergnaud, 2006, p. 174). En effet, les compétences relationnelles et d’information ne sont pas propres à ce soin : elles sont généralisables à d’autres activités soignantes et la question se pose de savoir si elles ne sont pas de compétences dites transverses. Rey (1996) nous met en garde par rapport à la conception de la notion de compétences transversales dont la conception reste difficile à cerner. Cependant, dans cette vision, la question du sens attribué et de l’intention du sujet représentent des facteurs indissociables. Ainsi,

il ne suffit pas qu’un sujet possède la compétence cognitive qui convient à un problème pour qu’il l’utilise pour le résoudre. Il faut qu’il le veuille ou, plutôt, que sa saisie de la situation, le sens qu’il lui donne, l’intention qu’il y par rapport à elle la lui fasse percevoir comme un objet possible de cette compétence (ibid., p. 201).

En référence à la conception des soins infirmiers telle que décrite dans le premier chapitre41, la dimension relationnelle entre le patient et l’infirmière est une notion fondamentale dans la profession. Ces compétences dites "générales" sont intégrées dans le référentiel de compétences professionnelles en soins infirmiers. Elles se retrouvent par exemple dans les

41 Voir pp.23-28

148 compétences 1 et 2 consacrées à la conception et à la réalisation de l’offre en soin notamment à travers le respect de l’altérité du client et à la prise en compte de ses expériences vécues.