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L’œuvre de l’auteur Daniel Wallace s’impose à Tim Burton

2. Une implication personnelle troublante de Tim Burton dans Big Fish

2.1 L’œuvre de l’auteur Daniel Wallace s’impose à Tim Burton

L’auteur Daniel Wallace est un écrivain américain reconnu pour ses ouvrages fictionnels. Le premier est Big Fish : A Novel of Mythic Proportions, publié en 1998. Il est traduit en 2004 en français Big Fish : Roman aux propositions mythiques, par Laurent Bury et les éditions Autrement Littératures. Daniel Wallace rend hommage à son père et à sa vie riche en aventures. Il déclare à propos de son livre dans une entrevue retranscrite par Antoine De Baecque dans l’ouvrage Tim Burton de 2005 : « Big Fish est un roman d’apprentissage et de

mort, ponctué de bizarreries, d’extravagances, de drôlerie, de fantaisies, de calembours, sur l’amour d’un père et d’un fils finalement réunis par le rêve ininterrompu et l’imagination débridée. » 19 L’histoire s’inspire de faits réels et de la vie personnel de l’auteur. Ce dernier dessine dans un style enfantin des illustrations, qu’il parsème dans ses ouvrages. Tim Burton et Daniel Wallace crayonnent des personnages qui se retrouvent immergés dans des œuvres. Les deux narrateurs d’histoires sont semblables par leur enfance passée dans la recherche d’une figure paternelle et dans la création d’univers fantastiques et extraordinaires. L’auteur et le réalisateur ont une vision du monde similaire, pourtant l’évidence ne s'est pas manifestée tout de suite.

Le scénariste John August à la lecture du livre envisage une adaptation filmique et rédige le scénario qui retrace le puzzle des souvenirs de Daniel Wallace. John August le propose à la firme de production Columbia Pictures et le destine à un jeune réalisateur Doug Liman. Le scénario finit par échouer sur le bureau de Steven Spielberg en 1999. Ce cinéaste est enthousiaste et fait des séances de réécriture avec John August. Steven Spielberg réserve le scénario, car il doit réaliser d’autres projets en cours comme A.I. Artificial Intelligence (A. I.

Intelligence Artificielle) de 2001 et Minority Report de 2002. Le projet ne se réalisant pas, John

August et Daniel Wallace se dirigent vers Tim Burton. Ce dernier se fascine pour cette histoire de filiation entre le père et le fils, et également pour les univers fantasques et mystérieux que le conteur dépeint. Big Fish marque la première collaboration entre John August et Tim Burton, il

s’en suivra trois autres projets avec Charlie and the Chocolate Factory de 2005 et deux films d’animation Corpse Bride de 2005, Frankenweenie en 2012.

Tim Burton ne demande pas des séances de réécriture et prend le parti de tourner instantanément le film. L’histoire du livre et son adaptation avec quelques modifications du scénariste lui conviennent. John August à l’image de Tim Burton aime s’interroger sur les limites des rêves et de la réalité et sur la place que la société leurs accorde. Les deux créateurs imposent une réflexion au spectateur sur sa propre vision de l’ambiguïté entre la fiction et la réalité. Le cinéaste s’imprègne et s’adapte à l’histoire racontée. Il se laisse guider par les aventures et les rêves fantasmés d’Edward Bloom. Ainsi Tim Burton se livre sur sa rencontre avec le scénariste dans Première en 2004 réécrit par Antoine De Baecque dans le livre Tim

Burton :

« Il s’agissait d’un vrai scénario, écrit par un bon scénariste, à partir d’un

roman intéressant. Jamais les choses ne se sont aussi bien passées. (…) Les gens du studio aimaient le scénario tel quel, moi aussi. Ça voulait dire qu’on n’allait pas passer des mois à le réécrire. On ne pouvait pas réduire Big Fish en une phrase, et il n’y avait pas de grandes stars pour le vendre. Tout cela me plaisait, et tout au long de cette production, c’est l’une des meilleures expériences que j’aie eues avec un studio. » 20

Tim Burton reste fidèle à l’œuvre de Daniel Wallace en retranscrivant la vie d’Edward Bloom ponctuée par ses histoires fabuleuses. La légende du « Big Fish » est fidèle au premier conteur de cette histoire Daniel Wallace, même si John August rajoute ou dissimule certains faits et récits du personnage principal. Dans le livre Daniel Wallace évoque une journée de pêche d'Edward Bloom. Ce dernier après une inondation décide d’aller à la pêche et se retrouve sur sa barque à attraper un poisson-chat de la taille d’un dauphin. Ce dernier l’en mène dans les profondeurs de l’eau et Edward Bloom découvre une ville inondée et engloutie sous l’eau, dans le chapitre Où il va à la pêche du livre Big Fish : A Novel of Mythic Proportions de Daniel Wallace :

« On dirait un dauphin, quand on le voit bondir hors de l’eau, briller dans un rayon de

soleil, superbe, monstrueux, effrayant (il fait bien deux mètres, deux mètres cinquante ?), et voilà qu’il emporte Edward au moment où il replonge, il le tire de son bateau et il l’entraine sous l’eau, dans les profondeurs de cette tombe liquide qu’est le

lac. Là, Edward voit les maisons et les fermes, les champs et les routes, ce petit coin d’Ashland qui a été recouvert par l’inondation. » 21

En revanche dans l’adaptation de Tim Burton, Edward Bloom rencontre également cette créature en la pêchant à l’aide de son alliance le jour de la naissance de son fils. Edward Bloom ne se trouve pas dans une exploration de ville mystérieusement sous l’eau avec ses habitants continuant de vivre immergés. Cependant Tim Burton amplifie la légende d’Edward Bloom en mettant en scène la pêche du poisson-chat le jour de la naissance de son fils. Alors que dans l’histoire originel la naissance de William se fait un jour de tonte du gazon. Son père sur la tondeuse écoute un match et sa mère lisant une facture est saisie par des contractions. William naît entre les cris de son père face à la victoire de son équipe et ceux de sa mère pour les douleurs de l’accouchement. John August et Tim Burton semblent apporter une dimension plus mystique et plus fantasque à certaines histoires. Ils cristallisent le lien entre Edward Bloom et sa femme par l’appât pour le « Big Fish », car le protagoniste utilise son alliance. Tim Burton ajoute la scène de la baignoire : dans la réalité du livre Edward Bloom se baigne entièrement habillés et sa femme le rejoint. Le cinéaste crée un moment d’intimité et d’affection entre les deux personnages. L’adaptation peut prendre quelques libertés par rapport à l’œuvre initiale, mais le cinéaste fait également quelques écarts au scénario à certains moments, laissant aux acteurs une certaine souplesse d'interprétation et la possibilité de certains hasards de jeu. Tim Burton dans une interview raconte son rapport avec les acteurs et le respect du scénario à Michel Ciment et Laurent Vachaud dans Positif :

« Quand vous travaillez avec des comédiens de cette envergure, vous les laissez

improviser à l’intérieur du cadre prévu par le scénario. C’est plus drôle et c’est enrichissant. Il y avait des changements presque chaque jour, et c’était agréable de travailler sur un film sans avoir quatre ou cinq scénaristes que le studio vous met dans les pattes. Il y avait John, les comédiens et moi. » 22

Le cinéaste s’imprègne de l’histoire d’Edward Bloom contée par Daniel Wallace. Tim Burton en mène ce nouveau récit dans son univers cinématographie. Alors que Big Fish possède préalablement de grande similitude troublante avec la vie personnelle du cinéaste.

21Daniel, Wallace, Big Fish : A Novel of Mythic Proportions, New York, éd. Algonquin Books, trad. de Laurent Bury, Big

Fish Roman aux propositions mythiques, 2004, éd. Autrement Littérature, 1998, p.35.

2.2 Un effet miroir troublant entre le personnage William Bloom et le