• Aucun résultat trouvé

L’étude du mentorat littéraire pour une sociogenèse des textes

PARTIE I – Position des problèmes

Chapitre 2 L’étude du mentorat littéraire pour une sociogenèse des textes

« Les auteurs ont besoin, comme vous savez, de se sentir

accompagnés, soutenus, dans leurs aventures littéraires. » Lettre de Louis Dantin à Simone Routier, 20 octobre [1932]

Plonger en plein cœur de la genèse de l’œuvre pour y saisir les mouvements d’une écriture

vivante et palpitante, c’est bien à cet accès privilégié que nous convie l’étude du mentorat en

littérature. Le présent chapitre posera les bases pour penser le mentorat comme levain du

processus de parachèvement de l’œuvre et comme lien affinitaire à part au sein des sociabilités

littéraires. Trois objectifs guideront mes recherches. Premièrement, je veux identifier les

caractéristiques qui distinguent la relation mentorale d’autres types de relation affinitaire de

générativité1. Qu’est-ce qu’un mentor, comment le différencier du maître, du coach, du chef d’école? En première partie du chapitre, la synthèse des travaux sur ces questions dans différentes

disciplines et la description de certaines des figures iconiques de mentor dans la littérature

mèneront à une définition articulée autour de trois facettes : ce qu’il est, la particularité de son

lien au mentoré et ce qu’il fait.

La multiplication des programmes de mentorat confirme la grande capacité d’adaptabilité de ce

type de relation à différentes situations professionnelles et sociales. En revanche, le contexte dans

lequel se déroule le mentorat infléchit invariablement les pratiques, les rôles et les perceptions de

ce phénomène2. Mon deuxième objectif consistera par conséquent à décrire la spécificité du mentorat en contexte littéraire et son déroulement de manière à identifier ce que la relation

1 Qui signifie « s’intéresser à la génération montante ». R. HOUDE. Des mentors pour la relève, édition revue et

augmentée, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2009, p. 73.

2 « In any given context, there are multifaceted dimensions that influence the way which in mentoring is perceived, supported and delivered. » D. CLUTTERBUCK, et al., eds. The SAGE Handbook of Mentoring, Thousand Oaks,

apporte à la compréhension de certaines réalités comme l’amitié entre écrivains (Lacroix, 2009 et

2013), la filiation, la gratuité et le don (Godbout, 1992) et la question de la reconnaissance en

régime de biens symboliques (Honneth, 2000, Todorov, 2003, Heinich, 2007). La sociologie des

champs de Pierre Bourdieu (Les règles de l’art, 1992) fournira un cadre propice pour positionner

le mentorat au sein de structures globales du littéraire, sans pour autant mettre de côté l’examen

des interactions concrètes, à la fois soumises aux pressions du champ littéraire et répondant à des

logiques qui leur sont propres. Malgré les constats d’incompatibilité formulés par plusieurs à

l’égard de ces deux approches3, de plus en plus de chercheurs font le pari de « penser le réseau dans le champ4 »; je pense notamment aux travaux de Michel Lacroix et de Björn-Olav Dozo5. Pour ma part, j’estime que le mariage de ces deux approches revêt plusieurs avantages.

Premièrement, il évite de transposer un modèle théorique issu d’une institution littéraire

constituée et autonome (le champ littéraire français) à une institution littéraire en gestation (la

littérature québécoise). Deuxièmement, il donne une plus grande importance au capital

relationnel6, une des composantes du capital social, tout en prenant en considération le cadre culturel, politique, institutionnel dans lequel s’insèrent les réseaux sociaux. En somme,

« [l]’analyse de réseau s’accomplirait donc sur un univers social traversé de part en part par la

3 La question de l’adéquation (ou de l’inadéquation) de ces deux théories traverse de nombreux articles du collectif

sur les réseaux littéraires dirigé par Daphné de Marneffe et Benoît Denis (2006). Les prises de position divergent, par exemple, l’article d’Anne Boschetti (« De quoi parle-t-on lorsque l’on parle de “réseau”? », p. 59-70) se veut une défense et illustration de la supériorité de la théorie des champs sur celle des réseaux, alors que celui de Gisèle Sapiro (« Réseaux, institution(s) et champs », p. 44-59) voit un point de rencontre possible entre les deux théories.

4 M. LACROIX. « Ponts, triades, trous ou le Tiers inclus… », Les réseaux littéraires, sous la direction de Daphné De

Marneffe et Benoît Denis, Bruxelles, Le Cri ; CIEL–ULB-ULg, 2006, p. 202.

5 Voir en bibliographie les travaux de Michel Lacroix (2003, 2005, 2006, 2009, 2014a, b) et B.-O. DOZO. Mesures de l’écrivain […]. L’opposition entre champ et réseau s’atténue, selon Gisèle Sapiro, « si l’on considère l’analyse

des réseaux comme une méthode et non comme une théorie du monde social ». (G. SAPIRO. « Réseaux, institution(s) et champs », 2006, p. 46) L’utilisation conjointe de ces deux approches implique de tenir compte de leurs postulats de départ (le holisme de Bourdieu et l’individualisme méthodologique de Boudon).

6 Le capital social se définit « comme les ressources accessibles à un agent grâce à son réseau de relations » et la

possession d’un réseau, selon l’acception la plus répandue et développée par Pierre Bourdieu et Nan Lin (B.-O. DOZO, « Capital social », Lexique Socius, [En ligne], http://ressources-socius.info/index.php/lexique/21-lexique/38- capital-social). Or, les relations ne sont pas toutes égales et dépendent de l’imbrication structurelle du réseau, ce qui amène Björn-Olav Dozo à parler de « capital relationnel » pour insister sur l’« avantage individuel structurel » dont dispose un individu considéré comme « animateur de la vie littéraire ». DOZO. Mesures de l’écrivain […], p. 202.

logique du champ, mais possédant d’autres logiques, justiciables celles-ci d’une explication en

fonction des relations concrètes entre acteurs7 » et évitera une complète « mise à plat du social8 » en soulevant les enjeux liés aux autres capitaux. Ces orientations théoriques s’inscrivent à la suite

des travaux de Michel Biron (2000) et de Michel Lacroix (2014) en littérature québécoise, qui ont

précisément interrogé (l’un en étudiant l’imaginaire littéraire chez trois auteurs et l’autre à travers

la construction du personnage du « retour d’Europe ») les conséquences d’une institution

littéraire faiblement constituée sur les sociabilités des écrivains et leur perception du monde.

L’étude du mentorat littéraire ne peut faire l’économie d’un examen minutieux du support qui

rend possible et tangible la relation : l’épistolaire. En effet, la lettre comme lieu de discours,

comme texte à visée communicationnelle et esthétique, comme laboratoire de l’œuvre et comme

mode d’action sur autrui constitue le lieu idéal de ce lien littéraire et affinitaire particulier. Au-

delà du simple document, la lettre remplit une série de fonctions qui concordent avec les visées

de l’échange mentor-mentoré. Comment ce mode de communication module-t-il la relation?

Comment se construit la relation mentorale dans et par l’épistolaire? Le troisième objectif de ce

chapitre visera à comprendre les interactions entre le support et la relation mentorale. Les travaux

de Brigitte Diaz, de Marie-Claire Grassi et de Benoît Melançon m’aideront dans cette visée.

La deuxième partie du chapitre poursuivra ces deux derniers objectifs en s’appuyant sur des

exemples tirés des 700 lettres de la correspondance entre Louis Dantin et les Individualistes de

1925. Avant d’étudier chaque dyade pour en cerner les particularités dans les chapitres qui

constitueront le cœur de ma thèse, j’opte ici pour le mouvement inverse en bâtissant un tronc

7 M. LACROIX. « Littérature, analyse de réseaux et centralité […] », p. 483.

commun du mentorat à partir des sept correspondances étudiées. De cette façon, l’étude

empirique viendra soutenir, valider ou nuancer les hypothèses formulées à partir des orientations

théoriques.

Plusieurs questions viennent d’être soulevées, d’autres le seront en cours de route, mais je tiens à

en aborder une dernière avant d’amorcer le travail. Quelle perspective adopter pour construire un

modèle de mentorat littéraire : celle du mentor ou celle du mentoré? Opter pour le point de vue

du mentor semble aller de soi, puisqu’il tient le rôle principal dans ce « théâtre épistolaire », il lui

donne sa couleur, sa teinte distinctive. Pourtant, rien n’est moins évident. Le rôle imparti au

mentoré en est un majeur, comme on le verra; il est l’instigateur de la relation, dicte ses attentes,

régit le pacte, etc. Bref, loin d’être relégué au simple rôle d’acteur de soutien, il s’avère central

dans le déroulement des échanges. Il sera donc difficile de maintenir un seul point de vue sur la

question tout au long du chapitre, étant donné la part prise par le mentoré, mais aussi parce que la

relation ne se fait pas à sens unique. Si le mentor apporte son aide à l’écrivain débutant, il retire

également nombre de bénéfices de cette relation. La correspondance de Louis Dantin en livre des

exemples aussi nombreux que variés, confirmant une fois de plus le caractère exemplaire de ce

1. État de la question : le mentorat à travers différentes disciplines 1.1 De Mentor à mentor : aux origines littéraires d’un phénomène

« Défiez-vous de vous-même, et attendez toujours mes conseils. » Mentor à Télémaque, dans Les Aventures de Télémaque

Fidèle compagnon d’Ulysse, Mentor se voit confier la charge de la maison du roi d’Ithaque à son

départ pour la guerre de Troie9. À l’issue du conflit, Ulysse est le seul roi à ne pas regagner sa patrie, perdu en mer, puis fait prisonnier sur l’île de Calypso pendant sept ans. Dans L’Odyssée,

Mentor accompagne Télémaque, fils d’Ulysse, dans sa quête pour retrouver son père. S’il n’est

pas un personnage central du récit homérique, Mentor, possédé par la déesse de la guerre et de la

raison Athéna, s’impose par sa sagesse et parce qu’il incarne la connaissance10.

Bien qu’Homère détienne la paternité de ce personnage, la fortune qu’il connut est toutefois

attribuable à l’abbé Fénelon, auteur des Aventures de Télémaque, récit imaginé des péripéties de

Télémaque entre les chants IV et XV de L’Odyssée11. En créant son Télémaque, Fénelon ne cherche pas seulement à combler un « vide » littéraire, il désire également amuser et instruire son

princier élève, le duc de Bourgogne12. L’ouvrage publié en 1699 s’inscrit ainsi dans la série des « Miroirs des Princes » qui, depuis le Moyen Âge, rassemble des textes rédigés pour éduquer les

jeunes hommes appelés à régner. Alors que la plupart des « Miroirs » sont des traités politiques

ou philosophiques, les Aventures de Télémaque se démarquent par le recours à la fiction, qui

9 HOMÈRE. L’Odyssée, Présentation et traduction par Médéric Dufour et Jeanne Raison, Paris, Garnier-Flammarion,

2009, p. 35.

10 P. CLARK. « The metamorphoses of Mentor : from Fénelon to Balzac », Romanic Review, n° 75 / 2, mars 1984,

p. 200. Déesse de la guerre née de la tête de son père Zeus, Athéna est également déesse de la raison, de l’intelligence et de la sagesse héritées de sa mère Mètis, déesse de la Sagesse. (« Athéna », Dictionnaire culturel de

la mythologie gréco-romain, sous la direction de René Martin, Paris, Nathan, 1992, p. 49-50)

11 D’ailleurs, la veuve Barbin, qui imprima les cinq premiers livres des Aventures, lui donne le titre Suite du quatrième livre de l’Odyssée d’Homère ou les avantures [sic] de Télémaque fils d’Ulysse.

inscrit au cœur du récit la « mise en scène de la relation pédagogique13 ». Ce faisant, le couple

Mentor-Télémaque incarne le double de celui formé par le précepteur et son élève. Les Aventures

de Télémaque connurent un immense succès14; après de multiples rééditions, traductions, adaptations (opéra, tragédie, pastiche) et l’insertion du Télémaque dans les programmes scolaires,

le sage Mentor fit son entrée dans le vocabulaire usuel anglais et français, dépouillé de sa

majuscule dès le début du XIXe siècle15.

Qu’en est-il de la destinée du personnage? Mentor occupe une place somme toute secondaire

dans la vaste galerie de héros homériques; mais, sous la plume de Fénelon, il prend l’avant de la

scène. À travers les épreuves que doit surmonter Télémaque, Mentor est le « sage ami » qui

conseille. Il possède la science « des présages et de la volonté des dieux16 » et peut prédire l’avenir. Il a donc une « longueur d’avance » dans la maîtrise du temps (il est plus âgé, connaît

l’avenir) et des connaissances, ce qui lui confère le droit d’enseigner. Lorsqu’il s’adresse à son

protégé, son discours emprunte fréquemment la forme de l’assertion, ses affirmations devenant

autant de leçons à retenir (« Le vrai courage trouve toujours quelques ressources17 », affirme Mentor lors de l’épisode du naufrage, livre V).

Non seulement Mentor transmet-il son savoir à son apprenti, mais il participe également à

l’action dans de nombreux épisodes des Aventures. Il mène, par exemple, les troupes d’Aceste au

13 Jacques Lebrun cité dans H. HILLENAAR. « Le projet didactique de Fénelon auteur de Télémaque : enjeux et

perspectives », Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, n° 30, 2003, p. 11-23.

14 Il serait le « livre le plus lu, ou du moins le plus réédité et traduit de la littérature française » selon Hank Hillenaar

« Le projet didactique de Fénelon […] », p. 11. En 1912, on recense 550 éditions et 170 traductions (J. LE BRUN. « Les Aventures de Télémaque : destins d’un best-seller », Littératures classiques, vol. 3, n° 70, 2009, p. 133), malgré l’aura de scandale qui entoura son contexte de parution. La Cour y vit une critique du régime de Louis XIV et un autre livre de Fénelon (Explication des Maximes des Saints de Fénelon paru en 1697) fut condamné par Rome en 1699 ce qui aurait provoqué la révocation du privilège obtenu pour la publication des Aventures et contribué au succès du livre. J. LE BRUN. « Les Aventures de Télémaque : destins d’un best-seller », p. 133-146.

15 Contrairement au héros éponyme du roman de Fénelon, puisque personne aujourd’hui ne dira d’un élève qu’il est

un « Télémaque »…

16 FÉNELON. Les aventures de Télémaque, p. 76. 17 FÉNELON. Les aventures de Télémaque, p. 163.

combat avec une telle fougue que les guerriers n’hésitent pas à le suivre : « Les sujets d’Aceste,

animés par l’exemple et par les ordres de Mentor, eurent une vigueur dont ils ne se croyaient

point capables18. » L’action de Mentor possède donc un effet émulateur.

Au fil des péripéties se dessine une double quête pour Télémaque : retrouver le père, mais

également devenir aussi courageux et sage qu’Ulysse. Le père devient le modèle de

l’enseignement livré par Mentor, qui incarne à son tour une figure paternelle. L’amour fraternel,

la bienveillance, l’amitié et la franchise imprègnent sa relation avec Télémaque : « Les autres

admirent votre sagesse à un âge où il est pardonnable d’en manquer; pour moi, je ne puis vous

pardonner rien : je suis le seul qui vous connaît, et qui vous aime, assez pour vous avertir de

toutes vos fautes. Combien êtes-vous encore éloigné de la sagesse de votre père19. » Le lien qui unit Mentor à son mentoré se caractérise par la connaissance intime de ce dernier (« je suis le seul

qui vous connaît ») et l’affection inséparable de la franchise (« qui vous aime, assez pour vous

avertir de toutes vos fautes »). Le rôle et le statut de Mentor se distinguent clairement des

« autres » (« Les autres », « je suis le seul »), si bien que l’union entre Mentor et Télémaque est

vécue comme une relation à part.

D’autres modèles de mentor peuplent la littérature occidentale, notamment Virgile guidant Dante

dans les Enfers. Dante rencontre son guide dans le Chant I de La Divine comédie et lui demande

son aide : « Tu es mon maître et mon auteur / Tu es le seul auquel je doive / le noble style qui me

fait honneur. / Vois la bête pour qui je retourne; / protège-moi d’elle sage célèbre20. » Virgile accepte de le mener sur une partie du chemin : « Je pense et juge qu’il est donc mieux pour toi /

que tu me suives, et je serai ton guide / pour te tirer d’ici vers un lieu éternel […] / Et si tu veux

18 FÉNELON. Les aventures de Télémaque, p. 77. 19 FÉNELON. Les aventures de Télémaque, p. 132.

20 DANTE ALIGHIERI. La Divine comédie, Traduction et annotation de D. M. Garin, Paris, Éditions de la

monter vers les dernières, / âme plus digne que moi s’en chargera : je te laisserai à elle en

partant21 ». À l’entrée de chaque nouveau cercle, Dante se tourne vers son « bon maître » pour comprendre le sort des âmes tourmentées qu’il rencontre. En lui montrant le chemin à suivre,

Virgile donne à Dante une vision de ce « qu’il peut devenir22 » en l’inscrivant dans le cortège des grands poètes : Homère, Horace, Ovide et Lucain. C’est ainsi que se cristallise de façon décisive

« son art d'éducateur23 ».

Qu’il parcoure les mers ou s’avance dans les profondeurs de l’Enfer, le personnage de mentor

possède certains traits immuables qui se déclinent en quatre axes : enseignement, savoir, sagesse,

guide. D’après le modèle actantiel24, les personnages de mentor (Mentor ou Virgile) apparaissent comme les adjuvants, apportant leur aide à la quête (objet) du héros (sujet). Partant de ce que

nous savons à propos du mentor, qu’en est-il de la relation mentorale? Laissons les œuvres de

fiction pour voir ce que les travaux en pédagogie, en psychologie et en développement de l’adulte

ont dit de ce lien social particulier.

1.2 Le mentorat en développement de l’adulte et en enseignement

La relation entre un mentor et un mentoré comporte ses spécificités qui la distinguent des autres

relations affinitaires. Pour comprendre le mentorat comme lien social particulier, un détour vers

d’autres disciplines s’impose. L’idée n’était pas de dépouiller l’ensemble des travaux abordant le

mentorat tout champ d’activité confondu, une tâche colossale si l’on en juge seulement d’après la

bibliographie recensant les publications sur le mentorat compilée et annotée par Marilynne Mile

Gray et William A. Gray, pionniers de ce domaine de recherche dans le monde anglo-saxon. La

21 DANTE ALIGHIERI. La Divine comédie, p. 23.

22 A. GIROUX. « Enseigner à penser: passer de maître à mentor », Canadian Journal of Education / Revue canadienne de l'éducation, vol. 15, n° 3, Summer 1990, p. 240.

23 A. GIROUX. « Enseigner à penser: passer de maître à mentor », p. 240.

24 A. J. GREIMAS. « Réflexions sur les modèles actantiels », Sémantique structurale, Coll. « Langue et Langage »,

compilation compte près de 790 entrées et court sur 200 pages25. Un tel outil a l’avantage de

donner une idée de l’ampleur de ce phénomène, qui ne semble pas connaître de frontière. Tous

les domaines, de l’enseignement au milieu des affaires en passant par l’agriculture ou la chasse,

semblent posséder un programme de mentorat26. Dans cette mer de mentors, j’ai décidé de porter mon attention sur des recherches qui accordaient plus d’importance au fonctionnement de la

relation qu’à son application concrète dans un milieu de travail donné et aux réflexions sur les

questions éthiques, philosophiques et de générativité inhérentes à ce type de rapport.

Au premier chef, je me suis appuyée sur les travaux de Renée Houde sur le développement

psychosocial de l’adulte. La professeure Houde fait la synthèse et la critique des principaux

travaux sur la dynamique mentorale27 pour proposer son propre modèle. Je reprendrai ici dans ses grandes lignes sa définition du mentorat et ses composantes, en convoquant à l’occasion d’autres

sources pertinentes.

Selon Renée Houde, le mentor peut être considéré comme un passeur (passeur de connaissances,

aide à traverser une épreuve). Sa relation avec le mentoré en est une de passage, « temporaire et

non permanente28 » qui naît généralement à un moment de transition pour le mentoré. Le mentor

incarne la sagesse, étant habituellement plus âgé. Enfin, le mentor et le mentoré se trouvent

engagés dans des rapports qui « implique[nt] des transactions réelles entre deux partenaires qui se

sont choisis », et s’érigent sur une relation de réciprocité, ce qui exclut le mentorat symbolique

25 Ce chiffre a probablement plus que doublé depuis la parution de la bibliographie, qui date de plus de trente ans. W.

GRAY et M. MILES GRAY. Mentoring : A Comprehensive Annotated Bibliography of Important References. International Association for Mentoring, 1986, 188 p.

26 MENTORAT QUÉBEC. « Programmes de mentorat au Québec », [En ligne]

https://www.mentoratquebec.org/quest-ce-que-le-mentorat/programmes-de-mentorat (Page consultée le 23 novembre 2015)

27 Elle convoque de nombreux travaux de psychologues, en particulier ceux d'Erik H. Erikson, et propose son propre

Documents relatifs