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Chapitre 3 La méthode de « l’entretien compréhensif » 21

5. L’ « état des lieux » des enquêtes et la retranscription

La méthode d’enquête que nous avons employée s’inscrit dans une approche empirique

et qualitative, nous n’avons donc pas de critère sur le nombre d’enquêtes à réaliser. Cela dit, comme nous proposons une perspective comparative sur la question de l’évolution du rapport

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au savoir dans l’enseignement supérieur, ce qui constitue la première partie de notre recherche,

nous avons essayé de répartir de manière égale le nombre d’enquêtes sur les deux terrains d’investigation – la France et la Chine. Mais, les aléas du terrain nous ont obligé de nous adapter aux circonstances et de renoncer au perfectionnisme –obtenir l’autorisation d’enquête

a été une des plus grandes difficultés que nous avons rencontrées en Chine.

Nous allons maintenant faire l’ « état des lieux » des enquêtes en fonction des deux parties de notre recherche et des quatre profils d’informateurs. En ce qui concerne la première

partie de la recherche sur les modalités du rapport au savoir, 14 entretiens ont été effectués en France avec des informateurs de différentes disciplines, dont 6 avec des professeurs et 7 avec

des étudiants (nous n’avons pas pris en compte un entretien avec un étudiant étranger) ; les disciplines concernées sont : la philosophie, la psychanalyse, les sciences du langage, la

gestion et le management, la littérature, les sciences de l’éducation. Alors qu’en Chine 10

entretiens ont été réalisés dans les sciences humaines et sociales, dont 5 avec des professeurs et 5 avec des étudiants ; les disciplines concernées sont : la langue et la littérature chinoises, la gestion et les ressources humaines, la gestion administrative, les sciences de l’éducation. Pour cette partie de l’étude, nous avons obtenu en tout 23 entretiens. Quant à la deuxième partie de la recherche sur le domaine de l’enseignement du FLE en Chine, 24 entretiens ont été réalisés, dont 11 avec des professeurs dans 4 universités différentes et 13 avec des étudiants dans 3 universités différentes. Au total, nous avons effectué 47 entretiens.

Pour mieux procéder à l’analyse des données, il nous semble nécessaire d’établir un

corpus textuel à partir des enquêtes effectuées. Dans ce cas, la retranscription des enregistrements est inévitable. Ce travail de retranscription est un travail long, monotone et même fastidieux, pourtant il peut constituer une étape de « tri » – en tant que première phase

de l’analyse de surface – très utile. Il peut aider à éliminer certains éléments des enquêtes peu pertinents pour la recherche, et à mettre en lumière les propos les plus manifestes et les plus récurrents. Ainsi, lorsque nous retranscrivions les enquêtes, nous prenions dans le même temps quelques notes sur les informations les « plus parlantes » quant à nos hypothèses. Parmi

ces entretiens, deux entre eux ont été jugés peu pertinents, car les informateurs s’écartaient souvent du thème de l’enquête et ont tenu un discours long et éparpillé que nous avons eu du

mal comprendre. Par conséquent, ces deux entretiens n’ont même pas été retranscrits. Il y a

quatre autres entretiens peu réussis – soit les informateurs manquaient d’implication et les

entretiens sont tombés dans un échange plat de questions-réponses ; soit ils ont construit un discours « épistémologique » qui était en lui-même une analyse de discours, dont le contenu

est très intéressant et enrichissant pour moi en tant qu’interlocutrice, mais peu exploitable

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et deux d’entre eux n’ont pas été retranscrits. Au final, nous avons effectué 43 retranscriptions et constitué un corpus de 874 pages. Il faut noter que les entretiens en chinois ne sont pas

traduits intégralement en français, seules les parties utilisées dans l’analyse le sont.

6. Le processus de l’analyse des données

Lorsque nous choisissons une méthode d’enquête empirique et qualitative, il va de soi

d’adopter la méthode de l’analyse de discours pour étudier les données recueillies. Car, non

seulement le sujet ou la subjectivité est au centre de ces deux méthodes, ce qui permet

d’établir une cohérence méthodologique; mais surtout l’analyse de discours permet d’aller

au-delà de ce qui est dit pour s’intéresser davantage au dire en lui-même, qui ne peut pas être

mis en lumière à travers une simple analyse de contenu. Kaufmann a d’ailleurs critiqué rigoureusement l’analyse de contenu qui, selon lui, est une analyse de surface travaillant sur les informations les plus explicites et les plus apparentes. « Quelle que soit la technique,

l’analyse de contenu est une réduction et une interprétation du contenu et non une restitution

de son intégralité ou de sa vérité cachée » (id. p19). Cependant, nous ne pensons pas qu’il faille rejeter complètement l’analyse de contenu, mais plutôt qu’il faut l’associer avec l’analyse de discours, car ces deux méthodes permettent de révéler différents éléments dans le discours. L’analyse de contenu peut relever les informations les plus manifestes des propos, qui nous aideront à repérer les motifs communs à travers les entretiens. Quant à l’analyse de discours, elle nous permet d’apporter des réponses plus approfondies, car elle a la particularité de dévoiler ce qui est dissimulé dans les détours de la conversation, puisque « l’opinion d’une personne n’est pas un bloc homogène » (id. p19).

La démarche d’analyse de discours que nous avons mise en pratique dans cette

recherche s’inscrit dans une perspective d’anthropologie du langage, c’est-à-dire dans une

analyse de l’articulation entre le sujet et la langue. D’un côté nous étudions l’acte d’énonciation (Benvéniste) à travers lequel chaque locuteur se pose comme sujet et manifeste

ses positions subjectives, de l’autre nous nous appuyons sur l’enseignement de la

psychanalyse pour illustrer le clivage du sujet et mettre en valeur les « ratages » de sa parole. Nous développerons en détail ce cadre théorique dans le chapitre suivant, pour l’instant, nous allons présenter la façon dont nous avons procédé à l’analyse des données.

Ce travail d’analyse a comporté quatre phases principales : la première est le « tri » général dont nous avons parlé ci-dessus, le but est de dégager les éléments indispensables

39 pour la recherche, ainsi que de repérer les propos récurrents. La deuxième phase a été

consacrée à l’analyse de discours de chaque entretien dans son intégralité, c’est-à-dire que

nous avons pris l’ensemble des propos de l’entretien en tant qu’unité d’analyse pour étudier les positions subjectives de l’informateur. Ainsi, nous avons créé des fiches d’analyse correspondant à chaque entretien, et le contenu d’analyse a été classé en différents thèmes, tels que le choix des études, l’objectif de l’apprentissage, la position vis-à-vis des outils

informatiques, le rôle de l’enseignant, etc., afin de repérer plus facilement les éléments clés. Le but de cette étape est étroitement lié à la troisième phase de l’analyse qui a consisté à

effectuer une analyse transversale à l’aide des thèmes mis en évidence. C’est donc grâce aux fiches d’analyse établies dans la deuxième phase du travail que nous avons pu procéder de manière ciblée à l’analyse transversale. Enfin, la quatrième phase a consisté à déterminer les

éléments les plus pertinents pour étayer les hypothèses de notre recherche (il n’était pas question d’aborder tous les entretiens dans leur intégralité). Ensuite, il a fallu d’articuler les

éléments pertinents ensemble afin de construire un corpus cohérent en fonction des deux grands axes de la recherche – les modalités du rapport au savoir et les modalités du rapport à

la langue. Ce processus de l’analyse des données permet non seulement d’éclairer les

éléments pertinents des enquêtes par rapport aux hypothèses, mais aussi d’organiser un plan

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