2.2 Le modèle ricardien
2.2.3 L’équilibre en économie ouverte
A l’équilibre autarcique, le prix relatif du bien X est plus élevé dans le pays domestique qu’à l’étranger. Lorsque les pays s’ouvrent au commerce international, il y a donc une possibilité d’arbitrage pour les consommateurs domestiques, qui peuvent acheter leur consommation en biensXpour un prix relativement plus faible à l’étranger6. Inversement, les consommateurs étran-gers peuvent trouver leur consommation de bienY pour un prix relativement plus faible dans le pays domestique. Ce sont ces écarts de prix, résultant des écarts de coûts d’opportunité, qui vont conduire à la spécialisation des pays. Dans chaque pays, la demande relative pour le bien correspondant à son avantage comparatif augmente. En effet, la demande absolue adressée aux producteurs de ce bien augmente du fait de la demande étrangère supplé-mentaire. Dans le même temps, la demande domestique pour l’autre bien se reporte sur l’étranger. Les facteurs productifs (i.e. le travail) se réallouent entre secteurs pour faire face à cette modification de la demande relative. Il y a donc bien spécialisation dans la production du bien pour lequel le pays dis-pose d’un avantage comparatif. La spécialisation conduit quant-à-elle à une convergence des prix relatifs, les comportements d’arbitrage ne cessant que lorsque les prix relatifs sont égalisés internationalement. Cette convergence caractérise l’équilibre en économie ouverte.
En économie ouverte, chaque pays se spécialise dans son avantage com-paratif si le prix relatif de ce bien est plus élevé que le coût d’opportunité lié à la production supplémentaire pour l’exportation. Tout prix relatif tel que :
a∗X a∗Y ≤ pX
pY ≤ aX aY
5. La frontière des possibilités de production délimite l’ensemble des paniers de biens qu’une économie peut produire étant données les ressources disponibles. La contrainte budgétaire délimite l’ensemble des paniers de consommation qu’un consommateur repré-sentatif peut acheter étant donné son revenu.
6. Ce raisonnement n’est valable que dans une situation où le commerce est parfaite-ment libre et où il n’y a pas de coût de transport des biens d’une économie à l’autre. Le cas des coûts à l’échange est décrit en Section 2.2.5.
conduit donc à un équilibre avec spécialisation des pays dans leur avantage comparatif. Puisque pX
pY ≥ p∗Xa
p∗a Y
, le pays étranger gagne à produire plus de bien
X tout en important le bienY. Puisque pY
pX ≥ paY
pa
X, le pays domestique gagne à se spécialiser dans la production du bien Y et à importer X.
Selon le prix relatif vers lequel l’économie nationale converge, deux situa-tions sont à envisager :
— Si le prix d’équilibre est tel que a∗X
a∗
Y < pX
pY < aX
aY, l’équilibre est caracté-risé par une spécialisation complète de chaque pays dans la production de biens pour lesquels il dispose d’un avantage comparatif.
— Si le prix d’équilibre est tel que pX
pY = a∗X
a∗Y ou pX
pY = aX
aY, l’équilibre est caractérisé par une spécialisation incomplète d’un pays. Si pX
pY = a∗X
a∗
Y
, le pays domestique est complètement spécialisé mais le pays étranger continue à produire des deux biens. Si pX
pY = aX
aY, le pays étranger est complètement spécialisé mais le pays domestique continue à produire des deux biens.
Pour comprendre l’apparition de ces deux régimes, il est utile d’étudier l’équilibre du marché des biens dans une économie ouverte. Celui-ci est illus-tré sur la Figure 2.3. Sur chaque graphique sont représentées l’offre et la demande relative de bien X au niveau mondial, en fonction du prix relatif qui s’établit sur les marchés internationaux. Le prix relatif d’équilibre s’éta-blit au point d’intersection des deux courbes, lorsque la demande relative est juste couverte par l’offre relative.
Sur la Figure 2.3, la demande relative est décroissante du prix relatif du fait d’effets de substitution. Plus le prix relatif de X est élevé, plus les consommateurs des deux pays reportent leur consommation sur le bien Y, ce qui implique une diminution de la demande relative de bienX. L’offre re-lative est croissante, avec plusieurs discontinuités au niveau des prix relatifs d’autarcie. Lorsque le prix d’équilibre est inférieur à a∗X/a∗Y, l’offre mondiale relative est nulle car les producteurs des deux pays préfèrent se spécialiser dans la production du bien dont le prix relatif est supérieur au coût d’op-portunité (le bien Y ici). Pour pX/pY = a∗X/a∗Y, les entreprises domestiques continuent à se spécialiser dans la production du bien Y. En revanche, les producteurs étrangers sont indifférents entre produire du bienX ou du bien
Y. Ils sont donc prêts à satisfaire la demande relative exprimée sur les mar-chés internationaux, la courbe d’offre est horizontale. A l’autre extrémité, si
pX/pY > aX/aY, l’offre relative de bienXtend vers l’infini (puisqu’aucun des pays ne souhaite produire le bien Y, dont le prix relatif est inférieur au coût d’opportunité). Si pX/pY =aX/aY, le pays étranger produit autant que pos-sible de bienX et l’économie domestique est indifférente entre la production
des deux biens. Finalement, il n’y a que quanda∗X/a∗Y < pX/pY < aX/aY que l’économie est complètement spécialisée. L’économie domestique ne produit que du bien Y (en quantitésL/aY), l’économie étrangère ne produit que du bien X (en quantitésL/a∗X) et donc l’offre relative est L/a∗X
L/aY. Figure 2.3 – L’équilibre en économie ouverte
Spécialisation complète
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World equilibrium with full specialization
p = pX/pY X/Y Relative world supply E pa* = aX*/aY* pa = aX/aY Relative world demand pE For p < pa*, no country produces X For p > pa, no country produces YBénassy-Quéré & Coeuré – International Economics 2009-2010
Spécialisation incomplète
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World equilibrium with incomplete
specialization
p = pX/pY X/Y World relative supply E pE=pa* =pX*/aY* pa = aX/aY World relative demand Foreign country produces both goodsHome country only produces Y
Bénassy-Quéré & Coeuré – International Economics 2009-2010
L’équilibre s’établit au point d’intersection entre la courbe d’offre et la courbe de demande relative en biens X. Sur le graphique du haut de la Figure 2.3, cette intersection se situe à un point où le prix est strictement compris entre les prix relatifs autarciques. Chaque pays est complètement spécialisé dans la production de son avantage comparatif. A l’inverse sur le graphique du bas, la courbe de demande coupe la courbe d’offre dans sa partie horizontale. Il y a spécialisation incomplète. Le pays domestique ne
peut produire toute la demande relative de biens X et le produit étranger produit donc à la fois du bien X et du bien Y.
Figure2.4 – Gains à l’échange en équilibre de spécialisation complète
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Full specialization
Y X aX/aY aX*/aY* pX/pYa
X*/a
Y*< p
X/p
Y< a
X/a
Y pX/pYBénassy-Quéré & Coeuré – International Economics 2009-2010
If pX/pY <aX/aY, then the home country only produces Y (profit per unit pY/aYw > pX/aXw).
If pX/pY >aX*/aY*, then the foreign country only produces X (profit per unit pX*/aX* w* > pY*/aY* w*).
Considérons à présent l’équilibre avec spécialisation complète. Ici aussi, on peut comprendre l’origine des gains à l’échange en étudiant la manière dont l’ouverture au commerce affect les possibilités de consommation de chaque pays. Cette dimension est illustrée sur la Figure 2.4. Comme dans la section précédente, le graphique compare, pour chaque pays, l’ensemble des possi-bilités de production et de consommation, en autarcie et en économie ou-verte. En autarcie, la frontière des possibilités de production et la contrainte budgétaire sont confondues. En économie ouverte, la contrainte budgétaire pivote pour atteindre une pente égale au nouveau prix relatif d’équilibre
a∗X/a∗Y < pX/pY < aX/aY. L’économie domestique produit L/aY unités de bien Y et consomme un panier de biens situé sur la nouvelle contrainte bud-gétaire (la ligne en pointillés bleus sur la Figure 2.4). Ce panier de biens se situe sur une courbe d’indifférence plus élevée que n’importe quelle courbe d’indifférence atteinte en autarcie. L’échange améliore donc le bien-être du consommateur représentatif en augmentant les possibilités de consommation. Au lieu de produire sa consommation de bienX, l’économie domestique éco-nomiseaX unités de travail à chaque unité de bienX importée. Avec ce tra-vail, elle produitaX/aY unités de bienY qu’elle vend en échange de pY
pX
aX
unités de bien X.