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L’émergence de la question organisationnelle : du terrain aux recherches

Partie I : Les dispositifs de gestion des populations animales locales comme objet de

CHAPITRE 1 : CARACTERISATION DES DISPOSITIFS DE GESTION DE

1.4 L’émergence de la question organisationnelle : du terrain aux recherches

1.4.1 : L’hétérogénéité des formes d’organisation comme problème.

Comme nous l’avons vu précédemment, les acteurs impliqués dans la gestion des populations animales locales sont très divers, interviennent à des niveaux différents (du local au supra national) et les enjeux qui s’expriment sont de plus en plus nombreux, aux questions de conservation venant s’ajouter un intérêt croissant en particulier pour la valorisation. Le sujet de thèse initialement formulé proposait « d’étudier comment la gestion des races locales menacées, dont beaucoup sont restées en marge du cadre technique et institutionnel de la Loi sur l’Elevage de 1966, s’organise pour faire face à de tels enjeux. » Le constat suivant était établi : « force est de constater (…) que suivant les régions, les espèces et les races, on se trouve en présence d’une diversité de dispositifs aux statuts institutionnels variés liés à des acteurs diversifiés (éleveurs innovants, associations, techniciens, parcs naturels régionaux, chercheurs, politiques, industriels de l’agro-alimentaire ou autres opérateurs économiques) qui abordent à différents niveaux d’organisation (local, régional, national et international) et avec des moyens inégaux, les enjeux liés à la gestion des ressources génétiques animales. » Ce même sujet présentait les problèmes que peut poser l’hétérogénéité des formes d’organisations : « Depuis les conflits dus à des interventions multiples et désordonnées jusqu’aux situations lacunaires où personne ne semble capable d’agir contre les menaces d’extinction, on voit que les races locales sont à la fois des ressources potentielles pour l’action et des sources d’enjeux qui dépassent (parfois de très loin) la capacité des acteurs locaux. » Les problèmes étaient encore évoqués sous la forme : « on peut identifier, dans certains cas, un surinvestissement lié à des empilements d’intervenants dont les légitimités peuvent alors se contredire, et dans d’autres cas, une certaine dilution de l’action, voire un abandon pur et simple faute de disposer d’acteurs locaux crédibles. »

Comme mentionné plus haut, le BRG a défini en 1998 une charte nationale pour la gestion des ressources génétiques. Dans cette charte, on retrouve ces préoccupations, puisque est mentionné que « les mesures prises aujourd’hui en France pour gérer les ressources génétiques (…) relèvent d’initiatives dispersées et de motivations hétérogènes, conséquence, entre autres, de l’absence de véritable reconnaissance institutionnelle et politique des activités engagées dans ce domaine » (collectif, 1999). Se pose le problème de la coordination entre différents niveaux d’intervention. Dans cette perspective, dispersion et hétérogénéité sont présentées comme posant problème. Cependant, le BRG souligne bien, dans ce même document, son souci de s’appuyer sur les initiatives existantes. Cela sous entend de prendre en compte leur diversité, de s’y appuyer pour agir.

1.4.2 : La question de l’organisation dans diverses disciplines.

Le sujet de thèse qui m’a été proposé met donc en avant la question de l’organisation de la gestion des races locales. Les questions d’organisation et d’action collective ont été abordées de multiples façons dans les travaux scientifiques, selon les entrées disciplinaires, les courants : au sein des sciences économiques et sociales, les questions d’actions collectives sont aussi bien traitées par exemple par la sociologie, les sciences de gestion, et l’économie, avec une multitude de courants au sein de chacune de ces disciplines.

Couix (1993), qui se réfère au dictionnaire Lexis de Larousse, souligne que le mot « organisation » désigne « tout aussi bien un état (le fait d’être organisé), une structure, l’action d’organiser ou encore une association qui se propose des buts déterminés (une organisation sociale). De façon plus générale, nous pouvons dire que « organisation » désigne simultanément une action et son résultat ». Couix (1993) se place dans la perspective des travaux de Le Moigne qui met en avant le fait que le concept d’organisation « exprime cette dualité de l’action et de ses résultats (…). Il concerne l’action d’organiser, elle-même conjonction de trois actions transitives et récursives ((se) produire, (se) relier, (se) maintenir) et le résultat instantané de cette

action, la forme organisée » (Le Moigne, 1990). Lorino (2005) souligne d’ailleurs que le terme d’organisation est à employer avec précaution. Ainsi il rappelle que « stricto

sensu, l’organisation, c’est toute la société et toutes les sociétés, de la cité grecque au

cartel de Medellín ».

Si les sciences de gestion ont principalement pour objet l’organisation en entreprise, la question de l’organisation se pose aussi dans l’analyse des systèmes d’élevage.

Vallerand et al. (1992) soulignent, dans leurs travaux sur les systèmes d’élevage en Corse, les différents niveaux d’organisation, en allant des niveaux d’agrégation du matériel animal, aux niveaux d’organisation des acteurs de l’élevage qui sont de divers types. La difficulté dans de tels travaux est d’articuler les approches aux différents niveaux d’organisation. De Sainte-Marie et Casabianca (1995) soulignent d’ailleurs, dans leur analyse d’un processus d’innovation dans lequel sont impliqués des éleveurs -transformateurs de porcs en Corse, que les changements techniques dans cette dynamique sont étroitement liés au changement organisationnel. B. Roche (2004), dans son analyse de l’élevage bovin de la race Maraîchine, fait elle aussi le lien entre organisation au niveau du collectif d’éleveurs et changements techniques dans les exploitations. Ces différents travaux relèvent le lien étroit entre aspects techniques et aspects organisationnels dans l’analyse des systèmes d’élevage. Dans la suite de ces travaux, je considèrerai dans mon travail ce lien entre aspects techniques et organisationnels pour aborder la gestion des populations animales locales.

1.4.3 : Aborder la question grâce à la notion de dispositif.

Lorsque l’on s’intéresse aux formes d’organisation de la gestion des différentes populations animales, nous prenons en compte animaux, acteurs, outils et ceci nous amène donc à nous intéresser à la notion de dispositif. En effet, Deverre et al. (2000), définissent un dispositif comme mettant en relation des acteurs, des savoirs, des moyens pour atteindre un objectif. On y retrouve donc un réseau reliant des éléments hétérogènes, dans un objectif particulier. Mormont (2003) rappelle que le premier à

avoir proposé ce concept est Foucault, remobilisé ensuite entre autre par des sociologues pour traiter en particulier des dispositifs agri-environnementaux (Deverre et al., 2000).

J’appellerai donc « dispositif de gestion d’une population animale » un réseau reliant acteurs, animaux, objets (centre d’élevage, rapport de stage etc.), savoirs et savoirs-faire dans l’objectif de gérer une population animale. Cette approche, du fait de la dimension socio technique du dispositif, permet d’apporter un regard à la fois sur les aspects techniques et organisationnels.

De hétérogénéité des formes de gestion vue comme problème, ce travail vise à s’appuyer sur la diversité des dispositifs. Une lecture organisée de cette diversité en fait un atout pour dégager des points de repères afin de caractériser ces dispositifs et d’en rendre intelligibles les dynamiques.

Dans le paragraphe suivant, je présenterai les attentes que j’ai perçues dans une telle situation, et comment je m’y suis appuyée pour proposer ma question de recherche.

1.5 Agir pour être efficace ou agir avec pertinence ?

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