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l’intégration technologique sur la sensibilité des composants

2.2 L’émergence de l’impact de l’ionisation directe

La perte d’énergie d’une particule chargée dans un matériau est caractérisée par le transfert linéique d’énergie (LET pour Linear Energy Transfer). Cette grandeur correspond à la quantité d’énergie dE transférée à un matériau de densité fl par unité de longueur dx,

LET = ≠1dEdx (2.1)

Le LET s’exprime généralement en MeV.cm2.mg≠1 et se divise en deux compo-santes :

LET = LETélectronique+ LETnucléaire (2.2) Le terme LET fait usuellement référence au LET électronique alors que le terme NIEL (pour Non-Ionizing Energy Loss) fait référence au LET nucléaire. Le LET électronique correspond à la perte d’énergie par excitation et ionisation des atomes du matériau cible alors que le LET nucléaire correspond à la perte d’énergie par déplacement atomique. Les effets singuliers dans les composants étant induits prin-cipalement par le LET électronique, seule la première composante est détaillée dans cette étude. Ce LET électronique est décrit par l’équation de Bethe-Bloch pour une particule primaire de masse M supérieure à celle de l’électron, traversant un matériau de numéro atomique Z et d’énergie d’excitation moyenne I :

LETélectronique = Kz2Z A 1 2 C 1 2 ln 2mec 222Wmax I2 ≠ —2”(—“) 2 D (2.3)

avec K = 4fiNAre2mec2, NA la constante d’Avogadro, re la rayon de l’électron, mec2 le produit de la masse de l’électron par le carré de la vitesse de la lumière, z le nombre de charge de la particule primaire, A la masse atomique, — la vitesse réduite définie comme le rapport de la vitesse de la particule primaire sur la vitesse de la lumière, “ le facteur de Lorentz et ”(—“) le coefficient de correction de densité. L’équation de Bethe est valide pour des particules dont le produit de la vitesse réduite par le facteur de Lorentz est compris entre 0,1 et 1000 [29]. Le maximum d’énergie transférée Wmax par une particule chargée en une seule collision est,

Wmax = ≠1 + 2“me/M2mec2+ (me/M22 )2 (2.4) Les particules chargées sont ainsi capables d’ioniser les atomes d’un matériau par collision avec les électrons des atomes du matériau cible. Les électrons éjectés du cortège électronique, appelés électrons secondaires (ou delta-rays), peuvent à leur tour ioniser d’autres atomes du matériau. Lorsque les atomes du matériau cible sont ionisés par la particule primaire, on parle d’ionisation directe.

Les particules neutres ne portant pas de charge, ne peuvent interagir que par réaction nucléaire avec les atomes cibles. Seules les particules secondaires issues de ces réactions nucléaires vont être capables de ioniser les atomes cibles (ionisa-tion indirecte). Alors que l’ionisa(ionisa-tion directe est le mécanisme principal du dépôt d’énergie des ions lourds induisant un SEE, les particules plus légères comme les protons et les muons ont longtemps été considérées comme ne pouvant pas déposer assez d’énergie pour induire un SEE par ionisation directe. Cependant, avec l’aug-mentation de la sensibilité des nouvelles technologies, l’ionisation directe induite par les protons et les muons ne peut plus être négligée.

2.2.1 L’ionisation directe induite par les protons

Historiquement, le LET électronique des protons était considéré comme trop faible pour induire un SEE par ionisation directe. En 2006, l’étude d’Heidel et al., est la première à présenter un modèle pour déterminer la charge critique induite par des particules alpha, pour des SRAM fabriquées en SOI par IBM avec un noeud technologique de 65 nm [30]. Cette charge critique est estimée pour la première fois entre 0,5 et 1,0 fC. La même méthode est utilisée avec un faisceau de protons de faible énergie (E < 1 MeV) dont le LET électronique varie de 1,8 fC/mm pour une énergie de 1 MeV jusqu’à 5,5 fC/mm pour une énergie de 50 keV. En 2007, une nouvelle étude [31] met en évidence l’augmentation du nombre de SEE au fur et à mesure que l’angle d’incidence augmente. En effet, plus l’angle d’incidence est grand, plus le chemin parcouru par les protons de faible énergie dans le composant est grand, déposant ainsi plus de charge (Figure 2.9).

L’impact de l’ionisation directe des protons a été estimé pour des applications spatiales [32], [33] puis étendu aux applications terrestres. En 2011, l’étude de Ar-tola et al. [18] montre qu’à partir de 30 km d’altitude, la contribution des protons

Figure 2.9 – SEU induits par des protons de faible énergie en fonction de l’angle d’incidence pour des SRAM en SOI de 65 nm (crédit : Kenneth Rod-bell, [31]).

par ionisation directe devient majoritaire par rapport aux neutrons. À la surface terrestre, des simulations PHITS prévoient que les SEE induits par l’ionisation di-recte des protons augmenteront avec la diminution des dimensions des composants en dessous d’un nœud technologique de 45 nm.

2.2.2 L’ionisation directe induite par les muons

Alors que l’observation de SEE générés par l’ionisation directe induite par des muons est récente et que peu d’études l’ont investiguée, cette problématique a été annoncée dès le début des années 1980. L’étude de Ziegler et al. [34], est la première à prédire l’augmentation des SEE avec la diminution de la charge critique ainsi que l’émergence future de ionisation directe induite par des muons comme mécanisme principal à l’origine d’erreurs électroniques. En 1984, une autre étude [35] prédit que le taux d’erreur induit par les muons sera supérieur à celui induit par les neutrons, pour un composant ayant une charge critique inférieure à 5 fC. En 1989, une étude [36] estime le nombre d’erreurs induit par des pions et des muons + et µ) dans une SRAM, au niveau de la mer et à 10 km d’altitude. Alors qu’en irradiant la SRAM avec des µ+, aucune erreur n’est détectée, trois erreurs sont mesurées avec des µ en 24 heures. En s’appuyant sur ce résultat, la contribution des muons dans le taux d’erreurs par rapport aux autres particules atmosphériques, est estimé à 2%. En 2010, l’étude de Sierawski et al., est la première à mesurer le

nombre d’erreurs induit par des muons de faible énergie sur des SRAM fabriquées en bulk ayant des noeuds technologiques de 65, 45 et 40 nm [37]. L’étude montre que la contribution muon dans le taux d’erreurs augmente avec la diminution de la tension d’alimentation, entraînant par conséquence une baisse de la charge critique (Figure 2.10).

Figure 2.10 – Probabilité de SEU induits par des muons de 400 keV pour une SRAM de 65 nm en fonction de la tension d’alimentation. La ligne disconti-nue représente une section efficace de référence à partir de laquelle un SEU induit par un muon se produit (crédit : Brian Sierawski, [37]). L’année suivante une nouvelle étude [38], met en évidence l’augmentation du SER généré par l’ionisation directe induite par des muons pour des technologies VLSI. L’étude montre que la probabilité de SEU pour quatre SRAM fonctionnant à la tension d’alimentation nominale, irradiées avec un faisceau de µ+de surface au laboratoire TRIUMF (Figure 2.11.a). L’augmentation de la probabilité d’erreurs pour les technologies de plus en plus intégrées, est attribuée à la fois à la charge critique de plus en plus faible ainsi qu’au mécanisme de collection de charge diffé-rent selon la géométrie intrinsèque des technologies. Cette même étude montre par simulations qu’à partir d’un nœud technologique de 32 nm, la charge critique est suffisamment faible pour que se produisent des erreurs (Figure2.11.b). L’ionisation directe induite par des muons ne peut donc plus être ignorée et apparaît comme étant le mécanisme principal à l’origine d’erreurs électroniques pour les systèmes VLSI.

a)

b)

Figure 2.11 – a) Probabilité de SEU induits par des muons de 3 MeV en fonction du noeud technologique de quatre SRAM. b) Calcul du SER induit par des muons en fonction de la charge générée pour des technologies bulk de 32, 22, et 16 nm, à New-York au niveau de la mer. La partie épaisse représente le calcul du SER estimé avec la charge critique (crédit : Brian Sierawski [38]).