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Chapitre II La spectrométrie de masse

I) L’électronébulisation

Développée au début des années 80 par l’équipe de Fenn, la technique d’ionisation par électronébulisation permet le transfert des ions produits en solution vers la phase gazeuse (Yamashita et Fenn, 1984 ; Whitehouse et al., 1985). L’échantillon est introduit dans une source à pression atmosphérique au moyen d’un capillaire au niveau duquel est appliqué un potentiel de plusieurs kV (Figure 19). Cette tension permet l’électrolyse du milieu et la formation des espèces chargées en solution. Le procédé de nébulisation (formation de gouttelettes) de la solution en sortie de capillaire est assuré à la fois par le champ électrique local mais également par un flux co-axial d’azote chaud. Celui-ci va également faciliter le processus de désolvatation des espèces chargées. Au fur et à mesure de l’évaporation du solvant, la taille des gouttelettes diminue et leur densité de charge augmente. Lorsque les répulsions électrostatiques atteignent la tension superficielle de la gouttelette, cette dernière explose pour donner des gouttelettes de seconde génération, plus petites (Figure 19). Ce processus est réitéré jusqu’au passage des espèces chargées en phase gazeuse (pour revues Kebarle et Tang, 1993 ; Gaskell, 1997 ; Cole, 2000).

Figure 19 : Principe général de l’ionisation electrospray. Le champ électrique crée à l’interface de la source ESI permet l’émission de gouttelettes chargées à l’extrémité du capillaire. L’évaporation progressive du solvant augmente la densité de charge au sein des gouttelettes et conduit à leur explosion. Ce mécanisme se répète jusqu’au passage des ions de la solution vers la phase gazeuse (http://www.cjsm.espci.fr/esi1.jpg).

1.2) Formation des ions en phase gazeuse

La production des ions en phase gazeuse par électronébulisation comporte trois étapes : (1) la production de gouttelettes chargées en sortie de capillaire (mécanisme électrophorétique) ; (2) l’évaporation progressive du solvant au sein des gouttelettes qui conduit à leur fission par explosions « coulombiennes » ; (3) le mécanisme de transfert des ions de la solution vers la phase gazeuse.

1.2.1) Production des gouttelettes chargées par mécanisme électrophorétique L’application d’un potentiel de 2-3 kV (voire 8 kV) à l’extrémité du capillaire métallique distant de 1 à 3 cm d’une contre-électrode permet de générer un fort champ

électrique Ec de l’ordre de 106 V/m. La valeur de ce champ est fonction à la fois des

dimensions du capillaire mais également de sa position par rapport à la contre-électrode et peut-être estimée par l’équation suivante (Kebarle et Tang, 1993) :

(

c

)

(

c

(

c

))

c V r d r

E = 2× ×ln 4×

où Vc représente la différence de potentiel capillaire/contre-électrode, rc le rayon de capillaire

et d la distance capillaire/contre-électrode.

Le champ électrique Ec pénètre partiellement la solution à l’extrémité du capillaire ce

qui provoque la migration des entités chargées. Si le capillaire est considéré comme une cathode, les charges positives migrent vers l’extrémité du ménisque et les charges négatives en sens inverse jusqu’a ce que la redistribution ionique contrebalance le champ électrique au sein de la solution. Cette accumulation de charges positives combinée aux effets de répulsion déstabilisent la surface du ménisque qui adopte la forme d’un cône, dit de Taylor (Taylor, 1964). Lorsque le champ électrique est suffisamment important, le cône devient instable et un jet de fines gouttelettes chargées est émis (Figure 20). La redistribution ionique qui s’opère à

l’extrémité du capillaire sous l’effet du champ Ec peut-être comparée à un mécanisme

électrophorétique. La source ESI est ainsi considérée comme une cellule électrolytique où se produisent des réactions d’oxydo-réduction entre le capillaire et la contre-électrode (Blades et

Figure 20 : Représentation schématique du mécanisme électrophorétique qui se produit au niveau d’une source electrospray (Kebarle et Tang, 1993).

1.2.2) Evaporation du solvant et explosions « coulombiennes »

Les gouttelettes chargées sont formées et migrent vers l’entrée du spectromètre de masse à pression atmosphérique. Lors de ce parcours, celles-ci entrent en collision avec le gaz ambiant (qui peut-être chauffé) ce qui augmente leur énergie interne et conduit à l’évaporation progressive du solvant. La charge globale des gouttelettes est considérée comme constante ; l’évaporation progressive du solvant diminue ainsi leur rayon ce qui augmente considérablement le phénomène de répulsion électrostatique jusqu’à ce que la limite de Rayleigh définie par l’équation suivante soit atteinte :

(

3

)

1/2 0

8 R

qRy = π ε γ

avec qRy la charge de la gouttelette, R le rayon, ε0 la permittivité du vide et γ la tension de

surface de la gouttelette. L’équation de Rayleigh fournit les conditions pour lesquelles les forces électrostatiques sont égales aux forces de cohésion de la gouttelette (Lord Rayleigh, 1882). Lorsque l’égalité est atteinte, la gouttelette devient instable et subit une fission dite « coulombienne » pour donner des gouttelettes plus petites jusqu’au transfert des ions en phase gazeuse (Figure 21).

Figure 21 : Représentation schématique du procédé de fission « coulombienne » des gouttelettes formées par ionisation electrospray. Légende : N = nombre de charges, R = rayon de la gouttelettes et ∆t = temps nécessaire pour que l’évaporation du solvant amène la gouttelette jusqu’à la limite de stabilité de Rayleigh (Kebarle et Tang, 1993).

1.2.3) Mécanismes de formation des ions en phase gazeuse

Deux mécanismes ont été proposés pour expliquer le phénomène de transfert des ions de la phase liquide à la phase gazeuse : le modèle de Dole et celui d’Iribarne et Thomson. Le modèle de Dole, dit de la « goutte sèche », repose sur la formation de gouttelettes ne renfermant plus qu’un seul ion. L’évaporation progressive du solvant par effet collisionnel avec le gaz ambiant augmente la densité de charge jusqu’à la limite de Rayleigh ce qui entraîne la fission de la gouttelette. Si la solution est suffisamment diluée, la succession d’explosions « coulombiennes » aboutira à la formation d’une gouttelette de très faible rayon (~ 1 nm) ne contenant plus qu’une seule entité chargée (Figure 22) (Dole et al., 1968).

Le second mécanisme, proposé par Iribarne et Thomson, admet que les ions solvatés peuvent être émis directement par un phénomène analogue à la désorption de champ à partir du moment ou le rayon de la gouttelette chargée atteint une taille suffisamment petite (Iribarne et Thomson, 1976). Dans ce cas, la gouttelette n’a pas besoin de contenir une seule entité chargée pour permettre l’émission en phase gazeuse. Le modèle d’Iribarne et Thomson est basé sur un phénomène de compétition entre la fission par explosion « coulombienne » et l’évaporation des ions par désorption de champ. Lorsque la taille de la gouttelette atteint un diamètre critique, c'est-à-dire avant la limite de Rayleigh, le champ électrique à la surface de la goutte devient suffisamment important et permet l’émission des ions solvatés en phase

de transition au cours duquel la densité de charge à leur surface favorise la désorption des ions en présence de quelques molécules de solvant.

Figure 22 : Présentation des deux mécanismes de transfert des ions en phase gazeuse.

Ces deux modèles ont été tour à tour privilégiés ou non en fonction des études réalisées. Par exemple, le modèle d’Iribarne et Thomson semble peu adapté d’un point de vue énergétique aux macromolécules biologiques de type protéines ou acides nucléiques. Fenn a ainsi montré que le modèle de la goutte sèche (ou apparenté) semblait le plus probable pour les macromolécules de haut poids moléculaires, tant sur le plan énergétique que cinétique (Fenn, 1993).

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