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L’économie associative et l’entreprise sociale

Si l’économie sociale, on l’a vu, a des fondements historiques et institutionnels qui déterminent encore aujourd’hui le regroupement des familles statutaires des coopératives,

57 http://www.ceges.org La CPCA est membre fondatrice.

58 cf. Déclaration du Comité National de Liaison des Activités Mutualistes, Coopératives et Associatives (CNLAMCA) – Association loi 1901 créée en 1970 et transformée depuis en CEGES.

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mutuelles et des associations, la question du « dépassement statutaire » est posée depuis des années par de nouvelles approches identifiées par l’économie solidaire et aujourd’hui par la notion d’entrepreneuriat social.

Les termes du débat

Les travaux de François Rousseau et notamment l’article59 sur les associations et l’entreprise sociale posent la question de la terminologie mais aussi du positionnement (politique) de l’association au sein ou en marge de l’économie de marché. Le chercheur spécialisé dans les sciences de gestion dresse le constat suivant :

« Le succès de la terminologie d’entreprise sociale va croissant au plan international. Depuis 1993, le thème de l’entreprise sociale constitue un programme de recherche et d’enseignement au sein de la fameuse Harvard Business School. Le succès de cette initiative et le poids grandissant des Non Profit Organizations ont incité d’autres universités américaines et plusieurs fondations à proposer des programmes d’enseignement sur ce sujet.

En Europe, le réseau de recherche EMES60 s’est lancé dès 1996 dans un imposant travail d’étude sur ce que recouvre ce vocable et plusieurs publications scientifiques récentes, dans la RECMA61 par exemple, soulignent cet intérêt pour l’entreprise sociale. Il faut savoir également qu’a été créée en 1998 par le fondateur du Forum mondial de Davos la fondation SCHWAB pour l’entrepreneuriat social. En France, l’influence grandissante de cette terminologie d’entreprise sociale se vérifie également par des initiatives concrètes prises par des institutions fort différentes : par exemple, en 2003 puis en 2005, les militants de l’économie sociale de la Région PACA ont organisé avec succès les assises régionales de l’entrepreneuriat social. C’est également en 2003 que l’ESSEC a créé sa chaire de l’entrepreneuriat social et en janvier 2005, au salon des entrepreneurs à Paris l’un des thèmes de débat avait pour titre « Devenir Entrepreneur social ». L’AVISE (Agence de Valorisation des Initiatives Socio- Économiques), en partenariat avec l’OCDE, vient de faire de ce sujet un colloque de portée internationale (Espagne, Italie, Belgique, Royaume Uni, Québec et France). Enfin, en juin dernier, lors du colloque annuel du réseau inter universitaire sur l’économie sociale qui se déroulait à Grenoble sur le thème de l’Europe, les interventions des chercheurs soulignaient que sous les terme d’entreprise sociale chercheurs et praticiens issus de pays différents pouvaient parler de l’économie sociale tout en facilitant leurs compréhensions réciproques.

(…)Les différentes propositions des chercheurs, praticiens ou institutions diverses qui visent à préciser ou définir ce que recouvre la notion d’entreprise sociale s’accordent sur des caractéristiques qui sont très proches les unes des autres : on peut repérer ainsi une entreprise sociale comme une organisation autonome ayant un niveau d’activité économique conséquent qui produit des biens ou des services visant simultanément la satisfaction d’intérêts privés et collectifs, en utilisant des procédés de collecte et d’ajustement des ressources variés (le don, le bénévolat, les ressources publiques etc.) et dont les bénéfices ne sont pas distribués ou de façon limitée.

Le point de divergence entre les définitions des uns et des autres réside sur la prise en compte ou non de la dimension collective du système de décision de l’entreprise sociale. Dans la version anglo-saxonne de l’entreprise sociale, l’accent est mis sur le leadership visionnaire

59 « L’association et l’entreprise sociale : Une opportunité à saisir », François Rousseau, 2006.

60 Coordonné par Jacques Defourny Directeur du Centre d’économie sociale à l’université de Liège.

61 Revue Internationale de l’Économie Sociale, fondée par Charles Gide en 1921.

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de l’entrepreneur en s’interdisant de définir comment doit s’organiser la gouvernance tandis que dans la version européenne soutenue par les réseaux de l’économie sociale la dynamique créée est nécessairement collective ce qui impose des règles explicites d’association des parties prenantes dans le système de décision.(…) Par ailleurs la culture anglo-saxonne est imprégnée d’une injonction morale à l’entrepreneur traditionnel qui veut que chaque individu peut et doit, dans le cadre de sa responsabilité individuelle, prendre en charge une part de l’intérêt collectif. »

Le colloque de l’AVISE du 4 juillet 2006 a permis de dresser un premier constat des définitions de cette notion et de leurs possibles usages en France. L’AVISE a ensuite formaliser avec l’aide d’un collectif de personnes physiques – le Codés – cette notion et ses fondements. Il est dit clairement :

« Le projet économique et les excédents ne sont pas une fin en soi mais bien des moyens au service d’un projet social. (…) la notion d’entrepreneuriat social ne vient pas remplacer, concurrencer ou menacer celle d’économie sociale ou solidaire. Elle est au contraire une opportunité de développement pour le secteur. »62

L’approche des entreprises sociales se caractérise dès lors par le schéma suivant :

:

62 Cf. note du Codés de novembre 2006, disponible sur http://avise.org/upload/2007-03-01_note_codes_1.pdf

L’économie sociale des associations 44444444 Les exemples britannique et italien

En Grande-Bretagne, Le National Council for Voluntary Organisations (NCVO)63 est l'organisme-cadre national, porte parole du « voluntary et community sector ».

Si la question de l’unité du secteur associatif est posée face à la grande diversité de moyens et de représentation des 169 000 « Charities » existantes en Grande-Bretagne, le NCVO refuse l’analogie avec le secteur privé (« Small is good and big is bad ») et réaffirme dans son action le partage des valeurs du mouvement associatif et des méthodes de travail entre les organisations. Les grandes organisations permettent notamment des campagnes efficaces auprès du gouvernement et le développement global de la délivrance de services publics pour le secteur. Le NCVO plaide pour des relations plus fortes entre les associations et les gouvernements locaux pour aider à la sécurisation et au développement des associations locales.

Le NCVO travaille également à une proposition pour une politique gouvernementale plus favorable à la délivrance de services publics par le secteur associatif qui garantisse son indépendance, sa diversité, la sécurité financière du cadre conventionnel, lui-même élaboré dans un cadre partenarial respecté, sa capacité critique et propositionnelle. Les fonds d’investissements créés par le gouvernement et co-gérés avec le secteur (FutureBuilders Fund) devraient être pour le NCVO prolongés par des investissements à plus long terme de l’Etat dans le secteur.

Lors d’une rencontre avec la CPCA il y a quelques années, le secrétaire général du NCVO, Stuart Etherington, nous interrogeait sur la définition de l’économie sociale en France eu égard justement à l’introduction en Grande-Bretagne de la notion d’entrepreneuriat social et du risque perceptible de dilution de la spécificité statutaire par rapport aux entreprises commerciales lucratives.

Le concept de « Social Entreprise »64 a fait sa première apparition en Grande-Bretagne dans un contexte de lutte contre les exclusions sociales:“The [Policy Action Team] believes that the starting point must be to recognise social enterprise as a group of businesses deserving support, capable of making a contribution to economic and social renewal”65.

Le gouvernement britannique définit la Social Enterprise comme « a business with primarily social objectives whose surpluses are principally reinvested for that purpose in the business or in the community, rather than being driven by the need to maximise profit for shareholders and owners.”66

Il existe par ailleurs depuis le 5 mai 2006 un New minister for the Third sector et un office of the third sector au sein du Cabinet Office67. On dénombre environ 450 000 Third sector organisations parmi lesquelles 55 000 social enterprises.

63 http://www.ncvo-vol.org.uk/about/?menuId=20

64 http://www.avise.org/IMG/pdf/Norman_F_.pdf

65 « PAT 3 Enterprise and Social Exclusion 1999 ».

66 Social enterprise a Strategy for Success, UK Government, 2002.

67 www.cabinetoffice.gov.uk/thirdsector

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La Loi italienne du 13 juin 2005 créant l’entreprise sociale italienne et le décret d’application paru en avril 2006 (cf. annexe 3) qualifient d’entreprises sociales toutes les organisations privées sans but lucratif qui exercent de manière continue et principale une activité économique organisée aux fins de produire ou d’échanger des biens et des services d’utilité sociale et de réaliser ainsi une finalité d’intérêt général :

« Sont entendues comme entreprises sociales les organisations privées sans but lucratif qui exercent de manière stable et principale, une activité économique de production ou d’échanges de biens et de services d’utilité sociale, en vue de réaliser une finalité d’intérêt général. »

Il est rappelé que les biens produits ne peuvent être réservés aux seuls sociétaires associés faute de quoi l’entreprise ne peut pas acquérir la qualification d’entreprise sociale. La référence explicite au caractère non lucratif est un point d’assurance important pour les associations.

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