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scolaire, une perspective holistique

3.2 L’école, un terrain idéal pour agir

3.2.1 La réussite académique pour tous, un défi français

« Une manière de relever les nombreux défis auxquels est confronté le système éducatif français, mis en évidence notamment par les résultats de l’enquête

internationale PISA, est, sans aucun doute, de développer massivement la formation initiale et continue des enseignant-e-s. Une réponse possible

consisterait à élaborer des projets de recherche en sciences cognitives interventionnelles associant les enseignant-e-s, les formateurs-rices et les

chercheur-e-s sur tout le territoire. » (Gentaz, 2017)

Le Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves (PISA) est une enquête menée par l’OCDE sur l’efficacité des systèmes éducatifs à travers le monde (dans les pays membre de l’OCDE) auprès d’élèves âgés de 15 ans issus d’établissements scolaires tirés au sort. PISA permet de comparer les différents systèmes éducatifs afin d’identifier les variables qui favorisent la réussite académique des élèves. L’enquête est menée tous les trois ans, temporalité qui permet d’obtenir des informations

120 sur les évolutions des systèmes et des élèves dans le temps. Lors de l’enquête PISA, les élèves tirés au sort sont invités à répondre à des évaluations de compréhension de l’écrit, de culture mathématique et scientifique et à des questionnaires sur leur environnement social et culturel et les techniques de communication et d’information. Le dernier rapport PISA qui a été publié est celui de l’enquête de 2015 (l’enquête de 2018 est en cours d’analyse).

Le rapport PISA de 2015 (OCDE, 2016b, 2016a) a permis d’identifier des défis auxquels l’éducation française doit faire face. En France, 8% des élèves de 15 ans étaient classés comme « très performants », 21% comme « performants » et 22% comme « en difficulté ». La proportion d’élèves performants et en difficulté est supérieure en France par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE et nous place comme l’un des pays les plus inégalitaires de l’OCDE. Aussi, en France, les élèves issus des milieux les plus défavorisés ont 4 fois plus de risque d’être en difficulté scolaire que les enfants issus de milieux plus favorisés. Cette différence est plus marquée en France qu’ailleurs dans l’OCDE (3 fois plus de risque d’être en difficulté lorsque l’enfant est issu d’un milieu défavorisé). Un premier défi français est de favoriser la réussite scolaire pour tous, notamment en soutenant les élèves issus de milieux défavorisés. En France, 22% des élèves de 15 ans déclaraient avoir redoublé au moins une fois dans leur scolarité, soit le double de la moyenne de l’OCED (toutefois, cette tendance au redoublement a largement diminué depuis 2009). Un autre défi français est donc de lutter contre le décrochage scolaire. De plus, en France, 41% des élèves déclaraient que leur enseignant adaptait le contenu de cours au niveau de connaissance de la classe et ces élèves qui réussissaient mieux les évaluations de sciences que les élèves ayant déclaré que leurs enseignants n’adaptaient pas ou peu leur enseignement aux connaissances de la classe. Dans la même veine, seuls 23% des chefs d’établissement déclaraient avoir demandé par écrit aux élèves leurs commentaires quant aux enseignements qu’ils avaient reçus. Cette pratique marginale en France est majoritaire dans d’autres pays dont dans 69% des établissements de l’OCDE. La France a besoin de revaloriser la transmission du savoir.

Les défis auxquels la France doit répondre en matière d’éducation peuvent être relevés à l’aide de travaux interventionnels dans lesquels les sciences cognitives et l’enseignement pourraient collaborer (Gentaz, 2017). En effet, les chercheurs, les formateurs et les enseignants pourraient co-construire des interventions innovantes issues des connaissances scientifiques et de l’expérience de terrain pour maximiser les opportunités d’apprentissages des élèves. De telles interventions pourraient être mises en place par les enseignants et évaluées en termes d’efficacité et étudiées en termes de processus explicatifs par les chercheurs. Comme les situations de vie difficiles dont la précarité peuvent nuire au développement des FE (Hodel, 2018) et avoir des répercussions à long terme sur toutes les sphères de la vie ; que la réussite académique est très liée aux FE (Best & Miller, 2010; Blair & Razza, 2007; Fuhs

121 et al., 2014), de même que la fréquence d’apparition de comportements pouvant entraver les situations d’apprentissages qui y sont liés et négativement (Schoemaker et al., 2013). Il est urgent de favoriser le développement des FE des enfants issus de milieux défavorisés pour leur permettre d’exprimer leur potentiel.

3.2.2 Le réseau d’éducation prioritaire

Avec la circulaire du 9 juillet 1981, Alain Savary, ministre de l’Education Nationale, créa des zones d’éducation prioritaires afin de corriger les inégalités sociales à l’école. Les écoles de ces zones bénéficiaient alors de moyens et d’opportunités pédagogiques supplémentaires pour favoriser la réussite des élèves issus de milieux défavorisés, une première en France. Le but était de compenser les retards d’acquisition et d’amener tous les élèves à la réussite. Dans les années 90, la démarche s’est élargie sur le plan socio-culturel si bien que les apprentissages n’étaient plus au premier plan. A la fin des années 90, les travaux d’inspection n’ont pas montré d’amélioration satisfaisante avec le dispositif, s’est alors engagé une réflexion nouvelle pour favoriser la réussite scolaire des enfants issus de milieux défavorisés, réflexion qui se poursuit encore aujourd’hui. La perspective actuelle est de penser les pratiques pédagogiques selon l’interaction avec le public scolaire issu de milieux défavorisés et on ne parle plus de zones d’éducation prioritaire, mais de réseau d’éducation prioritaire (REP).

Le référentiel de l’éducation prioritaire s’articule autour de six priorités éducatives (Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, 2014) : (1) garantir l’acquisition du « lire, écrire, parler » et enseigner plus explicitement les compétences que l’école requiert pour assurer la maîtrise du socle commun ; (2) conforter une école bienveillante et exigeante ; (3) mettre en place une école qui coopère utilement avec les parents et les partenaires pour la réussite scolaire ; (4) favoriser le travail collectif de l’équipe éducative ; (5) accueillir, accompagner, soutenir et former les personnels et (6) renforcer le pilotage et l’animation du réseau. En éducation prioritaire, la formation continue et le soutien des personnels par des formateurs sont renforcés. Le travail en équipe est favorisé au sein du réseau et les pratiques discutées collectivement. Des temps sont prévus pour faire le lien avec la famille et les partenaires éducatifs extérieurs. Les classes ont un effectif réduit pour favoriser l’adaptation de l’enseignement aux besoins de chaque élève ; de plus, les classes de CP et de CE1 sont en cours de dédoublement pour obtenir un effectif d’environ 12 élèves (l’objectif est que 100% des classes de CP et CE1 soient dédoublées à la rentrée 2019). De petits effectifs devraient permettre un meilleur apprentissage des savoirs fondamentaux (i.e., une vingtaine d’élèves par classe). Les établissements prioritaires comptent plus d’enseignants que de classes pour favoriser la croisée des regards et les projets collaboratifs. Dans cette démarche de projet, les établissements prioritaires disposent de davantage de moyens financiers pour organiser des sorties ou du travail interdisciplinaire. Aussi, les élèves en difficulté peuvent disposer de soutien et les enseignants perçoivent un avantage financier

122 pour favoriser la stabilité des enseignants au sein des établissements. Certains établissements peuvent bénéficier d’un dispositif renforcé : REP+. Ce dispositif s’adresse aux établissements dont les élèves sont issus de milieux particulièrement défavorisés. En REP+, davantage de moyens sont déployés afin de favoriser le travail des élèves en petits groupes, de favoriser l’aide personnalisée des élèves en difficulté et le lien avec les familles. Les enseignants du premier degré en établissement REP+ bénéficient de 18 demi-journées de remplacement pour se former.

Le dispositif d’éducation prioritaire s’adresse aux établissements du premier et du second degré qui rencontrent un public présentant des difficultés sociales. Un indice social est calculé à partir du taux de catégories socio-professionnelles défavorisées des responsables légaux des élèves, du taux d’élèves boursiers, du taux d’élèves résident dans une zone urbaine sensible et du taux d’élèves ayant redoublé avant la sixième pour déterminer si un établissement peut bénéficier du statut REP ou REP+. En France, parmi 50 000 écoles, on compte 4 224 écoles REP et 2465 écoles REP+ pour un effectif national de respectivement 715 174 et 459 949 élèves. A l’école publique, 1 élève sur 5 est scolarisé dans un établissement REP ou REP+ (Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, 2019).

Les élèves scolarisés dans les établissements prioritaires sont, en France, une population qui risque davantage de présenter des difficultés sociales et scolaires. Aussi, grandir dans des conditions de vie difficiles comme la précarité peut nuire au développement des FE qui sont en lien avec des perspectives de vie positives pour le futur dans de nombreuses sphères de vie. Il est donc urgent de favoriser le développement des FE de ces enfants. Les établissements REP et REP+ ont davantage de liberté pédagogique que d’autre établissements scolaires publics, et puisque la réflexion est aux innovations et en faveur de la formation continue, nous pensons que de tels établissements pourraient être favorables à la coopération avec la recherche pour mettre en place de nouveaux projets pédagogiques.

3.2.3 Intervenir en milieu scolaire

Depuis la rentrée 2016, de la maternelle au lycée, un parcours éducatif de santé a été mis en place dans les établissements scolaires. Il est à adapter selon le niveau et repose sur le socle commun de connaissances, de compétences et de culture (Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, 2016). Ce parcours se structure en 3 axes : l’éducation pour la santé (être responsable de sa santé et de celle des autres), la prévention santé (prévenir les facteurs de risque) et la protection de la santé (créer un environnement favorisant la santé et le bien-être). Le développement d’un tel parcours éducatif vient réaffirmer la participation de l’école à la santé des élèves, notamment en leur offrant les connaissances nécessaires pour faire des choix de santé et en participant au développement des

123 capacités de contrôle de soi et de résistance aux influences pour que les élèves fassent des choix responsables et s’émancipent (Jourdan, 2018).

Dans cette perspective, l’inclusion d’AP à l’école paraît intéressante. En effet, l’AP constitue un facteur de santé physique, psychologique et sociale et elle peut favoriser le développement des FE et la réussite académique. Aussi, les enfants passent la majorité de leur temps de veille à l’école les jours de classe et plus en France que dans la plupart des pays de l’OCDE (OCDE, 2018), ce qui place l’école comme une place de choix pour accéder à de bonnes habitudes de vie pour leur santé et leur développement cognitif (Konijnenberg & Fredriksen, 2018). Ainsi, l’adoption d’un style actif à l’école permettrait de participer au parcours éducatif de santé et de favoriser la santé et le développement cognitif des enfants. Cependant, en termes de santé, les enfants sont particulièrement sédentaires à l’école (65% du temps passé à l’école) et pas suffisamment actifs, ils s’engageraient durant seulement 5% de leur temps à l’école dans des AP modérées à vigoureuses (Sherar et al., 2007; Van Kann, 2017). Il est donc nécessaire de se questionner à propos de comment intervenir pour favoriser l’émergence d’un style de vie actif à l’école (e.g., Brittin et al., 2017).

Par sa structure et ses infrastructures, l’école est une place de choix pour implanter des interventions (Konijnenberg & Fredriksen, 2018). Aussi, en agissant à l’école il est possible de cibler une large proportion des enfants du territoire français puisque l’école y est obligatoire. De plus, la généralisation d’un style actif à l’école dans d’autres sphères de la vie de l’enfant est envisageable et souhaitable. Toutefois, intervenir à l’école par des actions de promotion de l’AP suppose un engagement de l’école tout au long de l’intervention, ce qui peut être coûteux en termes de temps et d’investissement des professionnels de l’école. Aussi, l’appropriation de nouvelles pratiques en milieu scolaire est dépendante des caractéristiques de l’enseignant, de l’environnement scolaire, du soutien à l’implantation des pratiques et des caractéristiques de l’objet à mettre en œuvre (Bélanger et al., 2012). Il est donc crucial de tenir compte des freins comme des leviers possibles et de penser les interventions en termes de coût/bénéfices pour favoriser la réussite de leur implémentation.

La majorité des études interventionnelles se limitent à la mesure des variables d’intérêt de l’intervention, soit souvent la réussite de tâches académiques. Pourtant, d’autres mesures sont nécessaires pour traiter de la pertinence ou non d’une intervention, notamment des mesures affectives sur le vécu des changements liés à l’intervention (Hegartys, 1994; Huebner, 1994; Phillips, 1993). En effet, il ne serait pas souhaitable de généraliser une intervention si celle-ci, aussi efficace soit-elle sur des variables d’intérêt, venait à entraver la qualité de vie (QDV) à l’école des élèves. La QDV à l’école peut être définie comme le bien-être et la satisfaction générale des élèves, du point de vue de leurs expériences positives et négatives dans les activités typiques à l’école en particulier (Malin

124 & Linnakylä, 2001). S’intéresser à la QDV à l’école permettrait d’investiguer dans quelle mesure une intervention a modifié ou non la relation des élèves à l’enseignant, la relation des élèves entre eux, la qualité de l’environnement physique. De telles variables affectives devraient être prises en compte en situation de changement à l’école, notamment lors de réformes éducatives et pédagogiques.

En résumé, le dernier rapport PISA en date montre que l’éducation française rencontre un défi

d’inégalités. En effet, en France, nous retrouvons une part importante d’élèves performants et d’élèves en difficulté et les enfants issus de milieux défavorisés ont quatre fois plus de risque d’être en difficulté que des enfants issus de milieux plus favorisés. Il est urgent d’agir en faveur d’une école favorisant la réussite de tous les élèves.

Les inégalités en termes de réussite académique en fonction du statut socio-économique des familles ne sont pas nouvelles et la France y a répondu par la création des écoles REP/REP+ qui disposent de moyens supplémentaires pour favoriser la réussite académique des élèves issus de milieux défavorisés et/ou présentant des difficultés scolaires. Un moyen de répondre aux défis éducatifs actuels peut passer par la mise en place de projets interventionnels issus de la collaboration entre le milieu enseignant et la recherche en sciences cognitives. De telles collaborations favoriseraient l’implémentation de programmes ancrés dans la réalité des problématiques de terrain et robustes sur le plan théorique.

Comme les élèves issus de milieux défavorisés ont des risques accrus de présenter des difficultés scolaires ainsi que des FE moins efficientes et d’être moins actifs physiquement que des élèves issus de milieux plus favorisés ; et comme les écoles REP accueillent une proportion importante d’élèves issus de milieux défavorisés ; les écoles REP constituent une place de choix pour intervenir par des programmes d’inclusion d’AP pour favoriser les FE des élèves et leur réussite académique.

L’implémentation d’interventions en milieu scolaire peut constituer un défi en soi. En effet, de tels designs peuvent s’avérer coûteux en temps et en ressources humaines. Dès lors, un raisonnement en termes de coûts et de bénéfices doit être mené et l’acceptabilité de l’intervention et la capacité de compliance doivent être étudiées rigoureusement.

3.3 Interventions d’activité physique en milieu scolaire et cognition