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L’École municipale de bibliothécaire (1929-1935)

Organisation des cours

Dès 1929, Gabriel Henriot proposa à M. Gsell, inspecteur des bibliothèques de la Ville de Paris, un programme de cours qui seraient donnés à la bibliothèque Forney. Les cours qualifiés de « très élémentaires » furent d’abord composés de vingt-cinq heures de conférences, réparties sur quinze jours137 :

Notions sur le livre, la propriété littéraire, le dépôt légal 1 heure

Techniques anciennes et modernes du livre 3 heures

Commerce, édition et librairie 2 heures

Bibliographie 11 heures

Administration 4 heures

Catalogue et classification 4 heures

TOTAL 25 heures

Le cours fut rapidement doublé et consista en cinquante heures de leçons, ce qui permit d’ajouter des matières et d’approfondir celles qui étaient déjà enseignées. Quinze leçons formaient le cours théorique138 :

1 Les livres. Notions et définitions. Éléments du livre. Espèces. Histoire du livre.

2 Techniques modernes du livre

3 Commerce, édition, librairie

4 La lecture et les lecteurs, notions, nécessité, but de la lecture. Recommandations aux lecteurs. Bibliographie, notions et espèces

5 Conception de la bibliothèque, notions et définition. Histoire des bibliothèques, développement actuel, bibliothèques publiques et spécialisées

6 Locaux et matériel, architecture, chauffage, éclairage 7 Choix des livres

8 Bibliographie nationale

9 Encyclopédies, dictionnaires, livres de référence, périodiqu es 10 Organisation du livre en collection, opérations à l’entrée, reliure 11 Tous les catalogues

136 Gabriel Henriot, « La formation professionnelle des bibliothécaires » dans Revue des Bibliothèques, n°39, 1929, p. 152. 137 Archives de la bibliothèque Forney, Fonds Henriot.

138 Paul Gsell, « La lecture publique dans les bibliothèques de Paris », dans Revue des Bibliothèques, janvier 1930, n°1, p. 34-35.

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12 Classification, systématique, décimale, organisation des rayons

13 Rapports avec les lecteurs, recommandations, prêt, orientation, règlement, entretien des livres

14 Législation sur les bibliothèques publiques. Organisation, direction, action administrative, budget, finances

15 Le bibliothécaire, conception de la fonction, qualités requises, formation professionnelle, sciences bibliologiques

Trente heures de travaux pratiques et des visites des différents types de bibliothèques devaient achever ce programme139 fait à l’origine pour des personnes travaillant déjà dans les bibliothèques parisiennes140. Un diplôme était donné à ceux qui avaient suivi la formation avec succès. Henriot espérait bien qu’une telle initiative créerait des émules dans les autres villes de France. Les premiers cours furent donnés en janvier 1930 et durèrent presque deux mois. Quarante-deux candidats furent reçus à ces cours, bibliothécaires, sous-bibliothécaires et étudiants se préparant à travailler dans une bibliothèque, et trente sanctionnèrent ce cursus par l’examen final. L’inspecteur des bibliothèques Paul Gsell écrivit au sujet de ces premiers cours un article très intéressant : tout en décrivant les cours de formation qui « sembl[ai]ent très utiles », l’inspecteur affirma que les personnels administratifs et enseignants pouvaient très bien s’en passer en se formant rapidement, par une immersion directe dans la vie des bibliothèques. Nous comprenons en lisant ces mots d’un inspecteur des bibliothèques au seuil des années 1930 pourquoi la formation technique fut longue à être mise en place :

L’éloge du personnel enseignant n’est plus à faire. La confiance dont le personnel jouit auprès de la population de chaque quartier, son expérience des besoins de la clientèle le qualifient particulièrement pour diriger des bibliothèques populaires. A ces deux catégories de personnel (administratif et enseignant, NDLA) a été adressé le reproche de manquer de technicité spéciale. À vrai dire, les mérites des fonctionnaires administratifs et des instituteurs compensent dans une large mesure, ce qui peut leur manquer du côté de la formation technique. Et on doit reconnaître qu’en raison même de leur savoir, ils se mettent assez rapidement au courant du métier de bibliothécaire. Le service central leur fournit à ce sujet toutes les instructions, toutes les directives, tous les conseils oraux et pratiques nécessaires. Mais il a semblé très utile de compléter ces instructions par un enseignement régulier et officiel. Le cours des bibliothécaires de la Ville de Paris a commencé de fonctionner dès le mois de janvier de cette année à la bibliothèque Forney141.

Entre admiration et rejet

Des conférences de sensibilisation à la lecture publique et à la formation professionnelle constituaient une autre activité de Gabriel Henriot à la bibliothèque Forney. Il s’agissait de cours d’été dont le titre était : « Organisation et propagation de la lecture publique »142. Ces conférences de propagande, comme elles étaient nommées, réunirent

139 Les visites se faisaient à la bibliothèque de la rue Fessart (populaire), Forney (spécialisée) et de l’Heure Joyeuse (enfants ). 140 Les cours étaient faits pour les bibliothécaires municipaux en poste, les fonc tionnaires de la préfecture se destinant aux

bibliothèques. Les autres candidats devaient avoir le baccalauréat ou le brevet supérieur.

141 Paul Gsell, « La lecture publique dans les bibliothèques de Paris », dans Revue des Bibliothèques, janvier 1930, n°1, p. 34. [en

ligne] <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56752063/f39> Consulté le 14 novembre 2011.

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jusqu’à cent personnes et connurent un grand succès. Les cours normaux comme les cours d’été furent très suivis. Les archives conservent des lettres dithyrambiques d’élèves :

Cher Professeur, vos élèves de Forney ont vivement regretté de s’être laissé surprendre par la fin d’un cours auquel ils ont pris un vif intérêt. Vous avez fait le tour, trop rapide à notre gré, des questions qui s’imposent à l’esprit des bibliothécaires. Nous y avons trouvé une si riche substance intellectuelle, une documentation si savante et si sûre que nous avons bien vite constaté l’insuffisance de notre préparation [...] Vous avez éveillé notre curiosité et ouvert nos yeux à des champs d’investigation où elle peut se satisfaire. Croyez cher Maître que nous garderons longtemps l’agréable souvenir d’un enseignement si élevé et si spirituel et particulièrement de la vivante expression d’une science qu’un long commerce et

un amour profond des livres vous ont permis d’acquérir…143

En 1934, Henriot décida qu’un programme beaucoup plus complet pour un petit nombre d’étudiants était préférable à des leçons destinées à un grand nombre. Il institua donc un programme d’un an, comportant vingt leçons et cinquante heures de travaux pratiques, en plus d’un stage à la bibliothèque Forney. Onze étudiants déjà diplômés furent concernés. Pour les étudiants s’orientant vers l’assistance sociale, Henriot proposait des cours moins poussés et un stage de deux mois à la bibliothèque F orney. La dernière année, 1935-1936, dix-neuf étudiants suivirent la formation complète de Gabriel Henriot. La ville de Paris continua d’ignorer les efforts de Gabriel Henriot pour la formation des bibliothécaires et continua donc de lui donner un traiteme nt en complet décalage avec la somme de travail que cela lui demandait. Sans moyens financiers et sans reconnaissance, Henriot cessa les cours et chercha ailleurs pour reprendre son entreprise144. Les critiques les plus acerbes n’avaient pas manqué de rabaisser son œuvre pour laquelle lui et ses collaborateurs, comme Marie-Louise Arrivot, chartiste qu’il connut à la BHVP et qui le suivit ensuite partout, n’étaient pratiquement pas payés :

Monsieur G. Henriot aurait quelque raison de montrer de l’amertume : tandis qu’il s’emploie à donner aux bibliothécaires présents et futurs les notions qui leur manquent, M. J. Royère (IGB, NDLA) me laissait entendre que le diplôme qu’il leur octroie en fin d’études, bien loin d’être une garantie aux yeux de l’administration, risquait plutôt de desservir les candidats qui l’avaient obtenu ! Il est un fait, c’est qu’aucun de ces diplômes n’a jamais valu à Paris le moindre emploi à ses possesseurs. Pourtant, M. G. Henriot ne se montre aucunement découragé : « Avec de la patience, nous finirons bien par éduquer un peu le personnel » dit-il145.

143 Archives de la bibliothèque Forney, fonds Henriot.

144 Colette Meuvret, « Une carrière de bibliothécaire, Gabriel Henriot, 1880-1965 », dans Bulletin d’informations de l’ABF, n°49,

1965, p. 241-242 : « Entreprises, services sociaux, hôpitaux, tout le monde fait appel à la compétence d’Henriot. Seule la ville de Paris n’y attache pas d’importance. » Archives de l’Institut catholique de Paris, EBD 2N1 : « Cette école fut fondée sans appui et sans subvention pour recueillir la lourde succession de l’ALA ».

145 Georges Charensol, « Le 20e arrondissement de Paris et ses bibliothèques » dans Revue des bibliothèques, 1931, p. [100]. [en

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