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CHAPITRE I : Synthèse bibliographique

6. Techniques d’analyse

6.2. L’échantillonneur passif POCIS

6.2.1. Généralités

L’échantillonnage passif peut être défini au sens large par un flux spontané de molécules d’un milieu échantillonné vers une phase réceptrice, facilité par une différence de potentiel chimique entre les deux compartiments. L’échantillonneur peut être exposé plusieurs jours à quelques semaines permettant (1) d’extraire les composés d’une matrice complexe, (2) l’accumulation des composés chimiques et donc un abaissement des limites de détection, (3) d’intégrer la contamination sur la période d’exposition et d’améliorer la représentativité temporelle.

L’utilisation d’échantillonneurs passifs pour l’analyse des micropolluants organiques dans l’eau a été proposée pour la première fois en 1987 (Vrana et al., 2005). Depuis, différents outils ont vu le jour comme notamment le Polar Organic Chemical Integrative Sampler (POCIS) développé par Alvarès en 1999 pour les composés organiques polaires (Log Kow< 4) (Vrana et al., 2005).

6.2.2. Description et fonctionnement du POCIS

Le POCIS se compose de deux membranes circulaires polymériques et poreuses, renfermant une phase réceptrice, le tout maintenu par deux anneaux en acier inoxydable (Figure 18).

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Figure 18 : Photo et schéma d’une vue éclatée du POCIS

La configuration la plus courante, appelée « Pharmaceutiques » ou « POCIS standard », utilise 200 mg de phase HLB (co-polymère de divinylbenzène apolaire et N-vinylpyrrolidone polaire) maintenus par 2 membranes en polyéthersulfone (PES) de 0,1 µm de diamètre de pores (Alvarez et al., 2005).

La configuration la plus ancienne, appelée « Pesticides », renferme quant à elle un mélange de 3 adsorbants : 80% d’Isolute ENV+ (copolymère de styrène/divinylbenzène) et 20% d’Ambersorb 1500 carbon (charbon actif) dispersé sur S-X3 Bio Beads (copolymère d’exclusion stérique) (Alvarez et al., 2005).

En 2012, une équipe propose une nouvelle configuration spécifiquement développée pour les PFAS (Kaserzon et al., 2012). Celle-ci se compose de deux membranes PES (47 mm de diamètre, 0,45 µm de taille de pores, 140 µm d’épaisseur) renfermant 600 mg de phase échangeuse d’anions (StrataX-AW), classiquement utilisée pour l’extraction des PFAS dans les eaux. Sa surface est bien inférieure à celles des deux précédentes (16 cm² vs 41 cm²).

En fonctionnement normal, la cinétique d’accumulation des composés au sein de la phase réceptrice suit le principe de diffusion des lois de Fick (Alvarez et al., 2004). On peut observer deux phases (Figure 19) :

- Phase 1 : la quantité accumulée dans la phase réceptrice augmente proportionnellement avec le temps d’exposition. Sur cette période de linéarité, il est possible de remonter à la concentration moyennée sur la période d’exposition (TWA concentration : Time Weighted Average concentration). L’échantillonneur fonctionne en régime « intégratif ».

- Phase 2 (régime d’équilibre) : les concentrations dans la phase atteignent un équilibre avec celles du milieu, ce qui permet de remonter à la concentration dans le milieu au moment du retrait de l’échantillonneur.

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Figure 19 : Cinétique d’accumulation dans le POCIS

L’accumulation dans le POCIS peut être décrite par une équation du premier ordre (Alvarez et al., 2004) :

𝐶𝑝ℎ𝑎𝑠𝑒(𝑡) = 𝐶𝑒𝑎𝑢 × 𝑘𝑢

𝑘𝑒 × (1 − 𝑒−𝑘𝑒𝑡)

Cphase : concentration du contaminant dans la phase réceptrice à un temps donné (ng.g-1)

Ceau : concentration du contaminant dans l’eau (ng.L-1)

ku : constante d’accumulation (L.g-1.j-1)

ke : constante d’élimination (L.j-1)

t : temps (j)

A l’équilibre (phase 2), les phénomènes d’élimination compensent les phénomènes d’accumulation ce qui simplifie l’équation précédente par :

𝑘𝑢 𝑘𝑒 =

𝐶𝑝ℎ𝑎𝑠𝑒 𝐶𝑒𝑎𝑢 = 𝐾𝑠𝑤

Ksw : coefficient de partage entre la phase et l’eau (L.g-1)

En régime intégratif, les phénomènes d’accumulation sont bien supérieurs aux phénomènes d’élimination qui peuvent ainsi être négligés :

𝐶𝑝ℎ𝑎𝑠𝑒(𝑡) = 𝐶𝑒𝑎𝑢× 𝑘𝑢× 𝑡

Ainsi, la concentration dans la phase est linéairement proportionnelle à la durée d’exposition sur la période définie par le t1/2 (durée d’exposition pour laquelle la concentration dans la phase atteint la moitié de la concentration à l’équilibre) :

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On peut alors définir le taux d’échantillonnage Rs (L.j-1) comme le volume d’eau dans lequel le contaminant est quantitativement extrait par l’échantillonneur par unité de temps ; le Rs est directement corrélé à la constante d’accumulation (pente de la droite) :

𝑅𝑠 = 𝑘𝑢× 𝑚

m : masse de la phase réceptrice (g)

Le taux d’échantillonnage est dépendant du composé considéré. Il permet de remonter à la concentration moyenne du contaminant dans l’eau, nommée TWAc (Time Weighted Average concentration), sur la période d’exposition du POCIS, lorsque celle-ci est inférieure au t1/2 :

𝑇𝑊𝐴𝑐=𝑀𝑃ℎ𝑎𝑠𝑒 𝑅𝑠× 𝑡

Mphase: masse du composé dans la phase (ng)

La détermination du taux d’échantillonnage nécessite la calibration de l’outil, via l’exposition de l’échantillonneur, en conditions contrôlées, sur différentes périodes de temps afin de tracer la courbe

Cphase = f(t). Le Rs peut être influencé par différents paramètres directement liés à la configuration et aux conditions du milieu.

6.2.3. Influence de la configuration

La comparaison du POCIS « PFAS » et du POCIS « Pharm » in situ, a permis de mettre en évidence une meilleure rétention des PFAS à chaîne courte (PFPeA, PFHxA) avec la phase échangeuse d’anions X-AW, une cinétique d’accumulation plus rapide et des taux d’échantillonnage plus élevés qu’avec le POCIS « Pharm » (Kaserzon et al., 2012) mais, en conséquence, des périodes d’échantillonnage plus restreintes (< 7 jours contre 15 jours). L’accélération de la cinétique d’accumulation a pu être attribuée à une taille de pores plus importante et une surface de contact plus restreinte avec leur outil comparé au POCIS standard. Les deux plus anciennes configurations ont également été exposées simultanément dans un effluent de STEU (Fedorova et al., 2013). Les deux outils ont permis de détecter 10 composés contre seulement 5 par échantillonnage ponctuel et les taux d’échantillonnage avec le POCIS-Pest étaient plus élevés qu’avec le POCIS « Pharm ». De plus, lors de ses travaux de thèse dans l’équipe LPTC de l’UMR 5805 EPOC, Wund (2013) a montré que la nature des membranes pouvait également influencer le taux d’échantillonnage du PFOS et du PFOA et mettait en évidence un retard de l’accumulation du PFOS dans la phase avec les membranes PES, non observé avec les membranes

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Nylon. La cinétique d’accumulation n’étant plus linéaire au départ, la quantification de la TWA du composé est altérée.

6.2.4. Influence des paramètres environnementaux

Les facteurs environnementaux peuvent affecter les taux d’échantillonnage pour un même composé. Ainsi, plusieurs études montrent que l’augmentation de la vitesse du courant à travers le POCIS entraine une augmentation des taux d’échantillonnage par diminution de l’épaisseur de la couche limite, facilitant ainsi la diffusion des composés vers la phase (Charlestra et al., 2012 ; Bailly et al., 2013). Une élévation de la température de l’eau peut entrainer une augmentation du Rs (Togola et Budzinski, 2007). Ce paramètre est en effet connu pour influencer les phénomènes de diffusion (lois de diffusion de Ficket la loi d’Arrhenius). Li et al. (2011) montrent que pour des composés pharmaceutiques acides, l’augmentation du pH diminue le Rs et à l’inverse pour les composés basiques les deux varient ensemble. Cette observation pourrait donc suggérer que la forme protonée des molécules est mieux retenue par la phase Oasis HLB utilisée dans cette étude. Cependant, Zhang et al. (2008) n’observent aucun effet. Togola et Budzinski (2007) montrent un effet de la salinité sur les taux d’échantillonnage de composés basiques mais pas pour des composés acides. Enfin d’autres paramètres sont à prendre en compte : les teneurs en matière organique (Li et al., 2011 ; Charlestra et al., 2012), le développement de biofilm à la surface des membranes (Alvarez et al., 2004), ou encore le type de matrice échantillonnée (Li et al., 2011).

6.2.5. L’approche PRC pour améliorer les performances in situ

Les cinétiques d’accumulation des contaminants dans la phase sont fortement impactées par les conditions du milieu. Or, les taux d’échantillonnage sont déterminés en conditions contrôlées au laboratoire, souvent peu représentatives des conditions in situ. Une correction du Rs peut être effectuée par l’utilisation de composés de référence et de performance (PRC) afin d’améliorer l’estimation de la TWAc (Alvarez et al., 2007). Ces derniers sont ajoutés dans la phase avant le déploiement des POCIS et ne doivent pas être présents dans le milieu. C’est pourquoi, il s’agit généralement de composés marqués par des isotopes stables (deutérium ou 13C). Leur dissipation doit être suffisante (20-80 %) et doit suivre la même loi cinétique que l’adsorption des analytes (échanges isotropes).

La constante d’élimination kePRC et les concentrations en PRC dans la phase à t0 (CPRC0 en ng.g-1) et à l’instant t (CPRCt en ng.g-1) sont reliées par l’équation suivante :

𝑘𝑒 𝑃𝑅𝐶= ln( 𝐶𝑃𝑅𝐶0 𝐶𝑃𝑅𝐶𝑡)

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La constante ke est déterminée aussi bien en conditions contrôlées qu’in situ. Le rapport des deux ke

permet de corriger le taux d’échantillonnage des composés lors d’application de l’outil in situ :

𝑅𝑠𝑖𝑛𝑠𝑖𝑡𝑢 = 𝑅𝑠𝑙𝑎𝑏𝑜× (𝑘𝑒𝑖𝑛𝑠𝑖𝑡𝑢 𝑘𝑒𝑙𝑎𝑏𝑜)

Kaserzon et al. (2014) ont évalué les performances de l’utilisation de 4 PRC (atrazine-d5, l’isoproturon-d6, metolachlor-d6) avec la configuration « PFAS ». Les résultats obtenus n’étaient pas satisfaisants : faible dissipation pour l’isoproturon-d6 et le metolachlor-d6 ou encore pertes de masses en atrazine-d5 non corrélées au débit. Ces résultats indiquaient que le comportement au sein du POCIS « PFAS » n’était pas similaire à celui des PFAS, c’est pourquoi la correction du taux d’échantillonnage ne serait pas satisfaisante.