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37 « Et moi je dis que la légalité c’est une conquête, nous nous avons gagné le fait d’être légaux parce

que dans ce pays on pouvait seulement être libéral ou conservateur. Et nous nous avons gagné le droit de dire publiquement que nous sommes du M-19 et que nous ne sommes ni libéraux, ni conservateurs et d’être dans l’agenda public, d’être dans l’élection populaire. Et nous avons fait reconnaitre une manière de penser différente en politique ça c’est avoir gagné l’espace [politique]. »51

Le processus d‟entrée dans l‟engagement est conditionné par la nécessité de porter sa voix dans l‟espace public. L‟abandon de la lutte armée s‟inscrit dans une même démarche.

Le second facteur du maintien de la loyauté à l‟organisation tient au vécu partagé de la répression sur les militants survenue dans l‟engagement. La répression se traduit par la torture, la prison et parfois lemeurtre d‟un ou plusieurs proches.

La radicalité s‟est d‟abord imprimée dans les consciences des combattants du M-19 avec les épreuves qu‟ils ont connus. La répression consécutive à l‟opération du Canton Norte le 31 décembre 1978 a constitué un moment clé dans l‟histoire de l‟organisation. Eduardo nous racontele moment où l‟organisation a pris le virage radical pris l‟engagement à vie qu‟ont pris ses membres :

« Après ce premier exercice, où disons que nous sommes informels, vient un autre

exercice qui nous a aidé à avoir un petit peu plus les pieds sur terre. Et c’est que plusieurs d’entre nous avons été détenus, nous sommes passés par la torture et ils nous ont envoyé en conseil de guerre. En tout ce processus plusieurs choses se sont succédées. Une qui est sentir directement ce qui signifiaient les tortures. Deuxièmement sentir ce que signifiait la prison et troisièmement sentir que beaucoup de camarades sont morts en prison, quelques-uns sous la torture etc, etc. Et alors là ça ça vous enlève disons la partie rose de ce qu’on voyait de cette époque de la guérilla du M-19, de voler un camion de poulets, de distribuer le lait, des choses comme ça. Sentir que nous sommes dans un exercice beaucoup plus complexe, beaucoup plus dur. Et alors déjà apparaissent des discussions déjà plus profondes, beaucoup plus fortes à propos de quoi faire. Et les décisions qui ont été prises dans la prison ont eu disons une envergure beaucoup plus grande. Les décisions sur ce qu’on allait faire quand nous étions prisonniers en conseil de guerre. A partir de là l’équilibre des forces a changé et cet équilibre des forces implique qu’en interne nos décisions étaient beaucoup plus claires et beaucoup plus structurées et non plus aussi informelles comme ça se faisait dans la structure

51Extrait de l‟entretien N°5 avecLydia, traduction libre: “Y yo digo la legalidad es una conquista nosotros nos

ganamos ser legales porque en este país solamente se podía ser liberal o conservador y nosotros nos ganamos el derecho a decir públicamente que somos del M-19 y que no somos ni liberales ni conservadores y a estar en la agenda pública a estar en la elección popular. Y a hacernos reconocer como un pensamiento diferente en politica eso es haber ganado el espacio.”

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urbaine. Et après la prison je suis monté au front et là-bas j’ai me suis chargé d’une forme structurelle plus proche de ce qu’est une force militaire, une armée.»52.

Comme le montre cet extrait, la radicalisation touche autant l‟organisation qui se structure fortement, que la trajectoire individuelle de Eduardo qui « monte au front », son engagement se durcit lui aussi. Cette radicalisation est la conséquence de la répression de la part de l‟Etat.

Cet engagement se traduit par la précision extrême des dates d‟incarcération, des noms des proches assassinés et des lieux :

« Dans mon cas j’ai passé 22 jours dans le bataillon Pichincha53. Dans ces 22 jours deux choses se sont passées qui pour moi ont été beaucoup trop fortes. Une c’est le viol d’une camarade qui était la plus jeune de notre groupe. Elle a été violée dans le bataillon Pichincha. Postérieurement l’Etat a été condamné, il a dû payer pour ça, il a dû l’indemniser et elle vit actuellement à Londres. Et la mort d’un camarade aussi du collège Santa Librada, un de nos camarades qui s’appelait Jorge Marcos Zambrano. Il est mort sous les tortures et ils l’ont jeté par-là dans un égout par-là à Jamundi. Alors disons que ça nous a touchéde manière très, très proche. »54.

Le maintien de la radicalité s‟exprime aussi chez les militants qui aujourd‟hui n‟adhèrent pas aux partis nés de la disparition de l‟AD/M-19. La disparition de parents proches joue comme un facteur de pression pour un changement car cette mort est la résultante de l‟engagement des ex-combattants dans le M-19. Pour faire sens les militants poursuivent leur activité

52Extrait de l‟entretien N°2 avecEduardo, traductionlibre : “Posteriormente a este primero ejercicio, digamos que

somos un tanto puede ser como muy informales, viene otro ejercicio que nos ayuda a poner un poquito más los pies en la tierra. Y es que varios de nosotros fuimos detenidos, pasamos por torturas y nos llevaron a consejo de guerra. En todo este proceso suceden varias cosas. Uno que es sentir directamente lo que significan las torturas. Segundo sentir lo que significa la carcel y tercero sentir de qué muchos compañeros murieron en prision, unos en torturas, etcetera, ecterera. Y entonces ya eso ya le quita digamos la parte rosa de lo que uno miraba de esta epoca de la guerrilla del M-19, de robar un camión de pollo, de repartir leche, cosas de esas asi. A sentir que estamos en un ejercicio mucho mas complejo, mucho mas duro. Y entonces ya aparecen unas discussionces ya mas profundas, mucho mas fuerte sobre el que hacer. Y las decisiones que se tomaron en la carceltenian digamos una envergadura mucho mas fuerte. Las decisiones sobre lo que se iba a hacer cuando estábamos presos en consejo de guerra. De ahí cambiaron las correlaciónes de fuerzas y esta correlación de fuerzas implica que internamente nuestras decisiones sean mucho más Claudias y mucho más estructuradas y ya no tan informales como se hacía en la estructura urbana. Y después de la cárcel yo me fui para el monte y en el si asume una forma estructural más cercana lo que es una fuerza militar, un ejército. Si son decisiones que se toman globalmente en términos de la política se toman en conferencia guerrillera y ahí adelante funciona como cualquier estructura militar: comando, órgano cerrado.”

53 Bataillon d'infanterie dans le Sud de Cali connu pour son centre de torture "La remonta".

54Extrait de l„entretien N°2 avecEduardo, traduction libre: “En el caso mío yo paso en el Batallón Pichincha54

22 días. En esos 22 días pasaron dos cosas que para mí fueron demasiado fuertes. Uno es la violacion a una compañera era la más niña del grupo nuestro. Fue violada en el batallon Pichincha. Posteriormente el Estado fue condenado, le toco pagar por eso, le toco indemnizarla y ella vive actualmente en Londres. Y la muerte de un compañero también del colegio Santa Librada, un compañero nuestro que se llamaba Jorge Marcos Zambrano. El se les muere en torturas y lo botaron ahí en una cañería54ahi en Jamundi. Entonces digamos eso nos llega a nosotros de manera muy, muy cercana.”

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