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Léa se contemplait dans la glace

Dans le document AFFRONTEMENT DIABOLIQUE A WATERLOO, Danan (Page 192-200)

Les soucis occasionnés par son enquête s’estompaient au fur et à mesure que la journée du samedi s’écoulait et que l’heure de son rendez-vous avec Bergerac se rapprochait. Une conviction enracinée en elle depuis un certain temps

déjà lui indiquait que Rive n’était pas complètement net dans cette histoire. Elle avait hâte de se retrouver lundi aux archives départementales, en compagnie de Guillaume, pour vérifier les assertions du jeune homme au sujet de l’authenticité de l’article du 25 mars 1814.

Un faux induirait presque inévitablement une dose de responsabilité du jeune journaliste. Mais jusqu’à quel point était-il impliqué ? L’étude minutieuse du dossier, la personnalité du journaliste et enfin sa propre expérience en matière d’affaire criminelle tendaient à la convaincre que le jeune homme n’agissait pas seul. Il était sous la domination d’un prédateur, pas du tout spirituel celui-là et combien plus dangereux ! Elle avait plus qu’une intuition sur l’identité de ce dernier. Patiemment, elle tissait sa toile, aussi secrètement que pour Rive, veillant à ne pas attirer l’attention. Elle avait soigneusement regroupé et enfoui les preuves qui s’accumulaient et qui étayaient ses convictions dans un dossier dissimulé à un endroit que personne ne soupçonnerait.

Le miroir lui renvoya l’image d’une femme très séduisante, vêtue volontairement avec sagesse, dont le charme n’avait nullement besoin d’être rehaussé par un maquillage trop provocant.

Face à la glace, elle se sourit à elle-même. Elle était au courant de la réputation de froideur qu’on lui prêtait dans son milieu professionnel. Avec Bergerac, tout à l’heure, elle devrait s’efforcer de sourire!

Au cours de la journée, Bergerac avait réexaminé attentivement une à une les pièces du puzzle.

La veille, il avait défini les modalités de détail relatives à la protection de Guillaume et de son entourage. Il avait mis en place une surveillance discrète autour de chacun des membres de la famille Castel.

La vérification de l’application rigoureuse de ses directives ainsi que l’étude du dossier lui avaient pris une bonne partie du samedi. C’était un bon moyen pour patienter et attendre sans trop d’anxiété l’heure du rendez-vous qu’il avait fixée à Léa.

Le moment fatidique approchait. Avant de quitter l’appartement, il décida de téléphoner à Guillaume et à Anna, accaparés par leur recherche.

A l’autre extrémité de la ligne, Guillaume brancha le haut-parleur.

- Hélas, pour l’instant, rien inspecteur. Nous continuons demain mais l’espoir devient de plus en plus mince. Nous sommes conscients que la possession de cette liste constituerait un atout non négligeable dans notre lutte contre ce criminel infernal. Mais existe-t-elle toujours? Et même en la récupérant, notre homme a très bien pu mettre déjà la main sur les dessins!

- Gardez le moral, Guillaume. Il est indispensable de persévérer dans vos efforts. Le moindre indice peut nous être utile.

Il fut incapable de dissimuler son euphorie.

- Je dîne ce soir avec Léa. Nous croiserons sans nul doute nos différents points de vue.

- Menteur, cria Anna en direction du combiné. Dimanche soir.

possession!

Réunis tous ensemble dans la grande salle au rez-de-chaussée, nous avons pris connaissance du contenu du vieux papier que nous n’espérions plus trouver.

Une heure plus tard, Hélène et Alexandre nous ont quittés. Avant de rejoindre l’Alsace, Hélène a appelé la police locale conformément aux prescriptions de Bergerac. A Colmar, sur le lieu de résidence du couple, au sein de la garnison d’Alexandre, la sécurité d’Hélène est moins problématique que la nôtre ici, en Champagne. L’inspecteur avait cependant insisté auprès de ma sœur et de son mari sur un certain nombre de consignes à respecter quant à leur sécurité, telles qu’alerter les autorités alsaciennes de leur déplacement.

Le document, en très bon état, est parfaitement lisible. Une longue étude ne fut pas nécessaire pour identifier son auteur. L’écriture d'Étienne Ségur m’était devenue aujourd’hui si familière!

«Après la campagne de Russie, nous avions pourtant cru que nos malheurs étaient finis. Rien en Champagne en 1813. Certes, nous avons appris grâce à Louis Valberg, ce brave officier de gendarmerie qui avait vainement lutté contre le criminel au sein de la Grande Armée, que des meurtres affreux avaient été commis en Allemagne. Mais c’était si loin!

Hélas tout a recommencé avec mon agression ce soir de décembre 1813 dans les ruelles sombres de Troyes.

Alors j’ai repris la plume. J’ai relaté tout ce qui est arrivé jusqu’à cette effroyable bataille de Waterloo. Durant les quatre terribles journées de la campagne de Belgique, nous avons réussi à subtiliser les renseignements reçus par notre adversaire sous la forme de sept esquisses qu’il a dessinées sur sept feuilles différentes.

Notre monde recèle des mystères insondables. Ces dessins auraient pu changer la face du monde. Pour être sûrs qu’ils ne retomberaient pas dans des mains maudites, nous les avons confiés à quatre personnes, sans lien entre elles, avec

instruction de les mettre à l'abri. Nous avions l’espoir de les récupérer plus tard pour confondre cet abominable criminel. - La première feuille a été remise à Charles de Longpré, camarade officier de François Chassagne, issu de la même fédération, habitant à Châlons-sur-Marne. Elle sera glissée dans la hampe, creuse à sa base, qui porte un gonfanon avec un lion d’or brodé dessus.

- La deuxième et la troisième feuille sont dans les mains de Jonathan Hampstead. Elles seront déposées dans le socle qui supporte un buste du roi George III situé dans la demeure familiale près de Winchester.

- La quatrième feuille est détenue par Kurt von Weichs résidant dans la demeure ancestrale du Grand-duché de Bade. Elle sera insérée au dos d’un tableau représentant un cavalier en tenue de guerre, datant du dix-huitième siècle; il est reconnaissable grâce à la crosse d’un pistolet qui dépasse d’une fonte suspendue à l’arçon de la selle.

- Les trois dernières feuilles sont dans les mains du Colonel Chassagne, père de François. Elles seront cachées entre deux planches constituant le fond du tiroir gauche d’un petit secrétaire, qui se trouve dans la maison familiale en Provence, à Aix.»

Anna, mon père et moi, confortablement installés dans le salon, étions en train de commenter le document lorsque la sonnerie du téléphone retentit.

Je reconnus aussitôt Bergerac.

- Demande-lui s’il a passé une bonne soirée, me glissa Anna.

Mais au timbre de sa voix, je compris tout de suite qu’un événement dramatique était survenu. Je mis le haut-parleur et fis signe à Anna de garder le silence.

- Depuis le début de l’après-midi, je suis à la recherche de Léa. Nous devions nous retrouver pour déjeuner ensemble. Quand elle m’a quitté hier soir, elle n’avait pas l’air spécialement inquiète.

- Évidemment. La porte est fermée à clé et personne ne répond. En fait, c’est elle qui m’a téléphoné vers onze heures. Elle m’a annoncé qu’elle aurait du retard car elle rencontrait quelqu’un juste avant midi qui, selon elle, devait lui apporter un fait nouveau ayant trait à notre enquête. Elle n’a pas voulu me dire qui c’était. Elle a seulement précisé qu’elle m’en parlerait ailleurs qu’au bout du fil.

- Rien ne vous permet d’affirmer si cette personne est une connaissance ou un parfait inconnu?

- Rien. Elle s’est exprimée sur un ton neutre ne traduisant aucun trouble particulier. Et comme elle épanche rarement ses sentiments, surtout au téléphone, je ne me suis pas alarmé. Je pensais que lors du déjeuner, elle me révélerait qui elle avait vu et pourquoi. Depuis, plus de nouvelle! - Nous nous préparons et nous vous rejoignons. Où êtes-vous?

- Non Guillaume. Comme convenu, restez ce soir chez votre père. En revanche, si vous pouvez vous rendre dès demain matin au commissariat, j’aurais peut-être du nouveau…

- Nous y serons. Ne vous tourmentez pas trop. Il y a sûrement un motif justifiant le silence momentané de Léa qui n’a probablement rien à voir avec l’affaire.

Ces mots de réconfort ne reflétaient absolument pas le fond de ma pensée.

Le lendemain matin, en deux phrases, Valentin nous exposa la situation.

Bergerac se trouvait chez Léa. Il y était demeuré toute la nuit, espérant son retour ou tout au moins un appel téléphonique lui expliquant la raison de sa disparition soudaine.

- Je m’y rends tout de suite. Vous m’accompagnez?

Depuis quelques mois, en fait depuis le début de l’enquête, la psychologue habitait une maison qu’elle louait dans un village, à quelques kilomètres de Troyes.

Un quart d’heure plus tard, Valentin arrêta la voiture à la lisière d’une petite localité située au sud de la ville. L’endroit était isolé.

Derrière un muret surmonté de barreaux, une haie touffue s’opposait aux regards curieux des passants. Nous poussâmes une grille métallique. Le pavillon de taille modeste, assez ancien, était précédé d’une petite cour gravillonnée.

Bergerac nous ouvrit la porte.

Il nous fixa en silence, les yeux rougis par une nuit sans sommeil. Anna, très naturellement, s’approcha de lui et sans hésitation l’embrassa sur ses deux joues mal rasées. - Vous n’avez toujours aucune nouvelle?

- Non. Rien.

Je jetai un regard circulaire autour de moi. Le fatras visible un peu partout dans les pièces correspondait mal à l’image soignée de la psychologue.

- Après quelques heures d’attente, j’étais persuadé qu’un pépin sérieux lui était arrivé. J’ai appelé le commissaire Valentin. Il m’a envoyé du monde. Nous avons forcé la porte de la maison. Tout était sens dessus dessous. Des meubles renversés et des objets brisés témoignaient d’une lutte farouche. Aucune trace de sang cependant.

- Nous avons aussitôt lancé un avis de recherche et alerté toutes les forces de l’ordre de la région, dit Valentin. Les premières heures sont déterminantes dans de telles circonstances. La police scientifique s’est mise aussitôt au travail; pour l’instant aucune indication valable. Mais avec l’affrontement qui s’est déroulé ici, ça serait bien le diable si nous ne découvrions pas un seul indice, si infime soit-il! - Nous pensons que son ou plutôt ses ravisseurs n’étaient pas des inconnus, poursuivit l’inspecteur. C’est une femme très prudente; elle n’aurait pas ouvert sa porte à un étranger si facilement. Puis les choses se sont envenimées. Il y a eu une furieuse empoignade.

- Des voisins ont-ils été témoins de la scène?

- Vous avez certainement constaté l’isolement des lieux. En plus, la maison voisine est inoccupée. Quant à celle qui

précède, c’est un couple âgé qui l’habite. Ils n’ont rien vu et rien entendu.

- Son métier doit être à l’origine de nombreuses inimitiés, dit Anna, notamment dans la pègre où elle a fait tomber pas mal de monde.

- Je crois surtout que son enlèvement est lié à notre affaire, ajouta Bergerac. J’ai passé la nuit entière à chercher une trace quelconque justifiant sa disparition. Mais elle conservait tous les éléments du dossier à son bureau.

Anna se tenait face au mur.

- Elle a dû sacrément se défendre. Elle a saisi tout ce qui lui tombait sous la main pour le jeter à la tête des assaillants. Du pied, elle poussait des débris de faïence.

- Regardez comme ce tableau est particulièrement arrangé! C’est la reproduction d’une toile de Van Gogh. La lourde théière a atterri en plein dessus avant de se fracasser au sol. La tête de l’un de ses ravisseurs devait se trouver juste devant…

La sonnerie du portable de Valentin interrompit nos commentaires. Il raccrocha moins de vingt secondes plus tard et se tourna vers moi.

- Vous aviez prévu de vous rendre avec Léa aux archives départementales, je crois? Eh bien, nous nous y rendons au plus vite. Le bâtiment a été cambriolé ce week-end!

Anna conduisait en s’acharnant à ne pas perdre de vue la voiture de Valentin. Nous parvînmes bientôt devant l’édifice qui abritait les archives.

Pendant le trajet, je manipulais nerveusement entre mes doigts la copie de l’article du 25 mars 1814.

Je connaissais ce document presque par cœur pour l’avoir lu et relu maintes fois. Le texte figurait au centre d’une feuille au format A4. Il semblait s'insérer parfaitement au milieu d’autres articles dont la simple lecture confirmait indubitablement leur authenticité sur le plan historique. Les lignes au-dessus évoquaient les derniers événements de la campagne de France, notamment la malheureuse bataille livrée par l’Empereur à Arcis-sur-Aube contre les troupes

autrichiennes, quelques jours auparavant. De part et d’autre, il était question de réquisition de chevaux au profit de l’armée et du chiffre élogieux de soldats originaires du département, fournis dans le cadre de la conscription pour lutter contre l’envahisseur. Au-dessous, les dernières lignes visibles faisaient allusion aux saccages perpétrés par les troupes étrangères et à la dégradation, au cours des combats, de nombreuses parcelles cultivées, préjudiciable à la prochaine récolte de blé.

Il était temps d’en avoir le cœur net.

Une grande effervescence régnait dans les bureaux. Deux inspecteurs de police avec un brassard autour du bras et plusieurs policiers en tenue s’activaient au milieu d’employés administratifs affolés. Dès notre arrivée, l’un des inspecteurs se dirigea immédiatement vers Valentin. - Durant le week-end, tous les bureaux ont été visités. Plus grave, le matériel informatique a fait l’objet d’une détérioration systématique. Les cambrioleurs ont emmené plusieurs postes.

Je m’enquis de l’archiviste qui devait nous présenter l’exemplaire de la gazette. Une femme s’approcha, visiblement choquée.

- C’est d’autant plus regrettable que ces ordinateurs contenaient sous forme numérisée une bonne partie des archives présentes dans le bâtiment. C’est le fruit d’un patient et méticuleux travail qui est annihilé en l’espace de quelques heures!

- Vous n’aviez pas réalisé de sauvegarde?

- Si! Mais les CD gravés qui se trouvaient à proximité des postes ont également disparu. On pouvait difficilement imaginer pareil vandalisme!

- Je vous ai téléphoné la semaine dernière. Je comprends votre désarroi mais pouvez-vous quand même nous piloter jusqu’à la page que nous recherchons?

- Ce n’est pas utile, me répondit-elle. En prévision de votre visite, j’avais ressorti la gazette originale pour vous la montrer. Certaines archives sont conservées dans de vastes tiroirs, bien à l’abri de l’humidité. Elles sont classées par

date. Les tiroirs faisant référence à 1814 ont tous été fracturés. Mon bureau a été bouleversé de fond en comble. L’exemplaire a été dérobé.

- Évidemment, vous ne possédez aucune copie?

- Nous aurions pu facilement vous en procurer une grâce à l’informatique. Il y a quelque temps, un jeune journaliste du nom de Pierre Rive a effectué les mêmes recherches que vous et lui a pu établir une copie. Mais nous, malheureusement, nous en sommes maintenant incapables ! - Rentrez chez vous, nous dit Valentin. Je vous appelle. Il nous téléphona en milieu d’après-midi.

- Comme Léa et comme Bergerac, je commence à avoir de sérieux doutes sur Rive! Nous l’avons convoqué ce soir dans nos locaux. J’ai besoin de vous. Vous êtes l’ami d’enfance de Vincent Duvernes. Cela pourrait le mettre en confiance lors de la discussion… Ah, je dois vous dire: Bergerac et plusieurs de nos hommes viennent de pratiquer une fouille en règle de la ferme des Duvernes.

- Vous avez trouvé quelque chose ?

- Hélas, rien, aucune trace de Léa. Nous avons bien remarqué des signes d’occupation dans une remise. Est-ce Bernard Duvernes qui avait aménagé une cache ou bien autre chose, une planque pour quelqu’un d’extérieur à la ferme? Pour l’instant, nous l’ignorons.

- Vous avez appelé Vincent?

- Monsieur Castel, avec les soupçons qui pèsent sur les épaules de Rive, nous voulions faire vite. Nous comptons sur vous pour le joindre et lui expliquer la situation. Vu les circonstances, je suis sûr qu’il comprendra. A tout à l’heure.

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