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C'est dans ce climat d’expérimentation que Krishnamacharya, l'un des gurus cosmopolites le plus célèbre aujourd'hui, conçoit des pratiques innovantes. Le prosélytisme particulièrement dynamique de certain de ses élèves, qui instaurent des nombreux centres dédiés à l’apprentissage du yoga hors des frontières de l'Inde, va grandement contribuer à leur succès [Singleton, 2010].

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l'orthodoxie hindoue, aux Vedas et aux textes yogiques, avant de séjourner pendant sept ans au Tibet [Singleton et Fraser, 2014]. Suite à ce séjour au cours duquel il apprend le yoga auprès d'un maître spirituel, il s’établit dans la région de Mysore afin de diffuser ses enseignements, notamment un système de techniques yogiques qu’il a élaboré et qui se base sur l’articulation de séquences spécifiques d'asana, cordonnées avec des techniques respiratoires [Smith, 2007]. Ce système, connu sous le nom de yogaasana va progressivement à occuper un rôle de premier plan en Occident grâce à l'effort de diffusion de certain de ces élèves. Ceux-ci exportent et modifient le hatha-yoga, caractérisé par une forte dimension gymnique, élaboré par Krishnamacharya au sein du Jaganmohan Palace, où il inaugure dans les années 1930 une salle dédiée spécifiquement à l'enseignement du yoga. Le Jaganmohan Palace porte une grande attention à l'échange entre différentes approches de cultures corporelles [Singleton, 2010]. C'est dans ce cadre que s’insère la reprise de techniques hathayoiques. Ainsi, à côté des cours de yoga, de nombreuses activités physiques sont pratiquées. Elles vont des exercices militaires et à la gymnastique en passant par des sports de combat importés d'Occident.

La méthode que Krishnamacharya façonne représente la première manifestation de l'enseignement du hatha-yoga de l’époque moderne, c'est à dire d'un yoga postural et dynamique.

S'il en défend le caractère novateur, il revendique également une continuité avec la tradition11, un ancrage dans les textes hindous et dans les enseignements reçus par ses gurus [Singleton, 2010]. En plus de lui fournir une source de légitimité et d'autorité, ces revendications lui permettent d’opérer un choix sélectif au sein du répertoire « traditionnel » du corpus textuelle du hatha-yoga, afin de mieux s'adapter au contexte socioculturel contemporain. Cela correspond en particulier à un refus de prendre en compte certaines entre les pratiques du yoga tantrique qui peuvent facilement être qualifiées d’extrêmes et de scabreuse.

Ses références aux Yoga-Sutra permettent une assimilation du hatha-yoga moderne au yoga « classique », trait significatif du yoga tel qu'il est généralement enseigné aujourd'hui. Comme nous le montre Mark Singleton :

« Ultimately, Krishnamacharya’s sublimation of twentieth-century gymnastic form into the Patanjala tradition, is less an indication of a historically traceable

11 Pattabhi Jois décrit la méthode de l'Ashtanga Vinyasa comme un ancien système dérivé du texte Yoga Korunta,

qui lui aurait était transmis par son maître Krishnamacharya. Mark Singleton et Benjamin Richard Smith mettent en lumière le caractère problématique d’une telle affirmation. En effet aucune copie de ce texte n’a été retrouvé jusqu'à présent.

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“classical” asana lineage than of the modern project of grafting gymnastic or aerobic asana practice onto the Yogasutra, and the creation of a new tradition » [Singleton, 2010 : 186].

La méthode du yoga élaborée par Krishnamacharya, est devenue célèbre grâce à l’œuvre de diffusion d'un de ses élèves, Pattabhi Jois qui, dès les années soixante-dix, contribue de façon décisive à l'exportation de ce système standardisé de pratiques extrêmement dynamiques, connues sous l’appellation de Ashtanga Vinyasa, aux États-Unis, en Europe et en Australie [Smith, 2007]. Un autre de ses élèves, Indra Devi (1899-2002) a contribué à la diffusion du yoga aux États-Unis en ayant parmi ses disciples des célébrités hollywoodiennes, comme Gloria Swanson et Greta Garbo. Enfin, Bellur Krishnamachar Sundararaja Iyengar (1918-2014), élève de Krishnamacharya a, lui aussi, élaboré l’une des méthodes basées sur les postures la plus diffusée mondialement.

Les systèmes yogiques qui voient le jour à partir de cette période qualifiée de renaissance du yoga, parmi lesquels nous nous sommes concentrés sur la méthode crée par Krishnamacharya, sont définis par Elizabeth De Michelis comme Modern Psychosomatic Yoga [De Michelis, 2004]. L’extrême différentiation d'écoles et de techniques qui caractérise les développements successifs de la pratique du yoga tout au long du vingtième siècle, nous empêche d'en faire l'objet d'une analyse spécifiques et ponctuelle. Nous nous limitons à souligner comment tout au long du vingtième siècle, on peut constater dans le domaine du yoga, une tendance importante à mettre le corps physique au centre des préoccupations. Dans l'évolution du yoga moderne on remarque ainsi la diminution progressive de l'emprise de la dimension philosophique et religieuse. Parallèlement les bases doctrinales de ces nouvelles formes syncrétiques de yoga se caractérisent de plus en plus par le substrat philosophique et religieux typique de la religiosité New Age [De Michelis, 2004].

En suivant le schéma reporté ci-dessous on peut voir les tendances principales des différentes typologies de yoga moderne qui se développent sur la scène mondiale à partir du Modern Psychosomatic Yoga. De ce système découlent deux tendances principales, dont l'une se caractérise par l'accentuation de la performance des asanas et l'autre par l'accentuation de la concentration et de la méditation. La forme prédominant du yoga, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui à un niveau international, est le Modern Postural Yoga, qui comprend les méthodes transnationales les plus populaires, comme celles de Sivananda, de Iyengar et encore le méthode

50 Ashtanga.

Si nous ne nous attarderons pas spécifiquement sur chacune des différentes formes de yoga qui fleurissent dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle, dans le prochain chapitre nous prendrons en considération l’atmosphère historique et culturelle au sein de laquelle le yoga arrive à se diffuser et se différentier avec une ampleur remarquable.

1.SCHEMA TYPOLOGIQUE DU YOGA MODERNE DANS AHISTORY OF MODERN YOGA, ELIZABETH DE MICHELIS, 2004 : 188.

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Cinquième chapitre

Le yoga en Occident