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Kaku dako [Cerfs-volants rectangulaires]

2. Cerfs-volants Edo, Honshū

2.1 Kaku dako [Cerfs-volants rectangulaires]

Les cerfs-volants rectangulaires sont souvent tous appelés cerfs-volants Edo, mais à tort. En effet, les cerfs-volants rectangulaires ne sont pas tous originaires d’Edo. Parmi ceux de la collection du musée du quai Branly, on trouve des cerfs-volants rectangulaires de Kyoto, dont deux sont conservés sous les références 71.1937.40.92 bis et 71.1937.40.96, et des cerfs- volants Tsugaru, originaires d’Aomori, dont un est conservé sous la référence 71.1967.36.376. Ce ne sont que deux exemples parmi d’autres. Sans réaliser une liste exhaustive, parmi les cerfs-volants rectangulaires, on compte également les cerfs-volants de Saku [佐久凧, saku

dako] de la préfecture de Nagano, les cerfs-volants Soleil Levant [日出てんばた, hinode tenbata] de la préfecture de Miyagi, ou encore les cerfs-volants Senka [仙花いか, senka ika]

de la préfecture d’Osaka. Tous partagent une même forme. Cependant, leur armature et le décor de leur voilure ont évolué différemment en fonction des traditions locales.

Les deux cerfs-volants rectangulaires Edo de la collection du musée du quai Branly sont référencés sous les numéros 71.1937.40.92.1-2 (figure 11, gauche) et 71.1937.40.95.1-2

(figure 11, droite). Ils font partie des plus anciens cerfs-volants japonais de la collection du musée et ils présentent une facture d’une grande finesse, tant du point de vue de la réalisation de leur armature, que de celle de leur décor. Ce travail de la main est d’autant plus appréciable que ces deux objets sont dans un très bon état de conservation.

Bien que leurs dimensions soient différentes – le cerf-volant n° 71.1937.40.92.1-2 mesure 48.5 x 78cm, tandis que le n° 71.1937.40.95.1-2 mesure 24 x 35cm – leur armature est identique. En effet, l’armature du cerf-volant rectangulaire Edo se compose traditionnellement de dix baguettes de bambou : cinq horizontales, trois verticales et deux diagonales. Il n’y a

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généralement pas de baguettes le long des extrémités verticales à gauche et à droite (cf.

Annexe 1 – schéma, p. 66). L’armature du cerf-volant n° 71.1937.40.92.1-2 (figure 11,

gauche) a pour particularité d’être en partie amovible. Alors que les baguettes horizontales

sont fixées à la voilure, les baguettes verticales et diagonales, les plus longues, sont amovibles. Ces baguettes amovibles sont composées de deux parties reliées par des bagues en métal. Ainsi, la voilure peut être roulée autour des baguettes horizontales et placée dans un fourreau avec les baguettes verticales et horizontales démontées. Cela facilite le rangement, mais aussi le transport du cerf-volant. Une fois arrivé sur le terrain où l’on souhaite le faire voler, les baguettes verticales et diagonales sont assemblées et ajoutées au cerf-volant en étant fixées aux baguettes horizontales avec de petits écrous. Sur l’armature du cerf-volant Edo n°

71.1937.40.95.1-2 (figure 11, droite), une autre caractéristique apparaît : les baguettes de bambou sont recouvertes d’une fine bande de papier enroulée en spirale et collée autour d’elles. Ce renfort de papier permet une meilleure adhérence de la colle entre l’armature et la voilure. On retrouve cette caractéristique sur un certain nombre de cerfs-volants japonais de la collection du musée, quelles qu’en soient l’origine géographique et l’époque de fabrication.

Au départ, la voilure des cerfs-volants rectangulaires Edo était décorée simplement, avec des emblèmes familiaux ou des lettres. Sur des exemples plus récents et aujourd’hui encore, le décor est généralement constitué soit d’une peinture réalisée à la main, soit d’une estampe polychrome (nishiki-e). Quant à leur iconographie, elle représente des guerriers, des acteurs

Figure 11 (gauche) : cerf-volant rectangulaire (Edo) [71.1937.40.92.1-2] ; (droite) : cerf-volant rectangulaire (Edo) [71.1937.40.95.1-2].

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de kabuki, des Daruma31, des lettres, un shishi32 et des pivoines (botan karashishi), un démon

(han’nya), ou encore une lune derrière une vague (tsukinami). Les deux cerfs-volants de la collection du musée du quai Branly offrent donc des illustrations complémentaires des décors de cerfs-volants rectangulaires Edo traditionnels, puisque l’un représente des guerriers et l’autre un acteur de kabuki. Néanmoins, ils ne livrent qu’un faible échantillon de la variété de décors existants.

La voilure du cerf-volant rectangulaire Edo n° 71.1937.40.92.1-2 (figure 11, gauche) a la particularité d’être composée d’une pièce de soie contrecollée sur du papier Japon. Elle est entièrement peinte à la main. Le décor représente trois guerriers moustachus à l’expression bagarreuse. Deux d’entre eux portent dans leurs cheveux un bandeau hachimaki, que les guerriers portaient sous leur casque pendant les batailles. Le troisième est casqué. Sabre en main, ils sont prêts au combat. Selon le collectionneur HIKE Ichirō33, ce type d’iconographie pour les cerfs-volants Edo est inspiré des estampes réalisées par Hokusai qui représentent des guerriers tatoués et qui illustrent le roman de cape et d’épée chinois Au bord de l’eau. Les estampes d’abord sources d’inspiration pour le décor des voilures sont ensuite utilisées telle quelles en tant que voilures. Ainsi, la voilure du cerf-volant rectangulaire Edo n°

71.1937.40.95.1-2 (figure 11, droite) est constituée d’une estampe signée par Utagawa Kunisada (1786-1864), représentant l'acteur de kabuki Seki Sanjūrō dans le rôle de Morihisa.

Le cerf-volant rectangulaire Edo n° 71.1937.40.92.1-2 (figure 11, droite) présente une dernière caractéristique qu’il est important de noter. Un arc sonore, appelé unari en japonais, est fixé à l’arrière de la partie supérieure. Il sert à créer un bourdonnement lorsque le cerf- volant est en vol. L’unari n’est pas spécifique aux cerfs-volants rectangulaires Edo. On le trouve fréquemment sur les cerfs-volants en forme d’insectes, tels que les cerfs-volants Cigales ou les cerfs-volants Mouche. Il n’est pas non plus spécifique aux cerfs-volants japonais. En effet, on retrouve le même appareillage sur des cerfs-volants provenant de Chine, de Thaïlande, d’Indonésie, ou encore du Vietnam. En Chine et au Vietnam, il existe même des cerfs-volants musicaux produisant des mélodies grâce à des instruments fixés à l’armature, tels que le sifflet éolien vietnamien conservé dans la collection du musée sous le n°

71.1935.120.63. En Chine, le bourdonnement de l’unari servait parfois à effrayer l’adversaire lors de batailles. Au Japon, son utilisation est purement hédoniste. On note cependant qu’à cause de son bourdonnement étrange, son utilisation a été interdite à plusieurs reprises – en particulier lors de la Seconde Guerre mondiale, car son bourdonnement était confondu avec celui des bombes.34

31 Personnage à vœux inspiré du moine Bodhidharma. Il est représenté par une figure plus ou moins ovale

sans bras ni jambes et au visage moustachu, barbu et aux sourcils froncés.

32

Lion mythologique originaire de Chine.

33

HIKE Ichirō, « Pensées sur les décors de cerfs-volants », Mingei, février 1984, pp. 24-26.

34

STEVENSON, John, Japanese Kite Prints: Selections from the Skinner Collection, éd. University of

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