» constata les résultats suivants: l'organe transplanté a
» conservé saformeet sa consistance quoiqu'il soit devenu
» un peu plus petit, la vascularisation est bonne,
l'action
» des muscles parfaite en tous sens, la cornée qui s'était.
» rapidement obscurcie immédiatement après
l'opération,
» s'estrapidement éclaircie, en sorte que, bien qu'un peu
» louche, elle laisse voir distinctement l'iris. Ces résultats
» favorables obtenus sur le lapin m'engagèrent à croire
» l'opération faisable chez l'homme. »
Malgré ces'insuccès, notons cependant que, quels que soient les résultats,jamais il n'y a eu, à la suite de cette opération, la moindre élévation de température, aucun retentissement sur l'étatgénéral, ni aucuneaction sur l'œil
sain.
Pournous résumer, et sinous considérons jusque-là les
résultats des diverses tentatives de Chibret et de Terriery
on peut dire que leurs efforts restèrent
vains. Chibret,
l'inventeur de la méthode, à qui, il convient de le dire, il
fautse rapporter chaque fois qu'il est question
de la greffe
oculaire, devant les conséquences si fâcheuses qui
suivi¬
rent sa première tentative, non seulement ne voulut pas recommencer, mais, allant même jusqu'à croire qu'il y avait du danger à se lancer clans de nouvelles
expérimen¬
tations, considéra comme sondevoir, ayantpris l'initiative,
de cette
transplantation, de mettre en garde ceux
qui,
dans la suite, pourraient suivre son exemple. « Je
crois,
8 dit-il à la fin de sa communication, être exempt de
8 reproches, mais je ne me sentirai pas
la conscience
8 absolument tranquille si je me
laissais aller
àde
nou-8 vellestentatives. J'estime qu'il convient
actuellement de
8 faire de nombreuses expériences in
anima vili
: porc,8 chien, lapin. En conservant les animaux
chez lesquels
8 °n aura réussi, on pourra voir ce que
devient l'œil
au8 hout de plusieurs mois, si l'organe transplanté
résiste
22
» bienà l'épreuve du temps etsi l'on est endroitderevenir
» à l'homme. »
Malgré cette affirmation si nette et si catégorique d'un
auteur qui faisait foi en la matière et, persuadé qu'en
modifiant le manuel opératoire, en se mettant dans des conditions plus favorables, 011pouvait arriverà un résultat plus satisfaisant, un médecin américain, le Dr Bradfort, de Boston, pratiquait le 9 août 1885, une greffe oculaire
chez un homme de trente-cinq ans. Il est intéressant de
retracer en quelques mots sa manière de faire, car elle
diffère sur plus d'un point, de toutes celles qui furent employées par ses devanciers. L'œil fut énucléé avec touteslesprécautions antiseptiques, maisavantde section¬
ner les musclés, il les souleva avec un crochet àstrabisme et les sutura. Se proposant de faire la suture du nerf optique eu malade à celui de l'animal, il passa un fil de
soie dans celui-là, de façon à ce que une fois sectionneau
ras cle la sclérotique, il l'eût toujours sous la main et ne
fût pas obligé de renoncer àpratiquer lasuture, point
qu'il
considérait comme essentiel de sa méthode. L'hémorragie
lut arrêtée avec la glace, le lapin fut énucléé, la
conjonc¬
tive coupée circulairement à 5 millimètres de la cornée,
et le nerf optique sectionné à 0,008mmde sonpointd'entrée
dans la sclérotique. Bradfort, au lieu de tremper le
globe
dans une solution antiseptique, emploie de
l'albumine
d'œuf, dont il a soin d'irriguer soigneusement la
cavité
orbitaire. Il suture ensuite les deux bouts des deux nerfs optique à l'aide d'un nœud coulant spécial, dont
l'un des
chefs du fil est sectionné court, et l'autre fixé au nez par
une bandelette de diachylon. Suture des muscles au
tissu
sous-conjonctival, réunion de la conjonctive
animale à la
conjonctive humaine et pansement iodoformé
compressif.
Leseptième jour après l'opération, on ne
constatait
aucuneréaction inflammatoire intense ; la cornée seule ne
possé¬
dait pas sa netteté ordinaire. Le deuxième
pansement,
qui— 23 —
fûtfait le douzième jour, donnaà Bradfort quelques lueurs d'espoir; la cornée semblait s'éclaircir, le globe ne s'était
passensiblement modifié dans son volume, dans sa forme
et clans sa tension. Les mouvements s'éxôcutaient très
bien,en somme, le résultat était entièrement satisfaisant.
C'était, il faut l'avouer, à part les expériences de May,
in anima vili, le premier succès que l'on obtenait chez l'homme. Mais Bradfort ne tarda pas à être en butte à
beaucoup d'objectionset de critiques. Son procédé, tout le
monde le reconnût, était de beaucoup supérieur aux autres; par sa suture du nerf optique, par celle des mus¬
cles droits au tissu sous-conjonctival, par celle de la conjonctive, il multiplie les points de contact, et par suite
leséléments de succès de la greffe oculaire. Mais la suture des muscles au tissu
sous-conjonctival paraissait d'une application peu facile et pouvait entraîner une dénudation
de lasclérotique. Cependant, le plus gravereproche qu'on puisse lui adresser, c'est d'avoir annoncé un succès, sans avoirsuivi son malade plus longtemps qu'il nel'avait fait.
Sonobservation, en effet, s'arrête au dix-huitième jour et
neparaîtpas avoir été continuée.
CHAPITRE II
SOMMAIRE: Commentla questionestenvisagée denosjours.—
But de lagreffe.—Procédés d'inclusiondedifférents auteurs, Mules, Prost, Lang, etc...
Les tentatives de Chibret avaient été couronnéesdetrop peu de succès pour que, à l'heure actuelle et devant les
nombreux échecs de Terrier, de Bradfort et de May, les
nouveaux expérimentateurs voulussent s'engager encore
une fois dans cette tentative hardie. Il fallait donc renon¬
cer totalement à cette idée pour ainsi dire chimérique
de pouvoir dispenser un individu énucléé d'une
pièce
artificielleenlui conservantà la place unœil d'animal avec
ses milieux transparents, sa cornée intacte, vivant,
si l'on
peut s'exprimer ainsi, d'une vie physiologique
nouvelle et
redonnant au malade l'esthétique qu'une
intervention
chirurgicale avait fait disparaître.
Dans le travail que nous présentons, notre but est
plus
modeste et dans nos tentatives de greffe oculaire, nous ne
cherchons qu'une chose, c'est la production
d'un moignon
rendant plus mobile la coque d'émail en atténuant
autant
que possible la dépressionorbito-palpébrale si
disgracieuse
après i'énucléation pure etsimple.
M. le Professeur Lagrange, se reportant aux
intéres¬
santesexpériences deBarabanetRohmervoulut
reprendre
cette opération de greffe oculaire que depuis
1886
onavait
laissée dans l'oubli. Dans leurs remarquables
expériences
de greffe intra-péritonéale, nous l'avons dit
dans notre
historique, Baraban et Rohmer avaient constaté quel'œil
transplanté dans une cavité offrant des conditions
de
nutri-— 17