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Dans toute substance, l’application d’une tension électrique V suffisamment élevée a pour effet une circulation de charges électriques en fonction du temps I(t) nommée courant. Le ratio entre ces deux quantités est l’impédance Z = dV

dI (ou l’admittance Y =

dI

dV ), qui peut être déterminée à l’aide d’un amplificateur synchrone selon la méthode

décrite en annexeC.1. Dans cette thèse, seulement la partie réelle de l’impédance, soit la résistance R, sera d’importance ; il convient donc d’en expliquer l’origine.

En présence d’un champ électrique, toute particule chargée négativement est attirée vers le potentiel positif le plus élevé et sa trajectoire est balistique ou linéaire si aucun obstacle n’obstrue son chemin. Dans la matière, toutefois, les électrons sont arrachés à un atome et propulsés dans la direction générale du champ électrique ; ils vont ensuite rencontrer des obstacles sous la forme d’autres électrons, d’atomes ou d’imperfections dans le réseau atomique. Ces obstacles portent le nom diffuseur. À la rencontre d’un

diffuseur, l’électron peut être réfléchi, dévié ou encore peut passer tout droit. Plus la quantité de matière à traverser est grande, plus le nombre dediffuseursest grand et plus la résistance est élevée. C’est pourquoi un fil plus long possède une plus grande résis- tance. Inversement, s’il existe plusieurs chemins à suivre pour l’électron, plus d’électrons pourront passer simultanément, augmentant ainsi le courant. Il en découle que la résis- tance d’un fil de gros diamètre est plus faible que la résistance d’un plus petit fil. Tous ces événements vont, bien entendu, influencer différemment laprobabilitéqu’a chaque élec- tron de traverser le dispositif, donc le temps entre les événements de transport, donnant

Figure 2.1 –Illustration ducourant tunnel. Dans le métal, laprobabilitéde trouver un électron suit le carré d’une sinusoïde jusqu’à la frontière de l’isolant. L’amplitude subit alors une décroissance exponen- tielle tendant vers 0 à l’infini. (courbe noire) Ce comportement est symétrique dans une jonction Métal normal-Isolant-Métal normal à différence de potentiel nulle (courbe grise). L’application d’une différence de potentiel favorise le passage d’électrons vers le contact à plus haut potentiel positif (voif figure1.3). lieu à des fluctuations dans le courant.

Il existe toutefois un mécanisme nommé courant tunnel, qui fait abstraction des obstacles et qui permet aux électrons de passer d’un endroit à un autre instantanément. La description du courant électrique présentée dans les paragraphes précédents repose sur une description de typeparticule de l’électron tandis que lecourant tunnelest plutôt basé sur son modèle ondulatoire. Dans ce modèle, la possibilité de trouver un électron en un point (x, y) à un temps t est représentée, tel qu’illustré à la figure 2.1, par une onde deprobabilitéde présence.

À l’intérieur d’un conducteur, la partie réelle de cette onde peut être représentée par une fonction oscillante d’amplitude constante ; à l’extérieur du conducteur, la fonc- tion d’onde chute exponentiellement à partir de la frontière. Si un autre conducteur est suffisamment près du premier, l’électron du conducteur 1 possède une probabilité

non-négligeable de se retrouver dans le conducteur 2 et vice-versa. Les deux conducteurs s’échangent alors des électrons sans que ceux-ci ne circulent dans l’isolant les séparant, nommébarrière tunnel. Ce phénomène porte le nom d’effet tunnel, le chemin suivi par les électrons ne pouvant pas être identifié. S’il existe une différence de potentiel entre les deux conducteurs, les électrons auront plus tendance à se déplacer vers le conducteur de plus haut potentiel positif et seront remplacés dans le contact négatif par la source de cette différence de potentiel. C’est là lecourant tunnelqui, pour une distance s séparant les conducteurs, prend la forme

Figure 2.2 –Fabrication d’unejonction tunnel. a) Deux couches de résine sont déposées sur un sub- strat isolant et un masque est déposé sur la couche supérieure. Une exposition à la lumière UV fait réagir la partie exposée de la résine. b) L’échantillon est trempé dans un développeur chimique qui dissout la ré- sine photosensible (rouge) exposée à la lumière UV et la résine directement en dessous (bleue). c) (coupe de l’image en b)) L’échantillon est exposé à une vaporisation sous vide d’aluminium à un angle donné. Le barreau de résine photo-sensible (rouge) fait de l’ombre à la déposition et laisse une partie du substrat nue. d) De l’oxygène est introduit dans la chambre de déposition afin d’oxyder l’aluminium, donnant une couche isolante de Al2O3. e) L’oxygène est retiré de la chambre de déposition et un nouveau dépôt d’alu-

minium est effectué à un angle miroir au premier. f) L’échantillon est trempé dans une solution chimique afin de dissoudre, ou «soulever», la résine restante. Il en résulte unejonction tunnelAl/Al2O3/Al.

Itunnel ∝ exp (−

4πs

h

2mφ), (2.1)

où m est la masse des porteurs de charge, ici les électrons, φ le travail d’extraction et h, la constante de Planck.

Lecourant tunnelétant affranchi des processus de collision, bien des sources de bruit électrique sont éliminées par rapport au courant conventionnel. De plus, le courant étant déjà faible dû à la nature exponentielle décroissante de l’équation 2.1, il est plus facile de limiter le passage des électrons afin d’avoir peu de canaux de transmission, donc un petit nombre d’électron traversant labarrière tunnelà la fois.

C’est pourquoi le dispositif le plus simple en termes d’émission debruit de grenaille

est lajonction tunnel. Il s’agit d’un dispositif Métal/Isolant/Métal sur lequel une diffé- rence de potentiel peut être imposée entre les deux sections métalliques, souvent appe- lées contacts. Les échantillons traités dans les travaux présentés ici sont du type utilisé en thermométrie de bruit[2] et ont été préparés par photolithographie suivie de déposition par vaporisation d’aluminium1. Une résine est d’abord déposée sur un substrat isolant

Figure 2.3 –(gauche) Dessous du support à échantillon. Un aimant au Néodyme est placé dans une cavité afin de maintenir l’état métal normal de l’aluminium à basse température. (centre) Échantillon dans son support, vue du dessus. Le boîtier en cuivre servant d’écran est retiré afin de permettre l’observation de l’échantillon. (droite) Agrandissement de l’échantillon. Le grand rectangle gris est un contact en alumi- nium lié électriquement à une borne de lajonction tunnel, tout comme la piste grise à bout triangulaire. Les zones noires sont dues au substrat non-recouvert et la jonction n’est pas observable à cette échelle. Des micro-soudures relient les contacts d’aluminium à la piste d’adaptation d’impédance en cuivre et au boîtier lui-même, qui sert de masse électrique.

puis durcie par chauffage. Une résine qui durcit sous lumière UV, donc photosensible, est alors déposée sur la première résine et cuite à son tour. L’échantillon est enfin exposé à la lumière UV à-travers un masque dont le patron est illustré à la figure2.2a, après quoi un développement par gravure chimique est réalisé afin de retirer la partie de la résine exposée à la lumière et la résine directement en dessous de cette dernière.

Il en résulte une cavité permettant une première déposition à angle d’aluminium. L’échantillon est monté sur un support dont l’angle peut être ajusté puis inséré dans une enceinte de dépôt par vaporisation. Le vide est fait dans la chambre puis l’échantillon est placé à l’angle désiré, après quoi l’aluminium est vaporisé en direction de l’échantillon. Par la suite, de l’oxygène est injecté dans l’enceinte expérimentale, forçant l’oxydation en surface de l’aluminium, ce qui créé une barrière isolante. Le vide est alors refait dans l’enceinte et un nouveau dépôt d’aluminium est effectué à un autre angle par-dessus la couche d’oxyde, résultant en unebarrière tunnelmise en sandwich entre deux conduc- teurs, tel qu’illustré à la figure2.2f. L’aluminium pose toutefois un léger problème : il devient supraconducteur à 1,2 K, ce qui est supérieur à la température expérimentale désirée pour une partie des manipulations.

tel qu’illustré à la figure2.3. Cette cavité permet de placer un aimant suffisamment fort pour briser la supraconductivité de l’aluminium. Lajonction tunnelest alors connectée à la masse du porte-échantillon d’un côté et à une micro-piste d’adaptation d’impédance («microstrip» en anglais, décrite en annexeC.2) de l’autre. Les contacts sont réalisés par microsoudure, soit un fil d’aluminium de 25 µm de diamètre pincé contre le point de contact puis soudé au métal par des vibrations ultrasonores. Un connecteur SMA, dont l’écran est relié à la masse du support à échantillon, est relié à la micro-piste par sou- dure conventionnelle et permet d’appliquer et de mesurer la tension entre les bornes de l’échantillon. Un boîtier en cuivre referme enfin le support à échantillon afin d’isoler ce dernier dans unecage de Faraday, ce qui le protège d’une partie importante des fluctua- tions électromagnétiques environnantes. La résistance est alors confirmée avec un am- plificateur synchrone, tel que décrit à l’annexeC.1. Pour les expériences présentées ici, ces résistances valent, dans l’ordre, R1 = 22 Ω, R2 = 20 Ω et R3 = 70 Ω. Ces résistances

ont été choisies afin de minimiser la réflexion à l’interface des lignes à transmission à 50 Ω, tel que mentionné à l’annexeC.2.

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