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Un jeu amusant de salon à la portée de tous

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3.4. Un jeu amusant de salon à la portée de tous

Si le sport peine à se développer, la visibilité du jeu amusant informel se fait plus saillante dans les loisirs de la vie quotidienne jusqu’en 1931. Selon la revue Les Travaux de l’Amateur, en 1930, c’est le jeu sportif qui fait de plus en plus d’émules :

« Vouloir comparer le ping-pong au tennis sur court est excessif ; à nos yeux, le tennis de table constitue un agréable passe-temps sportif et c’est déjà, il nous semble, une belle qualité ; à quoi bon vouloir le considérer comme un grand sport ? À l’heure actuelle, le ping-pong atteint sans doute le maximum de la vogue à laquelle il a droit. Il y a quantité de ses pratiquants, ou de gens qui aspirent à le devenir, qui ignorent ses règlements »657.

Le ping-pong constitue aux yeux du rédacteur une distraction attrayante encore loin de l’image d’un sport. En effet, une grande partie des pratiquants ignorait complètement son règlement. Ce jeu amusant semble prendre un peu plus d’ampleur. En effet, selon la revue catholique Les Jeunes, le ping-pong est pratiqué dès 1927 « dans pas mal » de patronages au

655 Revue du Tennis, n°41, 15 janvier 1931. (Arch. Musée Tenniseum FFT, non cotées).

656 « Ping-Pong, Un sport qui vient : Le Ping-Pong », L’Auto, n°11260, Paris, 14 octobre 1931, p. 3. (Arch. BnF, NUMP-16168).

657 « Si nous construisions un jeu de tennis de table : Le Ping-Pong », Les Travaux de l’amateur, n°115, décembre 1930, p. 124. (Arch. BnF, NUMP-3708).

sein de la FGSPF658. Ces propos sont réitérés en 1930 : « Ce sport amusant tennis de table, est en train de devenir autour de nous fort à la mode. Nous savons que nombre de nos Patros le pratiquent assidûment dans leurs salles de cercles »659. En prenant place au sein des patronages, le ping-pong distrait les adeptes de sports en tout genre. Il faut attendre 1931 pour voir s’organiser une première épreuve sportive. Mais l’objet de la rencontre se révèle être au service de la préparation de joueurs de lawn-tennis d’un patronage bordelais : « Tous les matches se disputent chez les Cadets que nous félicitons de leur initiative excellente pour la préparation au tennis » 660. Les premières rencontres sportives qui ont lieu dans leurs seuls intérêts se déroulent seulement à partir des mois de mai661 et juillet 1931662. Cependant, il est décidé que les règlements de jeu ne priment pas sur la mise en place des rencontres. C’est dans ce contexte que la commission des jeux de l’Union régionale de la Seine du 1er Mai 1931

« […] décide d’adopter les règles autorisées par la Fédération Française du Tennis de Table.

[…] Provisoirement les tables non réglementaires seront admises à condition que leurs dimensions soient comprises entre les limites suivantes : Longueur : de 2 m 50 à 3 m Largeur : de 1 m 40 à 1 m 65. Hauteur : de 0 m 70 à 0 m 85. Les chiffres réglementaires étant respectivement 2,74, 1,52 et 0,76 »663. Ainsi, l’Union régionale de la Seine est bien obligée de s’adapter à la réalité de la pratique : le plaisir d’échanger et de faire jouer ses membres adeptes du jeu priment sur le règlement sportif. Toute contrainte pourrait être malvenue. Les écarts à la norme sont bien là pour inciter à la pratique.

Comme le met à jour l’illustration de la revue Les Travaux de l’Amateur en 1930 (Image 7), le simple fait d’échanger est ce qui motive cette pratique, appelée parfois jeu sportif664. L’utilisation des mains posées sur la table pour se stabiliser chez la femme et l’homme laisse penser que le jeu est statique. L’intention première est d’échanger doucement sur le partenaire, afin de favoriser la continuité du jeu voire de conduire une discussion à distance d’oreille. La présence des traits derrière la balle n’est là que pour montrer que la balle avance avec une légère vitesse. En représentant une scène où un couple s’échange des

658 « Autour de nous, Tennis », Les Jeunes, n°331, 18 décembre 1927, p. 1253. (Arch. BnF, NUMP-15487).

659 « Autour de nous, Ping-Pong », Les Jeunes, n°448, 11 mai 1930, p. 298. (Arch. Nat. Monde Travail, 2007 068 303).

660 « Chez nous, À travers la vie de nos Sociétés, Dans le Midi », Les Jeunes, n°181, 22 mars 1931, p. 181. (Arch. BnF, NUMP-15487).

661 « U.R Seine, Jeux, Commission du 3 Juin 1931 », Les Jeunes, n°501, 14 juin 1931, p. 381. (Arch. Nat. Monde Travail, 2007 068 304).

662 « U.R Seine, Ping-Pong », Les Jeunes, n°496, 26 juillet 1931, p. 480. (Arch. Nat. Monde Travail, 2007 068 304).

663 « U.R Seine, Jeux, Commission du 1er Mai 1931 », Les Jeunes, n°496, 10 mai 1931, p. 301. (Arch. Nat. Monde Travail, 2007 068 304).

664 « Si nous construisions un jeu de tennis de table : Le Ping-Pong », Les Travaux de l’amateur, n°115, décembre 1930, p. 125. (Arch. BnF, NUMP-3708).

balles, l’image du ping-pong est celle d’une activité intimiste. Il reste cependant difficile de déterminer la classe sociale des pratiquants, laissant supposer qu’aucun signe ostentatoire de distinction n’est associé à la pratique. Le jeu se joue dans un espace familial ou intime, et non dans une démarche de démonstration. L’apparence de la femme et de l’homme apporte quelques indications sur le changement d’époque que vit le ping-pong. La coupe de cheveux au chignon haut et volumineux de la femme laisse place aux cheveux courts. L’abandon du corset et de la guêpière a rendu la silhouette longiligne. La garde-robe de la femme incarne bien cette nouvelle mode des garçonnes issue des années 1920665. L’amplitude des mouvements se fait donc moins contraignante. Pour les hommes, la jaquette habille la parure vestimentaire. Le pantalon n’a guère changé dans la forme : il est droit. Les manches de la chemise sont retroussées. Les bras sont désormais apparents. Ces éléments laissent penser qu’il s’agit de la petite bourgeoisie. Les appellations telles que le jeu sportif amusant pour certains, ou jeu de salon pour d’autres, confirment l’idée que le ping-pong est sans doute avant tout une distraction qui se pratique dans le cadre intime.

Image 7 : Illustration dans l’article « Si nous construisions un jeu de tennis de table : Le Ping-Pong », Les Travaux de l’amateur, n°115, décembre 1930, p. 125. (Arch. BnF, NUMP-3708).

Les formules de boîtes de jeu proposées par les magasins affichent l’existence de différents usages de ce divertissement. Le ping-pong est présenté soit comme un jeu amusant de salon, soit comme un sport. Comme le montrent les illustrations, le principe du ping-pong reste principalement celui posé par la boîte de jeu : elle contient une balle, deux raquettes et un filet. Cependant, dans les magasins Au Printemps, au côté d’une boîte destinée aux

« soirées en famille » (Image 8)666, on y trouve également un « Ping-Pong Sports », adossé à

665 Bard Christine, Les Garçonnes, Modes et fantasmes des Années folles, Paris, Éditions Flammarion, 1998.

666 Catalogue Au Printemps, Jouets-Étrennes, Paris, décembre 1931, p. NP. (Arch. Musée du Jouet Poissy, non cotées).

un ballon de football (Image 9)667. Ce changement de classification confirme finalement la transformation qui s’opère. Le ping-pong se pratique sous deux tournures : l’une en dilettante et l’autre sportive. Les fabricants d’articles de sports différencient désormais des modèles dits

« sports » et des modèles pour la distraction informelle. Le modèle sportif présente des raquettes dont les surfaces sont faites de liège et verrées, prenant d’ailleurs le nom de

« palettes ». Le modèle à l’honneur pour les soirées de famille intègre des raquettes en bois.

Cependant, la permanence d’un filet portatif montre que le jeu doit être adaptable aux différents locaux et pas l’inverse. Le plaisir de se rencontrer et de s’affronter l’emporte encore sur les conditions d’affrontement.

Image 8 : Illustration d’une boîte de tennis de table dans le catalogue Au Printemps, Jouets-Étrennes, Paris, décembre 1931, p. NP. (Arch. Musée du Jouet Poissy ©, non cotées).

Image 9 : Illustration d’une boîte de Ping-Pong Sports dans le catalogue Au Printemps, Jouets-Étrennes, Paris, décembre 1931, p. NP. (Arch. Musée du Jouet Poissy ©, non cotées).

La présence toujours plus importante de la boîte de jeu dans les catalogues d’étrennes des grands magasins parisiens montre que le ping-pong se diffuse (Tableau 4). Il est encore

667 Ibid.

offert pour les fêtes de fin d’année. Ainsi, si les Galeries Lafayette sont les seules à vendre un ping-pong en 1926, 5 grands magasins en vendent désormais en 1929 dont Aux Trois Quartiers, Au Printemps, Au Bon Marché, au Bazar de l’Hôtel de Ville et de nouveau Les Galeries Lafayette. L’absence de certains catalogues dans les collections consultées peut expliquer son absence dans les années 1930 et 1931. On peut également penser que la boîte de jeu était présente dans les rayons sans pour autant être affichée dans les catalogues. Elle

Tableau 4 : Boîtes de jeu de ping-pong dans les catalogues d’étrennes des grands magasins parisiens de 1926 à 1931.

668 Catalogue Aux Trois Quartiers, étrennes-jouets, samedi 1er décembre et tout le mois, date estimée 1929, p. NP. (Arch.

BnF, FOL-WZ-221).

669 Catalogue des Galeries Lafayette, étrennes-jouets, mardi 30 novembre et pendant tout le mois de décembre, date estimée 1926, p. NP. (Arch. BnF, FOL-WZ-206).

670 Catalogue des Galeries Lafayette, étrennes-jouets, mardi 29 novembre et pendant tout le mois de décembre, date estimée 1927, p. NP. (Arch. BnF, FOL-WZ-206).

671 Catalogue des Galeries Lafayette, étrennes-jouets, mardi 4 décembre et pendant tout le mois, date estimée 1928, p. NP.

(Arch. BnF, FOL-WZ-206).

672 Catalogue Aux Galeries Lafayette, Jouets- Étrennes, mardi 3 décembre et pendant tout le mois, date estimée 1929, p. NP.

(Arch. Musée du Jouet Poissy, C.83.32.1).

673 Catalogue Aux Galeries Lafayette, Jouets- Étrennes, mardi 2 décembre et pendant tout le mois, date estimée 1930, p. 12.

(Arch. Musée du Jouet Poissy, C.77.5.1).

674 Catalogue des Galeries Lafayette, Exposition générale, mardi 3 mars et jours suivants, date estimée 1931, p. 28. (Arch.

BnF, FOL-WZ-206).

675 Catalogue Au Printemps, Jouets, Paris, 1929-1930, p. NP. (Arch. Musée du Jouet Poissy, 83-29-1).

676 Catalogue Au Printemps, Jouets, Paris, 1930, p. NP. (Arch. Musée du Jouet Poissy, C.74.206.1).

677 Catalogue Au Printemps, Jouets-Étrennes, Paris, décembre 1931, p. NP. (Arch. Musée du Jouet Poissy, non cotées).

678 Catalogue Au Bon Marché, Jouets, Maison A. Boucicaut, Paris, 1927, p. 9. (Arch. Musée du Jouet Poissy, C.2010.6.7

682 Catalogue Bazar de l’Hôtel de Ville, Jouets-étrennes, Paris, 1929, p. NP. (Arch. Groupe Galeries Lafayette, CATHV5).

L’implication croissante des fabricants d’articles de sports dans la conception de la boîte de jeu atteste des perspectives financières et des gains inhérents à sa fabrication et à sa diffusion. Ainsi, on retrouve encore, chez le fabricant Williams and co, ce jeu « d’intérieur » ou « de société » qui ferait fureur dans les salons parisiens683. La nostalgie du temps passé de la Belle Époque est une manière de rappeler une nouvelle fois le succès du ping-pong mondain de salon prétexte à la distinction sociale. Ce divertissement intéresse aussi progressivement les grands fabricants de la Chambre Syndicale des Fabricants de Jouets, (de) Jeux et (d’)articles de sports qui sont six à le proposer en 1929 contre deux en 1921 et 1922.

Il s’agit, en particulier, des maisons des Jeux et Jouets Français, Daigney, Desrues – Guilleminot et Cie, Kratzer et Cie, Les Jeux Réunis et la Manufacture lyonnaise de Jouets684. Finalement, de plus en plus de fabricants d’articles de sports conçoivent des boîtes de jeu à la fin des années 1920 jusqu’au début des années 1930. Au regard du développement minime pris par le sport, il est plus opportun de croire que le regain d’intérêt du ping-pong soit celui d’un jeu amusant de salon. Le ping-pong reste une distraction d’intérieur avant d’être considéré comme un sport.

La diversité de l’offre commerciale laisse penser que le ping-pong est une pratique beaucoup plus ouverte socialement que la composition privilégiée des clubs sportifs de la FFTT. En effet, Les Galeries Lafayette, vendent en 1930, un « article riche » dans une boîte vernie de deux raquettes de boyaux à 75 francs mais également un autre modèle à 28 francs, constitué de deux raquettes en bois dont les faces sont poudrées d’émeri (Image 10)685.

683 Le Figaro, n°356, Paris, 22 décembre 1930, p. 8. (Arch. BnF, NUMP-1139).

684 Annuaire de la Chambre Syndicale des Fabricants de Jouets, Jeux et articles de sports, siège social hôtel des Chambres Syndicales, 10, rue de Lancry, Paris, date estimée 1929, p. 179. (Arch. Musée des Arts Décoratifs, D.J 547 DEP. JOUET).

685 Catalogue Aux Galeries Lafayette, Jouets-Étrennes, mardi 2 décembre et pendant tout le mois, date estimée 1930, p. 12.

(Arch. Musée du Jouet Poissy, C.77.5.1).

Image 10 : Illustration d’une boîte de tennis de table dans le catalogue Aux Galeries Lafayette, Jouets- Étrennes, Mardi 2 décembre et pendant tout le mois, date estimée 1930, p. 12. (Arch. Musée du Jouet Poissy ©, C.77.5.1).

En 1931, un modèle simple avec deux raquettes en bois et trois balles coûte 15 francs dans le catalogue d’étrennes Au Printemps686. Si les grands magasins parisiens attirent sans doute encore prioritairement les classes aisées dans les années 1920687, les classes moyennes profitent de plus en plus des étalages à bon marché. Face aux 400 francs d’adhésion annuelle des membres du Ping Pong Club de France688, le modèle simple de la boîte est peu coûteux et plus accessible. Il reste à la portée du portefeuille des employés et des ouvriers. Le prix de sa boîte de jeu n’a que peu changé jusqu’en 1931 puisqu’un duo de raquettes en bois s’achète 18 francs 90 en 1927689. D’ailleurs, il est fort probable que les bazars, connus pour leurs produits bon marché, proposent des prix encore plus bas. Nous ne pouvons l’affirmer. Si cela reste anecdotique, certains ont sans doute fabriqué directement le jeu comme le propose la revue Les Travaux de l’Amateur 690 . Finalement, ces exemples confirment l’idée d’une démocratisation du ping-pong dans les classes moins aisées par la diffusion à plus grande échelle de la boîte de jeu. Malheureusement, les sources ne permettent pas d’observer cette diffusion directement dans les familles ouvrières ou chez les employés.

Désormais accessible aux ouvriers et employés par la logique de marché, le jeu n’est pourtant pas délaissé par l’ensemble de la bourgeoisie. La promotion de boîtes « riche(s) »

686 Catalogue Au Printemps, Jouets-Étrennes, Paris, décembre 1931, p. NP. (Arch. Musée du Jouet Poissy, non cotées).

687 Miller Michaël Barry, op. cit., 1987, p. 155.

688 Le club ne devait pas être ouvert toute l’année. Extrait de l’article 9 des statuts déposés à la Préfecture de Police sous le n°169.143 du Ping Pong Club de France, 34 rue Marbeuf, Paris, non datée, date estimée à l’année 1932 par le courrier joint du service des droits des pauvres de l’administration générale de l’Assistance publique de Paris. (Arch. AP-HP, 762 Foss 15, Pochette 1001 à 1030, Pochette 1013 Ping Pong Club de France)

689 Catalogue des Galeries Lafayette, étrennes-jouets, mardi 29 novembre et pendant tout le mois de décembre, date estimée 1927, p. NP. (Arch. BnF, FOL-WZ-206).

690 « Si nous construisions un jeu de tennis de table : Le Ping-Pong », Les Travaux de l’amateur, n°115, décembre 1930, p. 124. (Arch. BnF, NUMP-3708).

aux Galeries Lafayette691 laisse croire que des gens plutôt fortunés continuent de l’acheter.

D’ailleurs, le faible engouement que connaît le ping-pong dans les grands clubs sportifs parisiens contraste avec la place qu’il semble prendre dans la vie quotidienne de la bourgeoisie. Comme l’explique une publicité d’un magasin de sport dans le journal L’Ouest-Éclair en 1931, « le tennis de table (ou le) ping-pong se joue à l’intérieur ou à l’extérieur dans les Casinos, Pensions de famille, dans les Grands Cafés, Hôtels, Propriétés particul., Villas, sur les Plages, etc. Le ping-pong est un jeu sportif très attrayant dont on ne se lasse pas. Facile à jouer, il intéresse tous les âges. Partout où il est placé, il attire la clientèle […] »692. S’il est une distraction qui s’ouvre progressivement aux classes les moins aisées, la publicité fait éloge de la somptuosité des lieux dans lequel il se pratique. Les casinos, les villas ou encore la plage sont réservés à une clientèle aisée. L’annonce publicitaire le désigne comme un jeu sportif bien enraciné dans le milieu bourgeois. Simple effet de promotion, il n’en reste pas moins que le ping-pong aspire à être pratiqué dans ces lieux et par des personnes qui souhaitent imiter le style de vie bourgeois. Il est également présent pour distraire la clientèle lors de voyage maritime. La présence de tables ou de jeu de ping-pong devient de plus en plus courante jusqu’à faire place dans les paquebots L’Atlantique et L’Île-de-France693. De surcroît, une partie de ping-pong n’est pas une scène de vie si anecdotique entre 1925 et 1931. Par exemple, selon une information de L’Intransigeant, une séquence cinématographique présente Suzanne Lenglen et Georges Biscot en train d’échanger quelques balles après un déjeuner dans le film Le P’tit Parigot en 1926694. Dans un autre registre, le célèbre coureur de demi-fond Jules Ladoumègue avoue jouer tous les jours après les repas695. Si le Club Athlétique des Sports Généraux auquel il appartient possède une table696, il joue plus vraisemblablement chez lui dans l’intimité avec ses « amis, voire même (sa) femme »697. Tous ces exemples confortent finalement l’idée que le ping-pong est adopté par une frange

691 Catalogue Aux Galeries Lafayette, Jouets-Étrennes, mardi 2 décembre et pendant tout le mois, date estimée 1930, p. 12.

(Arch. Musée du Jouet Poissy, C.77.5.1).

692 « Le Tennis de table, Ping-Pong », L’Ouest-Éclair, n°12659, Rennes, 5 juillet 1931, p. 5. (Arch. BnF, NUMP-1495).

693 « Tourisme et navigation, Avant le premier départ pour l’Amérique du sud, Du Havre à Bordeaux sur le nouveau paquebot

« L’Atlantique » », Le Matin, n°17356, Paris, 26 septembre 1931, p. 4. (Arch. BnF, NUMP-2117) ; « La visite de M. Laval aux États-Unis, Le Président du conseil à bord de l’« Ile-de-France » prépare en compagnie des experts le thème de ses conversations avec M. Hoover », Le Journal, n°14245, Paris, 18 octobre 1931, p. 1. (Arch. BnF, NUMP- 13316).

694 « Deux Championnes, J’ai vu au Bois « tourner » Mlle Suzanne Lenglen », L’Intransigeant, n°16804, Paris, 8 août 1926, p. 1. (Arch. BnF, NUMP-5357).

695 « Dans l’intimité de nos champions, « La foule ? Une mère pour moi », dit Ladoumègue », Match : l’Intran, n° 263, Paris, 22 septembre 1931, p. 7. (Arch. BnF, NUMP-3825).

696 Lassus Marianne, L’affaire Ladoumègue, Le débat amateurisme/professionnalisme dans les années trente, Paris, Éditions L’Harmattan, 2000, p. 23.

697 « Dans l’intimité de nos champions, « La foule ? Une mère pour moi », dit Ladoumègue », Match : l’Intran, n° 263, Paris, 22 septembre 1931, p. 7. (Arch. BnF, NUMP-3825).

plus large de la population de 1925 à 1931 et qu’il est devenu un jeu amusant « sportif ou de salon ».

D’ailleurs, le jeu devient également, à la fin de l’année 1931, une vitrine pour certains établissements privés ouverts au public dans les beaux quartiers parisiens. Cette diffusion laisse voir les premières lueurs d’une mode qui se prépare. C’est d’ailleurs ce que confirme un article de Pierre About au sein du journal L’Auto :

« Le ping-pong s’impose donc de lui-même, petit à petit, avec le temps, grâce à son seul attrait. Et enfin vint le moment où l’on sentit qu’en faisant un effort, le dernier pas pourrait être franchi. Cet effort a été fait simultanément au début de cette saison par deux grandes organisations, le Marbeuf et le tennis Monceau. Le Marbeuf qui, jusque là, s’était consacré au golf miniature, accepta d’héberger un petit groupe de fervents du ping-pong qui désiraient fonder un club […]. Dès aujourd’hui, les amateurs ont la possibilité, grâce au P.P.C.F de s’entraîner journellement dans les meilleures conditions possibles.

Imaginez un cadre digne des plus beaux paysages de la Riviera, une salle immense, élégante, délicieusement décorée et parfaitement aérée. À côté d’un salon de thé et de soupers, où se réunit l’élite du monde parisien, un immense espace où règne depuis peu, mais intégralement, le ping-pong. Une douzaine de tables sont offertes aux joueurs de toutes classes, dont cinq sont réservées aux membres du P.P.C.F. Douze tables en plein cœur de Paris, c’est très beau, n’est-ce pas ?[…] »698.

Le ping-pong commence à se diffuser dans certains chics établissements parisiens. En dehors des activités sportives du Ping Pong Club de France, le Marbeuf est bien à l’origine un établissement qui met à disposition des tables de ping-pong. Il propose d’ailleurs d’autres activités telles que le golf miniature699. À quelques mètres de la célèbre avenue des Champs Élysées dans le 8e arrondissement, sa localisation donne une idée du public qui s’y déplace.

Son salon de thé réunit l’élite du monde parisien. D’ailleurs, les nombreux ramasseurs de balles présents dans l’établissement pour le golf miniature alimentent une nouvelle fois la notabilité des personnes s’y rendant pour quelques heures de distraction700. Cet exemple n’est pas unique. Situé au 147, avenue de Versailles dans le 16e arrondissement, le Palais du Tennis accueille des courts de tennis, un golf training Club, et les tables du Ping-Pong Club de Paris.

L’activité sort ainsi progressivement du milieu intime pour devenir à la fois un loisir bourgeois de quelques établissements des beaux quartiers. Mais cette distraction à un prix. En

698 « Les grands clubs français, Le P.P.C.F », L’Auto, n°11282, Paris, 5 novembre 1931, p. 4. (Arch. BnF, NUMP-16168).

698 « Les grands clubs français, Le P.P.C.F », L’Auto, n°11282, Paris, 5 novembre 1931, p. 4. (Arch. BnF, NUMP-16168).