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Jean MONNET (1888-1979)

Dans le document Années 50 (Page 169-200)

Une très longue vie (près de 91 ans), fort active, sur plusieurs continents, au contact de multiples hommes d'État. Jean Monnet est « l'homme d'État du monde » (Kennedy), « l'Inspirateur » (de Gaulle), le père des Communautés européennes, etc.. Un homme sans diplôme, la plupart du temps sans poste officiel, peu attiré par les livres, ayant beaucoup de mal à rédiger, incapable d'apprendre par cœur la moindre chose, une intelligence concrète, aimant les idées simples, celles qu'il « suffit » d'avoir. Né à Cognac le 9 novembre 1888 dans une famille entrée récemment dans la « civilisation du cognac », Jean Monnet renonce à 16 ans à passer la seconde partie du baccalauréat et obtient de son père l'autorisation de séjourner deux ans à Londres dans une famille de négociants nommée… Chaplin 2. Il apprend l'anglais et le commerce, puis part à 18 ans au Canada, y signant des contrats très importants pour le cognac Monnet, puis aux États-Unis, l'Angleterre à nouveau, la Scandinavie, la Russie et l'Égypte. Toute sa vie Monnet gardera le goût des voyages ; par contre, Monnet sera toujours indifférent aux richesses touristiques et culturelles… À la Belle Époque, c'est lui qui, de loin et de facto, dirige la maison de Cognac Monnet, en difficultés comme ses consœurs à cause de l'énormité des stocks.

En juillet 1914, Jean Monnet ne fait pas la guerre car il a été réformé pour raisons de santé. Cela lui sera reproché plus tard, au moment de la CED. Il plaide tout de suite auprès du président du Conseil Viviani et du ministre de la Guerre Millerand la coopération maritime et commerciale entre la France et la Grande-Bretagne ; il est aussitôt chargé d'une mission à Londres. Il croise la route d'Étienne Clémentel, ministre du Commerce pendant l'essentiel de la Grande Guerre et apôtre de la coopération internationale. Clémentel en fait en 1915 son collaborateur à Londres, avec le titre de représentant de la France dans les Comités exécutifs interalliés (Allied Executive Councils) créés pour la répartition des ressources communes (le premier : le Wheat Executive Council), où les États-Unis entreront en 1917, mais qui ne fonctionnent effectivement que petit à petit. Jean Monnet y prend de plus en plus d'importance, envoyant de véritables injonctions au commissaire français à New York, un certain André Tardieu.

La guerre finie, Jean Monnet partage son temps entre Paris et Londres, où il est appelé à liquider les structures dont il a eu la charge durant les hostilités et qui sont devenues maintenant inutiles. Dès 1919, il accède au poste de secrétaire général adjoint de la SDN (le secrétaire général est Sir Eric Drummond), mais il n'aperçoit nullement les dangers du traité de Versailles. Comme dans tous les pays précédents, Jean Monnet noue à Genève de solides amitiés, comme avec le Polonais Ludwik Rajchman (1881-1965), inventeur du « droit d'ingérence » et futur fondateur de

1 Éric Roussel, Jean Monnet, Fayard, 1996, 1 008 p. ; Irwin M.Wall, « Jean Monnet, les États-Unis et le plan français », Vingtième Siècle. Revue d'Histoire, avril-juin 1991, pp. 3-21 ; Pascal Fontaine, Jean Monnet, l'inspirateur, Jacques Grancher éditeur, 1988, 178 p. ; Marcel Joly, Le mythe Jean Monnet. Contribution à une sociologie historique de la construction européenne, CNRS Éditions, 2008, 238 p.

l'UNICEF, caricaturé de façon ignoble par Céline, qui a été son subordonné, dans L'Église. En 1923, par envie de faire du neuf et prétextant les difficultés persistantes de la maison paternelle, Jean Monnet quitte la SDN, où il sera regretté.

En quelques années il rétablit l'équilibre financier du Cognac Monnet ; il commence une carrière de financier international, se lie avec John Foster Dulles, alors avocat et futur secrétaire d'État, et avec René Pleven ; il joue un rôle important dans la stabilisation monétaire de 1926 en France, dans celle de la monnaie polonaise, le zloty, dans celle de 1928 en Roumanie. Il perd beaucoup d'argent à cause de la crise de 1929 : il se fait prêter des sommes importantes par des amis (dont Dulles) et va se refaire dans la Chine du Guo Mindang et des financiers Soong (1933-1934). Pendant tout l'entre-deux-guerres, Jean Monnet ne prend aucune part aux premières tentatives d'unification européenne. En 1934, Jean Monnet parvient enfin à épouser la femme d’un homme d’affaires italien et le couple s'installe à New York où ils vont vivre pratiquement sans interruption jusqu'en 1944. Jean Monnet a des contacts au niveau le plus élevé, tant dans le secteur financier que dans la sphère politique (le New Deal et les Démocrates lui sont très sympathiques), prend l'habitude d'employer l'anglais comme langue de travail, même avec ses collaborateurs français : l'Inspirateur prend ses distances avec la vieille Europe et gagne une réputation de « banquier américain » aux yeux de ses détracteurs. Il continue néanmoins à suivre les affaires françaises, il n'est nullement hostile au Front populaire. À la fin de l’année 1938, la vie de Jean Monnet bifurque de nouveau et cette fois de manière définitive vers les affaires publiques. Officieusement puis officiellement, Monnet est chargé d’une affaire d'achat d'avions américains par la France et il porte en avril 1939 une lettre de Daladier à Roosevelt.

Dès le 3 septembre 1939, il écrit à Daladier une note sur l'urgence de la création d'organismes communs à la France et à la Grande-Bretagne, type de l’institution pour lequel Monnet est précieux en raison de son expérience, de sa capacité à anticiper et de ses relations, alors que les conservateurs sont peu connus des dirigeants français. En décembre 1939, Jean Monnet s'installe à Londres pour diriger la coopération, secondé par René Pleven ; petit à petit germe dans son esprit le projet d'une union entre les deux pays, seul moyen d'avoir l'aide massive des États- Unis, et il n'est pas le seul à avoir l'idée. À court terme il réussit à accélérer les fournitures de matériel aéronautique par les États-Unis. Le 20 mai 1940, Jean Monnet envoie une note sur l'union à Paul Reynaud et Churchill, qu'il rencontre ensuite, en vain (et de Gaulle reprochera toujours le projet à Jean Monnet). Une rencontre avec de Gaulle inaugure trois décennies d'incompréhensions et de heurts : l'internationalisme pragmatique de l'un contre le nationalisme mystique de l'autre, malgré le commun refus de la défaite et l'espoir commun. Monnet ne voit pas la possibilité de travailler à Londres aux côtés de De Gaulle, mais il veut poursuivre la lutte dans un autre cadre, qui ne peut être que les États-Unis, en se tenant à distance des milieux français liés au gouvernement de Vichy. Jean Monnet est de très loin l'un des inspirateurs de la loi du prêt-bail, de la formule « l'arsenal des démocraties », du Victory Program ; il rencontre souvent Harry Hopkins, l'éminence grise de Roosevelt,

favorise un peu la tâche de la France libre, mais il se méfie de De Gaulle en qui il voit un émule de Boulanger. C'est à titre d'envoyé du président des États-Unis qu'il arrive à Alger en février 1943. Son interlocuteur britannique est Harold Macmillan, avec qui des liens d'amitié se nouent. À Alger, Jean Monnet mène de multiples négociations, avec les Américains, les Anglais, Giraud, de Gaulle… Le grand échec : le violent refus de Giraud de remettre en vigueur le décret Crémieux, i.e. de redonner aux juifs d'Algérie la citoyenneté française. Il entre au CFLN (Comité français de Libération nationale, il est chargé de l'armement), cesse d'être l'envoyé personnel de Roosevelt et ce n'est que le 21 octobre 1943 que le décret Crémieux est remis en vigueur. Le grand problème est qu'aux yeux des gaullistes il sera toujours l'homme des Américains ; il ne peut donc jouer de rôle dans le rapprochement Giraud-de Gaulle.

Comme chaque fois que Jean Monnet est bloqué, il se tourne vers autre chose. Lui, qui en 1940, i.e. tard, a commencé à réfléchir à l'unification européenne, continue à Alger, avec l'aide de certains collaborateurs : Étienne Hirsch 1, Hervé Alphand (1907-1994), René Mayer (voir plus loin), Robert Marjolin (voir plus loin). Ils élaborent à Alger à l'été 1943 la philosophie générale de ce qui sera en 1950 le plan Schuman. Les questions d'armement finissent par lasser Jean Monnet : toujours il sera l'homme des commencements, vite ennuyé par la gestion ! Il demande à passer au sein du CFLN aux approvisionnements civils, en liaison avec l'UNRRA américaine (United Nations Relief and Rehabilitation Administration), ce qui est fait en novembre 1943. Il quitte donc Alger pour les États-Unis, retrouve famille et amis et défend en vain la nécessité d'une administration française indépendante pour gérer l'aide américaine. C'est là qu'on mesure les limites du personnage, très introduit dans les milieux dirigeants américains mais incapable de les faire évoluer sur un point essentiel, comme de faire reconnaître le GPRF par les États-Unis avant le 23 octobre 1944, deux mois après la libération de Paris. Monnet travaille beaucoup en matière d'approvisionnements, le problème est qu'il est subordonné au ministre de l'Économie, un Mendès France avec lequel il s'entendra toujours mal, et il ne parvient pas à vraiment comprendre pourquoi. À Washington, Jean Monnet s'est constitué une nouvelle équipe dans laquelle il y a le tout jeune Félix Gaillard, qui deviendra en 1957 l'un des plus jeunes chefs (radical) de gouvernements de l'histoire de la République (voir plus loin).

En septembre 1944, Jean Monnet retrouve la France, a très vite l’idée d'un plan de développement, capable de séduire les Américains. De Gaulle crée à son instigation et pour lui le Commissariat général au Plan (21 décembre 1945), en refusant à Mendès d'inclure la planification dans son ministère et d'y nommer son ami Georges Boris. Monnet entame cette nouvelle tâche avec pragmatisme : remédier aux défauts de structure du pays, le moderniser, établir des priorités, retrouver les idées émises depuis 1919 en matière de « plan » et les trier, prévoir à long terme, être incitatif et non directif. Une première note est remise en décembre 1945 à de Gaulle, acceptée aussitôt, juste avant sa démission donc. Le « Plan » est donc institué (le 3

janvier 1946), contresigné par neuf ministres, appartenant à quatre partis, dont le PC, rattaché directement à la présidence du Conseil, ce qu'il sera jusqu'à son rattachement aux Finances en 1954 par… Mendès France. Pour le travail d’élaboration, Monnet a été épaulé par des commissions (patronat, syndicats, etc.). Le plan « de modernisation et d'équipement » est présenté seulement en novembre 1946 : il s'étend sur quatre ans, embrasse l’ensemble de la production française, mais l’idée même de planification pour moderniser découle de la volonté d'obtenir l'aide financière des États-Unis, alors que la France s’oppose aux États-Unis à propos de l’Allemagne. Le coup de génie est de faire une planification acceptable d’un point de vue politique (intérieure et extérieure) et qui permette la relance d’une économie capitaliste : un néo-capitalisme, d’ailleurs acceptable à court terme par le Parti communiste français ! Le plan est donc fort consensuel ! Les buts sont produire et moderniser, conception purement conjoncturelle, dépasser de 25 % en 1950 la production record de 1929. Sont nécessaires cinq conditions : obtenir du charbon, améliorer les transports, encourager l’immigration, abaisser les coûts de production, obtenir l’aide financière étrangère. Le plan a été présenté aux Américains lors d'un voyage Monnet-Blum aux États-Unis. Les principaux collaborateurs de Jean Monnet au Plan sont Félix Gaillard, Paul Delouvrier, Alfred Sauvy, Jean Fourastié et François Fontaine. Le commissariat négocie avec la CGT (fureur de la CFTC !), le CNPF (hostile…), fixe la durée à quatre ans (mais le terme sera porté à 1952 pour coïncider avec la fin du plan Marshall) et fait primer la modernisation sur la reconstruction.

Cette année 1946, pour la première fois de sa vie, Jean Monnet est sous les feux de la rampe en France : nombreuses interviews pour un homme aux allures de Français moyen de l'entre-deux-guerres (avant Pinay), internationaliste, travailleur acharné, exigeant une disponibilité totale de ses collaborateurs, capable de beaucoup de concentration, mais lisant très peu, peu soucieux de culture, agnostique, admirateur de Léon Blum et paraît-il électeur régulier de la SFIO sous la IVe République. Il s'installe en 1945 à Houjarray, commune de Bazoches-sur-Guyonne, à l'ouest de la forêt de Rambouillet (près de Montfort-l'Amaury). Il y est bientôt le voisin de Pierre Viansson-Ponté (du Monde, depuis 1958) et de… Brigitte Bardot. C'est là qu'il habitera jusqu'à sa mort et que sera fondée, après rachat par le parlement européen, une « Maison Jean Monnet », gérée par l’Association Jean Monnet.

Le « plan Monnet » lancé, Jean Monnet se tourne à nouveau vers ses projets européens, relancés par le principe du plan Marshall : « Aide-toi, le Ciel t'aidera » et par le remplacement au quai d'Orsay de Bidault par Robert Schuman, qui devait y rester jusqu'au 8 janvier 1953. Absorbé par ses tâches au Plan, Jean Monnet n’a pas participé aux premières tentatives d’unification européenne, qui aboutissent au Congrès de La Haye en mai 1948. Depuis qu’il en a fixé le schéma à Alger en 1943, il croit à la nécessité de l’union, seul moyen, à ses yeux, de contrebalancer la puissance du « protecteur américain », mais il se méfie des idées vagues et, marqué par l’échec de la SDN, il juge indispensable de partir sur des bases institutionnelles solides. Pour lui, il faut être à la fois pragmatique et ambitieux : attaquer les souverainetés

nationales sur un point limité mais décisif. Au début de 1950, il juge venu le temps d’intervenir. La méthode du plan Schuman de 1950 proposant la CECA (Communauté européenne du Charbon et de l’Acier) va apporter une réponse spectaculaire à la problématique du processus décisionnel : le stade des seuls organismes intergouvernementaux va être dépassé, la préférence sera donnée à la méthode fonctionnelle (ou institutionnelle) sur la méthode fédéraliste (ou constitutionnaliste), qui aurait conduit à l'élection au suffrage universel direct d'une assemblée constituante européenne. Ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Georges Bidault, catholique, député MRP de la Moselle de 1945 à 1962, plusieurs fois ministre des Affaires étrangères (1947-1953) et président du Conseil, Lorrain né en 1886 au Luxembourg, bilingue, Résistant après avoir voté les pleins pouvoirs à Pétain, Robert Schuman doit concilier la volonté américaine de redresser l'économie de l'Allemagne de l'Ouest pour faire face aux Soviétiques, le désir de la RFA de jouer un rôle et le souhait des Français d'empêcher la reconstitution d'une force économique allemande nationaliste et revancharde. États-Unis et Grande-Bretagne confient en 1949 à la France l'initiative en ce qui concerne l'Allemagne, avec une date-butoir, celle du 12 mai 1950 (cf. la formule de Schuman, souvent répétée, « Que faire avec l'Allemagne ? », en fait une transposition de la formule de l’hebdomadaire communiste d’Alger Liberté en date du 4 novembre 1943). Or, Adenauer propose le 9 mars 1950… une union franco-allemande, initiative symbolique que le gouvernement français reçoit fort mal. Il faut pour la France faire vite pour éviter que l'Allemagne ne se réinstalle autrement dans le concert des nations, ce qu'elle peut faire de toute façon. Schuman est conseillé par Jean Monnet, qui a d'abord pensé à une Europe économique à base franco-britannique et se tourne maintenant vers une base franco- allemande et rédige un plan, que Schuman endosse. Il consulte secrètement Adenauer, qui accepte avec enthousiasme, puis fait une déclaration solennelle le 9 mai 1950 au Quai d'Orsay, devant les ambassadeurs des pays d'Europe occidentale puis la presse, en présence de Jean Monnet, consécration de sa longue réflexion, engagée à Alger en 1943. Elle se place sous le signe de la paix, sous celui de la nécessaire réconciliation franco-allemande, évoque le plan Briand, propose « un point limité mais décisif », « première étape de la Fédération européenne » (l’expression y est deux fois) et surtout engage la nouvelle RFA et les autres pays européens à mettre en commun leurs productions de charbon et d'acier. Voici que soudain Jean Monnet et Robert Schuman font à Adenauer une offre incroyable qui, spectaculairement, réintroduit l'Allemagne dans le camp des nations fréquentables : Monnet y gagne en Allemagne un prestige considérable, sauf auprès de l'ultralibéral ministre Ludwig Erhard, mais Monnet sera toujours appuyé par Adenauer et Willy Brandt. Bien sûr les communistes français et les gaullistes sont hostiles, mais l'accueil de la presse est très favorable.

Robert Schuman laisse carte blanche à Jean Monnet pour la mise en œuvre du plan du « Pool Charbon-Acier ». En même temps que celui-ci, il va faire naître la Communauté européenne de Défense (CED), ici encore à la suite d'une initiative américaine qui prend de cours Robert Schuman et ne « laisse guère de choix » à la

France (Jean Monnet dixit), ce qui fait de Monnet l'homme-orchestre de la politique française à l'automne 1950. Le traité instituant la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) est signé le 18 avril 1951. La paternité de Jean Monnet est l'une des raisons de l'ire de De Gaulle (« le méli-mélo du charbon et de l'acier » !), secondé avec violence par Michel Debré. En plus, Monnet est porté à la présidence de la Haute Autorité de la CECA, qui siège à Luxembourg. Le Plan Pleven (24 octobre 1950) est présenté à l'Assemblée nationale française, reprenant une idée de W.Churchill et largement un document de Jean Monnet, il propose d’intégrer les armées nationales dans une organisation supranationale, de façon à éviter la renaissance d'une armée allemande indépendante. Le projet de traité instituant la CED est publié le 1er février 1952, il est moins supranational que ne le voulait Monnet. Le Traité de Paris (27 mai 1952), signé par les 6, la Grande-Bretagne se liant à la CED par un accord particulier, institue une CED, avec un budget commun, une intégration, un ministère et un état-major communs, une quarantaine de divisions sous uniforme européen. La CECA est indépendante et supranationale : « les six » transfèrent pour cinquante ans leur souveraineté dans le domaine du charbon, du minerai de fer, des ferrailles et de l'acier à une institution communautaire indépendante chargée d'assurer une croissance régulière des productions, une libre circulation, une concurrence loyale et une amélioration du niveau social. La Haute Autorité est l’organe principal de la CECA, elle siège à Luxembourg.

Dans les années 1950, Jean Monnet va aux États-Unis au moins une fois par an. Il est depuis longtemps l'ami du secrétaire d'État (1953-1959) John Foster Dulles, mais il refuse d'intégrer l'unification européenne, à base économique, dans le contexte du containment. À Luxembourg, il continue son rythme de travail habituel, pour lui et ses collaborateurs. Il utilise le crédit dont il dispose aux États-Unis pour y obtenir des prêts très intéressants pour la CECA. Il réussit à donner une couleur sociale à la CECA. L'échec de la CED, malgré les interventions discrètes de Jean Monnet, condamnées par l'anathème « l'Inspirateur » lors de la conférence de presse de De Gaulle à Paris le 12 novembre 1953, vilipendées avec une rage extraordinaire par Michel Debré, porte un coup sévère à la construction européenne. Jean Monnet, comme toujours, quitte l'œuvre, la CECA cette fois-ci, une fois sur les rails, à l'expiration de son mandat, le 20 février 1955, départ accueilli avec satisfaction par Paris et Londres, avec consternation en Allemagne et en Belgique.

Mais bien qu'il ait 67 ans, il n'entend pas prendre sa retraite : il pense à un marché commun (à long terme) et à une communauté nucléaire (rapidement), c'est la « relance européenne » : conférence de Messine, constitution par Jean Monnet d'un Comité d'Action pour les États-Unis d'Europe (1955), organisme privé présidé par lui et dont tous les membres sont nommés par lui, avec Guy Mollet, René Pleven et d’autres pour la France… Pendant vingt ans, le Comité constituera un instrument d’influence très efficace, dont le rôle dans la poursuite du processus d’unification européenne sera déterminant. Jean Monnet se consacre à fond au travail de lobbying du Comité, qui siège à Paris et Lausanne (les archives Jean Monnet sont dans cette

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