• Aucun résultat trouvé

M. Garon: M. le Président, c ’est avec un grand plaisir que je participe au débat restreint suite au dépôt du rapport de la commission de la culture à l’Assemblée nationale le 27 mai dernier, ce rapport final sur les enjeux du développement de l’inforoute québécoise. Le rapport, intitulé Inforoute, culture et démocratie: enjeux pour le Québec, contient 47 recommandations adressées au gouvernement. Le rapport a été endossé unanimement par les membres de la commission, indistinctement des partis, tant du parti de l’opposition officielle que les députés ministériels.

Rappelons que, dans le cadre de ce mandat d’ini­

tiative adopté le 2 février 1995, ça veut dire près de deux ans et trois mois plus tard, la commission de la culture a publié en juin 1996 un document de consulta­

tion qui posait une centaine de questions sur les 11

grands enjeux qui avaient été identifiés. La commission a reçu en réponse 76 mémoires, dont 69 ont été présen­

tés lors d ’auditions publiques tenues à l’Assemblée nationale du 1er au 31 octobre dernier.

Les membres de la commission ont ainsi offert un forum privilégié pour tenir un important débat de société et osent croire que les mémoires de qualité présentés à la commission ainsi que ce rapport sauront inspirer l’en­

semble des intervenants, dont le gouvernement, qui pré­

pare présentement une stratégie d ’ensemble. Celle-ci doit être dévoilée prochainement, et la commission croit qu’elle sera l’une des pierres angulaires du développe­

ment culturel, social et économique du Québec à l’aube des années 2000, c ’est-à-dire que c’est un débat qui est vraiment de notre temps.

(15 h 10) •

Les recommandations de la commission sont re­

groupées dans quatre grands chapitres qui portent sur, premièrement, les enjeux linguistiques et culturels, deuxièmement, les enjeux démocratiques, troisièmement, les champs d’application privilégiés, quatrièmement, les acteurs.

Les enjeux linguistiques et culturels. Il faut souli­

gner ici que, tout au long de ce mandat, les membres de la commission ont accordé une attention particulière aux enjeux culturels et linguistiques, ce qui se reflète claire­

ment dans le rapport final. Les membres en viennent notamment à la conclusion, comme l’ensemble des per­

sonnes consultées, que l’inforoute constitue bien plus une occasion à saisir qu’une menace pour notre langue et notre culture, et ça, après de nombreuses discussions.

Ce n’est pas arrivé, une conclusion d’un coup sec, mais c’est le fruit d ’une cogitation ou de cogitations qui ont duré plus de deux ans.

Les membres recommandent au gouvernement de se donner les trois priorités suivantes dans le cadre d’une stratégie de promotion du français sur l’auto­

route de l’information: premièrement, accroître les contenus francophones de qualité par un ensemble de moyens, dont la mise en réseau de l’ensemble de l’information gouvernementale d’intérêt public;

deuxièmement, développer des outils informatisés de traitement de la langue et, troisièmement, mettre en place, notamment dans la francophonie, les alliances stratégiques favorables à la diversité linguistique, parce qu’il y aura diversité linguistique s’il y a des conte­

nus. Les gens ne pourront pas utiliser le réseau fran­

cophone s’il n’y a rien dedans. Alors, les contenus sont essentiels pour qu’il y ait une présence franco­

phone et qu’on s’habitue à utiliser des instruments du réseau francophone.

Concernant l’enjeu culturel, des recommandations sont formulées afm d’encourager la production d ’oeuvres québécoises numérisées et d’assurer une large diffusion aux produits culturels québécois. Concernant les droits d’auteur de la couronne, il est recommandé au gouver­

nement d’étudier la possibilité de renoncer à exiger des redevances pour la consultation sur l’inforoute des documents publics sur lesquels elle détient des droits

7244 Débats de l’Assemblée nationale 3 juin 1997 d’auteur, d’autant plus que les gens sont supposés être

au courant de ces documents-là. Ils doivent être accessi­

bles, et ça serait déjà une façon d’utiliser l’autoroute québécoise avec des contenus auxquels les gens ont besoin de se référer. Ça pourrait être un incitatif très important pour l’ensemble de la société québécoise d’utiliser la section francophone de l’inforoute.

Les enjeux démocratiques. L’importante ques­

tion de l’accessibilité fut au centre de nombreux mé­

moires. Les membres de la commission sont convain­

cus que le gouvernement peut jouer un rôle important pour faciliter l’accès de tous les citoyens aux services de l’inforoute, notamment par l’ouverture de points d ’accès dans divers lieux publics. Elle recommande toutefois de procéder graduellement à l'implantation des services gouvernementaux sur l’inforoute en effec­

tuant des projets-pilotes auprès de clientèles ciblées.

Les membres recommandent par ailleurs que tous les aspects liés à la protection de la vie privée et à la protection des renseignements personnels sur l’info­

route fassent l’objet d’un examen attentif par l’ensem­

ble des ministères et organismes publics en collabora­

tion avec la Commission d ’accès à l’information, le Protecteur du citoyen et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Il faudra évaluer non seulement les questions relatives à la circulation sécuritaire des renseignements personnels, mais aussi tout ce qui concerne la cueillette, la déten­

tion, la finalité des droits d ’accès et la modification de ces renseignements.

D’autres enjeux font également l’objet de recom­

mandations, tels le contrôle des contenus, la lutte à la criminalité, la protection du consommateur, l’utilisation de l’inforoute afin d ’accroître la solidarité au sein de la société et la qualité de la vie démocratique. Quand on parle de contrôle des contenus, il ne s’agit pas d’avoir un index ou un imprimatur, mais il s’agit simplement de ne pas considérer comme une fatalité qu’on puisse trou­

ver sur les inforoutes de la pornographie infantile ou des choses de cette nature, et qu’au contraire il est possible d’avoir des contrôles pour empêcher la diffusion de ces contenus.

Les champs d ’application privilégiés. Les enjeux dans les champs d ’application suivants... Quand on parlait d’enjeux démocratiques, également, il ne s’agit pas d ’avoir deux catégories de citoyens, des citoyens qui ont accès ou des citoyens qui n’ont pas accès — ce que la députée de Sherbrooke a appelé les inforiches et les infopauvres — il s’agit de donner l’accès à tous. Il n’y a pas de catégorie sociale dans l’accès à l’information, au savoir ou aux communications. Mais, par ailleurs, parce que l’accès est généralisé, il ne s’agit pas non plus que dans les écoles ou dans les bibliothèques publiques on donne un accès pour des matières qu’on ne voudrait pas être l’objet d’études par les enfants ou encore pour des contenus pornographiques qui ne sont pas vraiment d ’in­

térêt public.

Les champs d ’application privilégiés. Les enjeux dans les champs d’application suivants font l’objet de

recommandations: l’éducation, la santé, le travail, l’amé­

nagement du territoire et le développement régional.

Dans le secteur de l’éducation, la commission de la culture propose notamment les grandes orientations suivantes. Que le personnel enseignant à tous les niveaux reçoive une formation adéquate afin de pouvoir se servir des nouvelles technologies comme outil pédagogique d ’utilisation courante. C’est-à-dire que les professeurs sachent eux-mêmes comment se servir des nouvelles technologies, parce qu’ils ne pourront pas l’enseigner s’ils ne les connaissent pas. À ce point de vue là, on ne peut pas dire que les universités aient été une avant- garde; elle*, ont été plutôt une arrière-garde. Il faudrait actuellement, dans la formation des futurs maîtres, qu’on se mette à la page et qu’on fasse en sorte que les futurs professeurs soient au courant de ces technologies et soient capables de les enseigner correctement à leurs étudiants et, surtout, les connaissant, sachant aussi qu’il faut analyser ces instruments-là d ’un oeil critique, qu’on soit capable de décerner ce qui est bon ou ce qui n’est pas bon, parce que avoir trop d ’informations, ça peut être aussi pire que ne pas en avoir assez, que des outils pédagogiques soient créés et qu’on en vienne éventuelle­

ment à pouvoir les exporter, qu’en collaboration avec nos partenaires de la francophonie soit développé davan­

tage l’enseignement postsecondaire virtuel.

Danî le secteur de la santé, l’usage de la télémé­

decine doit être encouragé sur l’ensemble du territoire en favorisant notamment une régionalisation des servi­

ces. Il faut, par ailleurs, procéder à une révision du cadre juridique de la pratique médicale en regard du nouveau contexte créé par l’inforoute. Il ne s’agit pas, encore une fois, de dire: Oui, on pourra faire de la médecine à partir de Gaspé sachant que c’est un voeu pieux, que ça ne se fera jamais. Si on veut vraiment qu’il y ait des gens qui se concertent sur un territoire, bien, il fau. avoir une volonté de le faire pour que des spécialistes se retrouvent aussi dans les différentes ré­

gions. Enfin, il faut s'assurer qu’un débat public ait lieu avant l’introduction d’une cane-santé et que la question de la sauvegarde de la vie privée ne soit pas escamotée.

Concernant les enjeux dans le monde du travail, il faut établir un plan d’action en matière de formation de la main-d’oeuvre qui tienne compte du contexte des inforoutes. Il faut aussi procéder à une révision de nos lois afin, notamment, d’accorder une protection au nombre grandissant de travailleurs à domicile ou travail­

leurs autonomes. On recommande également d'expéri­

menter des projets-pilotes de télétravail dans la fonction publique.

Enfir, la commission de la culture souhaite que le gouvernement voie à ce que l’inforoute contribue au développement des régions, par exemple, en encoura­

geant des projets qui en émanent dans le cadre du Fonds de l’autoroute de l'information. Il faut, de plus, réfléchir à la possibilité de mettre Hydro-Québec à contribution pour assurer un meilleur accès aux régions dont les ré­

seaux de télécommunications ne sont pas encore dotés de fibre optique.

3 juin 1997 Débats de l’Assemblée nationale 7245 Le rôle de l’État. La commission de la culture

invite le gouvernement du Québec et l’Assemblée natio­

nale à accorder une attention prioritaire à ce dossier, à exercer un leadership stratégique et à présenter une vision d ’ensemble et une stratégie de développement de l’inforoute québécoise qui s’inspirent des orientations proposées dans notre rapport.

Les membres de la commission recommandent, entre autres, au gouvernement d’intégrer les nouvelles technologies de l’information et des communications dans sa stratégie de développement économique et tech­

nologique de l’ensemble des régions du Québec. Ils croient également qu’il faudra de plus en plus utiliser les inforoutes afin d’améliorer les services rendus à l’en­

semble des clientèles qu’il dessert. Ils recommandent enfin de s ’assurer que le financement du plan d’action proposé se fasse en collaboration avec le secteur privé.

Dans leur rapport Inforoute, culture et démocra­

tie: enjeux pour le Québec, les membres de la commis­

sion de la culture affirment que l’autoroute de l’informa­

tion est jalonnée de menaces et d’écueils, mais aussi de possibilités et d ’occasions qu’il faut absolument saisir.

Les membres ont acquis la conviction qu’il ne faut pas surestimer les effets à court terme des nouvelles techno­

logies. 11 ne faudrait pas sous-estimer non plus leur impact à long terme. En effet, nous n’assistons pas présentement à une simple évolution technologique, mais à une véritable révolution dont l’impact sur nos vies sera au moins aussi important que l’invention de l’imprimerie par Gutenberg vers 1440. Dans notre quotidien, l’auto­

route de l’information a déjà commencé à transformer nos façons de communiquer, d ’apprendre, de travailler, de nous divertir. Pour les membres de la commission de la culture, il n’en tient donc qu’à nous de développer les véhicules nous permettant d ’utiliser l'inforoute afin d’améliorer la qualité de vie des citoyens, de développer une économie plus concurrentielle.

(15 h 20) •

Concernant les enjeux linguistiques et culturels, toutes les personnes entendues lors de notre consultation conviennent qu’un défi énorme devra être relevé si nous souhaitons que notre langue et notre culture ne nous marginalisent pas. Mais, en définitive, les membres de la commission conviennent avec la majorité des interve­

nants que l’autoroute de l’information constitue bien plus une occasion à saisir qu'une menace pour notre langue et notre culture.

Sur le plan du développement économique et technologique, force est de constater que partout des entreprises de la nouvelle économie du savoir connais­

sent une croissance plus rapide que les autres secteurs de l’économie. Le Québec doit relever cet imponant défi qui consiste à bâtir une économie compétitive dans un contexte de mondialisation des marchés. Il faudra notam­

ment faire en sone que le Québec sorte gagnant de l'im- ponante mutation du monde du travail en cours actuelle­

ment en donnant la priorité à la formation d’une main- d ’oeuvre compétente. Par ailleurs, l’inforoute offre des possibilités extraordinaires dans plusieurs champs

d’application privilégiés; qu’on pense au système d’édu­

cation, télé-enseignement, au réseau de la santé, télémé­

decine, au monde au travail, télétravail et formation à distance, et au développement régional.

La commission croit qu’il faut être optimiste parce que le Québec dispose de nombreux atouts qui lui permettront de profiter au maximum des possibilités considérables qu’offre l’inforoute. Nous avons en effet une population scolarisée, une importante industrie des technologies de l’information et des communications, un secteur de recherche et développement en plein essor et une situation stratégique unique en ce que nous sommes membres de l’ALENA, la francophonie, le Common- wealth. Dans ce contexte, les membres de la commission de la culture sont d’avis que le gouvernement du Québec, en raison notamment de son immense pouvoir d’achat, doit exercer un leadership stratégique et présen­

ter une vision d ’ensemble et une stratégie de développe­

ment de l’inforoute québécoise.

Son rôle ne doit pas se limiter aux enjeux décrits plus haut, mais doit également porter sur les enjeux importants que la commission qualifie d ’enjeux démocra­

tiques: assurer l’accessibilité de l’ensemble des Québé­

cois dans toutes les régions et toutes les composantes de la société afin d’éviter que ne se crée un clivage entre inforiches et infopauvres; assurer le respect de la vie privée et préserver le lien de confiance entre le citoyen et l’État, combattant le spectre de «Big Brother»; pro­

mouvoir une inforoute qui respecte la dignité de la personne en contribuant, par exemple, à combattre la circulation dans Internet de contenus illicites et sociale­

ment inacceptables; promouvoir une inforoute qui contri­

bue à une plus grande solidarité entre les citoyens plutôt que l’isolement des personnes, avec les risques de phé­

nomènes sociaux susceptibles d'engendrer des coûts importants pour la société, tels que la cyberdépendance;

développer l’inforoute québécoise afin qu’elle permette une plus grande participation de l’ensemble des citoyens à la vie démocratique et non pas qu’elle devienne un outil additionnel d’influence pour les groupes les mieux nantis; utiliser cet outil afin d’améliorer la productivité et les services rendus par l’État tout en réalisant des économies de fonctionnement.

Tous les changements technologiques majeurs sont sources de mutations et d ’occasions à saisir. Il importe de bien s’y préparer en réfléchissant aux grands enjeux. C’est la contribution qu’ont voulu apporter les membres de la commission de la culture dans le cadre de ce mandat d ’initiative.

En terminant, M. le Président, je voudrais remer­

cier tous les membres de la commission, des deux par­

tis, le parti ministériel et le Parti libéral, de la collabora­

tion qu’ils ont apportée au travail, parce qu’on a parlé de 26 séances de travail, alors c’est un nombre considé­

rable de réunions pour arriver surtout dans une perspec­

tive de prospective, c’est-à-dire qu’on est en train d’éla­

borer des choses en envisageant l’avenir. Ce n’est pas toujours facile; ça a pris de nombreuses discussions entre les différents membres de la commission.

7246 Débats de l’Assemblée nationale 3 juin 1997 Enfin, je voudrais remercier ceux qui ont tra­

vaillé avec nous, notamment Mme Langevin et M.

Jolicoeur, qui ont travaillé avec nous pour la préparation de ce mémoire, parce que ça a été, encore là, au point de vue de la rédaction, un travail considérable, et je pense qu’aujourd’hui tout le monde est content que le rapport soit remis et que nous en soyons aux deux heu­

res de débat concernant la remise de ce rapport. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous re­

mercie, M. le député de Lévis. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.