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jeûne de protestation dans les institutions pénitentiaires genevoises

a) Diagnostic

s’alimenter suffisamment et qui associent cette démarche volontaire à une revendication ou une protestation. Exclure les états pathologiques nécessitant une prise en charge spécifique et éventuellement plus immédiate.

b) Communication avec le jeûneur

Assurez-vous que la compréhension mutuelle entre l’équipe médicale et soignante, et le détenu est optimale1.

Si nécessaire, obtenez le concours d’un interprète indépendant2.

c) Données relatives au jeûneur

Notez dans le dossier médical les données suivantes : identité du jeûneur, état civil et existence de proches qui pourraient être contactés en cas de nécessité, avec le consentement du patient, poids habituel anamnestique et actuel, signes vitaux et taille.

Identifiez les caractéristiques du jeûne de protestation3 :

Causes du jeûne (motif de protestation ou de revendication). Objectifs du jeûne de protestation.

Modalités du jeûne :

intensité (en particulier en ce qui concerne la consommation d’eau) date de début du jeûne et durée prévue (limitée ou illimitée)

étendue : déterminez s’il s’agit d’un jeûne individuel ou collectif. Identifiez le porte- parole désigné en cas de jeûne collectif. Assurez-vous, en vous entretenant en particulier avec chacun des jeûneurs, qu’aucun participant ne fait l’objet de mesures de coercition et que chacun peut prendre des décisions de manière individuelle4.

Recherchez des antécédents de jeûne de protestation (évolution et conséquences).

Identifiez les facteurs de risque5, qui permettront d’anticiper une évolution médicale plutôt

rapide du jeûne, tels que maladies chroniques, et/ou antécédents susceptibles de modifier ou influencer la prise en charge médicale (p.ex. diabète, insuffisance cardiaque, épilepsie, trouble gastrique) ; mentionner les patients mineurs et les femmes enceintes. Passez en revue les traitements médicamenteux indispensables et ceux associés à une dépendance (méthadone, anxiolytiques, etc.). Le jeûne absolu (grève de la soif) représente également un facteur de risque.

d) Soutien non médical du jeûneur

Recommandez que les aspects non médicaux du jeûne soient pris en charge par une personne de référence compétente (p.ex. l’avocat ou un représentant d’un groupe d’intérêts organisé)6.

Ceci clarifié, la prise en charge médicale du jeûneur peut devenir plus indépendante des motivations du jeûneur et du conflit avec le partenaire-cible.

Suggérez au détenu que cet intervenant soit si possible toujours présent lorsque le jeûneur est en contact avec le partenaire-cible ou les média. Convenir que cet intervenant prenne en charge les intérêts non médicaux du patient si ce dernier devait perdre sa capacité de discernement7.

1 JWF 1. ; Malte D 2.4. Les références citées tout au long des présentes recommandations se rapportent aux

recommandations de la Johannes Wier foundation (JWF), aux Déclaration de Malte et Tokyo de l’AMM, et à la loi genevoise K 1-80, avec le numéro de paragraphe ou d’article correspondant.

2 On rapporte à la prison de Champ-Dollon le cas d’un ressortissant étranger ne comprenant aucune

langue européenne et présentant un refus alimentaire apparemment non motivé. Il sera à plusieurs reprises réalimenté par sonde nasogastrique et perfusions au Quartier cellulaire psychiatrique, jusqu’à ce qu’une expertise psychiatrique effectuée dans une langue bien comprise par le patient conclue à l’absence de psychopathologie et mette le manque de revendications sur le compte d’une attitude culturelle et de la barrière linguistique[2, cas N°17].

3 JWF 3. 4 JWF 4. 5 JWF 8. 6 JWF 5. 7 JWF 6.

e) Information du jeûneur

En tant que médecin, informez le patient1 quant aux conséquences psychiques et physiques

d’un jeûne, et ce dès que possible et pas plus tard qu’au troisième jour, voire dès le premier jour en cas de jeûne absolu (grève de la soif). Si le médecin responsable est absent, l’équipe médicale doit prévenir le médecin remplaçant, en particulier en présence de facteurs de risque ou d’un jeûne absolu2. A moins que le patient ne s’y oppose, informez sa famille de la

démarche qu’il a entreprise3.

En présence de facteurs de risque d’ordre médical, le patient sera informé des risques spécifiques qu’il court4.

Soulignez l’importance d’un apport en liquides suffisant (2 l/j)5. Proposer des apports

minimaux évitant une altération rapide de l’état de santé et/ou des complications brutales (apports en eau suffisants, préparations multivitaminées).

Soulignez l’importance d’un suivi régulier par l’équipe médicale et convenez des modalités avec le patient. Vérifiez si le patient accepte ce suivi, en particulier l’examen physique, les examens paracliniques, le cas échéant l’administration de médicaments et de vitamines6.

f) Autres aspects médico-légaux

Le patient ayant été correctement informé, évaluez sa capacité de discernement, concernant le jeûne de protestation, dès la première consultation. Consignez votre évaluation dans le dossier médical.

Convenez dès que possible des traitements que le patient accepte en prévision d’éventuelles complications ou de la survenue d’un coma. Demandez en particulier s’il accepte des mesures de réhydratation parentérale, voire de réalimentation parentérale indiquées par son état de santé. De préférence, consignez ces préférences dans le dossier7.

Si le patient indique qu’il n’acceptera pas d’alimentation artificielle ou quelque traitement que ce soit tant que ses buts n’auront pas été atteints, faites réévaluer la capacité de discernement par un collègue8, de préférence le médecin responsable du service. Proposez

un suivi de soutien par le psychiatre à tous les patients admis au Quartier Cellulaire Hospitalier.

Assurez une évaluation régulière de la capacité de discernement, le diagnostic et le traitement adéquat des comorbidités psychiatriques, et le soutien du jeûneur en cas d’échec de la démarche revendicatrice ; en cas de besoin, sollicitez une consultation spécialisée par un psychiatre.

Si l’évolution attendue du jeûne est plutôt rapide en raison des facteurs de risque associés, de l’évolution constatée, ou en cas d’admission au Quartier Cellulaire Hospitalier, proposez au patient de rédiger des directives anticipées (testament biologique)9 en notant que le secret

professionnel s’applique à une telle déclaration et que le contenu ne pourra en être communiqué à des tiers qu’avec l’accord explicite du patient. Toutefois, ces directives anticipées étant rédigées en prévision d’une perte des facultés intellectuelles du patient, il va de soi que leur contenu peut être divulgué par le médecin responsable au moment adéquat, en particulier lorsque le patient sera dans le coma. C’est la condition nécessaire pour respecter la volonté du patient explicitées dans ces directives10.

Assistez le patient dans la rédaction d’éventuelles directives anticipées11. Le contenu de telles

directives devrait être réévalué régulièrement auprès du patient pour en confirmer la validité et/ou pour permettre tout changement (p.ex. suite à une modification de la

1 Loi K 1-80 art 1 ; JWF 7. ; Malte D 2.4 ; Tokyo 5. 2 JWF 7. 3 Malte D 6. 4 JWF 8. 5 JWF 9. 6 JWF 9. ; Malte P 1.2. 7 JWF 10. 8 Tokyo 5.

9 Loi K 1-80 art. 5 al. 5. 10 JWF 10.

situation ou de la volonté du patient)1. Si un changement est demandé par le patient,

assurez-vous que la capacité de discernement est intacte et notez dans le dossier médical les modifications souhaitées.

Si l’état du patient le demande, pratiquez les manœuvres de réanimation et réalimentation nécessaires2. Si toutefois le patient a rempli une déclaration de non intervention médicale,

respectez ces directives anticipées3.

Bien que les conséquences d’un jeûne volontaire sur la santé d’un patient puissent être graves, abstenez-vous de toutes mesures coercitives visant à faire céder le patient dans sa démarche, pour autant que celui-ci soit correctement informé et capable de discernement4. En

particulier, n’adaptez les traitements habituels du patient qu’en fonction d’indications cliniques objectives, et non dans le but de décourager la poursuite du jeûne5.

S’il vous semble inacceptable de devoir respecter les éventuelles directives anticipées du patient, expliquez-lui que vous ne pouvez le prendre en charge en raison d’un conflit de conscience professionnelle, et remettez le aux soins d’un collègue6.

g) Suivi du jeûneur

Examinez le patient au moins une fois par semaine, en évaluant en particulier son état général7.

Les examens paracliniques dépendront de l’évolution clinique et des éventuelles comorbidités du patient avant le jeûne et de leurs complications8.

Tenez régulièrement à jour tant le dossier médical que les observations des infirmier(e)s9.

Si un jeûne de protestation dure plus d’une semaine, il est préférable d’en informer vos collègues (remplaçants et médecin de garde, médecins du Quartier cellulaire hospitalier)10.

Si le patient refuse d’être suivi par vous, confiez le aux soins d’un collègue11. Si le patient le

souhaite, il peut obtenir la visite d’un médecin exerçant en dehors de l’établissement pénitentiaire (p.ex. son médecin traitant habituel), conformément à la loi12. Ce médecin ne

pourra toutefois pas jouer pleinement un rôle de médecin de confiance, puisque a responsabilité finale des décisions médicales revient au médecin du service médical à la prison de Champ-Dollon ou du Quartier Cellulaire Hospitalier13.

h) Critères indiquant une hospitalisation

Il est important que la décision d’une hospitalisation se fasse en accord avec le patient. Dès lors, celle-ci devrait être envisagée à temps.

Les paramètres suivants peuvent être mesurés ambulatoirement et servir d’indicateurs à une hospitalisation :

- perte de poids supérieure à 10% du poids initial

- trouble de la conscience et/ou décompensation psychologique. - signes d’insuffisance cardiaque (dyspnée, œdèmes).

- signes de déshydratation importante, insuffisance rénale, hypotension orthostatique. - hypothermie (< 35.5°C)

- bradycardie importante (< 35/min) ou arythmie nouvelle. i) Prise en charge au terme d’un jeûne

Conseillez le patient dans sa réalimentation : petite portions fréquentes de nourriture facile à digérer ; prévoir des apports énergétiques d’env. 3000 kcal/j.

Faites le bilan du jeûne de protestation avec le patient. Répétez cette évaluation après une

1 JWF 11. ; Malte D 3. 2 Loi K 1-80 art. 5 al. 4.

3 Loi K 1-80 art. 5 al. 3. ; Tokyo 5. 4 Malte D 5. 5 Malte D 2.3 6 Malte P 4. 7 Malte 2.2. 8 JWF 12. 9 Malte D 2.1. 10 JWF 13. 11 Malte D 2.5. 12 Loi K 1-80 art. 3.

semaine p.ex. (suivant l’état psychique et les conséquences du jeûne).

2.

Recommandations de la Johannes Wier Foundation for health and