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Chapitre I : Enquête épistémologique

1.6 Jacques Bernoulli Le théorème limite

L’œuvre la plus célèbre de Bernoulli concernant la probabilité reste son livre intitulé

Ars Conjectandi (Bernoulli, 1713), ce texte posthume, paru grâce aux diligences de son neveu

qui finalement le porte chez l’éditeur.

Bien qu’il soit possible de télécharger quelques morceaux numérisés sur des sites de bibliothèques françaises, la quatrième partie, où Bernoulli développe sont théorème et s’exprime en termes de probabilité, ne se trouvait pas disponible sous format numérisé au moment dont nous effectuions la recherche, nous nous sommes procuré donc un exemplaire en anglais sur support papier.

Cet ouvrage comporte quatre parties, en la première partie, l’auteur s’intéresse aux jeux de hasard, en la deuxième, aux combinaisons et en la troisième il propose une suite d’exercices. C’est en la quatrième partie d’Ars Conjectandi que Bernoulli se consacre à la probabilité et à son théorème sur la convergence de la série, cette partie (« The use and applications of the

preceding donctring in civil, moral and economics matters »), comporte cinq chapitres.

Nous pourrions résumer cette cinquième partie comme une étant contribution principalement sur le plan mathématique. En effet, c’est là qu’est démontré le théorème fondamental de la limite. Sur ce théorème, l’épistémologue Ian Hacking (Hacking, 2002) explique l’approche de Bernoulli :

« Il part (…) d’in dispositif aléatoire permettant de réitérer des essaies. Il existe une chance et inconnue, p, de succès à une épreuve quelconque. Après n

essaies, on relève une proportion s de succès. Bernoulli prouve ce que l’on n

appelle maintenant la loi faible des grands nombres : la probabilité d’une série

de n termes pour laquelle psn tends vers 1 lorsque n tend vers l’infini.

De plus pour toute erreur donnée ε , il montre comment calculer un nombre n

tel que la probabilité que s se trouve dans l’intervalle [p- n ε ; p+ε ] dépasse

elle-même toute probabilité donnée 1−δ ».

Ce théorème constitue un pilier de la théorie de la probabilité, il se trouve dans un grand nombre d’ouvrages sur probabilité, nous n’en rentrerons pas en détails. Néanmoins, ce que semble assez peut repris de Bernoulli est sont approche sur la probabilité. Il commence la quatrième partie en précisant qu’il aurait, deux sortes de certitudes, une objective, l’autre subjective. A l’époque, la première signifiait « décidé par les dieux » (Hacking, 2002) ; la

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deuxième, la subjective, représenterait «the mesure of our knowledge concerning this truth »

(Bernoulli, 1713). En suite, il précise ce qu’il entend par probabilité (ibid, page 315):

« probability is degree of certainty, and differs from the latter as a part differs from the whole »

Il n’y a dans l’interprétation de cette définition, des doutes d’un possible anachronisme, toutes les sources épistémologiques nous l’ont confirmé, Bernoulli faisait du terme probabilité, un usage dual (Dale, 1999; Hacking, 1971; Shafer, 1996), même la traductrice de l’ouvrage, Edith Dudley Sylla, souligne dans ses notes finales l’approche épistémique d’ l’auteur (Bernoulli, 1713) :

« When the word probability is definied at the begining of Part IV, therefore, it introduce something new into the mix, namely a mathematics of probability in its epistemic sens (...) one thing ...is called more probable than another if it has a larger part of certainty (...)»

Pour ce qui concerne l’approche fréquentiste chez Bernoulli, cela peut être trouvé sans difficulté dans son travail sur la théorème limite, nous ne citerons pas ici ce qu’est largement répandu de l’auteur. Il y a donc dans les pensées de Bernoulli une alternation de signifiés, dans quelques paragraphes le terme probabilité signifie un degré de certitude, dans d’autres, la fréquence d’apparition d’un phénomène.

Du point de vue des aspects interprétatifs de la probabilité donc, nous confirmons chez Bernoulli, une dualité de signifié. Pour ce qui concerne les aspects calculatoires, nous observons la reprise de quelques exemples simples déjà abordés en La logique de Port Royal

(Nicole & Arnaud, 1662). En effet, Bernoulli, et de la même manière que Nicole et Arnaud, a cherché à préciser des critères rationnels pour agir devant l’incertain. Dans ce projet, la probabilité occupe pour Bernoulli, une place dominante (ibid, page 317):

« To conjecture about something is to mesure its probability. Therefore we defined the art of conjecture, or stochastics, as the art of measuring the probabilities of things as exactly as possible, to the end that, in our judgements and actions, we may always choose or follow that which has been found to be better, more satisfactory, safer, or more carefully considered ».

Dans son intérêt pour créer une doctrine pour agir rationnellement en affaires si divers (civiques, morales, et économiques), il considère des situations variées, quelques-unes

abordables à partir d’une approche fréquentiste, d’autres, à partir de l’approche bayésienne. Pour ces dernières, la nature épistémique du problème ne laisse pas de doute, il s’agit pour la probabilité de mesurer un degré de certitude de la véracité d’une proposition. Par exemple, Bernoulli s’intéresse à analyser de quelle manière peuvent interagir différents types d’arguments pour déterminer si Maevius a tué Titius (ibid, page 318), ou tel que l’ont fait les auteurs de La logique de Port Royal, si un acte est antidaté ou non.

Pour traiter ce genre d’affaires, Bernoulli propose de se baser en une mesure appelée probabilité. Pour l’évaluation ou quantification de cette mesure il propose deux grands moyens et les présente à travers deux exemples, chacun renvoyant à des critères différents d’évaluation. Le premier basé sur la proportion de cas favorables sur possibles, l’autre sur la fréquence d’apparition de phénomènes similaires.

Pour le premier, celui de la proportion de cas favorables et possibles, Bernoulli reprend l’exemple de La logique de Port Royal, celui de l’acte d’authenticité douteuse. Il propose une

évaluation basée en la proportion d’actes antidatés sur le total d’actes possibles (ibid page 322):

« It’s clear from the foregoing that any argument’s power of proof depends upon the number of cases in which the argument can exist or not exist, indicate or not indicate or event indicate the contrary (...)».

Nous appellerons ce raisonnement référenciation par des ensembles fini, en effet, pour évaluer combien croire en la fausseté d’un acte en particulier, la méthode consiste en chercher une référence, celle de l’ensemble auquel l’acte appartient, dans ce cas la référence est un ensemble fini (voir La référenciation).

L’autre critère d’évaluation est couramment connu comme principe fréquentiste, la question étant toujours épistémique, le critère d’évaluation d’une épreuve se base, cette fois-ci, sur la fréquence d’apparition du phénomène en question, dans ce cas se produit aussi une référenciation, mais à la différence du critère précédent, elle serait par un ensemble infini (ibid, page 327) :

«If for exemple, there once existed three hundred people of the same age and body type as Titius now has, and you observed that two hundred of them died before the end of the decade, while the rest lived longer, you could safely enough conclude that there are twice as many cases in which Titius also may

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die whithin a decade as there are cases in which he may live beyond a decade(...)».

Bernoulli, ne s’adresse pas en termes de référenciation, pour lui et dans cet ouvrage, ce critère n’est qu’un exemple pour introduire une notion centrale dans son théorème, elle concerne l’importance de la taille de l’échantillon dans l’étude de la convergence de la série. C’est nous, qui dans notre intérêt de déceler les approches de chacun des auteurs, retenons et caractérisons les différents concepts retrouvés dans les différents textes.

D’une manière très synthétique, nous venons de repérer l’usage dual de la probabilité dans l’ouvrage de Jacques Bernoulli, pour plus de détails des enjeux de cette dualité et de sa constante utilisation dans son théorème, nous renvoyons au lecteur au chapitre dix sept de l’ouvrage intitulé L’émergence de la probabilité (Hacking, 2002). ous continuerons avec un

auteur, dont sa principale contribution, aussi sur le plan mathématique, est célèbre pour semer les bases de l’inférence bayésienne.