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Chapitre I : Enquête épistémologique

1.5 Gottfried Leibniz Vers une probabilité logique

Parmi ses publications, nous retiendrons l’œuvre intitulée New essays concerning

human understanding (Leibniz, 1765), ce texte fut achevé en 1705 mais il n’est apparu qu’en

1765. L’organisation sous la forme d’un dialogue imaginaire entre deux personnages appelés Philalèthe et Théophile lui a permis de répondre à la publication de Locke Essais sur

l’entendement humain. Dans New essays, Philalèthe représente les idées de Locke et Théophile

celles de Leibniz.

Le discours de Leibniz, bien que parfois flou, est plus analytique et abstrait que celui de la

Logique de Port-Royal. Il tente de développer des concepts en cherchant un nouveau cadre

logique, une logique qui systématise et rationalise « our belief » (ibid., page 538). Dans cet ouvrage l’auteur manifeste son intérêt pour une probabilité au delà des jeux de hasard «(…)

the degrees of probability, we still lack that part of Logic (…)» (ibid., page 213).

Ce texte est particulièrement intéressant pour l’attention que l’auteur porte sur ce qu’à l’époque on appelait les aspects philosophiques de la probabilité. Dans cet ouvrage Leibniz cherche à expliquer l’importance de trouver des éléments tendant à valider certains procédés argumentatifs non déductifs ; pour cela il introduit la probabilité comme une mesure de crédibilité. Dans ce livre, Leibniz s’intéresse plutôt aux aspects sémantiques de la probabilité qu’aux calculatoires. Ces aspects sémantiques sont indispensables à la formulation d’une Logique pour rationaliser l’incertain, nous analyserons son approche interprétative de la probabilité.

Des contributions sémantiques

La logique qui intéresse Leibniz est basée sur une probabilité représentant un degré de certitude qui, en se différenciant clairement du probabilisme (ibid. page 419), soit conforme au constat des observations. Ian Hacking signale sa contribution conceptuelle ((Hacking, 2002), page 132):

«(…) Il n’apporta pas de contribution aux mathématiques de la probabilité, mais la conceptualisation qu’il en fit eut de fait un impact durable. La plupart de ses contemporains partaient de phénomènes aléatoires –les jeux de hasard, ou bien la mortalité- et, par un saut imaginatif, spéculaient sur un transfert de la doctrine de chances à d’autres cas d’inférence en contexte d’incertitude. Leibniz prit la probabilité numérique comme notion épistémique première. Les

degrés de probabilité sont des degrés de certitude. Ainsi il considérait que la doctrine de chances ne concerne pas les caractéristiques physiques des configurations des jeux, mais a trait à notre connaissance de ces configurations (…) ».

En effet, en comparant la probabilité épistémique avec la certitude, Leibniz y voit une nouvelle sorte de preuve (ibid, page 420):

«(…) [I] think that to these species of certitude or certain knowledge you can add the knowledge of the probable; thus there will be two sorts of knowledge as there are two sorts of proofs, the first of which produce certitude, and the second end only in probability(…)»

Il prenait comme contexte son expérience dans le champ judiciaire. L’attestation d’un témoin ne pouvait pas l’amener à la certitude, mais il affirmait que cette information ne devait en aucun cas être écartée, que quelque part ces témoins appuyaient la thèse en confirmant ou pas la véracité des faits. Son intérêt était de systématiser ce procédé. Pour cela il lui fallait une structure logique qui fonde les principes d’une telle démarche. Dans ce contexte la probabilité comblait une place vide permettant de modéliser la crédibilité.

Dans sa recherche pour établir avec précision dans quelle mesure une information pourrait être intégrée à la décision d’un jugement, il considérait que la probabilité était l’outil approprié. Même s’il lui manquait les formalismes appropriés il insistera sur les principes sémantiques d’une probabilité conditionnelle dans laquelle le conditionnant est une information attestée et l’argument sur lequel se probabilise une proposition, à évaluer. Son intérêt pour le rôle de témoins et d’évidences factuelles est reçurent tout au long de son ouvrage (ibid., pages 529, 538 et 539, (Hacking, 2002), page 133).

Leibniz est devenu une référence pour ceux qui au XXème siècle ont tenté de construire une théorie logique. Carnap (Carnap, 1947) et Keynes (Keynes, 1921) ont approfondit cette ligne de recherche, que nous ne ferons qu’évoquer (opportunément), vu notre intérêt pour les enjeux de la probabilité en statistique.

D’après Ian Hacking ((Hacking, 2002), page 173) c’est Leibniz même qui introduit l’usage de la formule de cas favorables et de cas possibles basée sur l’équipossibilité :

« (…) On croit souvent que l’origine de ce concept se trouve chez Laplace, aux alentours de la fin du dix-huitième siècle, alors que c’était un lieu commun dès

Chapitre I : Enquête épistémologique. Gottfrierd Leibniz

l’origine. Il est vrai que Laplace définit la probabilité comme le rapport du nombre de cas favorables sur celui du nombre total des cas également possibles, mais Leibniz faisait de même en 1678 (…) ».

Pour l’instant nous souhaitons retenir deux idées des textes de Leibniz: l’une est son intérêt en une nouvelle sorte de logique pour traiter l’incertain, et qui s’appuie sur l’interprétation bayésienne de la probabilité, l’autre concerne les critères d’évaluation numérique de la probabilité, en particulier ceux qui se basent sur les ensembles de référence pour une épreuve générique.

Une démarche d’évaluation qui à l’époque était justifiée par sa naturalité et qui est devenue progressivement un automatisme. Un de ces ensembles de références est utilisé dans la formule de cas favorables et de cas possibles, l’autre nous le verrons sera la fréquence d’apparition.