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En quoi l’appropriation peut elle être moteur ou frein de l’évolution d’un espace conçu à un espace vécu espéré ?

III. E SPACE V ÉCU E SPACE ESPÉRÉ DE K AYSIEVA G RADINA

II.3. A H ISTOIRE ET CONCEPTION DU QUARTIER DE K AYSIEVA G RADINA

C’est à partir de l’analyse des plans d’urbanisme de la ville, des plans de conception du quartier (1984) que j’ai en partie pu comprendre son fonctionne- ment. Lors de notre séjour à Varna, j’ai également eu la chance de rencontrer Alexandra Batcheva qui a été l’architecte-dessinatrice du quartier de Kaysieva Gradina.

La conception du quartier a été esquissée avec la municipalité de Varna. et l’architecte Batcheva qui gagne le concours du quartier en 1978. Du moins, à son départ, de nombreux projets étant en cours, l’architecte Batcheva sera vite seule à dessiner le projet de quartier.

A la fin des années 70, l’usine de fabrication de panneaux préfabriqués de Devnya est déjà en surproduction. L’usine produisait alors plus de panneaux que nécessaire sur les sites de construction. Alors que les stocks étaient inépui- sables de premières réticences et oppositions à l’emploi du préfabriqué se font sentir chez les architectes41.

Mais en 1980, le ministère émet une directive concernant l’utilisation des panneaux préfabriqués dont l’utilisation sera rendue obligatoire pour les constructions à l’écart des centres villes (une directive qui vient conforter les master plan de la ville). Ce que l’architecte nous confie avec un semblant de désarroi car à cette époque la profession est consciente de la médiocrité des matériaux et de l’inesthétisme des bâtiments engendrés. Cet inesthétisme en- suite renforcé par un entretien difficile. Elle est consciente également que ces matériaux seront employés loin de la ville centre, «far from eyes» loin des yeux.

Les ouvriers sont amenés de la campagne à la ville pour travailler dans l’usine de Devnya qui emploie alors plus de 200 000 ouvriers et construit des logements pour ses employés, sa force productive. L’on peut légitimement se poser la question de la pertinence du processus. Le quartier est construit pour

41 Propos recueillis auprès de l’architecte Alexandra Batcheva en avril 2015.

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Fig.51. Exemple de catalogue de typologies - « Etudes de cellules de différentes tailles »

Fig.52. Source - http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.fr/2012/04/urss-habitat-et-dom-kommuny.html

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répondre à une force ouvrière qui construira des panneaux déjà possédés en surnombre sur la ville.

Le quartier est construit sur d’anciens terrains agricoles. Étant quasi uni- quement voué à des ouvriers, pour l’architecte Batcheva, ce manque de diver- sité et le déplacement de toute une population moins éduquée vers un même quartier est également un des points qui conduira à la dégradation matérielle, déjà rendue inévitable par la qualité médiocre des matériaux et qui pourrait bien transformer ce quartier, en «slum» : bidonville.

La décision sera prise sur ce quartier de construire non pas une simple ville dortoir mais un quartier complet, avec des équipements, des aires de jeux d’enfant, des espaces verts, commerces, écoles, loisirs, tout le néces- saire pour la vie quotidienne.

Le quartier sera très dense, la demande faite par la ville est de dessiner un quartier où la densité de population avoisinera les 35 m²/hab. La ville de Varna à travers son règlement d’urbanisme principal autorise une densité allant de 35 à 50 m²/hab. Le quartier est construit à la limite de densité de population autorisée, ce qui permettra d’utiliser le surplus de panneaux préfabriqués déjà construits, nous confie l’architecte.

Les bâtiments se développeront sur 9 étages, le maximum autorisé par la réglementation de la ville.

Mais l’élément qui m’aura le plus marqué est le suivant - l’architecte n’a eu aucun droit de regard sur le dessin des bâtiments. L’ensemble des plans était dessiné par l’usine de préfabrication qui fournissait un catalogue de typologies. L’architecte positionnait ensuite les typologies sur le terrain en ayant pour obli- gation de respecter l’exigence de hauteur des bâtiments et la densité imposée pour ce quartier.

L’uniformisation et la standardisation est poussée à son paroxysme. Mais surtout, le détachement volontaire et provoqué de l’architecte par l’usine montre à quel point les objectifs de production des panneaux et de rentabilité étatique ont une répercussion directe et irréparable sur la qualité architecturale et la quali- té de vie de ses habitants. L’agencement spatial qui relevait pourtant d’une spé- cialisation (prônée longtemps comme pilier du développement économique) est reléguée derrière l’objectif étatique aveugle des répercussions qu’il engendre.

La question de l’espace conçu réinterroge la place du concepteur dans le processus, encore faut il définir ce concepteur. Ici le concepteur est un exécu- teur technique dont les enjeux ne correspondent pas à la recherche d’un cadre et d’une qualité de vie adéquate. Alors que le décalage d’intention est creusé

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Espaces verts

Espaces et Commerces liés à l’automobile Supermarchés et Boutiques

Services (Café, poste, pharmacie....) Centre commun

Ecole élémentaire

Centre culturel et loisirs (salle de cinéma, piscine, théâtre, salle de fitness)

L’ensemble des activités se concentrent autour des deux axes principaux du quartiers formant 4 zones distinctes. La «green line»

La «public line»

Les espaces reliés à la voiture (parkings communs, centre autos, lavages) sont pla- cés aux extrémités du quartier proche des routes principales bordant le quartier

Fig.53. Plan de Kaysieva Gradnia, retranscrit depuis un document original 1984 Analyse et Classification des services

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lorsque l’architecte construit parfois avec des oeillères, ici l’architecte place ce que l’industriel a conçu et impose un travail de dessinateur contraint par un conception technique désituée et par des enjeux urbanistiques voués à contenir une population aux limites des densités jugées correctes pour une certaine qua- lité de vie.

«The politic was not axed on quality but quantity»42

Nous allons maintenant regarder quelles sont les caractéristiques archi- tecturales, spatiales et urbaines de ce quartier en gardant à l’esprit le mode de conception dont il hérite.